Des mots murmurés dans l'ombre d'une chambre hermétique. L'impact des cordes sur la peau rythmait cette prière, tambour malsain qu'animait le bras même du Kaice. Il expirait à chaque impact, la sueur de l'effort se mêlant au sang versé. Il encaissait la douleur, tandis que les rayons matinaux perçant au travers des fenêtres closes chatouillaient un sourire naissant.
Chacun avait sa foi, et après une nuit aux antipodes des préceptes monacaux, le cénobite renouait avec eux par le prix du sang.

Tintement de phalanges sur le bois. Maho interrompit son rituel, ses yeux écarquillés sous la surprise, ses lèvres se contractant dans une moue craintive. Personne ne devait être là à cette heure ci. Faisait il plus de bruits que prévu ? Posant doucement le martinet ensanglanté sur des tissus noirâtre, il prit une profonde inspiration, et entrouvrît la porte.



Buste nu, en sueur, il affichait toutefois un léger sourire. A peine finit il sa phrase qu'il reconnut le fameux masque. L'Anbu ? L'étranger semblait imperméable à l'étrangeté de la situation. Une convocation fut transmise, et le voila disparût.
Redescendant lentement de sa transe, son cœur retrouvant un rythme normal, le moine ne put s'empêcher d'éclater de rire. Main posée sur son visage, ses jambes abandonnant leur poste, il se retrouva cul contre terre, s'esclaffant de cet imprévu.

Rappel à la réalité. Déjà il termina d'envelopper l'arme de torture, puis ouvrant un panier d'osier, il en sortit quelques onguents. Panser ses blessures, une brève toilette, et le voila sur la route.
Moine voguant au pas de course, habillé comme à l'accoutumé, il ajouta cette fois un épais Haori sur ses épaules, un simple manteau noué par une corde blanche, histoire de couvrir les bandages légèrement rougeâtre entourant son dos.
Bien entendu il avait enfilé son armure, ou plutôt les quelques plaques de métal lui servant de protection. Folklorique, c'était peut-être une insulte à l'apparat des samouraï, mais des plaque aux hanches et un protège bras étaient tout ce dont il avait besoin.



Après être entré à vive allure par la porte déjà ouverte, Maho perdit sa contenance. Un géant brûlant de rage, un bureau réduit en miette, le moine regarda tour à tour les différents participants, avant de reposer ses yeux sur le Kage. Pas de frayeur, mais certainement de l'inquiétude.
Quelques secondes plus tard néanmoins il s'inclina de nouveau, saluant ainsi les différents éléments. Se rapprochant d'Honoka, il posa amicalement sa main son épaule, un clin d'œil ravi exprimant la joie de la revoir. En temps normal il aurait été plus expressif, mais la situation ne s'y prêtait guère…

L'air qui entourait cette cité était glacé, mais convenait parfaitement au jeune homme. Après tout n'était-il pas l'enfant de l'hiver ? N'était-il pas né, au moment où la chaleur semblait s'envoler de ce monde, pour n'y revenir que quelques mois plus tard ? Certes il ne pouvait pas apprécier la beauté de ce monde, pas au sens le plus évident du terme, mais cette fraîcheur permettait de calmer ses ardeurs, de rafraîchir son corps brûlant sous l'effort, pour l'aider à durer un peu plus longtemps. C'était mieux ainsi, l'hiver lui allait bien mieux au teint.
Oh certes il aurait pu se cacher dans sa forge, se réfugier dans cette antre étouffante et suffocante jusqu'à la tombée de la nuit mais, cette fois-ci, il décida de déroger à sa règle, comme il l'avait fait plusieurs fois, durant les derniers jours. La raison de ce changement ? Hotaru. Elle et lui s'étaient rapprochés, c'était l'évidence-même, plus que cela n'avait été prévu de prime abord, mais ils ne s'étaient pas perdu dans cette relation naissante, pour autant. Elle avait ses propres buts, son propre sens du devoir et sa famille à protéger, tandis que lui visait le sommet pour lui, pour lui seul et ne ne s'en était jamais caché. Mais elle était restée en sachant tout cela, en sachant d'où il venait. Elle était restée à ses côtés, et les deux individus avaient trouvé en l'autre une source de motivation supplémentaire,  un moyen de se tirer vers le haut, lorsque les journées étaient trop longues et les nuits trop sombres.

Ils n'étaient pas uniquement des compagnons de vie, mais des individus de devoir avant tout. Et c'était pour continuer à l'être que Kyoshiro avait accepté de sortir, de jour, pour aller s'entraîner à l'endroit associé, contre ses plus fermes habitudes. Quelques concessions n'étaient-elles pas nécessaires, sur le chemin de la grandeur ? Cela faisait donc plusieurs minutes, ou plusieurs heures que les deux individus dansaient, s'avançant et reculant au rythme de leurs passes d'armes, démontrant une coordination et une compréhension  mutuelle évidente, jusqu'à ce qu'un individu ne vienne troubler leur exercice matinal. Voilà pourquoi le Tadake n'aimait pas sortir en plein jour. Il fut sur le point d'envoyer chier le nouvel arrivé, juste avant que ce dernier ne révèle la raison de sa présence, sans traîner.



Pas besoin d'en dire plus, car une seule personne dans tout ce village pouvait envoyer un messager, pour convoquer deux guerriers, de la sorte. La dernière fois qu'il avait été convoqué, Kyoshiro avait reçu un cadeau, mais l'aspect urgent de cette convocation lui faisait comprendre que cela allait être différent, aujourd'hui. Hochant la tête, incitant le messager à retourner d'où il venait, le jeune homme afficha un sourire amusé, en lançant une pique à Hotaru, d'un :



Oh oui il pouvait faire des plaisanteries de ce type, surtout avec elle. Bien sur que oui ! C'était ainsi que fonctionnait le duo, en tout cas. Sans attendre, le jeune homme coinçant son katana et son wakizashi dans sa ceinture, avant de poser une longue veste sur ses épaules. Sous cette veste, les pièces de son armure avaient été apposées sur son corps colossal et, dans sa main gauche, le jeune homme tenait fermement le fourreau d'une lame, entourée de bandages, comme pour masquer son identité. Cette lame démoniaque était son cadeau, son atout qu'il n'avait encore dévoilé à quiconque, mis à part au fils de son ancien propriétaire. Hotaru savait ce que cachaient ces bandages, certes, mais ne l'avait encore jamais vu de ses propres yeux.
Sans attendre, le duo gravit donc les marches jusqu'au bureau du géant des montagnes et, en arrivant, se rappelant de la configuration des lieux, sentit immédiatement que le bureau du Kage n'était pas dans le même état que la dernière fois. Un sourire léger à ses lèvres, fidèle à lui-même, le colosse pénétra donc dans la pièce, saluant son chef d'un hochement de tête respectueux, avant de briser le silence d'un :



Ce ne serait pas son genre d'arriver et se présenter poliment, sans un mot plusn haut que l'autre. Son arrogance faisait sa force alors, conscient qu'il ne s'était pas encore présenté ou annoncé, il fit un geste de la main en direction du reste de l'assistance, et des deux qu'il connaissait déjà, avant de conclure d'un :



Et une blague sur sa cécité, une.

De s’entraîner avec son équipier aveugle n’était plus chose rare. Enfin, il n’était pas que son équipier en réalité, les deux le savaient. Et, si tous deux étaient bien au fait de ce qu’il y avait entre eux, ils dansaient quelque peu maladroitement autour de cette relation naissante. Le temps qu’ils passassent en la compagnie de l’autre ne faisaient qu’augmenter en fréquence et en durée.

Ils partageaient cette passion de l’entraînement et de se pousser à leurs limites, de le repousser toujours un peu plus loin. Addictes à la performance et aux résultats, ce n’était donc pas rare de les voir sur les plateformes d’entraînement à échanger des coups et cette journée-là commençait comme tellement d’autre depuis quelques temps. Ils avaient commencé cette petite routine depuis quelques temps déjà et la jeune femme voyait les progrès qu’elle faisait depuis. C’était enivrant d’avoir enfin trouver quelqu’un qui voulait la suivre.

Mais la petite séance qui se voulait des plus banale fut interrompue. On les attendait d’urgence. Rangeant son arme dans son fourreau, la jeune femme hocha la tête en direction de l’envoyé. Le ton de la convocation n’évoquait rien de bien. Quelque chose de sérieux se tramait. C’était flatteur d’avoir été choisie pour en faire part, peu importe ce qui se passait.



Puis, évidemment, Kyoshiro rebondit sur la situation pour lui offrir une de ses piques, un peu plus salaces, en revanche, que ce qu’il avait l’habitude. Un sourire narquois naquit sur le visage de la samourai alors qu’elle se retournait vers lui, une réponse déjà toute faite sur les lèvres.



Son ton était amusé, malgré la tension qui s’installait au creux de son estomac. Cette tension n’était ni peur ni couardise, mais la reconnaissance d’une situation qui se voulait sérieuse qui pourrait évoluer n’importe comment. Un danger qui planait, qui lui hérissait les poils des bras, un danger qui la faisait trépigner. Elle avait hâte.

Son intuition fut confirmée lorsqu’elle arriva dans le bureau du kage. Toute son équipe était là … plus deux visages qu’elle ne connaissait pas. Ça n’annonçait rien de bon pour le village. C’était fort probablement une crise, mais l’aventure sous-entendue par cette rencontre …

Elle était entrée la dernière et lorsque la salutation arrogante de son compagnon retentie, elle retint un petit rire. Ce n’était pas le temps, si l'état du bureau et la colère du kage était un indication.



Le ton était joueur, mais Hotaru posa son regard sérieux sur le kage et s’inclina poliment en guise de salutation à son égard.