Akatsuki Hiro. J'avais enfin un nom à poser sur ce drôle de moine du désert. Le peu que l'on avait échangé me laissa entendre que c'était pas une grande source de lumière, mais aussi visiblement un petit con impudent quand il me balança qu'il pouvait encore m'appeler la cyclope ou la borgne. Heureusement que je n'avais pas un gros égo puisque cela me fit sourire. Et avant que nous partions, je lui tendis la main pour faire bien les choses.

" T'es un peu con, mais je t'aime bien Hiro. Moi c'est Kaname Honoka, Jonin de Seizan. "

On était visiblement, ni lui ni moi, du genre à avoir nos langues dans nos poches. Ce fut sur ces brèves présentations sans fioritures que l'on quitta le terrain d'entrainement. Visiblement, le sakyuujin avait envie de boire des coups et quoi de mieux pour moi que de l'accompagner puisqu'il m'avait invité. J'étais pas du genre impolie et j'avais sacrément besoin d'arrêter de réfléchir.

" Bon alors, tu m'emmènes dans un coin que tu connais bien ? Quand je passe ici, j'ai l'habitude d'aller dans le même boui-boui. "

En tant que seizanjin, et même avec des passes, je me permettais pas de fureter dans les quatre coins du village sans autorisation ou bien escorter de quelqu'un du coin. La dernière chose que je voulais, c'était avoir des problèmes ou en causer, ici ou à mon village d'ailleurs.

Une nouvelle clope au bec, mon œil se mit à observer le quartier. Il y avait certains marchands dont je reconnaissais la gueule pour avoir traité avec eux : pour de la bouffe, pour des trucs de forgerons, ou même de simples commandes. Commercialement parlant, j'étais plutôt ouverte au monde.

" Sinon... question con, t'as l'habitude de cuver en plein après-midi ou tu fais une exception parce que je suis là ? "

On était pas en fin de soirée, là où généralement c'était mon heure de gloire. Notons cependant que j'avais pas suivi mon camarade des sables pour finir ivre et rouler sous la table. On dirait peut-être pas, mais je savais, de temps à autre, me montrer assez raisonnable pour pas trop déconner. Je comptais me contenter d'un verre ou deux. Pas le moment de finir carpette chez les voisins.

" Ça me fait penser... les moines ont le droit de boire ? Vous avez pas un règlement à la con à ce sujet ? "

Il m'en avait fallu un temps pour avoir cette illumination...

Voilà une affaire entendue : on s'appréciait. Cela pouvait alors voir de rien, mais en réalité, dans le métier et d'autant plus lorsque l'on était de deux villages différents, c'était un fait plutôt rare. Cependant, je m'étais toujours entendu avec les sakyuujins, du moins, la grande majorité. Était-ce parce que j'avais probablement des origines de là-bas ? Allez savoir. En tout cas, je n'en avais pas moins adopté le bon caractère des montagnes.

Quoiqu'il en était, j'aimais la simplicité de Hiro, même s'il me semblait un peu lent. Personne n'était parfait de toute façon, et honnêtement, on pouvait aisément faire une longue liste de mes défauts. Cependant, ce qui nous rassemblait, c'était qu'on avait la langue bien pendue et qu'on ne faisait pas de détour. Pas de mensonge, juste de la vérité crue et nue.

" L'Akasuna Izakaya ? J'avoue que je connais pas. Hâte de voir ce que ça donne.  "

Traînant un peu des pieds derrière mon nouveau camarade, je le suivais tout en observant la ville. Il y avait quelqu'un chose dans cet endroit qui me plaisait. Je ne saurais dire quoi, si c'était l'atmosphère, la chaleur, ces gens ou bien toutes les odeurs épicées qui flottaient dans les airs, mais ça me donnait comme une impression de "chez moi".  Comme à Seizan, mais en différent. Dans nos montagnes bleues, j'étais plus nostalgique, mais j'y aimais son climat, le parfum ferreux du métal, les éclats de rire bien gras, la fraîcheur de ses matins et le spectacle des hauteurs. Bref. Que ce soit le nord ou le sud, ça le faisait.

" Mmm... je vois. Tu fonctionnes à l'envie. Basique mais au moins, ça le mérite d'être clair. "

Techniquement, j'étais aussi un peu comme ça. Il m'arrivait seulement de me faire violence de temps en temps quand j'avais conscience que les choses n'étaient pas raisonnables. Et je disais bien "de temps en temps" . Fallait pas déconner. Et alors que je le questionnais sur ses principes de moine, sa réponse me fit marrer. Un guide, pas une vérité absolue. J'en connaissais qui se retournerait dans leur tombe s'il entendait parler.

" Vraiment ? Haha! Si tu le dis. De toute façon, t'es le seul à décider, comme le seul à récolter les emmerdes pour pas respecter tes préceptes. "

Les rares moines que j'avais croisés dans ma vie étaient plutôt du genre assez strict sur certains détails comme boire ou ne pas fricoter. Une vie qui n'aurait pas du tout pu me convenir. À mes yeux, ils devaient vachement s'emmerder. Non pas que ces deux options étaient essentielles à une existence épanouie mais... ça aidait un peu.

" Et puis, c'était pas comme si j'allais te contredire, gueule d'ange. Allez... allons boire ce verre. "

Sans tarder, on finit par rentrer dans la petite taverne, où, à première vue, il y régnait une bonne ambiance. Même la décoration était assez originale pour être soulignée. Immadiatement, Hiro salua le jeune tavernier, commandant ce qu'il avait l'habitude de prendre. C'était à ce moment-là que le dénommé "Shinji" se tourna vers moi, me souriant poliment. Il n'en avait fallu pas plus pour que des gamines se mirent en sueur et crièrent comme des dindes.

" Et bah... celles-là, on sait qu'elles ne viennent pas pour la picole. "

J'eus un petit rictus de moquerie au bord des lèvres, avant de porter mon œil améthyste sur Shinji.

" C'est normal qu'on ne se connaisse pas, joli cœur. Je suis pas du coin.  Mais ce bonhomme m'a dit que vous serviez le meilleur saké de Sakyuu. Je me sentais mal de pas venir vérifier. "

Je finis par tourner la tête, cherchant un endroit pour poser nos postérieurs. D'un geste du menton, je proposais un coin à Hiro.

" On a qu'à aller s'assoir là-bas. Ça nous éloignera des groupies. Ha. Tant que j'y pense... Shinji, c'est ça ? Moi, c'est Honoka. Si ton saké me convient, je deviendrai une de tes habituées dès que je serai de passage ici. "

Je lui adressais un nouveau sourire, avant de retrouver mon ami le moine farfelu pour s'étaler sur les coussins.

J'avais bien compris que Hiro avait pas inventé l'eau tiède, mais cela en était presque désespérant.

" Sans déconner, t'es pas une flèche, l'ami. Ces nanas sont là pour ton pote, parce qu'il a une belle gueule. Bref... elles essaient t'attirer son attention, mais je crois qu'elles ont pas compris que cela doit plus lui casser les noix qu'autre chose.  Après, peut-être que la bouffe est bonne aussi. "

Je ne savais pas pour la nourriture, mais des filles dans le genre qui s'émoustillaient pour peu, j'avais bien peur de connaître le genre. Il y en avait aussi à Seizan, mais elles étaient branchées sur un autre type de bonhomme, et c'étaient pas les jolis sourires. En attendant, je tournais mon regard vers Shinji, lui adressant un petit sourire.

" Si cela peut te rassurer, gueule d'ange, je dois être aussi peu difficile que lui qui exagère avec ce qu'il adore donc... peu probable que je sois réellement déçue. Par contre, avec tout ça, je serais curieuse de grailler quelque chose aussi. Si tu as un truc qui accompagne bien ton saké, je veux bien goûter. Je te laisse choisir pour moi. "

Autant laisser le maître de maison me servir les spécialités du coin, en espérant que sa bouille ne dissimulait pas un filou qui allait me vider le portefeuille. L'ironie était qu'une fois qu'on était assis, il m'indiqua que j'avais le droit à une remise sur la première bouteille. Je l'aimais bien ce Shinji, et à cette annonce, je ne retins pas un sourire.

" Oh oh oh... une remise... je vais peut-être finalement rejoindre le gang des hurleuses avec des cadeaux pareils. "

C'était bien entendu ironique. En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, notre jeune serveur se montra d'une efficacité redoutable. Trois bouteilles de saké sur la table, et le voilà repartit faire son office. J'espérais qu'il puisse m'amener un truc à manger. Mais à défaut, je me servis par avance mon premier verre, dans un verre contrairement à Hiro.

Pendant que monsieur s'extasiait et buvait au goulot, je pris mon temps avant de lever le coude. Non pas que j'étais spécialement méfiance quand je connaissais pas un truc, mais je me disais que si ça devait être aussi bon que ça, il me fallait le temps d'apprécier plutôt que jouer les ogres.

" Mmmm... c'est plutôt pas mal. Ouais... plutôt pas mal. Assez pour que ça vaille le coup de revenir. "

Une réponse donnée une fois le premier verre fini. Il ne m'en fallut pas plus pour m'en servir un second, alors que le sunajin fit une blague assez pourrie. Je ne pus retenir un regard blasé dans sa direction.

" T'es con… Mais pour te répondre, oui, il y a quelques bonnes bouteilles. C'est pas tellement la spécialité de chez nous, mais on y trouve son compte. Au pire, on le fait venir d'ailleurs. Par contre, pour la bouffe, là, on se fait plaisir. "

J'enfilais mon second verre.

" Du coup, Hiro... maintenant que t'as fini ton entrainement, tu ne t'es rien prévu d'autre ? T'as pas genre des obligations monastiques ou un truc du style ? Ils sont moins rudes que chez nous les prêtres ici... "

Ceux de Seizan étaient clairement pas des marrants.

Le jeune Shinji me proposa des plats classiques, le genre de truc qui me convenait tout à fait. Je n'avais jamais été spécialement une fine bouche ni une grande gourmet. Tant que ce qu'on me servait était nourrissant et pas empoisonné, ça me convenait.

"  Parfait. Apporte-nous tout ça.  "

Disparaissant une fois la commande passée, je me retrouvais en tête-à-tête avec mon énergumène excentrique. Bordel qu'il était bruyant. On pouvait pas nier qu'il était pas enthousiaste celui-là, et il lui en fallait peu pour se satisfaire. Pour le saké, il ne m'avait effectivement pas menti, mais pas de quoi faire un plat non plus.

"  Oui, oui, tu l'avais dit. Pour la bouffe par chez nous, c'est clair que c'est un autre délire qu'ici. C'est plus de la bête de montagne que l'on fait griller, enfin, du gibier quoi. Par contre, je te mentirai pas qu'on peut les accompagner de sauce plutôt corsée.  "

Beaucoup à base de vinasse et autres délires. Mais j'étais pas cuisinière, je me contentais de manger.
Laissant cette partie de notre conversation de côté, je me renseignais plutôt sur le type de moine qu'il prétendait être. On pouvait pas dire que c'était le haut du panier, ni le plus zélé des culs bénis.

"  Ah. Il te donne rien à faire ? Putain cette planque... j'ai peut-être raté une vocation...  "

Sûre qu'être payée à rien glander, j'aurais presque pu apprécier... si j'étais pas certaine de me faire chier. Par contre, Hiro me surprit plutôt par son délire de chasseur. Chasseur de trésor si on voulait être exacte et autant vous avouer que je le regardais en arquant un sourcil. Je supputais que c'était un métier à emmerde, mais ça semblait l'enthousiasmer, surtout lorsqu'il me présenta le truc autour de son cou.

" Un cadran solaire... ok. Tu te sers vraiment de ce machin pour connaître l'heure ? Il te suffit de lever la tête, pour le savoir. Enfin... dans notre boulot, ça fait partie des trucs qu'on nous enseigne à la base. M'enfin bon... c'est joli.  "

J'en avais rien à foutre en fait, mais fallait bien que je dise quelque chose. Cependant, ça restait quand même un peu bizarre comme "métier". Je supposais que tout dépendait de sa définition de trésor et après quoi il courrait exactement.

Laissant mes autres possible questionnement en suspens, Shinji apporta notre bouffe tandis que je bus une autre gorgée de mon verre. Je le remerciais d'un mouvement de tête, avant de zieuter les brochettes et que l'autre goinfre se jeta sur la nourriture.

" On peut pas dire que t'as faim, toi.  "

Je secouais la tête alors que j'entamais plus tranquillement mes brochettes.

" Ha et sinon, tes trésors là, comment tu sais où ils se trouvent et comment tu détermines que ça vaut le coup ? Tu fonctionnes comment ? Genre des gens viennent te voir ou bien des historiens ou un truc dans le genre ?  "

C'était un mystère total pour moi.