J’avais le nez fourré dans quelconque parchemin, comme c’est souvent le cas ces derniers temps – jusqu’à ce que quelqu’un passe à mon bureau. Avant d’aller en direction du bureau de ma cheffe pour en savoir plus, je prends avec moi mon nouveau masque. Le nom de notre équipe n’est pas hasardeux, et je ne compte pas l’oublier.

En arrivant, je salue d’un hochement de tête mon nouvel équipier en souriant. Je n’ai pas mis beaucoup de temps à venir, mais on attendait sans doute un peu après moi. La mission m’intéresse grandement; j’avais surtout hâte de partir sur le terrain et voir de mes propres yeux ce dont est capable notre nouveau camarade. J’en ai beaucoup appris ces derniers jours et la confiance que je lui porte ne montre aucun signe d’amenuisement.

«D’accord. Le ramener en vie ne devrait pas poser de problème. Advenant qu’il soit innocent, est-ce qu’on a un objectif secondaire? Trouver qui ou quoi est la cause des sacrifices?» Je m’assure de savoir exactement ce qui est attendu de moi et ce qui pourrait modifier notre objectif principal. Les missions ne se passent pas toujours comme elles le devraient, et je ne veux pas laisser place à l’erreur.

Autrement, je réponds à la question de Chinone au mieux de mes capacités : «je sais comment en faire. Mes transformations sont très détaillées et faites pour tromper; elles ne se défont pas facilement. Au besoin, je peux sans doute en appliquer sur vous aussi, si vous avez peur d’être attaqués et que ça brise les vôtres.» Je me doute que notre cheffe est au courant de ces capacités, sachant que je m’en sers maintenant tous les jours pour cacher…

"J’aurai servi de pratique, j'ai compris."

***

J’emporte avec moi ce qu’il faut, conservant avec moi quelques armes à cacher dans les pans de ma tenue. Ce que j’ai en trop, je conserve à la maison en appliquant quelques sceaux nouvellement appris pour les appeler à moi au besoin. J’en profite pour remplir de quelques provisions une ou deux boîtes, puis j’applique des marques sur elles aussi. Ça pourrait éventuellement servir durant notre voyage, histoire qu’on puisse se nourir sans trop de problèmes.

Puis, on part en voyage. Les premières heures sont tranquilles et se passent en silence.

Quand la nuit commence à se montrer, qu’on fait une pause pour se reposer, j’offre de quoi manger aux autres. Avec Chinone, j’ai l’habitude du voyage; le silence est chose commune et à force il devient presque méditatif. Nous avons déjà fait un voyage jusqu’à Toge ensemble, je sais ce que c’est. Je me suis arrêté seul pour faire du tourisme à Seizan, certes, mais le voyage ne m’a pas dérangé.

Cette fois, par contre, nous avons quelqu’un d’autre avec qui composer. Alors qu’on mange, je m’enquiers tranquillement de son état, voulant surtout savoir si «le voyage n’est pas trop morne? Chinone et moi on a l’habitude de parler peu lorsqu’on voyage et je sais que tu es d’habitude assez tranquille, mais si tu t’ennuies trop n’hésite pas à le dire.» Je peux parler de plein de choses. Chinone est d’ordinaire plus orientée vers sa tâche qu’autre chose et discute moins, mais elle est amplement capable de combler le silence. Moi-même, j’aime savoir ce à quoi elle pense, ça m’aide à apprendre.

Plus tard, avant que l’on aille se coucher, je pose mon masque sur mon visage. J’irai aussi dormir de mon côté, essayant de ne pas attirer l’attention sur moi. Des yeux attentifs pourraient remarquer que ma silhouette semble plus svelte qu’elle ne l’est normalement… malheureusement, je ne peux pas garder ma transformation active en tout temps. Chinone est déjà au courant. Notre nouveau compagnon, par contre, ne l’est pas.

S’il en vient à me poser des questions – et seulement s’il vient de lui-même –, j’avouerai à Kenichi quelque chose d’important : «Écoute… Je ne peux pas te cacher ce secret éternellement et je ne veux pas, mais dans l’état actuel je ne peux pas t’en parler moins vaguement…» Je tire quelque peu la langue en pointant distraitement ma bouche du doigt. Le sceau de la brigade, donc.

Autrement, je ferai au mieux pour cacher mes traits réels, espérant qu’il ne se rende compte de rien.

***

Le voyage se termine bientôt, et avant de se présenter au village on voit ensemble quelle stratégie adopter. Pendant que mes coéquipiers discutent, j’ajuste mes affaires dans mon kimono pour mieux les cacher… Si je modifie ma transformation actuelle, je peux mieux camoufler mes armes.

Kenichi est très peu sûr de lui; je l’encourage pourtant en enchérissant sur son idée. «… Je ne la trouve pas mauvaise moi, pourtant. Au contraire; Chinone et moi avons beaucoup de pilules militaires. On peut sans problème au moins jouer les apothicaires. C’est une bonne excuse pour aller observer les alentours du village et aussi ce qui se trouve à l’intérieur. Au besoin je peux essayer de mentir, mais je ne m’y connais pas plus qu’il faut en médecine, contrairement à vous deux.»

Traduction; je peux raconter des conneries aux civils, mais si je suis prit sur le fait par quelqu’un qui s’y connaît je ne pourrai sans doute pas prétendre bien longtemps.

Entrer ne devrait pas être bien difficile, si ce n’est pour le fait que ces doigts n’ont jamais servi d’outil de médecine. Les mudras, par contre, ils s’y connaissent pleinement! Ce n’est qu’une fois près du village – à un peu moins d’une demi-heure de marche – que je m’assure de garder mes pilules et mes antidotes accessibles, dans les pans de mon vêtement. À partir de là, j’utilise mon chakra pour me transformer et ressembler à un homme lambda.

Quelqu’un de menu, aux yeux et aux cheveux bruns, qui n’est pas très grand et qui fait jeune. Un jeune apprenti n’ayant pour lui rien de remarquable, facilement oubliable. «Je resterai plutôt silencieux; moins j’en dis moins je pourrai faire de bêtises.» En agissant ainsi, j’aurai aussi l’opportunité de farfouiller un peu à l’intérieur du village, servant davantage de coursier que d’apprenti.

Comme une véritable nouvelle recrue.

Juste avant qu’on arrive, lorsque je remarque au loin des gardes aux grandes portes de l’endroit, je dis tout bas que «s’il nous faut des faux papiers, j’ai ce qu’il faut.» Dans mon sac, j’ai quelques parchemins vierges; quelques illusions rapides peuvent facilement transformer ceux-ci en faux documents. Au besoin, je n’aurai qu’à fouiller dans mon sac, y cacher mes mains, et faire mine de chercher pendant que je file quelques signes. Je prétexterai que c’est moi qui était en charge de garder nos papiers, pour éviter qu’on les perde.

Les gardes du village me semblent peu avenants, et leur présence me fait quelque peu tiquer; bien sûr, le village est sauf, il faut surveiller dans tous les cas pour des visiteurs, je comprends. Ces hommes ont quand même l’air peu accueillants.

Alors que Kenichi mentionne que la route est longue, je fais mine d’observer mes pieds, ballottant légèrement d’un bord, puis de l’autre. Comme si mon propre poids commence à trop me peser «… » J’ai moi-même hâte d’être arrivé et sans dire que j’ai trouvé le voyage pénible, je ne dirais pas non à un peu de repos.

Si on nous laisse entrer sans souci, le plus que je demanderai, c’est «est-ce que vous pourriez me dire pas où me diriger pour trouver une auberge?» Rien de plus, juste histoire que je sache où aller par la suite. Si on en vient à se séparer, j’irai moi-même prendre des chambres et je pourrai en profiter pour questionner avec subtilité l’aubergiste.

Nous ne sommes pas les bienvenus et ça se voit tout de suite, et ce même si nous réussissons à entrer sans embrouille. Obtenir des informations sur la situation ne sera guère facile, le doute plane sur nous bien trop intensément.

Ce n’est qu’une fois dans les murs de l’auberge que je trouve répit… plus ou moins. Ça ne s’améliore pas, mais avec moins de monde pour me scruter, je peux au moins respirer un peu. Je me retrouve seul un instant dans ma propre chambre. J’y laisse une bonne partie de mes affaires ainsi que quelques armements au cas où.

Par précaution, ne me sentant pas des plus sauf ici – je m’attends à ce que ma chambre pourrait se faire fouiller pendant que je suis sorti – je file plusieurs mudras minutieusement après avoir écrit quelque chose sur l’un de mes petits parchemins. Retenant mon dernier signe, je porte mon attention sur tout ce que j’ai rangé et les couvre d’une illusion pour les déguiser. J’utilise le sceau que j’ai écrit pour y laisser de mon chakra, qu’il se diffuse et maintienne ces mensonges pendant que je suis de sortie.

Si quelqu’un fouille, il ne trouvera rien qui trahirait mon appartenance au monde des ombres.

En sortant, Chinone m’avertit que ce soir elle sera de sortie. Pas celle que j’ai sous les yeux, bien entendu.  Tout aussi subtilement, je réponds que «dans ce cas, je resterai ici, je te laisse faire. Quoique j’irai peut-être faire une petite promenade.»

Je vais surveiller tes affaires. Si je sens quelconque danger, je sortirai. Si la clone veut éventuellement avertir l’originale, elle le pourra.

«Je vais te laisser t’occuper des soins, j’irai voir les patients déjà traités, prendre la température ou autre.» Je n’ai pas les moyens de leur venir en aide, directement, alors je ferai mine de vérifier.

«Pourrais-tu passer à l’apothicairerie dans ce cas, Misaki? Tu es plus attentive à nos reserves que moi, et je ne voudrais pas en rajouter au docteur Shinichi.» Je ne saurais pas bien mentir si je tombe sur un professionnel, et je ne saurais pas quoi vérifier exactement.

Sait-on jamais, le moine offre peut-être à sa population de quoi les soulager de leur peine en abondance, un produit que je ne connais sans doute pas.

De mon côté, je fais mine d’aider quelques patients de l’hopital à l’installer et à se sentir un peu mieux; je joue le rôle d’aide-soignant, en somme. Certains dorment; sur quelques uns, j’emploie mes méthodes en prétendant prendre la température. En posant doucement ma main sur le front d’un homme comateux, je vois un moine dans le fond de son esprit.

Il semble être une figure d’autorité, de leadership. Ce sont de maigres informations, mais elles confirment son importance au sein de quelques membres de la population, et m’indiquent une influence certaine.

Quoiqu’il arrive, la population semble l’accompagner.

Je finis par décider de sortir, passant pas la salle d’examen de l’hôpital pour voir mon camarade. Quand je verrai un instant opportun, je lui dirai que «Monsieur Shinichi? J’ai mis à l’aise les patients en salle de repos et vérifier l’état de ceux qui en avaient besoin. Il n’y a rien d’alarmant, vous pouvez faire passer ceux qui attendent. Je vais prendre un peu l’air et trouver un petit quelque chose à manger. Voulez-vous quelque chose?»

Mon message est passé; rien ne sert d’aller voir les autres, je suis déjà passé m’informer auprès de ceux que je pouvais. La proposition de lui ramener un repas est bien réelle; je sais qu’il travaille fort même si c’est pour faire semblant.

Une fois sorti, je partirai en direction de la place centrale en passant maladroitement – comme si je m’étais trompé de chemin -  près d’où je pourrais trouver un quelconque bâtiment de culte. Peut-être que quelque chose me sautera aux yeux, mais j’en doute.

À fouiller dans les coins de la ville, j’en viens à vite comprendre que ce n’est pas ici que se trouverait le lieu de culte du prêtre; soit il fait pratiquer ses croyants – sans doute nombreux – en privé, soit cela se passe hors d’ici, dans un endroit inconnu. La première option est peu probable; où pourrait-il cacher dans le village tous ces gens à la fois, et pourquoi devrait-il d’abord se cacher si tout le monde est à sa botte?

Je continue d’observer, finissant par découvrir un chemin à l’est. Au loins, au bout du chemin, une feinte étendue d’eau difficile à remarquer à cause de la distance mêlée à la pénombre. Par contre, je remarque que le chemin a été emprunté plus d’une fois, et par plus d’une personne à la fois; le sentier est battu par les passages, et le peu d’herbage qui pousse encore n’est pas bien vaillant.

Dans l’état, je n’ose pas m’aventurer plus loin; je n’ai pas l’impression d’être observé, mais on ne sait jamais. Je préfère rapporter mes suspicions à Chinone plus tard que de me risquer moi-même et mettre le pied là où je ne devrais pas.

J’ai même déjà beaucoup déambulé; il serait mieux de rentrer et d’informer mon équipe. Une fois de retour à l’auberge, je viens toquer à la porte de Chinone, puis j’entre. Je m’assure une fois de plus qu’il n’y a personne autour de moi.

«Je vais retourner à la clinique sous peu, je voulais t’informer d’abord de ce que j’ai découvert comme informations. Dans le village, il n’y a aucun lieu de culte classique, et je n’ai senti aucun rassemblement de civils. En… fouillant, j’ai compris que monsieur est particulièrement apprécié par le peuple et qu’il est effectivement l’équivalent de leur meneur. L’attitude austère des gens me fait penser que dans tous les cas, il cache quelque chose. La piste que j’ai trouvé mène à l’extérieur du village, à l’est. Il y a un sentier battu, au bout il semble y avoir une étendue d’eau. Beaucoup de gens y passent. Pour ne pas attirer l’attention sur moi, je me suis abstenu d’aller voir; ça peut être un bon début de recherche quand tu sortiras. Au cas où, je me tiendrai prêt en restant ici. »

Un long discours, mais un discours à voix basse. On ne sait jamais, et comme notre cible a des yeux et des oreilles partout, je ne veux pas trop risquer d’être entendu.

Je fais signe que je quitte, puis je repars vers la bâtisse médicale promptement; c’est l’endroit où il y a le plus de gens, et laisser Kenichi au milieu de tout ce monde trop longtemps ne m’enchante pas. Certes, les gens sont sans doute malades, mais qu’est-ce qui empêcherait un groupe de xénophobes ou de sectaires d’essayer de l’approcher, de le coincer et de l’attaquer? La population générale ne se montre pas hostile, mais on ne peut pas agir en assumant ne pas avoir été repérés.

Au tournant de quelques rues, je commence à ressentir sa présence. Il semblait chercher quelque chose. Je l’appelle en me dirigeant vers lui, faisant tout de même attention à ne pas trop hausser la voix. «Monsieur Shinichi! Vous prenez une pause, pas vrai? Je suis navré, je voulais vous trouver quelque chose à manger pour plus tard, mais… je me suis perdu.»

Je fais mine d’être un peu découragé, juste un court instant. J’ajoute, avec un peu plus d’entrain, que «au moins, j’ai eu l’opportunité de voir un peu l’endroit. J’ai vu beaucoup de choses.» À comprendre, quelque chose a attiré mon attention. «J’ai laissé un mot à Misaki. Comme elle aime sortir le soir, je l’ai avertie que je compte rester à l’auberge et me reposer. Mine de rien, la médecine peut vite fatiguer.» Soit, j’attendrai que Chinone ait bougé et trouvé quelque chose, faisant certain d’être facile à retrouver et à alerter.

La nourriture était décevante, presque autant que le peu d’informations qu’on avait réussi à accumuler. Les yeux dans ma portion – même si à peine l’un d’eux aurait suffi – et les mains croisées sur la table, j’aligne à mes deux camarades mes quelques pensées pour la suite des choses.

«Je ne crois pas qu’on puisse rester ici bien longtemps, de toute évidence nous ne sommes pas les bienvenus. Je pense qu’il vaut mieux se dépécher à récupérer ce qu’il nous faut comme produits ce soir et partir demain, ou dans les prochains jours… Si tu veux, Misaki, je resterai aussi debout assez tard pour refaire le tri de nos réserves; je ne suis pas aussi doué que toi, mais si tu as besoin d’aide, je pourrai t’aider à attraper des crapauds.»

À comprendre que si quelque chose se passe ce soir, Kenichi et moi serons disponibles et que Chinone n’aura qu’à me faire signe d’une quelconque façon pour qu’on arrive. Dans tous les cas, je pense qu’il faudra agir plus tôt que tard, le comportement de la plèbe montrant très clairement qu’il y a anguille sous roche. Kenichi et moi on a pu confirmer à un certain degré que la population soutient le moine que l’on recherche, mais il nous faut savoir en quel sens. «Et si je dois sortir, j’avertirai le docteur Shinichi. »

Doucement, sous la table, je file avec discrétion quelques mudras. Regardant dans les yeux mes partenaires, je leur envoie le message en clair – et surtout en silence –. D’abord, Chinone : «Ça devient évident; dans le village, il n’y a rien. Tout doit se passer dans un lieu secret, probablement à l’étang. Je me tiendrai prêt; si tu veux, on peut boucler ça ce soir. Je pense qu’on ne doit pas s’éterniser, sinon la population deviendra plus suspecte. Au mieux, on devrait frapper cette nuit ou faire semblant de quitter les lieux demain, pour éviter leur vigilance.» Parce que très clairement, si on reste trop longtemps on sera scruté.

Puis, Kenichi. «Ce soir, reste prêt à sortir. Si Chinone décide d’agir, on pourra la rejoindre rapidement. Elle est de sortie, ce sera sans doute le meilleur temps pour trouver le moine, ou même le coincer.» Puis, Chinone a de nombreux moyens de nous faire signe.

Après avoir fini de manger – ce qui ne prit vraiment pas longtemps – je suis moi aussi retourné dans mes quartiers. J’ai récupéré tout ce qu’il me fallait en cas de confrontation, et j’ai tout caché sous une autre savante illusion.

Compétences utilisées:

Nous partons donc, Chinone ayant trouvé l’opportunité qu’il nous fallait pour accomplir notre tâche. Ça se passait là où je n’avais osé me rendre, me disant que c’était trop suspect. Je passe en dernier, surveillant qu’aucun importun n’ait osé nous suivre lors de notre sortie [Compétence Sensorielle – Troisième Oeil].

Ce n’est qu’une fois sur place que je défait ma fausse identité, revêtant alors le masque que l’on m’a offert lors de la formation officielle de notre équipe. Je confirme ensuite à mes partenaires qu’effectivement, «je sens la présence de quelqu’un là, derrière la chute d’eau... deux. Ils sont deux.»

Si j’avais osé y aller plus tôt, quand il faisait jour, j’aurais sans doute pu me rendre compte de cette tanière secrète, mais avec la noirceur ça ne se remarque pas facilement… À part cela, il ne semble y avoir personne d’autre sur les lieux et si piège il y a, je ne suis pas en position de les détecter.

«La voie semble libre, je ne ressens rien de suspect. Il y a peut-être des pièges à l’intérieur, mais j’en doute.» S’il y en a, ils sont sans chakra. Notre cible reste un moine et pas un shinobi comme nous, les chances qu’il ait piégé son lieu de culte sont basses, mais peut-être pas négligeables.

Chinone?

Je tourne les yeux vers elle pour silencieusement obtenir son avis sur la question, si elle croit qu’il vaut mieux y aller de front, tous ensembles ou s’il vaudrait mieux garder quelqu’un à l’extérieur. En tout cas, pour l’instant je me tiens un peu à l’écart, comme en retrait, pour minimiser l’attention potentielle qu’on pourrait avoir sur moi [Compétence Assassinat – Couard].

Je crois que si on en vient à se séparer, il vaut mieux que Chinone reste à l’extérieur pour surveiller, sa furtivité dépassant largement la mienne et ses aptitudes au combat lui permettant d’incapaciter pas mal n’importe qui aisément. Dans tous les cas, je proposerai à Kenichi une paire de kunai advenant qu’il n’ait pas d’arme sur lui; nul doute que ses poings soient suffisants, mais au moins comme ça il aura des options.

Je sens de loin la lutte s’engager, les chakras se mettre en forme et tenter de s’aligner pour mieux se déboiter. L’un des quatres danseurs s’éteint tout de suite, sa force vitale se stabilisant rapidement, comme s’il s’était subitement endormi.

J’ai choisi de rester à l’écart, au cas où l’un de ceux que Chinone a repéré avant de venir nous chercher ne fasse demi-tour, ou qu’un gêneur ne se retrouve sur les lieux. Ce sera ma contribution; m’assurer que ce combat, ce baptème du feu, ne soit pas interrompu. Quelque chose a repoussé le moine. De mon point de vue, Chinone est restée immobile. Il semblerait que Kenichi ait déjà engagé son opposant, prêt à lui donner une bonne leçon.

Ailleurs, au début du chemin, quelqu’un semblait approcher. Sans doute un retardataire qui voulait montrer un peu de piété en venant quand même prier au sacrifice de l’un de ses amis. Alignant quelques signes, je rends rapidement le terrain impratiquable pour le visiteur [Compétence Genjutsu – Scénariste] et le chemin difficilement reconnaissable [Compétence Genjutsu – Projection], moult arbres lui bloquant le passage et la vue.

Éventuellement, j’en viens à me dissimuler dans la végétation environnante et à sortir une flûte, voyant que le vieil homme semblait particulièrement persistant.

«Magen : Yonaka no Oni», les Démons de minuit. Il n’osera pas faire promenade ici bien longtemps; alors que les sons de mon instrument se suivent de plus en plus rapidement, les yeux de la forêt commencent à s’ouvrir. Des créatures, issues du noir profond, n’ont cesse de l’observer [Compétence – Frayeur]. Il aura fini par fuir les lieux, mais pas avant d’avoir poussé un aigu cri de peur.

Franchement, ces villageois sont si fragiles… Au moins, on a l’avantage que soit personne n’osera revenir ici, soit les curieux arpenteront la forêt. Ce sera peut-être pour certains l’occasion de retrouver certains aimés ayant disparu…

Je finis par retourner à mon poste, observant – enfin… – de loin la scène. Je suis confiant que Kenichi s’en sorte bien.

Il me fallait savoir. Il était impératif que je puisse voir de mes propres yeux la transformation du nouveau membre de notre groupe. Est-il devenu un tigre, ou peut-être même un dragon? Devant cette nouvelle épreuve, forcé de choisir, qu’est-il devenu? Est-ce qu’il a conservé la précision et l’agilité découlant naturellement de sa profession, ou a-t-il finalement laissé s’exprimer cette part belliqueuse et brutale qu’il a toujours tenté de cacher?

Encore une fois, on m’empêche de satisfaire ma curiosité en approchant de la cascade. Le marais qui s’était dessiné pour eux se fait maintenant sable [Compétence Genjutsu - Scénariste], et les deux vaillants se retrouvent vite pris au piège alors que le son délicat du souffle de ma flûte se fraie un chemin à travers leur esprit.

«Magen : Suna no Haaku,», l’illusion démoniaque de l’emprise des sables. L’un après l’autre, je les fais sombrer petit à petit dans les sables mouvents qu’ils ont osé tenter de franchir. [Compétence Genjutsu – Maitre des Peurs]

Aucun d’eux ne passera tant que je serai là. J’avais vainement espéré que la frousse foutue à l’autre visiteur aurait été suffisante pour qu’il se taise et n’implique personne d’autre, mais malheureusement… je n’ai d’autre choix que de me montrer plus cruel. Ceux-là se sentent coincés, et ne partiront pas d’ici avant que je ne le décide. S’ils doivent errer dans les méandres de mon esprit, subir l’étreinte du sable et des monstres se cachant en dessous, alors c’est ce qui leur arrivera [Compétence Genjutsu – Monde Intérieur].

Je surveille aussi distraitement, d’un œil irréel, ce qu’il se passe derrière la chute d’eau. Au besoin, je serai prêt à intervenir, mais… il semblerait que la cible soit de plus en plus en difficulté. Je ne saurais en dire davantage. En tout cas, je veillerai à ce que leur combat ne soit aucunement entaché.