Assis en tailleur à même le sol, à l'ombre d'un arbre qui me protégeait de la chaleur... Même si Seizan était, comme les autres, soumis à l'hiver qui s'achevait, la hauteur nous rapprochait de l'astre solaire et je pouvais témoigner que je grillais sur place. Évidemment, s'entraîner aux alentours de midi n'était jamais une bonne idée mais j'avais bien trop dormi la nuit d'avant... Il me fallait être bien reposé car approchait une mission importante ! Ainsi, ma routine s'était un peu retardée, mais restait toujours la même :

D'abord, réveil musculaire, en enchaînant les katas autour de mon katana, je pouvais passer bien une demi-heure à répéter lentement les mouvements appris depuis mon enfance. Multiplier les arcs de cercle, les coups latéraux et verticaux, les jambes à moitié pliées puis en extension vers l'avant ou l'arrière,... C'était une routine imprimée dans mon corps. Depuis mon enfance, j'avais choisi le katana, ou bien on l'avait choisi pour moi ?  
Sans y penser, je pouvais opérer tous ces mouvements, mon esprit était alors dégagé pour penser à autre chose, comme ma prochaine attaque, ma prochaine défense ou me préparer à me prendre un gros pain dans la tête. Oui, car savoir par cœur faire des galipettes avec une arme ne protégeait pas toujours des baffes. J'étais rapide, mais on ne pouvait pas toujours esquiver les attaques... Survivre avait un prix et j'avais renforcé mon corps pour pouvoir encaisser quand même.

Une puce est rapide, mais est très facilement écrasée.

Ensuite, je lâchai le katana pour faire quelques mouvements de taijutsu. N'étant pas ma spécialité, ce petit temps était plus pour entrainer mon corps qu'une éventuelle technique poing/pied. Le principe était d'arriver à un état de transpiration important, preuve que j'avais bien travaillé. C'était un moment surtout intense qu'un vrai maitre du poing souple aurait jugé comme brouillon, mais je n'en avais cure : Mon truc, c'était la lame, je voyais surtout cette phrase comme un moyen de me dépenser et de mobiliser mes muscles autrement que par les banals pompes et abdominaux.

Enfin, je m'asseyais à même le sol en tailleur pour méditer. Mon approche spirituelle du combat était assez biaisée, mais je me plaisais à tendre vers un bushido plus traditionnel que juste utiliser ma lame pour couper quelqu'un. Un héritage de mon père, qui disait lui-même de respecter son adversaire en gardant un esprit clair, sans nuages... La méditation aidait à rester concentré, à chasser les idées parasites. En gros, c'était de la relaxation qui laissait s'échapper l'énergie résiduelle du taijutsu fantasque pour ne laisser que l'apaisement inspiré des moines. C'est dans ces moments-là que c'était le plus dur de rester concentré, puisque mon corps demandait encore des efforts, mais que je le contraignais à m'obéir : Les muscles tirés, les articulations craquées, la tempe qui palpitait de l'afflux de sang... Dans mon torse, mon cœur jappait pour plus de sang alors que déjà tout était fini.

Contraindre l'adrénaline à être un outil, pas une imposition.

Cependant, je ne pouvais pas mentir, j'avais encore l'esprit occupé dans ces instants... Chaque fois que je prenais mon arme, je revoyais des années en arrière mon père tomber, sans jamais avoir été touché : Des heures à perfectionner son art pour périr par une défaillance du corps. Je faisais de l'exercice pour lui faire honneur, mais au fond tout pouvait disparaitre du jour au lendemain... La faute à pas de chance. À dix-neuf ans, je ne pouvais pas encore abandonner toute velléité, il fallait un peu garder espoir... "Comme lui." Faire vivre ma technique, c'était faire vivre papa. Fermant les yeux, j'opérais une tactique un peu paradoxale au vu de l'objectif de l'exercice : Me focaliser sur une image, celle du visage vague de Fumiri Hachi, puisque rien ne pouvait le faire vraiment disparaitre dans ma tête, même si déjà les contours changeaient. J'oubliais petit à petit celui qui m'avait donné la vie, et j'en avais honte. Tellement honte.

Coupant ma concentration, une voix raisonnait dans ce palais mental si fragile que je m'étais créé : Un nom, un lieu. Ouvrant les yeux, je cherchais ce qu'elle m'avait dit... Comme réveillé d'un songe, je sentais mes paupières lourdes et mon visage se tourner vers la source : Une jeune fille qui me regardait, les mains jointes. Polie. Ma mémoire refit son travail : Minoriaru Zanashi. Le cœur des montagnes. Si je comprenais les premiers termes comme étant son nom, le reste me semblait plus obscure.

- Heu... Enchanté ? Je ne sais pas de quoi tu parles. C'était rapide, mais devant la surprise je n'avais pas eu le temps de bien réfléchir à tout cela. "Le cœur des montagnes ?" Si Seizan était un village clairement montagneux car étant né sur le sommet d'une chaîne, le cœur même du massif était un peu nébuleux. Tu veux dire les tunnels sous le village ? Je ne vois que ça. C'était peu, mais sans plus d'informations de la belle, je ne pouvais que supputer les choses... Il restait toutefois une information à donner. Moi c'est Kunao; Fumiri Kunao.

- Kin ? Les jambes pliées puisque j'étais en tailleur, tout s'enchaina assez vite. Pour un type qui sortait de méditation, la lourde main de Kyoshiro sonna comme un électro-choc alors que déjà la voix de Hotaru raisonnait dans le lointain.

Le charisme des deux personnages me fit déglutir alors que l'on s'intéressait à moi pour mieux se retourner vers la jeune fille qui cherchait son chemin, si c'était bien cela qu'elle recherchait ? Je n'en savais rien, et c'était bien nébuleux, ou vague, ou juste totalement inconnu pour moi. Si bien que je me relevais pour ne pas être le dernier de la classe qui restait assis comme un demeuré alors que les autres étaient debout, actifs.

- Évidemment que je vais l'aider, si on peut l'aider, toutefois. À nous trois, on ne l'a pas beaucoup avancé. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais besoin d'avancer quelque chose à présence de ces deux chuunins qui étaient plus vieux que moi et à qui je devais beaucoup, au final...

Un désir de montrer ma valeur, mes idées, ma place ?

Devant l'explication de mon ancienne tutrice sur notre rôle dans l'armée, je ne fis que donner mon approbation du menton, puisqu'elle avait tout dit, mais quand elle revint sur le sujet de Kyoshiro qui annonçait que j'allais aider la jeune fille, sans me demander mon avis, je ne pus que gonfler le torse pour montrer que j'étais digne de confiance, puisque l'aveugle m'avait défini ainsi ! Coq dans l'âme, je ne me démontais pas devant l'improvisation totale de la situation : On ne comprenait rien, mais on essayait de faire genre qu'on allait y arriver. Je me retournais enfin vers le dénominateur commun de cette rencontre :

- Par contre, on a vraiment besoin d'informations parce que sinon on va continuer à se taper dans le dos, à proposer notre aide, sans aider. Une amusante boutade qui devait donner confiance à la demoiselle qui paraissait troublée, comme habitée par plus d'idées qu'elle ne pouvait en exprimer. C'était étrange, elle semblait içi comme ailleurs... Cela participait aux troubles de son débit et de ses explications.  Tu es à Seizan No satu, des montagnes, on en a pas mal... Donc, je ne peux pas t'indiquer plus, mais si tu cherches le cœur des montagnes, et bien, il faut s'aventurer à l'intérieur, j'imagine. Il y a des mines dans la région de Tetsu, et les tunnels sous nos pieds. La main sous le menton, je réfléchissais. Il y a aussi dans la région des hauteurs, au nord-ouest d'ici, une mine d'or... Peut-être que c'est là ?

Comme un aveugle, je cherchais ma voie dans le noir...
"Hmm, pas super l'image avec Kyoshiro à côté."

Si je commençais lentement à m'en foutre, regrettant amèrement l'entrainement que j'étais en train de faire avant que tout ce beau monde ne se pointe, le discours de la jeune fille s'apaisa bien vite en employant un terme qui me fit frémir les oreilles :

Eden.

Récemment ma mère, Fumiri Chiharu, m'avait apporté une clé, une information : Le bois d'eden, elle l'aurait entendu de la part d'un forgeron, puis d'autre, puis d'un autre. Personne n'ignorait que l'existence de matériau était l'objet de convoitise... Qu'est-ce qu'on pourrait fabriquer avec ce bois-là ? Pour autant, ce n'était pas ce que je recherchais. Posséder un bien n'était pas bien important, mais comprendre l'origine de celui-ci, c'était ça qui m'importait.  Comprendre un peu mieux le monde qui nous entoure et ce qui se tramait dans le chakra. Alors, si le bois d'eden avait un lien, il fallait le trouver, avec mes modestes moyens et le peu de contacts que j'avais. Je ne pouvais pas servir un autre dessein, sauf que je partais de zéro.  Construisant petit à petit le sentier vers la vérité.  
J'avais parcouru la piste dans l'Ouest de l'Onogoro, mais c'était au sein de Seizan que l'une des pierres m'arrivait en pleine face ? Nonobstant un peu la conversation entre les deux samouraïs, j'observais, bien concentré, le visage de la demoiselle pour savoir si elle mentait ou non... Elle avait l'air franche, mais se rendait-elle compte de ce qu'elle racontait ? Ou bien tout cela était une coïncidence ?

- Tu vivais dans un jardin et maintenant, tu cherches l'Eden ? C'était où se fameux Jardin ? Où as-tu tiré cette boite ? Si j'avais voyagé dans la région de l'Edenisme, le symbole qui allait avec mis du temps à m'apparaitre clairement... Ainsi, la piste du Tenma était juste ? Tout cela était sous notre nez, sans nous rendre compte. Un peu plus attentif, multipliant les questions, je m'approchais pour concevoir de mes yeux cette note et son contenu. Quelle paix ? Payer le passage, cela me passait au-dessus de la tête.

Approchant ma main pour saisir l'objet cubique, je stoppais le tout pour me calmer : Qu'est-ce que je faisais au juste ? Soupirant devant cette réaction épidermique, je reculais pour chercher à reprendre un semblant de contenance.

- je cherche le bois d'Eden et il semblerait que tu es arrivé sur ma route pour me donner des indices, on peut s'entraider... Croisant les bras pour ne plus être tenté, je m'ouvrais un peu. J'ai pas mal voyagé pour chercher des indices, je suis arrivé à la conclusion que tu me sers sur un plateau : Le bois d'éden est lié l'edenisme, leur divinité garde cet arbre... Les kamis savent où, mais je cherche encore. Ce serait dans le cœur des montagnes ? Je me tournais vers les deux soldats qui regardaient l'anneau, avaient-ils des indices en plus ? Ou bien, ils étaient scotchés par mon discours ? Dites-moi que tout ça à un sens.

C'était presque une lamentation.

Si mes deux camarades voulaient se carapataient, je regardais, fasciné, la boite qui disparaissait dans les pans des vêtements de la demoiselle : Elle se méfiait, maintenant, et c'était ma faute. Soupirant, je regardais mes compères d'un air désolé.
Pour autant, il fallait maintenant avoir affaire avec la jeune fille qui cherchait des traces, des preuves, des informations et avec qui je pouvais faire équipe. En vérité, je ne comprenais rien : Elle parlait de jardin, de cerisiers, et si tout cela avait un sens, le tout devenait très nébuleux mis ensemble. Elle venait de Seizan ? Pourquoi parlait elle d'une Princesse alors que l'Onogoro comptait un unique Empereur, célibataire.  

- Il va falloir être un peu plus clair pour que je puisse t'aider, déjà en définissant mieux les termes : princesse, Ses cerisiers, votre jardin. Je ne connais pas ta vie et tu viens me demander des informations, ou de l'aide... Les bras croisés, je sentais déjà la prise de tête à l'horizon. Je cherche donc le bois d'Eden pour comprendre son origine, je ne veux rien en faire de particulier. Juste découvrir. Un demi mensonge, la quête de sens qui définissait mes récentes années n'était pas à l'ordre du jour. Il ne fallait pas complexifier encore plus la chose. Maintenant, on peut rester là à utiliser des tournures de phrases compliquées, ou on peut s'entraider pour atteindre nos objectifs. Levant les mains, en signe de reddition, je donnais le choix à celle qui me faisait face. Pour mieux comprendre ce que tu cherches, je dois d'abord connaitre un peu ton histoire... Si tu veux, on peut aller boire un verre pour mettre tout ça au clair après l'entraînement avec eux ! je pointai les deux soldats du pouce, d'un air complice : Gagner sa confiance pouvait passer par un entrainement.

Encore fallait-il qu'elle accepte.