Apparemment, il était l'un des invités d'honneur, de même qu'une certaine Hasegawa Yui, dernière représentante de son clan d'origine Togejin, mais actuellement exilée à Jujou où elle avait jusque là reçu des soins. Si elle ne faisait encore véritablement son retour parmi l'Epine, elle revenait au moins dans son village natal pour une période encore indéterminée. Une question que le Souhei ne manquerait point de lui poser, lui qui ne s'intéressait déjà que peu aux hôtes ici présents. S'il avait accepté cette sollicitation, c'était avant tout afin d'assurer une bonne image de sa lignée, et de feindre une intégration relativement paisible. S'il appréciait le luxe et le confort, il n'avait que faire de ceux qui en étaient devenus esclaves ; a fortiori lorsqu'ils écrasaient les autres afin d'en jouir davantage. Cette jeune femme semblait pour sa part différente. Outre son évident manque de repères, attestant qu'elle n'appartenait guère au même monde, son récit était déjà bien plus intriguant.
S'approchant de la demoiselle se tenant près d'un balcon, Byakuren avait aisément compris qu'elle n'était point dans son élément, et se montrait ainsi rassurant. Il n'avait d'ailleurs pas pris la peine de se présenter, en ce qu'il paraissait peu probable qu'elle puisse ignorer son identité, qu'il ne souhaitait nullement mettre en avant de manière aussi ostentatoire. Ils bénéficiaient désormais d'un relatif moment de tranquillité et de confidentialité, davantage propice à une discussion plus ouverte et naturelle. Contemplant le ciel étoilé au sein duquel trônait l'astre lunaire, le prêtre d'Amaterasu adressa fugacement une silencieuse prière envers le Kami Sélène, avant de poursuivre d'un ton des plus nobles, à la fois doux et empreint de confiance.
Mondanités frivoles
Toute une vie de préparation, toute une vie d'apprentissage, et voilà que Yui se devait de se confronter à la réalité de son rang plus vite qu'elle ne l'aurait cru. Deux longues années que la douce demoiselle n'était pas revenue à Toge, deux longues années où elle avait redouté que l'on la força à retourner dans les bras de sa mère patrie et la quinzaine de jours de voyage qui avait été effectué dans la nervosité lui parut les plus longues de sa vie. Pourtant, le but de sa visite était louable et répondait à une quête qu'elle avait accepté d'entreprendre pour aider un prince d'un autre monde.
Dis ainsi, cela sonnait presque comme un roman et cependant, il n'en était là que la terrible vérité. Elle avait besoin de parfaire ses connaissances en Yokaï et le village qui regorgeait d'informations à cet effet n'était autre que Toge. Bien qu'elle était heureuse à Jujou, elle eut toujours le petit regret d'avoir perçu que ce village, bien qu'avancé, possédait beaucoup d'apriori concernant ces créatures. Comment aider un être surnaturel dans ces conditions ? Elle s'était donc résolue, pour la bonne cause, de déroger aux règles qu'elle s'était fixée en ne précipitant pas son retour au village des épines. Malheureusement pour elle, si Yui désirait la discrétion, ceux qui eurent vent de son retour épisodique avaient trouvé de bon ton d'organiser une entrevue entre aristocrates autour de festivité conviviale. Cela avait obligé la jeune femme à réétudier tous les protocoles de la noblesse, les noms des grandes familles et les derniers évènements marquants qui purent frapper la région. Et que dire de ses manières ! Bien qu'elles eurent toujours été délicates, il lui fallut se remémorer les règles de bienséance. Mais honnêtement, le plus difficile pour elle était de choisir la tenue la plus appropriée et la plus digne. Elle mélangea ainsi les couleurs de Toge et de Jujou, mais pris garde à ne pas faire apparaître le moindre symbolisme particulier, outre celui qui se rattachait à son clan par le biais d'une élégante broche de cheveux : une eau ondulante pour représenter une rivière.
Toutefois, malgré toutes ses préparations, l'anxiété n'avait jamais quitté la douce Hasegawa, surtout qu'on lui expliqua qu'il y avait même l'un des membres de la famille de l'Empereur ! Voilà qui représentait une pression supplémentaire sur les frêles épaules de la demoiselle. Oh, cela fut terrible et elle ne s'était jamais sentie aussi seule que pendant les interminables quarts d'heures où elle dut maintenir son sourire avenant, saluer avec élégance chaque personne dite importante. Cependant, elle eut bien plus l'impression d'être un objet de curiosité qu'une réelle invitée honorée. Certaines personnes avaient connu sa grand-mère, certaines connaissaient même la disgrâce de son père. Quant à ce qui lui était arrivé ? Ce n'était pas un réel secret pour ceux qui cherchaient ce qui se rapportaient son nom. Elle était une héritière maudite. Voilà ce que disait les plus mauvaises langues. Mais aussi maudite qu'elle fut, son nom restait celui d'une noble famille avec un noble héritage.
Yui finit toutefois à s'écarter un peu des curieux, les observer de loin, comme si ce monde auquel elle avait pourtant été préparé à côtoyer, n'était pas le sien. La jujoujin se savait naïve, et peut-être s'était-elle déjà laissée surprendre et trompée par quelques gens de la salle. Cependant, elle n'arrivait pas à se sentir totalement à l'aise. Il lui manquait quelque chose. Probablement quelqu'un ? Sa petite échappée l'avait conduite près d'un balcon par lequel elle observait le ciel. Là-haut, la lune brillait déjà, seul élément rassurant de cette bien étrange soirée forcée.
Mais alors que ses songes s'en allèrent pour s'en retrouver Tsukuyomi-sama - et peut-être aussi un certain jeune samuraï - elle fut ramenée à la dure réalité. Toutefois, quand son regard se tourna, ce fut une formidable figure qui la salua. Rougissant immédiatement devant la prestigieuse présence de l'autre invité d'honneur, Yui se confondit en politesse et le salua comme le voulut l'usage.
" Minamoto-denka ! "
Lorsqu'elle se redressa, ses joues portèrent toujours le rose de son étonnement.
" Il... Il est vrai que cela fait bien longtemps que je n'eus pas l'occasion de me retrouver ainsi entourée, mais cela est un honneur. "
La douce Hasegawa afficha un chaleureux sourire avant de le saluer encore, mais son esquisse s'étira bien plus et ses yeux se mirent à pétiller d'un éclat nouveau lorsqu'il fit mention du dieu lunaire.
" Oh, comme vous avez raison, Minamoto-denka. Tsukuyomi-sama nous fait l'honneur de nous bénir de ses rayons réconfortants et semble saluer votre retour, bien plus que le mien qui n'est, malheureusement, que temporaire. Il serait outrecuidant de ma part de prétendre que je suis digne de son salut. "
Les yeux bleus de la demoiselle se tournèrent vers la lune quelques instants, pleine d'humilité, sachant pertinemment qu'elle n'était pas pour se faire pardonner son absence.
" Minamoto-denka, j'espère que cette soirée vous plaît et que l'ennui ne vous gagne pas trop ? Si je puis faire quelque chose pour vous, sachez que je suis votre obligée. "
La famille Hasegawa avait toujours été respectueuse envers l'Empereur et sa famille, fidèle et loyale même, et ce, qu'importait la branche. Nul jugement ne viendrait de la part de Yui qui ne pouvait que se plier devant le sang d'une plus grande noblesse que la sienne.
Faniahh/Lala/Cyalana
Depuis son retour à Toge, les choses avaient quelque peu changé, et à l'instar de celui dont Yui venait de le gratifier, il recommençait parfois à recevoir des accueils aussi chaleureux, ou empreints d'un certain émoi. Nombreux étaient toutefois les salutations hypocrites ou emplies de défiance, en ce qu'après tout, il descendait de Minamoto Saga dont la tentative de coup d'Etat avait disqualifié son père comme prétendant au Trône. C'est pourquoi il se réjouissait sincèrement de voir sa présence aussi bien tolérée, ou provoquer ce genre d'effets.
C'est à dessein que le prêtre d'Amaterasu avait usé de certains mots qu'il venait d'employer. S'il en ignorait encore les détails, et ne souhaitait nullement indisposer la demoiselle en abordant un sujet potentiellement épineux et indiscret, il avait cru comprendre qu'elle était présentée comme maudite. C'est pourquoi n'avait-il guère manqué de dresser un parallèle avec la grâce de la divinité lunaire, envers les engeances d'Izanami que beaucoup considéraient encore comme démoniaques.
La jeune femme se montrait par ailleurs des plus prévenantes et attentionnées, sans pour autant verser dans une attitude obséquieuse et intéressée. Sa situation et ses réactions avaient quelque chose de touchant aux yeux de l'impérial, qui ne souhaitait la laisser livrée à elle-même dans cet océan de requins, gangréné par une noblesse en grande partie corrompue, susceptible de simplement vouloir se jouer d'elle, ou de tirer profit de son manque de repères, de son actuel célibat et de sa situation aristocratique.
Qui plus est, la mention d'un retour temporaire de la Jujoujin au sein de son village d'origine, avait intrigué son noble interlocuteur, curieux d'en apprendre davantage à ce sujet.
Mondanités frivoles
La douceur des paroles de Byakuren réussirent à faire naître un nouveau sourire sur le visage poupin de la jeune femme, et la coloration rosée de ses joues ne semblait guère vouloir s'estomper. Elle réalisait encore très mal qu'elle était en train de discuter avec un membre de la famille de l'Empereur, qu'importait qu'il fut désavoué par la branche principale au pouvoir. Elle était d'autant plus surprise qu'il lui apparut étonnamment humble, surtout à son égard, chose qui l'intimida un peu. Yui connaissait sa place, elle savait pertinemment qu'elle n'était pas d'un niveau égal à celui qui daignait lui faire la conversation.
" Minamoto-denka, vous êtes un homme plein d'humilité. Bien que je ne puisse n'être que d'accord avec votre discours, je ne pourrais m'enlever de l'esprit que Tsukuyomi-sama vous a fait part de bien plus de grâce que je n'en aurais jamais. "
Une sincère flatterie de la part de la demoiselle si bien élevée, car, bien que le milieu aristocratique gorgeait de requins et de serpents, la douce Hasegawa n'avait pas été éduquée, à l'origine, pour assouvir la moindre mauvaise intention et s'imposer parmi les stratèges, mais uniquement devenir une femme élégante, de grande noblesse pour permettre à son clan de perdurer dans l'honneur. On l'avait élevé dans la tradition qui cantonnait les femmes à pouvoir tenir de nombreux sujets de conversation, être plaisante et utile à son époux. Difficile pour un esprit aussi grand et ouvert que celui de Yui. L'enfermer dans ces vieux carcans était la laisser mourir à petit feu. Bien consciente de tout cela, n'était-ce pas l'une des raisons qui la poussait à continuer à chérir sa liberté à Jujou ?
Quoiqu'il en fut, les nouveaux compliments du noble moine ne manquèrent pas d'embarrasser une nouvelle fois la genin.
" Oh, vous me voyez ravie dans ce cas, Minamoto-denka. "
Mais alors qu'elle se sentait particulièrement heureuse de noter qu'elle était apte à se faire accepter par un individu si haut placé - lui laissant à penser que toute son éducation n'avait pas été vaine - elle se montra bien plus surprise de l'intérêt naissant de Buyakuren pour son retour. Penchant alors la tête sur le côté pour réfléchir à comment présenter les choses, Yui resta fidèle à elle-même par sa spontanéité.
" Ah oui, il est vrai. Mon engagement auprès de Jujou ne me permet de demeurer ici que pour quelques jours. Je suis venue pour effectuer quelques recherches que j'espère pouvoir être fructueuse. La réputation du Bureau de Toge n'a pas son égale. "
Le village était après tout bien connu pour s'intéresser aux Yokaï, tout comme l'on savait que Jujou les craignaient. Deux pôles du monde, deux visions différentes. Yui se retrouvait un peu piégée entre les deux. Tout sourire et toute fière, les yeux de la jeune femme se mirent à pétiller alors qu'elle les tourna vers le ciel.
" Il y a de cela quelques semaines, j'ai eu la chance... que dire, l'insigne honneur de faire une rencontre extraordinaire. Je désire aider cette personne, mais pour cela, il me faut mieux connaître un certain type de Yokaï. J'espère humblement pouvoir trouver quelques informations ici. "
Modeste, elle finit par se tourner vers Byakuren, toujours une expression joyeuse sur le visage.
" Et vous, Minamoto-denka, j'ai cru comprendre que vous reveniez aussi d'un très long pèlerinage. Avez-vous eu l'occasion de croiser quelques Yokaïs ? À dire vrai, je m'intéresse aux hommes-poissons. Peut-être en avez-vous déjà entendu parler ? "
Elle pensait que oui, car après tout, les nobles étaient des individus qui se devaient de posséder une grande culture sur toute chose. De plus, Byakuren, en tant que prêtre, devait avoir une science encore plus grande encore.
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La jeune femme se disait ravie des compliments de l'impérial, qui appréciait cette charmante compagnie, qui plus est nettement plus rafraichissante que celle de leurs homologues aristocrates aux relents frelatés. A en observer ses joues qui rosissaient, elle éprouvait même un certain embrassas ; gêne que le moine n'avait souhaité lui causer à dessein. Il était cependant satisfait de ne point l'importuner, et de susciter chez elle une réaction pour le moins méliorative à son égard, dont il ne se nourrissait guère avec vanité, mais avec une reconnaissance s'exprimant notamment dans le sourire qu'il lui destinait.
Il écoutait subséquemment le récit de Yui avec attention, comprenant que son retour à Toge était motivé par sa nécessité d'effectuer quelques recherches. Un motif souvent récurrent chez les visiteurs de l'Epine, qui démontrait toute la vision dont leur Kage avait fait preuve en érigeant le Bureau d'Etude, dont la renommée s'était rapidement solidifiée. Une fierté presque personnelle pour les jumeaux, qui s'étaient pleinement investis dans ce projet, dont l'annonce avait directement entraîné le terme de leur pèlerinage.
La suite de ces propos, suscitaient d'autant plus l'intérêt du prince, qui comprenait qu'elle souhaitait se renseigner sur un type bien particulier de Yôkais : des hommes-poissons. Pouvait-il y avoir une connexion, avec ces femmes-poissons dont il enquêtait justement sur la rumeur ? Son regard se faisait d'autant plus pétillant, qu'il ne comptait nullement ignorer une telle coïncidence. De plus, Yui avait parlé d'une rencontre extraordinaire, au sujet de laquelle sa curiosité avait été piquée, se demandant quelles découvertes la demoiselle avait d'ores-et-déjà pu accomplir.
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La discussion avec l'élégant Byakuren, malgré qu'il fut d'un statut bien plus élevé comparé au sien et que cela l'intimidait un peu, était peut-être la première chose qu'elle trouvait sincèrement agréable dans cette étrange fête organisée. Si les deux jeunes gens étaient les principaux invités, ils n'avaient attiré l'attention que lors des premières minutes. C'était presque à se demander si chacun d'eux ne fut pas une excuse pour toutes ces frivolités. Mais heureusement, à présent, ils n'étaient plus les réels centres d'intérêt, pour la plus grande joie de Yui.
Elle préféra ainsi se contenter de faire preuve d'amabilité - et possiblement de curiosité - en cherchant à faire bonne figure auprès de ce cousin de l'Empereur. Il lui était après tout assez rare aujourd'hui de pouvoir rencontrer pareille personne. Jujou était plus... ou disons moins... Difficile à définir, mais très éloigné des carcans aristocratiques de Toge.
" Oh, des kamis ? Oh oui, Minamoto-denka. J'ai été élevée pendant plusieurs années dans un modeste temple dédié à Tsukuyomi-sama à Yasou no Kumi. Toutefois, je ne suis pas entrée dans les ordres. Ce n'était pas le vœu de ma Grand-mère… mais parce que je suis redevable à Jujou, j'ai souhaité entrer dans leur armée shinobi où j'apprends l'art de la manipulation du chakra. "
Le sourire timide de la jeune femme se profila, alors que ses joues rosirent par embarras.
" Ce n'est que très récent cependant. Mais j'étudie principalement la médecine. Aider mon prochain a toujours été ce que je voulais et le village de Jujou est très en avance dans ce domaine. C'est une chance pour moi. "
Yui n'avait rien d'une vaillante guerrière, cela se voyait par son naturel doux et délicat. Néanmoins, derrière le bleu de ses yeux électriques, il existait une force insoupçonnée de détermination. Quant à de possibles capacités martiales, elle ne nierait pas qu'elle ne l'avait exploré. Peut-être qu'un jour ? Mais elle semblait plus douer par son esprit que par les marques de coups.
Et là, alors que la belle Hasegawa parla un peu innocemment de ses recherches, dès qu'elle aperçut les yeux de Byakuren, elle devina. Oh oui, elle devina que ce prince était aussi intéressé qu'elle par l'étude des Yokaï et probablement même les créatures marines. Serait-ce là un signe du destin ? Il fallait dire qu'elle avait rencontré le Prince des Hommes-Poissons et aujourd'hui, l'un des Princes du royaume des Hommes. Une coïncidence ? Voilà quelque chose de bien trop extraordinaire pour être ignoré.
" Oh ! Vous aussi ? Vous aussi vous vous intéressez à ces créatures ? Voilà qui est une chose fantastique ! "
L'enthousiasme et le naturel de Yui refirent surface, chassant à grande vitesse tout ce qui était attrait à son embarras. Mais avant de parler plus sur le sujet, elle n'oubliait pas la promesse qu'elle avait faite : elle ne pouvait trop parler, trop s'étendre sur le sujet pour ne pas mettre les hommes-poissons en danger. Mais Byakuren semblait - aux yeux de Yui - un être en qui on pouvait avoir confiance... mais elle ne pouvait en dire autant de ceux qui buvaient leur coupe de champagne.
Jetant un regard aux alentours, vérifiant si on leur prêtait attention à eux ou non, elle commença à mystérieusement regarder par-dessus le balcon. Son regard balayait le jardin en contrebas et calculait la distance qui la séparait du sol. Ce fut à ce moment-là qu'elle affichait un large sourire et se tourna vers Byakuren.
" Je serais très heureuse de partager avec vous tout ce que je sais, Minamoto-denka, mais... "
Elle s'approcha pour murmurer à voix basses.
" ... mais je n'aime pas beaucoup les hommes et les femmes qui se tiennent ici. Je ne souhaite pas qu'ils puissent s'immiscer dans notre conversation. "
Retrouvant son timbre de voix naturel, la demoiselle exécuta subitement de curieux mudras. Sur le moment, il n'y eut rien de visible. Elle en exécuta un second et tendit subitement la main vers Byakuren.
" Minamoto-denka, m'autoriseriez-vous à vous extraire de cette ennuyante soirée afin que nous puissions continuer notre passionnante conversation ? "
La main de Yui aurait pu paraître timide, mais étrangement, ce n'était plus le cas. Elle semblait étonnamment sûre d'elle, comme si aborder un sujet qui lui semblait plus confortable la rassurait.
" Il est vrai que la méthode n'est pas conventionnelle, Minamoto-denka, mais personne ne nous regarde et je suis certaine que nous pourrions revenir sans qu'ils s'en aperçoivent. "
La demoiselle, étrangement légère, grimpa sur le bord de la balustrade comme si elle eut été de plumes. Jetant un œil pour vérifier encore une fois que personne ne regardait, elle sourit à son homologue princier.
" Avant de vous parler des mystères de l'océan, si nous découvrions celui des oiseaux ? "
Un peu de folie, un peu de jeu, un peu de curiosité et de découverte. Voilà ce que proposaient la spontanée Hasegawa, voulant alors faire profiter à ce prince écarté, l'étrange sensation de se défaire de son poids et de sa gravité. Grâce à ce don récemment découvert, la jeune femme s'amusait à l'explorer et se montrait prête à partager sa capacité, le temps d'une brève échappée.
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L'enthousiasme de Yui, transparaissait d'autant plus naturellement lorsqu'elle évoquait ses recherches ainsi que son intérêt pour les Yôkais. A la question qu'elle venait de lui poser, Byakuren répondit en acquiesçant d'un grâcieux geste de la tête, maintenant une sourire sincère qui n'était nullement de façade. Son interlocutrice était visiblement prête à partager avec lui ce qu'elle avait pu apprendre de son côté, attisant son regard pétillant de curiosité et d'espoir. Néanmoins, la demoiselle préférait s'entretenir à ce sujet dans un endroit où ils pourraient jouir d'une plus grande intimidé, loin de ces autres invités susceptibles de s'immiscer dans leur conversation de manière inopportune. Puis, de façon inattendue, elle prit alors l'initiative de suggérer une alternative, proposant au prince de l'extraire de cette soirée. Exécutant un curieux mudra, elle tendait son autre main en sa direction, dégageant une confiance qu'il n'avait encore soupçonnée chez elle.
L'espace d'un bref instant, ce fut bien l'impérial, qui fut en proie à l'hésitation. S'il était encore légèrement déconcerté par cette démarche nettement plus osée et assurée de la part de la médecin, il se demandait s'il pouvait réellement la suivre ailleurs, et quel moyen comptait-elle employer afin d'y parvenir. Interrogation à laquelle il ne tarda point à connaître la réponse, lorsqu'il l'observa grimper sur le rebord de la balustrade comme si elle s'était soudainement délestée de son poids. Anticipant l'autre inquiétude qu'il avait envisagée, elle manifestait son intention de revenir avant que cette réception ne se termine. Il ne lui restait plus qu'à circonscrire ce soupçon de timidité qui s'était emparé de lui, qui durant toute sa vie, ne s'était retrouvé dans une telle situation qu'en présence de sa sœur ; à qui il devait justement son baptême des airs. Une invitation jusqu'alors inédite, mais pour autant point interdite. Dans un mouvement délicat, les fins doigts du prince vinrent s'enlacer autour de la main de Yui, se préparant intérieurement à cette lévitation d'un genre nouveau.
Mondanités frivoles
Lorsque le noble compara son chemin avec le sien, Yui ne put s'empêcher de se sentir un peu flattée, parce que malgré son haut rang social, Byakuren la plaçait presque plus haut qu'elle ne le méritait. Oh bien entendu, pas en égal mais tout de même ! Ce fut ainsi qu'elle apprit que ce dernier servait la déesse Amaterasu, la sœur jumelle de Tsukuyomi. Elle trouva en cela une curieuse ironie qui la fit sourire.
" Oh! Amaterasu-sama ! Son Temple doit être merveilleux. Je n'ai jamais eu la chance de pouvoir voyager jusque-là... mais Toge a dû peut-être vous manquer ? Le dépaysement devait être grand, n'est-ce pas ? "
Lorsque ce dernier la complimenta encore, voilà que son visage devint aussi rouge qu'une pivoine. Son engagement forçait le respect ? Elle n'imaginait pas les choses ainsi, à ses yeux tout ce qu'elle faisait lui paraissait bien naturel puisqu'elle ne faisait que rendre ce que l'on lui avait donné.
" Oh je... Minamoto-denka... vos compliments sont trop d'honneur. Je ne sais pas si mon altruisme mérite autant de louage, mais je tâche de faire de mon mieux. "
Bien que dans ces pensées, l'image de sa grand-mère lui traversa l'esprit. Elle devait faire ce que l'on attendait d'elle avant tout. C'était sourire, se taire, obéir et faire honneur à son nom. Un véritable drame pour une jeune femme aussi spontanée. Enchainée Yui revenait à enfermer un oiseau dans une cage. Toutefois, la question de Byakuren lui était intéressante, car elle ne se l'était jamais véritablement posée sous cet angle.
" Mmmmm... Si je dois être honnête, je ne saurai que trop quoi dire à cette question. Je suis heureuse lorsque ceux qui m'entourent le sont. Leur bonheur me touche et comble le mien. Mais il est vrai que je puis avoir mes propres aspirations. Mais je suppose que le bonheur de tous prévaut sur le bonheur d'un seul. "
Le visage de Yui prouvait qu'elle n'était pas totalement fermée dans sa réponse, qu'elle murissait encore. Elle savait que son bonheur à elle pouvait se révéler très égoïste, qu'il pourrait ne pas combler quelques-uns. Pour autant, devait-elle consentir à se sacrifier elle-même ? Son bonheur à elle ne pouvait-il pas compter aussi pour les autres ? C'était une histoire sans fin.
Mais qu'important tout cela, la véritable question se trouvait autour de la formidable histoire des Hommes-Poissons. Et pour en apprendre plus, elle devait enlever Byakuren le temps de quelques minutes pour se mettre à l'abri des oreilles indiscrètes. Et ce fut à ce moment-là que la douce Hasegawa dévoila une part de sa personnalité plus aventureuse, mettant de côté quelques détails de leur rang social - et des bonnes manières peut-être.
" Vous allez voir, Minamoto-denka, c'est plutôt amusant. Un peu déconcertant la première fois, mais amusant. Haha! "
À l'instant même où la main de Byakuren toucha celle de Yui, le poids de ce dernier se fit subitement moins lourd. Il se fit ainsi dépouiller de sa pesanteur et ses pas lui permettaient presque de léviter tellement il fut léger. Tenant ainsi délicatement la main de sa seigneurie, la jujoujin l'aida à sauter sur la balustrade, le sourire aux lèvres.
" J'espère que vous n'avez pas le vertige ? Si c'est le cas, sachez que je ne vous lâcherai pas la main. Vous n'avez rien à craindre. "
Cherchant à le rassurer, elle finit par se lancer dans le vide et là, ils flottèrent en partie dans les airs avant de tout doucement tomber, comme des plumes que l'on avait lancées dans les airs. Il fallut bien une bonne minute avant que leurs pieds ne touchèrent délicatement le sol et que les effets du don de Yui ne disparurent.
" Et voilà ! Un atterrissage en douceur. Haha ! "
Et un atterrissage en plein cœur des jardins de la maison de réception. Il s'agissait là d'une modeste cours, avec une fontaine comme on pouvait tant en voir dans les maisons bourgeoises, des bosquets fleuris, un chemin pavé, mais aussi un banc de pierre finement taillé que la demoiselle désigna du doigt.
" Nous pourrions nous assoir ici ? Nous pourrions ainsi discuter tranquillement. "
L'invitation faite et prise, dès que la jujoujin fut assise, elle se tourna rapidement vers Byakuren, curieuse et enthousiaste.
" Alors, où en étions-nous ? Oh oui! Les Hommes-Poissons. J'ai eu la chance de rencontrer deux hommes des océans alors que je me promenais sur la plage. C'était terrible, parce qu'ils se disputaient. Ils étaient vraiment très impressionnants. L'un d'eux, en tout cas, était plus aimable que l'autre. Et vous savez quoi ? Il parle notre langue ! J'aurais imaginé qu'ils avaient leur propre langage. "
Les souvenirs de la demoiselle revenaient bien vite en sa mémoire, et se rappelaient des propos du prince. Il y avait un Homme-poisson qui vivait parmi les hommes, élevé parmi les hommes. Elle devait à tout prix le retrouver.
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Les compliments du prince avaient légèrement embarrassé son interlocutrice, doutant de les mériter. Une remarque qui n'allait guère le surprendre, ayant rapidement décelé cette tendance de la demoiselle à se déprécier. L'humilité restait malgré tout un trait de personnalité pouvant davantage s'assimiler à une qualité que l'arrogance, bien qu'un manque de confiance en soi pouvait se révéler pénalisant pour soi-même. Elle confirmait ainsi être heureuse lorsque les personnes de son entourage l'étaient. Une forme de bonheur par procuration, qui n'avait certes rien de mal en soi, mais qu'il était bien plus délicat à cultiver, en ce qu'assujettir son propre épanouissement à celui des autres compliquait grandement les chances d'accéder à une satisfaction pérenne. Cela étant dit, Yui concédait nourrir des aspirations propres, et sa formulation laissait sous-entendre qu'il lui arrivait de les sacrifier ou de les mettre de côté, afin de faire primer la majorité sur sa personne.
La jeune femme se montrait clairement bien plus aventureuse et rayonnante, dans ces moments où elle laissait libre court à sa nature plus spontanée ; ce qui ne faisait que conforter l'hypothèse du Souhei, selon laquelle elle gagnerait vraisemblablement à suivre davantage ses propres désirs. Un enthousiasme contagieux, qui avait rapidement dissipé les légères appréhensions, ou hésitations de l'impérial, se sentant d'autant plus rassuré par les propos sécurisants de la demoiselle. Resserrant instinctivement son étreinte autour de sa main, lorsqu'elle fit mention qu'elle ne lâcherait nullement la sienne, il ne souhaitait par ce geste guère manifester un manque de confiance déplacé, mais bien son adhésion pleine et entière à cette initiative incongrue. Il sentit subséquemment son poids comme s'envoler, sensation des plus agréables et presque libératrice, tandis qu'il se laissait confortablement choir au sol aux côté de la Jujoujin, telle une plume pour laquelle la gravité n'était plus qu'une douce caresse.
Le jardin de la propriété où le tandem venait d'atterrir, offrait par ailleurs un cadre des plus agréables et apaisants, loin de la pestilence de la noblesse corrompue, jouissant de ses privilèges à l'intérieur du manoir. Certes, le prêtre d'Amaterasu ne généralisait guère ce jugement à l'ensemble de ses homologues aristocrates, laissant à chacun le bénéfice du doute. Il ne se voilait cependant guère la face quant aux chances que cette petite assemblée, se révèle bel et bien être un authentique panier de crabes. Une considération qui en soi, ne pouvait que l'inciter à profiter de la présence des nobles plus intègres à l'instar de Yui, dont les révélations au sujet des hommes-poissons venaient alors emporter l'ensemble de son attention. A s'en fier au témoignage de son interlocutrice, elle en avait ainsi rencontré elle-même en personne. Un récit tout aussi extraordinaire, qu'il constituait une opportunité inespérée d'en apprendre davantage sur ces Yôkais.
Mondanités frivoles
Byakuren était un homme d'une noble élégance, à ne pas en douter, Yui l'admirait déjà bien au-delà de son statut. Si elle avait pu se montrer intimidée - et elle le serait toujours un peu - elle ne reconnaissait que des qualités dans le royal personnage qu'il était. Et puis, ne faisait-il pas preuve d'une adorable humilité en lui adressant la parole aussi simplement ? Bien plus habituée à se souvenir des langues sévères et des individus dédaigneux de son enfance, le Minamoto sortait du lot, et bien plus encore lorsqu'il la complimenta à nouveau. Décidément, elle n'arrêtait pas de rougir.
" Ho, et bien, je tâcherais de me souvenir de vos précieux conseils. J'essaierai... de penser un peu plus à moi. Haha! "
Mais peut-être que la jeune femme était effrayée à l'idée d'y prendre goût ? Si pour une obscure raison, la douce Hasegawa se mettait à prendre plaisir à n'assouvir que ses désirs propres, ne pourrait-elle pas se perdre sur cette voie sombre ? Ne pourrait-elle pas oublier ses chastes vœux altruistes ? Ou bien était-ce finalement pas déjà le cas en servant sa volonté de vouloir aider ? Voilà une grande question philosophique pour la demoiselle, qui, pourtant, n'oublierait pas les paroles de l'aimable Byakuren. Trouver le juste équilibre serait une quête plus que personnelle, mais elle était persuadée qu'elle pourrait y arriver si elle était bien entourée.
Quoiqu'il en fut, le noble damoiseau se montra assez aventureux pour accepter la proposition de Yui, qui, cette fois-ci, se montra étonnamment assurée sur ses capacités. En tout cas, lorsque le moine impérial accepta de prendre sa main, ce fut une sensation très étrange pour elle, d'autant plus qu'il la lui serra - sans lui faire mal - fermement et délicatement à la fois. Elle ne put s'empêcher de faire la comparaison avec Kunao. Le samuraï avait des mains de travailleurs, un peu rugueuse et dont on sentait aisément la force. Byakuren avait des mains presque aussi délicates que les siennes, montrant qu'il n'était pas un manuel ou ne se donnait pas à des entraînements aussi rudes que son tendre ami de Seizan. C'était en réalité, un peu le jour et la nuit. Cela la fit sourire sur le moment alors qu'ils avaient sauté du balcon.
Bien vide, les deux nobles prirent leur place dans les jardins, faisant de ces lieux le leur, le temps d'une discussion passionnante. Très excitée par les révélations de Byakuren, le sourire de Yui parut subitement redoubler, tout comme l'étincelle dans ses yeux.
" Oh oui ! Kuma no kuni ! C'est exactement là-bas que j'ai pu croiser ses hommes-poissons. Ils se battaient près des rives de la plage des galets noirs. L'endroit est vraiment magnifique, et je m'étais accordée quelques minutes pour me promener quand j'ai vu ces créatures soulever les eaux de manière si puissantes ! "
À cet instant, Yui revivait toute la bataille du gentil prince poisson et de son échange avec lui. Elle se demanda même si la demoiselle qu'elle avait rencontrée là-bas, Yuri, avait avancé dans sa propre enquête. Peut-être devait-elle lui écrire ? Sans nul doute dès qu'elle aurait plus d'informations.
" Mmm... je dois dire que malheureusement, je n'ai pas pu recueillir beaucoup d'informations, mais les deux hommes-poissons que j'ai rencontrés étaient frères, et semblaient en désaccord sur la manière de défendre leur peuple. "
Comme si elle eut peur d'être entendu, Yui se mit à regarder de tout côté et se pencha vers le prêtre pour lui parler d'une chose terrifiante.
" Visiblement, le peuple des Hommes-Poissons, ainsi que certains pêcheurs de la région, rencontrent d'immenses problèmes à cause d'une gigantesque créature : le Kraken. "
L'idée fit froid dans le dos de la demoiselle, surtout vis-à-vis des légendes le concernant.
" Du coup, afin de mieux les aider, j'aimerais mieux les comprendre. Je souhaite en apprendre un peu plus sur eux, et peut-être aussi sur ce kraken. Je m'étais dite, naïvement sans doute, que je serais capable de trouver des informations ici. Pensez-vous que nous ayons quoique se soit à ce sujet dans les nombreux libres et parchemins de Toge ? "
Pour le moment, la délicieuse Yui ne mentionna pas le statut social de celui qui était venu chercher l'aide des humains, ni les raisons de la dispute entre les deux frères. Oh, et bien évidemment, elle ne dévoila pas non plus qu'elle était à la recherche d'un homme-poisson... qui vivait sur la terre... parmi les humains... Bref, un poisson hors de l'eau.
Faniahh/Lala/Cyalana
La suite de leur discussion se poursuivait maintenant dans le petit jardin du manoir où la réception avait lieu. Byakuren remarqua sans peine que le délicat fasciés de la jeune femme s'illuminait de plus belle, et il ne pouvait lui-même rester indifférent aux révélations auxquelles elle venait de commencer à s'adonner. Son propre regard brillait d'une étincelle analogue, considérant le lieu où elle avait rencontré les hommes-poissons : une plage de Kuma no Kuni, où les sirènes qu'il recherchait avaient également été aperçues. Une coïncidence laissant présager qu'il existait certainement une corrélation entre ces deux espèces de Yôkais si similaires, et qui plus est aperçues sur le rivage de la même région.
Hélas, sur une note moins réjouissante, il semblait que la demoiselle n'avait guère trouvé ces deux créatures dans les meilleures circonstances, en ce qu'il s'agissait a priori de deux frères en désaccord sur la manière de protéger leur peuple. Outre cette dispute, ils étaient selon eux confrontés à un problème d'envergure, que les pêcheurs et citoyens proches des côtes d'Onogoro ne connaissaient que trop bien : la menace du Kraken. Une preuve supplémentaire que les engeances d'Izanami ne formaient aucunement un bloc uni et monolithique, et qu'à l'instar des humains, tous avaient leur propre personnalité et intérêts respectifs. A en juger par les propos de la Jujoujin, ces hommes-poissons formaient même potentiellement une société civilisée ; une pensée vertigineuse, emportant littéralement l'esprit du Souhei commençant à projeter l'existence de villages sous-marins, et de tout un pan du monde encore inconnu du Peuple Ebisu. La question de Yui ne manqua toutefois point de le ramener à la réalité.
Aux yeux du prêtre d'Amaterasu, l'ensemble de ces considérations étaient plus ou moins liées. Cependant, cette situation offrait éventuellement une opportunité inespérée de débloquer cette impasse, tout en réalisant des progrès significatifs vers la paix et la coopération entre les humains et les Yôkais.
Mondanités frivoles
Aussi incroyable que cela put paraître, Yui se surprit de voir dans le regard du prince déchu, une même lumière de curiosité que celle qui animait les siens. Ainsi, lui aussi partageait-il la même fascination grandissante pour le monde des yokais ? Jamais elle n'aurait cru qu'il s'intéressa avec enthousiasme à ce genre de sujet. Oui, enthousiasme, car elle ne le vit que trop dans ces yeux.
" Oh ? Vous le pensez Minamoto-denka ? Le destin ? Hahaha! Qu'il est amusant, si tel est le cas, que nos quêtes se ressemblent et qu'en ce jour même de notre retour ici, nous nous rencontrions ! "
Plus que des coïncidences ? Yui était à même de le croire, peut-être par naïveté, mais aussi parce qu'elle aimait à penser que tout n'était pas que hasard. Pourvue d'un grand esprit romantique, il fallait le noter, la douce Hasegawa était tout à fait capable d'être plus rêveuse que raisonnable, chose qui était d'autant plus cocasse quand on connaissait ses prédispositions à la science. Mais que penser du destin ? Bien beau d'un côté et bien sombre d'un autre. Celui de la genin était encore un peu trouble et troublant.
Mais en attendant, en ramenant ses esprits à la réalité, il était terrible de penser, que ce même destin dont ils étaient prêts à discuter, s'annonçait terriblement sombres pour les hommes-poissons et les humains qui vivaient près des côtes. Yui ne connaissait que quelques contes enfantins sur le Kraken, et quelques histoires de pêcheurs. Elle n'était pas capable de s'imaginer l'envergure que pouvait avoir la créature et pourtant, les récits décrivaient que trop bien la peur qu'elle inspirait.
Si Byakuren n'était guère si surpris de l'annonce et la présence du Kraken, Yui ne cacha pas sa déception quand il évoqua l'idée qu'elle ne trouverait sans nul doute aucune information dans les archives de Toge. Elle y avait pourtant mis beaucoup d'espoir. Peut-être avait-elle une vision de sa région natale un peu biaisée ? Peut-être surestimait-elle Toge et ses connaissances ? Il fallait dire que son enfance avait été tellement bercée par l'idée que les grands esprits de l'Onogoro se trouvaient là-bas qu'elle les imaginait plus avancer que la réalité.
" Mmmm... Qu'il m'est dommage d'entendre cela. Il semblerait que je fus un peu trop optimiste. Mais au moins, mon voyage n'aura pas été totalement vain puisque j'ai pu vous rencontrer, Minamoto-denka. "
Il fallait voir le verre à moitié plein, et ne certainement pas baisser les bras. Yui ne le ferait pas de toutes les manières. Elle avait une quête... mais il était vrai que maintenant, elle ne savait plus trop par quel bout la prendre.
Quoiqu'il en fut, sa rencontre paraissait fasciner le prince déchu, au point qu'il s'abandonna à son tour à une multitude de questions. Qu'il était drôle de voir en ce noble aristocrate un pendant de sa propre nature curieuse. Il lui apparaissait toutefois assez regrettable de ne pas pouvoir tout dire. Oh, ce n'était pas l'envie qui lui manquait, mais une promesse était une promesse.
" J'ai bien peur qu'aucun rendez-vous de la sorte n'ait été envisagé. Et je dois dire... que je n'ai pas eu le temps de leur demander comment les retrouver. Peut-être ont-ils de leur côté des moyens de le faire ? Il faut dire que cette fois-là, ce sont eux qui sont venus à ma rencontre. "
Attentive, Yui écouta les pensées à voix haute de Byakuren et elle n'avait pas le cœur à contredire ces propos. Comment dire qu'en réalité, un seul des princes sur tous semblait concéder l'idée d'une alliance ? Comment avouez qu'en vérité, les hommes-poissons avaient beaucoup de mépris pour les humains, au point de préférer prendre le risque d'une annihilation totale par le Kraken que se tourner vers eux ?
" Vous savez, Minamoto-denka... je ne suis pas sûre que le peuple des Hommes-poissons soient unanimes sur l'idée de demander notre aide. Voyez-vous, j'ai beaucoup réfléchi après leurs rencontres. J'ai cru comprendre qu'ils ne se mêlaient pas aux humains. Je pense qu'ils ne nous aiment pas beaucoup. L'homme que j'ai rencontré était sans doute une exception, mais je ne peux demeurer sourde à sa détresse. "
Yui se mit à nerveusement jouer avec ses doigts dans le pan de sa robe, montrant son anxiété et peut-être son angoisse à l'idée de ne pas pouvoir apporter son aide.
" Ils ne se sont jamais manifestés jusque-là... et je pense que c'est un peu par désespoir de cause que je suis tombée sur eux... Je dois avouer que je suis un peu perdue. J'ai peur que de nous y mêler, nous rendrait bien trop intrusif. Ne pas le faire me semble aussi inconcevable. C'est un véritable dilemme. "
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Il était désormais inenvisageable pour Byakuren de se résoudre à l'inaction. Certes, cela n'impliquait pas nécessairement de mettre immédiatement en place des mesures concrètes afin de retrouver ces hommes et femmes-poissons, et d'établir une alliance envers eux. En revanche, il n'allait certainement faire abstraction de cette rencontre avec Yui, et de tout ce qu'elle avait pu lui rapporter en ce cette nuit étoilée. Malgré sa déception relative au probable manque d'informations auquel elle serait confrontée concernant le Kraken, elle aussi, semblait éprouver un sentiment similaire, et se réjouissait d'avoir pu croiser la route du prince.
En étant honnête avec lui-même, le Souhei ne pouvait nier que sa propre curiosité, et son intérêt personnel envers les femmes-poissons, contribuaient à cette motivation. Toutefois, il restait tout autant motivé par le désir de sauver ces Yôkais menacés par le Kraken, de même que d'aider son interlocutrice ayant formulé à l'un d'entre eux une promesse. La perspective de tisser une alliance historique entre humais et engeances d'Izanami, constituait même un moteur encore plus conséquent, en ce qu'un tel évènement était de nature à bouleverser définitivement les rapports entre le Peuple Ebisu, et l'ensemble des espèces de Yôkais peuplant Onogoro. Au-delà même du cas spécifique de ces créatures sous-marines.
Hélas, la tâche apparaissait compliqué, en ce que ces dernières se montraient elles aussi réticentes à collaborer avec les humains. Une situation qui amusait ironiquement le prêtre d'Amaterasu, constant que d'un côté comme de l'autre de la barrière, la méfiance et l'hostilité étaient sensiblement les mêmes ; ce qui confirmait que par-delà les différences, il existaient entre les deux peuples de nombreuses similitudes. Ainsi, l'opinion de homme-poisson qu'avait pu rencontrer la Jujoujin paraissait en minorité parmi les siens. A cela s'ajouter a priori la difficulté de le recontacter, lui ou n'importe lequel de ses congénères. Il faudrait donc compter sur la réapparition spontanée de l'un d'entre eux, et le lieu le plus probable était sans aucune doute les plages de Kuma.
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Qu'il était aussi fascinant que surprenant de pouvoir mener une conversation aux caractères si philosophiques avec un membre de la famille impériale. Combien de jeunes femmes aimeraient se trouver à sa place ? Sans doute beaucoup ! Du moins, Yui le pensait ainsi. S'extasiant devant les propos du prêtre d'Amaterasu, elle trouvait l'accessibilité du jeune homme aussi admirable que d'une grande humilité. Jamais, oh grand jamais, elle n'aurait pensé pouvoir discuter aussi librement avec une personne si hautement placée.
Toujours le sourire aux lèvres, on sentait toutefois que son esprit était un peu tiraillé sur la réponse à donner. Malgré l'apparence de sa grande naïveté, elle n'en était pas moins capable d'être lucide.
"Et bien, je dois dire que je ne sais trop où me positionner. Je dois dire qu'il y a quelque chose d'aussi romantique que tragique dans l'idée qu'une destinée puisse exister. En cela, il y a un aspect de cette notion un peu séduisante. Être destinée à rencontrer quelqu'un, être destiné à accomplir de grandes choses, être destiné à faire de grandes découvertes ! "
Les yeux de la jeune fille se mirent à briller quelques instants, jusqu'à ce que sa conscience rationnelle la rattrapa un peu.
" Mais il y aurait aussi tous les pendants négatifs. Être destiné à voir les siens péris, être destiné à devenir quelqu'un de mauvais... Il y aurait un certain fatalisme plus ennuyeux, l'idée que quelque serait notre choix, quelque soit nos efforts, nous ne pourrions les dévier, uniquement nous y précipiter. Cela serait... beaucoup moins séduisant. Alors j'avoue que je ne sais pas trop. L'idée que l'on ne puisse changer notre destin... que l'on ne puisse pas se défaire de ce qui a été décidé pour nous... "
Bien évidemment, ces paroles la renvoyaient à sa propre situation. Était-elle vraiment maudite et ainsi condamnée à porter sur elle le malheur ? Serait-elle obligée d'obéir au devoir imposé par sa grand-mère et revenir vivre à Toge ? En tout cas, les paroles de Byakuren furent réconfortantes pour la jeune femme, surtout lorsqu'il sembla se montrer heureux de ce qu'elle avait pu lui apprendre. Mais quelle ne fut pas sa gêne lorsqu'il se confondit en excuses de ne rien lui offrir en retour.
" Oh non ! Ne vous blâmez de rien, Minamoto-denka. ! Même si je ne puis découvrir ce que je souhaite au Bureau, vous m'évitez de perdre mon temps en recherche vaine. Je considère cela comme déjà une aide en soi. Et puis, vous m'avez également offert un peu de votre temps et écouté avec attention. J'ai bien consciente qu'il s'agit là d'un privilège, car vous devez avoir bien mieux à faire. "
Toujours une grande esquisse, mais le rose aux joues, elle se confondit à excuse dès que le prête exprima sa volonté de l'aider dans sa quête.
" Minamoto-denka. ! Je ne voudrais pas vous placer dans une situation délicate ! Et si cela devait vous mettre en danger ? Vous êtes un homme important ! Ce n'est pas... ce n'est bien évidemment nullement mon intention de refuser votre aide, mais je voudrais d'abord obtenir plus d'informations avant de vous impliquer. Avoir quelques assurances de mon côté... je ne voudrais pas qu'il vous arrive quelque chose par ma faute. "
Est-ce que l'idée qu'elle fut considérée comme maudite trottait dans sa tête ? Bien entendu. Mais il y avait aussi la promesse qu'elle avait faite au prince des océans. Elle ne pourrait rien faire sans avoir aussi son aval... et puis, il lui fallait d'abord trouver l'intermédiaire désigné, celui qui vivait parmi les humains.
" Laissez-moi en premier continuer mes recherches, écarter tout danger pour vous et voir, si la chance est de mon côté, si je puis rencontrer à nouveau l'un de ses hommes-poissons, organiser une rencontre avec vous. Bien évidemment, si vous me l'autorisez, je pourrai vous écrire et vous donnez des nouvelles de ma quête... "
Mais à la suite de la conversation, lorsque Byakuren évoqua une rencontre avec les kages de deux imminents villages, la demoiselle prit un peu peur. Elle se raidit brutalement, offrant deux grands yeux bleus surpris.
" Yamato-dono ? Udezuku-dono ? Oh, vous n'y pensez pas ! Je... je ne pourrais jamais me présenter devant eux ! Je ne suis qu'une modeste genin ! Je ne suis personne et je... je ne peux mettre en porte-à-faux Nagai-dono ! Je connais la politique de Jujou et sa vision des yokais.... je ne me suis pas permise d'en parler à Nagai-dono... elle est une grande dame, mais... peut-être me rirait-elle au nez... peut-être m'interdirait-elle d'aller plus en amont de cette quête... "
Yui se mit subitement à secouer la tête, affichant un non presque résolu à ne pas impliquer plus de personne pour le moment. Voilà que ces bavardages la plaçaient dans une cruelle position et il lui fallait, ironiquement, penser d'abords aux hommes-poissons.
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Malgré tout, l'expression du Souhei arborait par la suite un large sourire, face aux paroles si attentionnées de la jeune femme. Touché par sa sollicitude, il était au moins satisfait d'avoir pu se montrer utile, si ce n'était de manière indirecte en lui évitant de perdre son temps en recherches dont l'issue allait s'avérer vaine. Quant à l'écoute qu'il lui avait accordée, il s'estimait au contraire être le grand bénéficiaire du récit qu'elle avait accepté de lui confier.
Il espérait pouvoir lui porter assistance d'une manière plus concrète et substantielle, quand bien même ne pouvait-il nier que s'engager personnellement dans une rencontre impliquant des Yôkais comportait un risque. Mais celui-ci était-il réellement plus grand qu'à l'accoutumée ? Si ce n'était en rien une raison de délibérément s'exposer au danger, le prêtre d'Amaterasu avait d'ores-et-déjà été confronté à des situations bien plus épineuses, avec un enjeu qui plus est beaucoup moins important que la menace du Kraken, ou la possibilité de conclure une alliance avec les hommes-poissons.
Dans un premier temps, la demoiselle préférait approfondir ses recherches de son côté, proposant alors au prince d'organiser une rencontre avec cet homme-poisson, si elle parvenait à le retrouver. Une invitation qui le ravissait au plus haut point, comme en attestait la réjouissance presque enfantine qui se dessinait sur les fins traits de son minois. La Jujoujin suggérait même qu'ils puissent entretenir une correspondance, afin de le tenir au fait des avancées de sa quête. Des propos qu'il était heureux d'entendre de la part de son interlocutrice, qu'il n'aurait ainsi point à déranger en lui formulant lui-même cette demande. En revanche, elle se montrait beaucoup plus hésitante à l'idée de partager ses connaissances avec les dirigeants des différents villages, redoutant de ne pas être assez légitime afin de faire valoir son témoignage. Une réaction compréhensible, à laquelle s'ajoutait le risque de se heurter à l'hostilité anti-Yôkai si communément répandue.
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La jeune femme se tenait bien sagement assise, et soudainement même un peu pensive à l'évocation des pensées de Byakuren. Un instant, elle leva la tête vers le ciel, se perdant un peu dans ses propres songes en observant la lune. Il était étonnant de voir que cela lui donnait soudainement un visage plus mature qu'à l'accoutumé, peut-être parce que ce qu'elle ne souriait pas... mais bien vite, une moue enfantine pleine de réflexion vint se perdre sur ses traits.
" Mmmm... Je dois vous avouer, Minamoto-denka, qu'il m'est déjà arrivé bien plus d'une fois de me poser la même question que vous. Je me suis toujours demandée si mes choix, ceux que j'imagine être les miens, ne font qu'en réalité me précipiter vers une voie dont je souhaite m'écarter. Si tel est le cas, est-ce que cette route aurait été tracée par les dieux et si oui dans quel but ? "
Un petit sourire se profila alors qu'elle tourna la tête vers le noble impérial.
" Oh! N'imaginez pas que mes paroles soient hérétiques, Minamoto-denka. Si telle est la volonté de Tsukuyomi-sama, je ne peux de toute façon aller contre ce qu'il attend de moi, mais… "
Yui tourna une nouvelle fois son intérêt vers les cieux, peut-être le regard un peu plus mélancolique.
" ... mais parfois, je m'interroge sur la dureté des épreuves que nous devons rencontrer. "
La douce Hasegawa n'osait dire le mot, mais injustice devait lui brûler un peu les lèvres. Bien entendu, cela ne relevait pas uniquement pour son cas personnel, Yui n'aimait guère la souffrance dans un sens général, quelque fut la créature touchée. Toutefois, l'on ne pouvait ignorer l'échos sur sa propre vie, une succession de tragédie : la mort de sa mère lors de sa venue au monde, le suicide de son père peut de temps après, l'insensibilité de sa grand-mère jusqu'à sa fin mystérieuse... et le drame du monastère de Tsukuyomi dans lequel elle avait été élevée. Maudite. Telle était la rumeur et les murmures que l'on évoquait lorsque l'on parlait de la famille Hasegawa.
Quand bien même ces pensées-là furent un peu sombres, le nuage fut rapidement chassé lorsque Byakuren se montra aussi aimable que chaleureux à son encontre. Si elle retrouva une joie sincère, ses joues marquèrent aussi sa gêne devant tant de nobles attentions.
" Oh! Minamoto-denka ! Je... je ne mérite pas autant de votre part... Il me semble dès plus normal de vous faire confiance et je... bien que je sache que vous avez choisi la voie militaire, vous demeurez une personne de très haute lignée. Il me semble tout à fait normal de vous protéger, aussi courageux que vous soyez. "
Une large esquisse se profila.
" Nous qui parlions il y a quelques instants de destinée, si nous devions en avoir une, je suis certaine que la vôtre est faite pour de grande chose. "
La pensée était sincère. Pour Yui, la famille impériale était entourée d'une certaine aura. Peut-être était-ce dû à son éducation, peut-être avait-elle été sous influence, mais il fallait dire que jusque-là, le clan Hasegawa - dans leur grande gloire passé - s'était toujours montré loyal. La dernière héritière n'avait aucune raison de déroger à cette règle.
Quoiqu'il en fut, la question débattue autour des hommes-poissons et de l'éventualité d'une rencontre trouva une réponse qui put soulager Yui. Il fallait dire que pendant un instant, elle n'était pas sûre de réussir à se dépêtrer de son omission volontaire concernant sa quête. Bien entendu, si le choix lui avait été possible, la demoiselle n'aurait eu aucun secret pour le prêtre, mais elle avait aussi fait une promesse au prince des océans et elle tenait particulièrement à ne pas la briser.
" Je vous remercie infiniment, Minamoto-denka. Votre aide sera la bienvenue et j'ai hâte que vous puissiez, vous aussi, découvrir de nouvelles choses sur les femmes-poissons. Je dois avouer que je suis curieuse sur le sujet. J'espère vivement pouvoir en apprendre sur elles. "
Si elle venait à avoir la chance de revoir le Prince, peut-être pourrait-elle lui poser des questions sur les femmes de son peuple, et ainsi, aider Byakuren dans ses recherches. C'était à ses yeux la moindre des choses, mais en attendant, elle devait trouver son propre homme-poisson.
" Mais... dites-moi, Minamoto-denka... Me permettez-vous de vous demander pour quelle raison vous vous intéressez spécialement aux femmes-poissons ? Vous en avez déjà rencontré une ? "
Il fallait dire que cela l'intriguait un peu.
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Auquel cas, avaient-ils des raisons spécifiques de pousser chacun sur telle ou telle voie ? Yui s'interrogeait également sur la souffrance et la difficulté des épreuves auxquelles tout le monde devait faire face un jour ou l'autre, se demandant quel pouvait alors être leur sens, si elles découlaient de la volonté des Kamis. Des propos dont elle ressentait la portée potentiellement hérétique, mais qui ne dérangeait nullement Byakuren, dont le point de vue sur la question restait moins spirituel et plus pragmatique. L'existence d'une signification précise aux vicissitudes était une idée rassurante et séduisante, dont la réalité était hélas discutable.
Les attentions du Souhei avaient en revanche provoqué l'embarras de la jeune femme, trahie par le rougissement de ses joues offrant ainsi une vision des plus attendrissantes. Très respectueuse du statut de l'impérial, elle semblait sincèrement soucieuse de sa sécurité, au-delà de toute considération de politesse, l'estimant même promis à accomplir de grandes choses dans le futur. Des mots qui le touchaient grandement, et ravivaient dans son esprit les desseins séditieux auxquels sa sœur et lui paraissaient prédisposés. Un projet encore embryonnaire, en ce que les jumeaux ne disposaient encore du soutien suffisant afin de détrôner l'usurpateur opprimant son peuple. Un contexte propice se révèlerait également déterminant dans la réalisabilité d'une telle entreprise, si bien que les Minamoto devraient s'assurer d'agir au moment le plus opportun. En l'attente de ces conditions, il restait indispensable de faire profil bas, et de ne tenter de rallier que les personnes, si possible influentes, les plus dignes de confiance.
Si l'implication directe du prêtre inquiétait la demoiselle, souhaitant s'assurer qu'il ne lui arrive rien, elle acceptait au moins plus facilement son concours plus administratif, afin de tenter d'informer les hautes sphères des villages potentiellement concernés par les développements dont elle avait été témoin. Bien que leur conversation s'était focalisée sur les hommes-poissons, Yui se montrait intriguée par l'intérêt que portait le prince à l'égard de leurs - probables - pendants féminins.
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Les yeux de la douce Hasegawa observaient Byakuren avec une infinie admiration. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait eu le loisir et le plaisir de pouvoir discuter avec un homme ayant autant d'éloquence. Bien que les jujoujins étaient de très bonnes éducations, qu'elle le voulut ou non, Yui avait toujours noté la grande différence culturelle qu'il y avait entre les deux villages. Mais quand bien même, elle eut du plaisir à participer à de grandes conversations avec des togejins, elle ne pourrait mentir sur le fait qu'elle eut toujours aimé l'esprit de liberté, parfois un peu sauvage, de sa nation adoptive. Elle s'y sentait bien moins étriquée. Toutefois, nul doute qu'il était agréable, occasionnellement, de revenir un peu à ses origines.
Souriante et attentive, la jeune femme écoutait les discours de l'impérial moine sans jamais prendre le risque de le couper. À vrai dire, elle se surprenait à aimer l'écouter et trouva même qu'il y avait dans sa voix un ton aussi rassurant qu'apaisant. Aurait-il fait un bon conteur ? Yui en était persuadé. Et un plus grand orateur sans nul doute. Refusant à afficher la moindre expression chagrinée, elle pensa comprendre un peu ce que semblait lui avouer le noble prêtre concernant la dualité de ses responsabilités.
" Oh! Ne vous y trompez pas, Minamoto-denka. Vous êtes digne de ces compliments et je persisterais à les penser. Votre humilité et votre sens des responsabilités montrent les qualités d'un grand Homme. "
La genin lui offrit un large sourire.
" Et quand bien même vous seriez à même à prendre de difficiles décisions, je suis sûre que les hommes et les femmes sous votre commandement seront à même de les comprendre. Et si cela se doit d'être une déchirure pour vous, il me semble que vous avez la chance d'avoir une sœur dont on se rapporte que le plus grand bien. Ainsi, je suis certaine que votre route sera grandiose. "
Ne retenant aucun compliment à son homologue, la jeune femme ne désirait pas néanmoins le mettre mal à l'aise. Bien sûr qu'il était toujours agréable d'être porté au nu, mais trop en faire pouvait rendre suspicieux. Et puis, la jujoujin était certaine que Byakuren avait saisi le fondement de sa pensée. Elle estimait en tant qu'individu, non seulement par sa précieuse lignée, mais aussi pour sa visible noble personnalité... jusqu'à ce que sa curiosité reprit le dessus sur tout le reste.
" Oh ? Ces femmes-poissons sont en effet très intrigantes, surtout à la vue de ce que vous énoncez. Mmmm... les hommes-poissons que j'ai vu avaient deux bras et deux jambes, comme des humains, beaucoup de traits similaires à vrai dire puisqu'ils semblaient tout à fait capables de parler. Par contre, leur peau me paraissait différente et ils avaient des attributs très aquatiques. Ils étaient... Mmmm... comme une sorte de mélange d'homme et de poisson. Ils ne pouvaient pas mieux porter leur nom. "
La jeune femme laissa échapper un rire. Il fallait dire qu'elle ne pouvait mieux les décrire. Peut-être serait-elle capable de les dessiner ? Sans nul doute.
" Par contre, je dois avouer qu'avant cette rencontre, je n'avais aucune idée de la réalité de leur existence, si ce n'était quelques histoires de pêcheurs. Je me suis toujours plus intéressée aux Yuurei, les légendes qui tournent autour des esprits. Sans doute parce qu'il y a dans leur immatérialité quelque chose de plus mystérieux. Je ne sais pas trop. "
Un aveu sans en être véritablement un, bien que Yui eut depuis des années réprimer son envie d'en savoir plus, mais surtout, de revoir "Gorou", son ami que sa grand-mère imaginait démon ou bien folie de sa petite-fille. Probablement était-ce les deux après tout ? Tout ce qu'elle savait, c'était que, quelque fut la réalité de ce qu'elle croyait être une apparition, cela lui avait permis de ne pas se sentir trop seule.
" Mais je suis très heureuse d'avoir rencontré ces hommes, et je dois dire que cela me permet d'élargir mes horizons. Cela ne me fait que me prouver aussi que j'ai tant de chose à apprendre et découvrir… haaaa.... Minamoto-Denka... à croire qu'une seule vie ne suffirait pas. "
La douce Hasegawa laissa échapper un long soupir songeur. Elle aurait aimé être en capacité de parcourir le monde, de découvrir des civilisations, de diverses créatures, être une véritable et infatigable exploratrice ! Seulement, une héritière ne pouvait se contenter de rêver cette vie.
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Les précisions qu'apportait la demoiselle en réponse aux explications du prince, s'avéraient elles aussi particulièrement instructives. A priori, les hommes-poissons ressemblaient encore davantage aux humains que leurs homologues féminines, jetant un voile de mystère quant à la relation que ces deux espèces pouvaient entretenir entre elles. Cependant, leurs caractéristiques aquatiques restaient malgré tout marquées au niveau de leur peau, soulevant de nouvelles questions dans l'esprit de l'impérial, quant à leur apparence spécifique. Yui évoquait enfin un autre point commun avec les récits qu'il avait lui-même pu entendre de son côté, concernant les témoignages de pêcheurs qui selon toute vraisemblance, se recoupaient et rejoignaient fidèlement la réalité. Des informations qu'il n'avait jamais négligées, quand bien même étaient-elles difficiles à vérifier, et qui désormais, paraissaient de plus en plus probables, si bien que l'existence d'une cité ou civilisation maritime ne relevait peut-être point de la légende.
Apparemment, la Jujoujin s'intéressait d'ores-et-déjà aux Yôkais, mais se concentrait davantage sur les Yuurei, jusqu'à cette rencontre sur les plages de Kuma no Kuni, qu'elle ne regrettait nullement. Il lui était probablement compliqué d'accorder davantage de temps à ses anciennes recherches, maintenant qu'elle avait été directement confrontée à ces Youmas, et qu'elle s'était même retrouvée investie d'une requête par ces derniers. Ainsi déplorait-elle qu'une seule vie serait peut-être trop courte, afin d'assouvir toute l'étendue de sa curiosité ; un sentiment que le prêtre d'Amaterasu ne connaissait que trop bien.
Mondanités frivoles
Un immense sourire se profila une nouvelle fois sur le visage de Yui, qui se mit à être tout aussi gênée que le prince monial. S'il continuait ainsi, cela risquait de devenir un véritable concours. Mais quoiqu'il en était, la douce Hasegawa semblait plutôt d'accord avec chacun de ses propos, et comprenait parfaitement où il désirait en venir. Ne pas trop en faire, mais ne pas se dévaloriser non plus. Il fallait être capable de trouver le juste milieu dans la considération que l'on avait de soi-même. Bien entendu, c'était une chose plus aisée à dire qu'à faire.
" Oh! Je ne suis qu'une modeste genin. Je me vois difficilement diriger la moindre équipe. Je ne pense pas posséder l'âme d'une chef comme l'on dit, mais je sais que je possède assez de force en moi pour soutenir qui voudrait le devenir. Enfin... je l'espère. "
Un souhait bien simple qui n'était qu'un témoignage supplémentaire de l'altruisme naturel de la jeune femme. De plus, elle se sentait déjà bien fière d'être une genin que cela suffisait déjà largement à contenter son égo. Cela était sans compter qu'elle éprouvait beaucoup d'admiration pour la femme qui était à la tête de son équipe : la flamboyante Ueda Chinone. Bien qu'il y avait un véritable fossé entre leurs deux personnalités, Yui trouvait qu'il y avait en cette femme une force admirable et la seule chose qui lui importait était de ne pas la décevoir.
Abandonnant finalement les flagorneries pour se recentrer sur l'objet de toutes leurs curiosités, voilà que les deux aristocrates tentaient de se donner une description dès plus fidèles de ce que Yui avait vu sur la plage. Faisant une petite moue, la jujoujin creusait dans ses souvenirs pour se rappeler des détails, mais elle devait dire que le prince aquatique se mouvait si vite qu'elle eut bien du mal à l'observer autant qu'elle l'aurait voulu, et surtout, elle n'aurait pas désiré paraître malpolie.
" Mmmm.... je dois dire que peut-être, vous avez raison, Minamoto-denka. Dire que leurs allures étaient plus proches des humains ne seraient pas totalement faux. D'ailleurs, ils étaient très bien habillés. Je n'ai pas pu percevoir d'écailles, mais l'un d'entre eux avait une grande queue de poisson en plus de ces deux jambes. Je suppose que cet appendice est un atout pour se mouvoir dans l'eau ? Ils sont très rapides d'ailleurs. "
Yui se rappela soudainement le combat entre les deux frères. Ils étaient très difficiles à suivre, et même si tout s'était déroulé dans l'eau et qu'ils devaient posséder des capacités martiales exceptionnelles, leur nature devait également beaucoup les aider à survivre dans un tel milieu.
" Vous pensez vraiment que ces deux espèces sont d'une branche commune ? Si je devais en avoir l'occasion, si je possède la chance de pouvoir les rencontrer à nouveau, je me tenterais à leur poser la question. "
À l'écoute des propos du Minamoto, la jeune femme avait plutôt l'impression qu'il s'agissait de deux espèces distinctes qui n'avaient de commun que le nom. Toutefois, les similitudes avec l'espèce humaine étaient évidentes. Yui comprenait tout à fait le schéma de pensée du prince.
" Vous avez sans nul doute raison, Minamoto-denka. Il nous faut savoir compter sur les autres, mais je dois dire... c'est si difficile de choisir ! Hahaha ! "
La douce Hasegawa se mit à rire.
"Je m'intéresse à tant de chose ! Comment faire le tri ? C'est une véritable défi pour moi. Auriez-vous un conseil à me donner pour me permettre de choisir ? "
Faniahh/Lala/Cyalana
Des propos qui ne surprenaient plus le prince, en ce qu'ils étaient conformes au tempérament que la jeune avait pu manifester jusqu'à présent. Pourtant, il savait qu'elle n'était guère dépourvue d'intérêts personnels, ainsi que de capacités d'initiative et d'une aptitude à endosser ses responsabilités. Il en avait lui-même été témoin, et espérait que ses paroles aideraient la demoiselle à entrevoir son potentiel ainsi qu'à saisir les opportunités qui se présenteraient à elles.
Décidément, de nombreuses informations notables continuaient à couler à flot dans les précisions dont Yui gratifiait l'impérial. Cette fois-ci, il était interpelé par la tenue qu'arboraient les Yôkais qu'elles avaient rencontrés. Non seulement étaient-ils selon elle bien très bien habillés, mais le simple fait qu'ils portaient des vêtements semblait déjà interpeler le Souhei. Quant à des apparats de luxe, voilà qui ne faisait que renforcer sa surprise et son hypothèse initiale.
Une transition toute trouvée, avec la question que venait à son tour de formuler la Jujoujin, quant à la proximité que pourraient entretenir les hommes et les femmes-poissons entre eux.
Il était effectivement très difficile de parvenir à choisir certains centres d'intérêt ou domaines d'étude, lorsque l'on était soi-même intéressé par une multitude d'entre eux. Certes, il était relativement simple de finir par accepter la nécessité de devoir opérer un tel choix. Réussir à trancher relevait toutefois d'une autre paire de manches. Dans une telle situation, le prêtre d'Amaterasu privilégiait une approche pragmatique, qui n'était guère la seule option envisageable.
Mondanités frivoles
Les paroles de Byakuren avait quelques choses d'immensément rassurants, mais aussi particulièrement chaleureux. Nul doute que le prêtre était une bonne personne, qu'importait ce que pouvait dire quelques biens vilaines rumeurs sur ces aïeuls. Car oui, en tant qu'héritière de son clan et la noblesse de son nom, il lui fut prodigué une éducation dès plus étendue, et celle de l'histoire de l'Empire en faisait bien évidemment partie. Toutefois, pour les doux yeux bleus de la belle, il ne lui semblait guère concevable de juger un fils par rapport au père ou bien un quelconque ancêtre. Si à bien des reprises, l'adage disait que la pomme ne tombait jamais loin du pommier, elle eut toujours trouvé là un jugement bien injuste.
C'était donc avec un regard plein d'admiration que Yui se tenait aux côtés du moine princier, le sourire aux lèvres, emplie de gratitude pour son attention. Cependant, tandis que les propos du Minamoto n'avaient que pour vertu de l'encourager et de lui permettre de gagner confiance, elle ne put retenir un soupir mélancolique. Avoir des envies de grandeurs et d'ambitions ? Il était vrai que cela pouvait faire énormément envie. Baissant les yeux, elle se mit à balancer un peu ses jambes d'avant en arrière. Elle n'arborait alors qu'une esquisse plus soucieuse
" Je vous remercie infiniment, Minamoto-denka. Vos paroles me vont droit au cœur. Il y avait longtemps que je n'eus pas entendu pareil encouragement. Imaginer que vous pouvez croire ainsi en moi est un baume apaisant. "
La demoiselle finit par relever les yeux vers lui.
" Mais si je dois être honnête, je dirais que je suis déjà menottée à d'autres responsabilités. Il me semblerait bien malvenu de devenir un membre si imminent de l'armée de Jujou en cherchant à gagner des jalons, si un jour je suis amenée... à devoir les quitter. "
Yui laissa échapper un soupir avant de tourner son regard vers la lune.
" Mon comportement manque beaucoup de noblesse et mon égoïsme me pousse à retarder l'échéance. Mais je sais qu'il me faudra bientôt essayer de retrouver la grâce de mon nom. Le clan Hasegawa eut toujours été et vécu à Toge. Les hommes et les femmes de... cette soirée n'avaient de cesse de me le répéter. Il me faudra bien à nouveau l'affronter. "
Et elle ne le souhaitait pas encore. N'en avait-elle pas la maturité ? Sans nul doute. Toutefois, ce serait tout un pan de sa vie qui se réorganiserait, car elle devrait renoncer à Jujou et la vie qu'elle s'était créée là-bas pour retrouver le banc cruel des mondanités aristocratiques qui ne lui plaisaient guère. Une prison dorée qui lui était destinée depuis l'aube de sa naissance.
En attendant, elle préférait se consacrer à la question des Hommes-Poissons. Toujours aussi attentive, elle écoutait l'impérial parler à voix haute, exprimant alors ses hypothèses. Il était amusant de le voir si sérieux et si impliqué. Yui le trouvait touchant dans sa fascination pour les autres peuples d'Ebisu et ne se permit pas de rajouter quoique ce fut à ses pensées.
" Décidément, les créatures de l'océan sont une énigme des plus fascinantes. Il va me falloir noter toutes les questions que j'aurais à leur poser. Sinon, je risque d'en oublier. Hahaha! "
Laissant place aux rires plutôt qu'aux incertitudes, Yui prit bonne note de tous les conseils de Byakuren.
" Je vois... me pencher pour ce qui me semble le plus accessible... Mmmm... Je dirais que pour le moment, l'apprentissage des arts médicaux est celui qui me parait le plus aisé à développer. Peut-être pourrais-je concilier ce dernier avec l'étude des Yokaïs ? Mmmm... Une chose après l'autre. J'espère que mon impatience ne me fera pas faire de bêtise ! "
Faniahh/Lala/Cyalana
Un environnement qui n'était clairement pas propice au développement de sa confiance en soi. L'impérial avait au moins eu la chance d'avoir eu droit à tous les extrêmes, de la flagornerie des plus obséquieuses aux critiques les plus sévères de la part des détracteurs de son ancêtre. Si ces deux types d'interaction n'étaient guère les plus saines et agréables, elles formaient toutefois un certain équilibre ou un voile de mystère sur ce que l'on pensait réellement de sa personne, lui ayant peut-être permis de développer à la fois confiance et modestie en des proportions raisonnables ; quand bien même avait-il pu jadis pêcher par arrogance.
La propension de la jeune femme à se faire discrète, ou à minimiser ses ambitions, étaient apparemment en partie liée à d'autres obligations auxquelles elle se disait menottée. Une formulation loin d'être anodine, qui suggérait qu'elle subissait probablement une situation dont elle se sentait prisonnière. Ecoutant attentivement la suite de son intervention avant de poser la moindre question, le Souhei comprenait au fil des mots de quoi il retournait : tôt ou tard, il lui incomberait de redorer le blason de sa lignée ; ce qui impliquerait par là-même un probable retour à Toge, ainsi qu'un mariage avec un aristocrate et d'autres conséquences pour lesquelles elle se serait probablement abstenue. Son avenir appartenait plus ou moins à l'Epine, et d'ici-là, il lui était délicat de s'impliquer dans d'autres projets pouvant s'avérer incompatibles avec un tel destin. Une situation complexe, que le prêtre d'Amaterasu comprenait aisément, à la différence considérable qu'il adhérait pleinement à son devoir, souhaitant lui-même restaurer sa lignée à sa juste place.
Si le prince riait de concert avec la Jujoujin, une part de lui-même adhérait sérieusement à l'idée de préparer une liste de questions à l'avance. Peut-être aurait-elle prochainement la surprise d'en recevoir une par missive, sous couvert de ce qui initialement n'avait été qu'une simple plaisanterie... Puis elle fit part des différents domaines d'étude qui l'intéressaient principalement ; incluant naturellement l'étude des Yôkais, ainsi que l'apprentissage de la médecine. Des arts qui ne manqueraient point de trouver une utilité concrète et de servir le bien commun, a fortiori pour le second, et qui n'étaient pas sans rappeler à Byakuren une certaine personne.
Mondanités frivoles
Décidément, le moine princier était emplie de considération à l'égard de Yui. Si de prime à bord, elle n'avait pas imaginé qu'elle puisse avoir l'honneur de rencontrer une personne de la famille impériale, alors entendre l'un de ces derniers lui proférer autant d'encouragements que de compliments chaleureux, cela semblait presque irréel à ses yeux. En tout cas, la seule chose qui lui paraissait possible de faire était de sourire, comme toujours.
" Merci beaucoup, Minamoto-denka. Je me souviendrai de vos conseils et les garderai précieusement en mémoire. Que Tsukuyomi-sama m'en soit témoin. "
Amenant ses mains comme pour effectuer une courte prière, la demoiselle leva ses yeux vers la lune. C'était sa façon de se faire une promesse à elle-même, mais surtout de ne pas oublier la gentillesse de son homologue de Toge.
Concernant le reste de la conversation, cela changea l'humeur de la jeune femme qui, naturellement, se fit plus pensive. Oh, elle était un peu gênée et se sentait curieusement impudique de se "plaindre" de son statut. Pourtant, d'un autre côté, elle imaginait que Byakuren était à même de la comprendre, même si ses intentions personnelles étaient différentes. Sans nul doute qu'il était prêt à embrasser son destin, mais Yui...
" Mmmm... Jujou est un village charmant. Les gens de la région sont aussi étonnants que courageux. Même si la vie est pleine de danger, ils savent faire preuve d'un grand soutien entre eux et je leur dois beaucoup. Je dirais que je me suis attachée à ces terres… d'un autre côté... Je m'y sens tout de même étrangère. Oh, ce n'est pas leur faute, mais il me manquerait toujours quelque chose. "
Penchant la tête sur le côté, pinçant un peu les lèvres, la douce Hasegawa cherchait ses mots et à bien les peser.
" Vous savez... je n'ignore pas ce que l'on dit de moi. Je veux dire... le sobriquet dont je suis affublée ici. Je vous dirais bien que je m'en moque, car en soi, ces mots ne m'atteignent pas, mais... la réalité qu'il y a derrière eux m'effraie. Si c'était vrai ? "
La genin se mit à soupirer.
" Toutefois, ce n'est pas la seule chose qui est responsable de ma résistance. Je suis aujourd'hui la dernière représente du clan Hasegawa. Cela signifie que je ne peux me lier à n'importe qui ou à n'importe quelle famille. Ma grand-mère n'avait de cesse de me dire que l'affection n'avait rien à faire dans les nobles desseins des grandes familles. Mon héritage et celui que je dois transmettre ne doit pas être une affaire de sensiblerie. Je le comprends. Je le concède mais... "
La jeune femme se tourna vers le moine, les larmes presque aux bords des yeux.
" ... je suis incapable de cela. Je suis un être sensible, beaucoup trop, je le reconnais. Je ne sais faire semblant et je ne sais mentir. Quand bien même, il est de mon devoir d'épouser un inconnu à la noble lignée, cela viendrait à me renier pour embrasser la noblesse de mon nom. N'est-ce pas une contradiction ? Je suis fière d'être une Hasegawa, mais pourquoi ai-je l'impression d'être sacrifiée ? "
Yui se mit à secouer la tête comme pour tenter de se remettre les idées en place.
" Je sais qu'il est ridicule de ma part de penser ainsi. Bien des jeunes gens apprécieraient d'être à ma place. Mes paroles sonnent comme un caprice. Ma grand-mère les aurait décrites ainsi. "
La jujoujin se mit à soupirer de nouveau, regardant ses mains triturant le tissu de sa robe.
" Vous avez de la chance, Minamoto-Denka. Vous avez une grande famille et le soutien d'une sœur admirable. Mes vagues à l'âme doivent vous paraître bien puériles... "
Faniahh/Lala/Cyalana
Développant son ressenti, la Jujoujin révélait finalement le fond de ses réticences, mettant en évidence sa nature éperdument romantique. Celle-ci constituait un obstacle de taille, dans l'accomplissement de ses responsabilités en tant qu'héritière du clan Hasegawa, et ultime représentante de sa lignée. Elle comprenait sans ambiguïté les enjeux dont il était question, l'importance de son devoir et de l'héritage qu'elle portait sur ses épaules. Pourtant, elle se trouvait incapable d'épouser un autre aristocrate dans le cadre d'une union politique, afin d'honorer les obligations qu'étaient désormais les siennes. Une situation d'autant plus difficile et paradoxale, qu'elle tenait à la noblesse de son nom, qu'elle était fière de son clan, et semblait soucieuse de respecter ses ancêtres. Une personne beaucoup moins scrupuleuse et réellement égoïste, aurait beaucoup plus facilement fait abstraction de ces considérations, afin de simplement suivre son désir personnel sans se poser la moindre question.
Bien des individus auraient certainement encouragé Yui à simplement suivre son cœur. A moins d'être hypocrite, l'impérial ne pouvait décemment suggérer une telle approche. Loin d'être le simple prisonnier d'un conservatisme archaïque, il ne se trouvait point légitime à inciter quelqu'un à suivre cette voie, lorsque lui-même accordait une importance toute particulière à restaurer la grandeur de sa lignée, à laver le nom de ses ancêtres, et perpétuer l'héritage de son clan. Des motivations qui puisaient davantage leur source dans un désir de justice et de restauration de l'ordre légitime, que dans la simple tradition. A cela s'ajoutait des raisons pragmatiques, comme la nécessité de forger des alliances afin de gagner en influence ; des paramètres qui ne concernaient pas nécessairement son interlocutrice. Pourtant, il entrevoyait également des questions de respect, et se demandait si un individu seul était légitime à compromettre les sacrifices accomplis jusqu'alors par les siens, au point de mener tout un héritage vers l'extinction.
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