Mon enfance avait été assez rigoureuse : L'éducation samouraï n'était pas des plus amusantes, notamment par la tentative d'endurcir le cœur, avec le corps, des jeunes garçons dans le processus. L'austérité était la règle et je n'avais eu que peu de place aux loisirs... Évidemment, il y avait quelque chose que j'avais pu pratiquer comme un plaisir, tout en l'utilisant pour me renforcer :

La randonnée.

J'avais parcouru une grande partie des montagnes autour de Seizan, c'était assez facile : Un ensemble de montée et de descentes, puisque mon village était déjà assez en hauteur. Un des grands jeux de mon instructeur, Yukio, était de me donner le nom d'un village dans la région et m'envoyer sur sa recherche. En sortant des portes de mon foyer, je repensais à l'une de ces quêtes : Tōi kami.
Avec comme seul indice de la position de ce fameux village, la crête des montagnes et les quelques arbres qui survivaient en hauteur. La recherche fut infructueuse et pendant deux jours je fus obligé de faire des aller-retour entre différents vallons pour trouver des pistes, des voies carrossables, ou quoi que ce soit… Mais rien, soit c’était vraiment isolé et introuvable, soit cette commune n’existait pas. Le matin du troisième jour, je m’obligeais à définir que c’était mon dernier jour de recherche avant de commencer une ascension vers les sommets. Bougon, je renfilais mes affaires en grommelant quelques insultes envers le boucher qui m’avait mené sur une possible fausse piste… Le bon point, cependant, c’était que si loin de la civilisation, je pouvais  dormir, sans crainte de me faire agresser par des bandits, restait les bêtes sauvages... La matinée fut aussi vide que les autres jours, mais en début d’après-midi, alors que je montais un petit afflux rocheux, c’est le village qui vint à moi sous la forme d'un vieux moine.

La suite fut amusante, mais ce n'était pas le sujet.

Mon objectif était tout autre, si loin de l'enfance : J'avais un rendez-vous, avec une chuunin du village qui voulait s'entraîner, mais loin du village. J'avais bien proposé le terrain d'entraînement, mais la présence d'autres combattants n'avaient pas eu l'air de satisfaire la compétitrice. C'était donc une montagne environnante, visible des murailles du village, qui fut choisis pour le duel... Kara Saki, de mon âge, mais pourtant inconnue. J'avais été propulsé trop vite au grade de chef d'équipe et je n'avais pas vraiment côtoyé mes camarades, c'était donc une première, mais ce n'était pas désagréable...

"Il faut sociabiliser."

Pour le coup, j'avais pris mon katana pour me défendre contre une intrusion extérieure, mais dans mon paquetage, sur mon épaule, j'avais un bokken qui attendait gentiment : Un entrainement ne devait pas devenir un moment d'accident, c'était terrible si un coup malheureux transformait ce moment sympa en un drama. Le Seizankage n'aimait pas trop quand les troupes se tapaient dessus, alors quand ils le faisaient avec des armes blanches... "Bon."

- Où tu vas, Kunao ? Un garde, à la porte, me regardait intrigué avec mon baluchon.
- Je... Pars, loin, je déserte, vois-tu... Il m'observa un instant, pour savoir s'il devait m'égorger ou non, avant de ricaner comme un goret.
- Pas mal ! "Si un jour je le fais, je peux me dire que je suis tranquille..." Ricanant en retour, un peu mal à l'aise devant le second degré du garçon, je passais en faisant un petit signe aux autres gardes qui avaient assistés à la scène, aussi hilare ou sérieux à mort.

Une fois hors des murailles, la piste était claire : Il fallait permettre aux caravanes de franchir les montagnes le plus facilement possible, mais mon objectif sortait des chemins battues et très vite les dalles devinrent de la terre remuée par des pas de milliers de randonneurs. Connaitre son territoire était nécessaire pour le défendre, mais également pour l'apprécier : Les plantes, les animaux... Tout nous appartenait en théorie et si l'idée de défendre Seizan avec mes bras me remplissait de fierté, c'était défendre aussi ces terres qui m'aguichait.
Le paysage de crête devint vite du sous-bois intense et les branches qui arrivèrent dans ma gueule me rappelèrent que la randonnée impliquait aussi des griffures et une frustration de devoir se protéger les yeux parce que, bon sang, c'était méga chiant !  Finalement, au bout d'une heure de marche, je pus franchir une barrière végétale pour déboucher sur une plaine, sur un plateau en hauteur. J'avais atteint mon but et la chaleur vint me rappeler vaguement l'horaire, qu'importe, la grande surface sonnait comme une libération après l'ascension.

- Bon, je fais quoi maintenant ? La première étape était donc d'attendre et je m'assis dans l'herbe pour interagir avec le soleil autrement que par la douleur de l'effort. "C'est presque agréable."

La journée était plutôt fraiche quand on sortait d'une dynamique d'ascension : L'herbe refroidissait convenablement mon corps, bien plus que cette roche vive qui renvoyait les rayons comme si c'était un miroir... Je saluais cet effort de la nature pour me faciliter la vie et mon dos vint interagir avec beaucoup de douceur dans les brins et l'humus frais. "Super !" L'ombre perlait délicieusement sur mon front, un peu humide à cause du bandeau qui aspirait toute la sueur, mais j'étais trop oisif sur le coup pour l'enlever.
Je n'avais pas honte de la cicatrice que j'avais, camouflé par le tissu sombre, mais je préférais ne pas le montrer... Disons qu'esthétiquement, ce n'était pas convenable ! Le salaud qui m'avait découpé avec sa dague, par surprise, devait être bien content de m'avoir défiguré... S'il n'avait pas reçu en retour quelques os cassés et une cage thoracique à récupérer en kit. Enfin... À part ces pensées vers le passé, tout était le plus agréable du monde. J'avais quelques jours de libre avant une mission à Kuma no Kuni, un réseau de contrebandier de pacotille à détruire : Un amas de pécheur et d'ouvriers qui s'amusaient à chercher des bénéfices ailleurs, quitte à flouer l'économie de la région et les taxes de l'Empire. Délassant mes bras en les tirant au-dessus de ma tête, je pus entendre des pas atténués par le tapis vert sous nous.

Ma camarade était arrivée.

Me redressant comme un suricate, je la fixais s'avancer... Elle subissait les affres de l'effort alors que je m'en étais sorti par le repos. Pour autant, elle gardait un port droit et fière : Une vraie guerrière. Revenant sur mes jambes, pensant que c'était plus poli de l'accueillir debout, je la vis ainsi transformer sa natte en une coiffure plus valorisée pour un duel tout en s'excusant de l'attente :

- Oh, ce n'est pas grave ! J'ai eu le temps de profiter de la nature. On est habitué aux hauteurs, mais jamais aux grandes forêts qui parsèment les flancs... Là où l'ubac était le plus humide, l'adret restait sec à cause du soleil et des vents. Ce n'était pour autant pas la cause du manque de verdure à Seizan : L'urbanisation demandait de la place et sur nos pics, nous n'avions déjà pas beaucoup d'espace. Les troncs avaient vite dégagé pour alimenter les feux l'hiver ou construire des arches et des ponts, ainsi que la toiture de temples. D'une main amicale, je lui désignais le sol : Prend ton temps pour souffler, j'ai le gros avantage de m'être reposé, pas toi, autant profiter un peu du cadre avant de reprendre une suée en se bagarrant ! Un grand sourire aux lèvres, je m'assis pour démontrer ma théorie, non sans examiner l'absence manifeste d'arme contondante ou aiguisée à ses côtés. Ainsi, j'allais devoir faire avec le ninjutsu, ou d'autres arts...

Je n'avais jamais rencontré d'illusions ou d'autres saloperies dans le genre, mais avec ce que je savais sur le sujet... Par des récits de collègues, ce n'était pas de bonnes choses et j'étais presque content de ne pas avoir à faire avec. Cependant, ce que je ne connaissais pas, je ne pouvais pas m'en défendre !  
En réponse à ma demande, elle me remercia encore pour avoir accepté sa requête, si loin du village, elle voulait essayer de nouvelles tactiques, contre un nouvel adversaire :

- Tu as un compagnon d'exercice habituel ? La phrase me laissa songeur. J'étais assez solitaire dans mes entrainements et mes rares duels fictifs étaient contre des types rencontrés sur la plateforme d'entrainement, sur le pic venteux. Ganryu, il y a presque un an. "C'est rapide, le temps, quand même !" Et plus récemment un borgne, assez puissant. Dans les deux cas, j'avais perdu, mais j'avais beaucoup appris. Plaçant mon bokken sur les genoux, je soufflais avant de continuer : Tu as une mission bientôt, que tu cherches à t'améliorer ? L'option de vouloir juste se développer sans enjeux était aussi possible, évidemment ! Un soldat se devait de ne jamais prendre sa puissance comme dû, puisque sur le terrain un Yokai n'était jamais une partie de plaisir. Autant arriver bien préparer. Replaçant la bande de tissus sur mon front pour un peu éponger une goutte sur ma tempe, je caressais cet accessoire pour le lisser, personne ne voulait d'un bandeau avec des plis ! Tiens, les soldats de garde t'ont laissé sortir facilement ? J'ai dû inventer un pipot sinon ils allaient avertir le Seizankage... Un petit ricanement, je me rappelais la réaction à ma réponse sur la désertion. Il est vrai que c'est plus sympa de se battre dans la verte plutôt que sur la terre battue, livré au soleil ! Tu as eu une bonne idée !

Bien des questions, pour une finalité désagréable : Si la jeune femme devant moi présentait un état de sudation avançait, totalement compréhensible, elle avait aussi des genres de petits sursauts, comme une envie de vomir ? Étrange, mais elle faisait bien ce qu'elle voulait... je n'avais pas à poser de questions sur ça ! Au contraire, je changeais de sujet en m'intéressant à sa démarche. Saki m'expliqua bien vite que c'était stimulant de changer, peut-être une histoire d'habitude puisque inconsciemment on automatise des gestes, des tactiques et on finit plus par danser que combattre... Dehors, il n'y avait pas ce type de zone de confort. En fait, elle avait raison et devant sa question, je ne pouvais que m'avouer battu :

- Oui, des épéistes et du taijutsu, principalement... Le village compte pas mal de ces types-là, sur le terrain d'entraînement je ne tombe jamais sur du ninjutsu, peut être que je cherche mal aussi ! "Peut-être que je ne cherche pas non plus..." Les utilisateurs du chakra désiraient sans doute un autre lieu d'exercice que la terre battue et les arbres creux du Mont Venteux, ou bien avaient-ils un espace juste pour eux ? Je n'en savais rien.

Dans cette conversation, elle commença à s'échauffer et sa démarche me fit ricaner, si bien que je me levais derechef pour faire de même : Prendre exemple ? Sans doute. On avait le même âge, mais elle avait l'air plus adulte que moi, il était peut-être temps de grandir ? En tout cas, elle annonçait qu'elle voulait juste se tenir en forme et la petite randonnée qu'elle avait fait ce matin pouvait se mettre dans cette catégorie-ci, mais il lui fallait plus ! Une quête sportive, mais aussi intellectuelle puisque s'adapter à un nouvel adversaire demandait concentration et intelligence. Très vite, la jeune femme s'intéressé à mon existence, puisqu'elle ne m'avait jamais vu ! Comme si j'avais un coin secret ?

- Oula, non non ! Je m'entraîne sous les arbres pour méditer ensuite... Un bref instant, je voulus lui faire la description entière de mes séances, mais c'était superflu. Quand je ne suis pas en mission, j'y suis presque tous les jours pour ne pas perdre la main, j'ai mes étapes bien préparée. Riant doucement, je finis de me faire craquer le dos gentiment pour dénouer ensuite mes poignets dans des moulinets gentillés. Je n'ai malheureusement aucun secret, je suis bien simple quand on pense à la variété... Une petite pensée à Honoka, dans le passé, qui m'avait présentée non sans violence qu'un peu de polyvalence quand on tenait une arme ne faisait pas de mal, malheureusement j'étais bien décidé à perpétuer la voie du sabre sans sortir du chemin. Mais si je suis encore là, c'est sans doute que c'est pas si mal !

Mes mouvements se stoppèrent d'un coup quand elle expliqua qu'elle n'avait pas été arrêtée pour sortir et que peut-être j'avais fait quelque chose de mal... La bouche grande ouverte, je n'avais pas pensé une seule fois à ça, puisque je n'avais jamais fait aucune bêtise en mission ou dans le village. "Peut-être que ma boutade sur déserter va me valoir gros ?" Il fallait vite que je réponde, pour ne pas paraitre plus cloche que je ne l'étais :

- Heu... Non ? Je sais pas, j'ai juste pensé que le Seizankage n'aimerait pas savoir qu'on se tape dessus loin de toute plateforme de soin, en cas d'accident... Du coup j'ai balancé un truc un peu con aux gardes pour les faire marrer et qu'ils me laissent passer. Aucune réponse, Saki demanda vite que l'on commence... "Je suis si bête." La bonne élève contre le vilain garnement ? L'affiche était belle, mais je ne me sentais pas l'âme d'un cancre, pas du tout même !

Très vite, la posture se fit plus féroce et le combat pouvait commencer : Elle prit desuite l'initiative, avant même que je ne puisse dégainer ou faire un semblant de Iaido et devant sa trogne qui s'avançait grandement, je ne pus que réagir rapidement avec un jab destiné plutôt à l'arrêter qu'à lui faire vraiment mal. Aucune arme en vue, mais son attitude signalait que peut-être elle cachait quelques tours. Finalement, elle esquiva le tout en bondissant en arrière : Peur ou analyse ? Je n'en savais rien, mais devant sa dynamique brisée, peut-être par choix, je pris la main en la suivant d'un saut pour dégainer mon bokken que j'avais enfilé à ma ceinture.
Il était plus difficile d'utiliser une arme blanche en combat d'entraînement, car chaque mouvement pouvait engendrer une quantité d'accident totalement inconsidérée, voire voulu, dans un duel réel... Ici, il fallait toujours se souvenir que je ne voulais pas vraiment trancher la gorge de la belle, ou la démembrer, pourtant en levant mes deux bras, autour de ma garde, la lame en bois fila durablement vers son crâne. Expirant pour donner à mes muscles leur élan, je continuais le geste d'une manière fluide en orientant uniquement mon poignet dans un nouvel angle pour continuer mon attaque : Si mon bokken finissait au sol, à ma gauche, il répartit derechef à l'horizontale vers ma droite comme si c'était sa destination finale.

Qu'importe ses compétences, quand on ne te laissait pas respirer ou faire tes gestes librement, tu étais bien vulnérable !

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Le souffle court, je posais la pointe de mon bokken au sol pour m'aider à tenir debout ; Le combat avait fait rage et les compétences de la jeune fille étaient étonnantes. Personne n'avait gagné, personne n'avait perdu non plus, mais je tenais sur mes jambes et mon torse quelques ecchymoses, venant de l'eau percutante de Saki. J'avais réussi à lui mettre quelques coups, mais comme d'habitude contre le ninjutsu, je ne pouvais qu'esquiver pour trouver une faille... Le combat avait été quasiment à sens unique, je pouvais le dire sans trembler.
Je m'étais pourtant bien défendu en esquivant et en subissant vaillamment les assauts, mais c'était ma faiblesse ultime. Je n'avais jamais réussi à changer de position sur la question : Chakra, ninjutsu, genjutsu, fuinjutsu... Tout cela était étrange dans mon esprit, comme distant de moi par un filtre absurde. J'étais un samouraï, pas un illusionniste ou un mage élémentaire. De plus, qu'est-ce que je pourrais faire des mudras en tenant un katana ? Ainsi, tout m'indiquait que ce n'était pas pour moi et je n'avais pas cherché à contrarier le destin. Pourtant, tout le monde s'évertuait à me montrer que c'était possible. J'étais juste le seul à ne pas essayer

Comment combler les manques sans ressembler aux autres ? Eh bien, une meilleure analyse ou compréhension du combat et surtout baisser le temps de réaction pour mieux appréhender le tout. Si je connaissais le style de combat de la belle, il y avait bien des choses que j'ignorais et ce petit avantage disparaissait devant quelqu'un que je ne connaissais pas du tout. La méfiance, l'observation, tout devait rentrer en jeu pour me permettre d'établir une stratégie correcte et surtout agir, plus vite et plus fort que l'autre. Une fois que j'avais compris le jeu, je devais écraser mon adversaire pour gagner du temps et des efforts : Qui sait ce qui allait se dresser devant moi ensuite ?

- Un jour, on aura sans doute la chance de faire une mission ensemble ! M'asseyant, finalement, je cherchais une trace de fatigue aussi sur mon adversaire et j'en trouvais des tas, comme moi.  

Pour l'instant, je voulais surtout faire une sieste.

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