Loin de s'être détendue, la situation à Toge se faisait de plus en plus inquiétante ; menaçante. Chaque aube apportait son lot de mystères, et chaque crépuscule une promesse d'angoisses renouvelée. Les dernières nouvelles que venait de recevoir Byakuren retentissaient dans son esprit comme un écho d'un tonnerre lointain, annonciateur de tempête. Ainsi, la région voisine de Daichi, et plus particulièrement le clan Hattan, avaient récemment fait l'objet d'une attaque de Yôkai.

Son héritier, depuis la mort de son cousin Rohan, était parvenu à regagner le village, non sans lui-même avoir été blessé. Un homme que le prince ne connaissait que sommairement, en tant que soldat de l'Epine, mais également en qualité de courtisan de Yuriko, à laquelle il avait même offert la corne des cavaliers de son clan. Un individu que le Souhei considérait encombrant, et dont les intentions à l'égard de la noble avaient commencé à l'importuner, sans encore réaliser l'origine de cette gêne.

Il ne se se réjouissait toutefois nullement du sort que venait de subir ce prétendant, et se montrait plus que jamais résolu à faire tout son possible afin de sauver son clan – ou ce qui pouvait encore l'être. Au moins comptait-il faire la lumière sur ces terribles évènements, dont la nature représentait un risque pour l'ensemble du territoire. Dépêché sur les lieux accompagné par Kato Kanon du Pin Blanc, il était désormais habitué à travailler avec ce jeune ninja prometteur, parvenant à mieux canaliser son tempérament irrévérencieux afin de pouvoir s'appuyer sur ses talents.

Lorsque le tandem arriva sur place, le prêtre d'Amaterasu remarqua l'étrange amoncèlement de nuages obscurs surplombant le domaine des Hattan, contrastant avec le beau ciel d'été dégagé trônant aux alentours. Un phénomène qui n'apparaissait guère des plus naturels, et suggérait que la zone avait été spécifiquement prise pour cible par une attaque, à l'instar des bâtiments incendiés et des lointains échos des hurlements en provenance directe du hameau, ultimes témoins de cette apparente catastrophe. Le tableau ne tarda point à être complété, lorsque les Togejins se rapprochèrent pour trouver de multiples cadavres gisant sur un sol calciné. Celui-ci avait-il été frappé depuis ce ciel de mauvais augure ?

Instinctivement, le Jounin ne put s'empêcher de songer au Wendigo, qui ces derniers temps, s'était apparemment fait discret ; potentiellement infiltré parmi les humains, à s'en fier au témoignage de Kohaku. Venait-il de sortir de sa torpeur, afin de semer de nouveau la destruction ? A cette pensée, le Minamoto se remémorait son ami Seichiro, qui aujourd'hui, n'était plus de ce monde. Il se souvenait de ses paroles, de sa haine envers cette créature lui ayant notamment dérobé son cousin ; des sentiments également partagés par Shizuka. S'il s'agissait réellement de ce Yôkai, Byakuren devait-il devenir la main de leur vengeance ? Le duo avait-il ne serait-ce qu'une chance de triompher seul d'un tel adversaire ?

Alors que les pensées se bousculaient dans son esprit, le prince fut promptement ramené à la réalité par les cris ambiants et la nécessité de se concentrer sur l'instant présent. Il était bien trop tôt afin de tirer la moindre conclusion, et de nombreuses autres hypothèses étaient envisageables. La priorité consistait à obtenir de plus amples informations sur la situation. Une tâche à laquelle le Souhei commença immédiatement à s'atteler en usant de ses facultés sensorielles, notamment afin de déterminer si un tel chaos pouvait résulter d'une quelconque forme d'illusion, ou si la réalité s'avérait bel et bien aussi terrible que ce que les sens semblaient suggérer.

Alors que le tandem poursuivait sa progression, une épaisse brume s'était désormais instillée sur l'ensemble de la zone, parachevant ce tableau pour le moins sinistre et peu accueillant. Les facultés psychiques et sensorielles de Byakuren ne lui avaient par ailleurs guère délivré de réjouissantes nouvelles. Loin d'être une illusion, les nuages obscurs ainsi que la scène de désolation qu'ils surplombaient semblaient hélas bel et bien authentiques. Une conclusion d'autant plus probable, à en juger par l'examen des cadavres auquel venait de s'adonner Kanon. Des corps potentiellement électrocutés, et même encornés, portant des stigmates d'origine Yôkai... Autant d'éléments pointant de nouveau vers l'implication du Wendigo, ou de l'un de ses congénères. En revanche, ce brouillard n'apparaissait pas réel, résultant plutôt d'un Genjutsu, tandis que le prince percevait aux alentours la présence d'au moins deux chakras Yôkai et d'une signature donnant l'impression d'être résiduelle, ou sur le point de s'éteindre.



Se préparer au pire, et espérer le meilleur. Tel était justement l'un des crédos de Seichiro, qui résonnait en cet instant à travers les paroles du Souhei. Etrangement, il ne ressentait point la peur, mais une forme de nervosité indicible dont il ne parvenait que difficilement à appréhender les origines. S'agissait-il de la tension liée au risque de combattre un adversaire si redoutable ? De la pression inhérentes aux attentes de ses amis, et des Togejins dans leur ensemble ? Du refus de laisser d'autres innocents mourir ? Ou bien de l'excitation de rencontrer un Yôkai avec lequel il avait lui-même secrètement envisagé la discussion, lorsque Kohaku lui avait fait part de son témoignage ? Un homme aux cheveux bruns, mi-longs et mal coiffés, doublés d'une barbe rasée. Une description assez vague, peut-être devenue obsolète, que le Jounin préférait ne guère divulguer dans l'immédiat à son camarade. Outre la sensibilité d'une telle information – celle d'un Yôkai "humain" – il était inutile de le perturber davantage ou de le plonger dans la paranoïa, avec un portrait datant déjà de plusieurs mois.

Grâce aux facultés du prêtre d'Amaterasu, le duo poursuivait sa progression à travers ce brouillard, mais fut rapidement interpelé par une voix féminine apeurée appelant à l'aide. Simultanément, l'un des Yôkais poursuivait un humain légèrement plus à l'ouest, plaçant les Togejins devant un choix pour le moins délicat. Pouvaient-ils prendre le risque de se séparer, ou renoncer à venir en aide à l'une de ces personnes en détresse ? Byakuren n'était nul homme à se contenter d'une solution précaire et peu satisfaisante, ou à risquer la vie d'innocents tant qu'il existait des alternatives raisonnables. S'il existait une chance d'intervenir avec succès sur les deux fronts, alors il la saisirait à pleines mains, et aviserait en conséquence.





Effectuant une brève série de mudras, deux montures de Terre Noire jaillirent également du sol.

Spoiler:

Peut-être pour se donner lui-même du courage, ou parvenant réellement à garder son sang-froid au milieu du chaos, l'impérial adressait un sourire bienveillant à son partenaire. Il éprouvait également un sentiment de nostalgie, en se remémorant cet épisode de son pèlerinage au cœur de la région de Seizan ; celui où, aux côtés de sa sœur, il s'était retrouvé au cœur d'une brume illusoire, avant d'être pris pour cible par une déserteuse. Curieusement, le danger et la peur qu'il avait pu ressentir à l'époque, s'étaient comme dissolus avec le temps dans un souvenir presque mélancolique. Il retenait à présent la satisfaction d'avoir surmonté cette épreuve, et le terrible dilemme auquel ils avaient été confrontés après avoir vaincu leur adversaire ; la décision qu'ils avaient prise au regard de ses jeunes frères et sœurs.

Se mettant en route en direction du Yôkai poursuivant le civil, et chevauchant sa monture en compagnie du potentiel clone de Kanon, le Jounin voyait son expression se faire de plus en plus sérieuse et déterminée, au fur et à mesure qu'il se rapprochait de sa destination. Exécutant une série de mudras élaborés, il préparait d'ores-et-déjà une attaque qu'il libérerait immédiatement si nécessaire.

Le Yôkai qui se tenait face à Byakuren divergeait clairement de sa principale hypothèse, et ressemblait grandement à sa monture : un Kirin ! D'abord surpris par cette vision inattendue, le prince n'avait toutefois guère le luxe de se complaire dans son étonnement, son attaque venant d'être repoussée par un champ électrique. Bien que neutralisée, elle avait au moins eu le mérite d'attirer l'attention de la créature, qui semblait reporter son attention envers lui plutôt que le civil.

Alors que sa fourrure se mettait à crépiter, elle fit un pas en sa direction, préfigurant une attaque imminente face à laquelle il s'apprêtait à se défendre. Exécutant une série de mudras, il assista alors à l'intervention du clone furtif de Kanon, touchant au but avant d'être détruit par l'explosion de ce qui demeurait en réalité un clone élémentaire. Réagissant promptement, le Jounin érigea le rempart lui étant initialement destiné face au pauvre homme tétanisé par la peur, de manière à le protéger de la déflagration.



Tandis qu'il s'avançait en direction de l'homme à terre, les questions se bousculaient dans l'esprit du Souhei. S'il ne s'agissait pas du Wendigo mais des Kirins, quels pouvaient bien être leurs desseins ? Jusqu'à présent, aucune attaque de cette espèce n'avait même été répertoriée, rendant leur implication d'autant plus étrange. Par ailleurs, si le clone de son partenaire avait neutralisé celui d'un Yôkai, l'original se trouvait-il encore dans les parages ? Le duo avait-il affaire à des ennemis capables de se rendre furtifs ou de brouiller les pistes ? Une chose restait certaine : il était impératif de faire preuve de prudence et de rester sur ses gardes.





Afin d'aider son interlocuteur à se relever, de même que pour le rassurer, le prêtre d'Amaterasu lui avait chaleureusement saisi la main dans la sienne.



Du côté du clone de Byakuren, le duo pouvait à présent identifier la source de ces appels à l'aide, se tenant enfin sous ses yeux : une femme apeurée gisait au sol à plat ventre, et ne parvenait à dégager sa jambe bloquée sous un arbre. Avant qu'ils n'aient pu tenter de lui porter secours, une détonation se fit entendre, avant qu'un arbre ne s'abatte soudainement sur les Togejins, repoussé promptement par Kanon grâce à sa réactivité et ses talents en Taijutsu.

Celui s'avançait maintenant vers la pauvre civile, s'apprêtant à déplacer le tronc qui la clouait sur place. Décidemment, la douceur et la féminité de Kanon-chan n'avaient d'égales que la force et la virilité de Kanon-kun ! Quelle polyvalence ! Hélas, avant que le Genin n'ait pu faire une nouvelle démonstration de ses muscles, celui-ci sembla interrompu par la même voix que venait d'entendre le Bunshin de l'impérial.

Un peu plus loin se tenait le probable responsable de cet assaut végétal, et le nouvel interlocuteur du tandem : un Kirin au pelage noir et aux reflets bleutés, s'adressant aux humains d'un ton accusateur. Des propos qui ne manquèrent point de susciter la réaction de Kanon, se défendant logiquement d'être un meurtrier, avant d'expliquer la raison de la présence de l'Epine en ces lieux. Le Jounin approuvait intérieurement ce démenti, mais compte-tenu de l'état émotionnel du Yôkai, mieux valait-il sûrement insister sur leurs intentions et faire preuve de bonne volonté.

Le pauvre civil tentait d'expliquer le déroulement des évènements, offrant un aperçu sommaire de la situation à Byakuren. Les souvenirs auxquels il avait accès illustraient macabrement ce récit, indiquant une attaque inopinée sur le clan Hattan, semant ce chaos et cette destruction dont chacun pouvait désormais être témoin. Quelles pouvaient bien être les raisons d'un tel assaut ? Cet évènement était de nature à figurer aux côtés des massacres de Fukuri et Kusatsu, et il ne faisait aucun doute que les autorités se saisiraient de cette affaire. Cette observation était d'autant plus surprenante que la tragédie était a priori l'œuvre des Kirins... Autant de mystères qui trouveraient peut-être réponses du côté de Kanon. Mieux valait-il retourner auprès de lui, tout en exfiltrant ce membre du clan Hattan livré à lui-même.



Les coursiers Shika se trouvaient en périphérie du village, et le Jounin devait de toute manière revenir vers l'est afin de rejoindre son partenaire. Invitant le civil à s'installer sur sa monture, le prince retourna subséquemment sur ses pas, effectuant un léger détour afin de laisser son passager dans un lieu un peu plus sûr. Dans de telles circonstances, existait-il réellement un endroit où il pourrait être en sécurité ? Une chose était certaine : rester en dehors de ce brouillard un peu plus à l'écart constituait sûrement une option plus raisonnable que de suivre le Souhei dans ses futurs déplacements. Ou pire : continuer à errer seul sur place.



Naturellement, l'autre Kirin avait pour a part remarqué la ressemblance flagrante de ladite monture avec sa propre apparence ! Un constat qui provoqua la méfiance légitime de la créature, déjà influencée par son ressentiment. Au moins, la vérité s'avérait très méliorative pour elle. Probablement insuffisante afin d'apaiser à elle seule ses ardeurs, mais cela resterait toujours un pas dans la bonne direction.



Les autres paroles du Yôkai restaient relativement laconiques, mais il était possible de déduire de plus amples informations de l'analogie venant d'être employée. Le sang réclame le sang. S'agissait-il d'une vengeance ciblant le clan Hattan, contre lequel le Krin paraissait nourrir ses griefs ? Voilà une hypothèse qui offrait d'ores-et-déjà un début d'explication. Encore fallait-il la vérifier, et quand bien même s'avérait-elle correcte, de nombreux points devraient alors être éclaircis.



Justice et vengeance étaient deux choses différentes. Justice et massacre encore plus. A ce tableau, le Kirin commençait à ajouter la torture, le clone de l'impérial remarquant l'état altéré de la civile se mettant à hurler de panique. Décidément, humains et Yôkais restaient vraiment les mêmes ; une pensée qui aurait habituellement décroché un sourire cynique ou amusé aux lèvres du Souhei. N'était-ce donc pas le Kirin qui parlait plus tôt de la nature malfaisante des humains, avant de commettre une attaque digne de la Nuit Sanglante et de torturer cette pauvre femme ? Il n'abrégeait même pas ses souffrances ! Pour autant, si les siens avaient bel et bien été victimes des Hattan, le prêtre d'Amaterasu pouvait comprendre leurs sentiments. Ils étaient simplement tout aussi humains que les Ebisu.

Sous cette forme, le Bunshin ne pouvait hélas sauver la civile de ce Genjutsu, tandis qu’attaquer son agresseur n’arrangerait en rien sa situation. Le mal était déjà fait, et le mieux restait désormais de limiter la casse autant que faire se peut.

Alors qu'il raccompagnait le survivant en lieu sûr, Byakuren remarqua la présence de deux autres rescapés sur son trajet. Un miracle, à en juger par la scène de dévastation qui s'était déroulée un peu plus tôt, où ceux qui étaient aptes à s'en sortir avaient vraisemblablement d'ores-et-déjà quitté les lieux ; à l'image du leader du clan en personne ayant prévenu Toge au plus vite. Il s'agissait cette fois d'une vieille femme et d'un enfant, que le prince ne comptait nullement laisser livrés à leur propre sort, d'autant plus que la première était blessée à la jambe, alors que le second semblait épuisé, et luttait afin de rester conscient. Faisant une halte temporaire, le Souhei généra une troisième monture, destinée à transporter ces nouvelles victimes..



Consciencieux dans son investigation, il demanda à l'aînée si elle disposait d'informations jusqu'alors inédites sur le déroulement des évènements ayant frappé le domaine Hattan. Sans grande surprise, sa réponse fut à peu près la même que celle de son précédent passager. Quant à l'enfant, celui-ci n'était probablement pas en condition de répondre de lui-même, si bien que le Jounin profita du moment où il le porta afin de l'installer sur la monture afin d'observer ses souvenirs de la tragédie. Contre toute attente, la désolation et le chaos n'étaient pas les seules pensées qui traversaient son esprit et qu'il se remémorait. Une autre séquence, où un homme ressemblait à l'un des hauts dignitaires du clan à en juger par sa tenue, lui avait apparemment remis un parchemin avant l'attaque. Une vision intrigante, d'autant plus qu'elle s'était a priori déroulée avant l'assaut des Kirins.

Quel pouvait bien être le contenu de ce message ? Pouvait-il être en rapport avec la catastrophe ayant suivi peu après ? Le meilleur moyen de le savoir restait de le lire, si bien que l'impérial se permit de fouiller l'enfant afin de tenter de retrouver le parchemin et le cas échéant, de prendre connaissance de son contenu.



Si le Byakuren original venait d'invoquer une nouvelle monture, le clone quant à lui fit disparaître la sienne, se conformant à la demande du Yôkai visiblement peu à l'aise, agacé ou perplexe face à cette créature qui lui ressemblait tant. A sa disparition, un message d'encre de Terre Noire marquait le sol de quelques lignes, visant à expliquer la situation à l'impérial s'il arrivait sur les lieux sans que le Bunshin ou Kanon ne soit présent afin de lui résumer ce qu'ils venaient d'apprendre du Kirin. Ce dernier n'avait pas non plus l'air de connaître le Wendigo ou de s'intéresser à lui. Une nouvelle en quelque sorte rassurante, en ce qu'une alliance de Yôkais locaux destructeurs ou hostiles était la dernière chose dont l'Epine avait besoin.

Les propos de la créature éclaircissait désormais ses motifs. L'un des siens avait ainsi été tué par un Hattan, et le clan – ou du moins l'un de ses membres – avait également tenté de dérober aux Kirins ce qu'ils avaient de plus précieux. A quoi pouvait-il bien faire référence ? Probablement à la fameuse corne que cet envahissant prétendant de Yuriko lui avait offerte ; une information que la Mère Louve n'avait apprise que récemment, et n'avait pas pu communiquer à l'impérial qui ignorait dès lors ces enjeux. Le Yôkais était ainsi parvenu à la conclusion radicale qu'il était nécessaire d'éradiquer les Hattan, afin de les châtier et qu'ils cessent leur exactions.



Le clone jeta brièvement un regard en direction de cette pauvre femme victime de l'attaque du Kirin, affichant une expression emplie de compassion et de gravité. Le sentier qu'il avait choisi engageait inexorablement le peuple Ebisu et les Kirins dans un cycle de vengeance et d'escalade dont la destination ne pouvait être que l'annihilation, avec une paix qui ne serait finalement atteinte que lorsque l'une de ces races se sera éteinte. Était-il déjà trop tard ? Dans tous les cas, le prêtre d'Amaterasu n'allait pas renoncer à trouver une alternative. La balle était désormais dans le camp du Yôkai.

L'enfant portait toujours sur lui le parchemin que Byakuren avait pu apercevoir dans ses souvenirs, si bien qu'il put le retrouver relativement facilement afin d'en prendre connaissance. Visiblement très ancien, mais fort bien conservé au regard de son époque, il s'agissait sans aucun doute d'un document important à manipuler avec le plus grand soin. C'est donc en l'ouvrant méticuleusement, le tenant délicatement entre ses mains, que l'impérial en découvrit le contenu : un registre semblant consigner des notes importantes, qui à la lumière des deux derniers noms référencés plus contemporains, et connus du Souhei, provenaient des précédents chefs du clan Hattan. Si des phrases n'étaient désormais plus lisibles, ces écrits restaient suffisamment clairs afin de lui offrir une meilleure compréhension de la connexion entre ces humain et les Kirins.

La situation actuelle faisait désormais bien plus sens. Il était fort probable que les Hattan aient tenté de dérober cet oeuf mentionné par le prétendant de Yuriko... Décidément, cet homme avait le don de se rendre ennuyeux pour le Jounin, de la manière la plus indirecte et innocente qui soit. Poussant un soupir en prenant acte de ces décisions douteuses, et des superstitions entretenues par le clan au regard des soi-disant pouvoirs que recèleraient les cornes de ces Yôkais, il réalisait que ce massacre était probablement le fruit d'une riposte ou de représailles de la part de ces derniers. Une réponse à ses yeux disproportionnée, mais qui finalement, était totalement prévisible à en juger par le comportement des dirigeants Hattan. A quoi pouvaient-ils bien s'attendre, en éliminant des Kirins pour leurs cornes ou en volant leurs œufs ?

Une certaine consternation était visible sur le visage de Byakuren, secouant la tête de dépit face aux actes de ses congénères, tandis qu'il remontait à son tour sur sa monture afin de parachever l'exfiltration des survivants. De probables innocents, qui n'avaient fait que subir les conséquences de l'avidité de leurs responsables. L'un d'entre eux paraissait toutefois avoir réussi à se lier à un Kirin, mais la manière dont il le désignait comme son serviteur après l'avoir dompté, trahissait l'idéologie qui transparaissait à travers ce manuscrit...

Un peu plus à l'est, le clone du Jounin approuvait cette fois intérieurement les paroles du Kirin. Il n'avait dans l'immédiat aucune offre concrète à lui faire, ni ne pouvait garantir que ses tentatives de médiation ne pourraient aboutir. Il fut intrigué par la mention de la femelle aux poils noirs, loin de se douter à cet instant que la créature faisait référence à une personne qui lui était très proche... Cependant, il remarquait toutefois une légère inflexion dans la posture du Yôkai, dont la fourrure crépitait avec une moindre intensité lorsque Kanon prenait la parole. Un phénomène qui n'était finalement que peu surprenant, en ce que le Genin prenait davantage son parti, n'hésitant pas à confronter son supérieur dans une situation aussi critique ! Alors que le naturel de son partenaire s'exprimait au pire des moments, le prince déplora l'espace d'un instant la disparition de Kanon-chan... Au moins, Kanon-kun faisait preuve d'esprit critique !



Il était vrai que ledit Kirin faisait preuve de lucidité et d'objectivité sur la situation actuelle, quand bien même était-il toujours hostile. Les chances de parvenir à un compromis restaient toujours plus grandes avec ceux qui ne prétendaient pas une réalité différente de celle des autres. Il était cette fois près à faire preuve de bonne volonté, et à permettre aux humains de prouver concrètement leur bonne foi. Un geste que le clone du Jounin louait intérieurement, mais il savait très bien que la base de toute négociation était de présenter des exigences initiales peu raisonnables, avant de les revoir à la baisse en prétendant faire un pas en direction de l'autre.

Il proposait à présent aux Togejins d'éliminer pour lui un ennemi de son peuple, un certain Kappa... Décidément, le problème venait-il réellement des humains, ou des Kappas ? N'était-ce pas les Kirins qui devaient se remettre en question s'ils étaient en conflit avec tous les peuples de la région ? Une pensée que le Bunshin s'abstint naturellement de formuler à voix haute, tant par intérêt diplomatique, qu'il ne comptait pas non plus arrêter son jugement sans en avoir appris davantage.



C'est sur ces paroles que le Byakuren original rejoignit à son tour le trio d'ores-et-déjà sur place, arborant la même expression que son clone lorsque son regard se posa sur la femme plongée dans le coma. Prenant acte du message écrit par la monture à sa disparition, le Bunshin lui expliqua immédiatement les derniers développements, avant de le laisser prendre le relai de la conversation.

Il était vrai que la vengeance n'impliquait pas nécessairement la violence, à condition qu'une forme d'accord puisse être trouvé avec l'autre parti. Un cas de figure qui restait relativement rare, en ce qu'il impliquait que l'autre accepte de compenser davantage que le préjudice qu'il avait pu causer, par exemple par regret ou culpabilité. La plupart du temps, il était nécessaire d'user d'une forme de contrainte, à défaut de violence, afin de permettre la réparation ou le rétablissement de l'équilibre rompu. Dans les circonstances actuelles, il y avait fort à parier que ce soit les autorités de l'Empire qui s'estiment lésées par ce massacre du clan Hattan, à moins que ce dernier ne soit considéré comme gênant ; auquel cas cette attaque était une bonne nouvelle. Peut-être en aurait-il été ainsi, si le clan agressé avait par exemple été les Watari.

En revanche, les autres propos de Kanon perturbaient le Jounin, non pas tant au regard de sa décision, mais vis-à-vis des intentions du Genin. Il semblait s'exprimer comme si la vie des survivants du village ne dépendait que du bon vouloir du Kirin, sans imaginer un seul instant que les Togejins avaient eux-mêmes un rôle à jouer. S'agissait-il de lâcheté, de paresse, ou bien d'une certitude de leur infériorité face à leur adversaire ?

Certes, ne pas accepter la proposition du Yôkai aurait des conséquences, tout comme y consentir. Le comportement du shinobi n'était guère sans rappeler à Byakuren celui de Shingen, frôlant l'insubordination dans cet instant critique ; peut-être un point commun des fréquentations de Shizuka, auprès de laquelle il compatissait intérieurement. Il ne pouvait cependant blâmer un coéquipier de transmettre son opinion, tant qu'il ne s'agissait que d'un conseil. Les avis contraires pouvaient être constructifs, et forçaient parfois à reconsidérer ses positions.



Une situation qui amusait intérieurement le Souhei, imaginant le ridicule d'une telle scène face à Daichi. Un Jounin ne pouvait en aucun cas quitter les lieux sans la moindre garantie que tous les Yôkais s'étaient retirés. Même une telle décision, celle de se montrer clément envers l'agresseur afin de ne guère attiser davantage les braises du conflit, n'était pas des plus simples à tenir.

Le tandem Togejin avait accompli l'exploit de finalement endormir, ou ennuyer leur interlocuteur, se perdant dans leurs débats sur la décision à prendre en discutant de la justice, de la vengeance et d'autres concepts élevés dont le sens semblait totalement étranger au Kirin. S'allongeant à proximité, il attendait que les soldats parviennent à une conclusion, Kanon évoquant pour sa part les humains qui massacraient bien les animaux pour se nourrir.

Une nouvelle relance magistrale de la conversation ! L'éthique de l'existence ! Un sujet sur lequel Byakuren se serait abondamment exprimé dans un autre contexte ! Cette remarque concernait non seulement les humains, mais également tous les animaux et Yôkais carnivores, les Kamis eux-mêmes ! Il s'agissait encore d'une violence à la finalité différente de la justice ou la vengeance !

Le Jounin devait toutefois se focaliser sur l'essentiel, compte-tenu des enjeux ici présents, et son partenaire semblait finalement prêt à le suivre. L'autre élément soulevé par le shinobi, et repris par le Yôkai en ce qu'il était naturellement bien plus concerné par cette raison, était d'ailleurs l'absence de garantie de son côté. Un argument tout à fait compréhensible et acceptable du point de vue du prince, qui cependant, ne restait pas sans réponse.

L'inflexion de Byakuren était-elle à l'origine de ce soutien si chaleureux de la part de son partenaire ?! Il semblait à en juger par ses propos qu'il était prêt à rester aux côtés du prince, indépendamment de sa décision ! Voilà que Kanon-kun lui rappelait maintenant Kanon-chan, tandis qu'il le poussait également derrière lui ! C'était donc là que se trouvait le Genin fiable et prometteur qu'il avait pu identifier ! Ou bien il s'agissait d'un simple coup de chance ; une hypothèse plausible, mais que l'impérial préférait ne pas considérer comme la plus probable. Dans les moments les plus difficiles où sa vie était en jeu, Kanon avait malgré tout toujours su se révéler digne de ses fonctions, en dépit de son comportement parfois nonchalant ou rebelle. Des individus beaucoup plus entiers et finalement responsables que les soldats modèles qui finissaient par craquer sous la pression !