Koko-chan avait eu une mission et tous les jours, lorsque mes corvées au temple étaient terminées, j’allais attendre son retour près des portes du village, cachée derrière un bâtiment ou un arbre. Je ne voulais pas qu’elle me voit l’attendre, mais je devais confirmer son retour. Alors je l’attendais, tapisse dans l’ombre jusqu’à ce que mes yeux tombassent de fatigue. Je m’inquiétais pour sa sécurité et son bienêtre, mais encore, si ce n’était que ça.

J’avais besoin de la voir. Elle était plus radiante que la lune plus chaleureuse que le soleil. J’avais l’impression d’être privée de lumière lorsque je ne pouvais las voir. Je détestais qu’elle parte en mission. Premièrement, je ne voulais pas que l’horrible, le mal et la noirceur de l’homme ne l’atteigne et chaque fois qu’elle partait en mission, c’était un risque. Puis, puis de ne pas la voir … C’était simplement trop pour moi.

Il avait fallu un certain temps avant qu’elle ne rentre. Quelques jours. Et toutes ces journées-là, j’étais allée aux portes du village pour l’attendre.

Quelle ne fut pas ma déception lorsqu’elle ne rentra pas seule.

Elle était rentrée avec Koko-chan. Je ne l’avais jamais vraiment vue avant. Vielle et rabougrie. Elle n’avait rien à faire avec ma douce Koko-chan. Je ne comprenais pas pourquoi elle, elle avait eu la chance de veiller sur Koko-chan et pas moi ! Je l’observai donc quelques instants. C’était une moniale, comme moi et Koko-chan. Elle devait être associée au temple de la lune, c’était presque certain.

Je devais lui parler, l’intercepter. Il fallait comprendre pourquoi et pas moi, mais … J’hésitais. J’hésitais parce que je comprenais. Je savais ce que ça voulait dire : je n’étais pas assez bonne pour être avec Koko-chan. Même si une partie de moi comprenait et savait que de toute façon, c’était une recette pour un échec, car je n’arrivais pas à aligner trois mot cohérent si elle était près de moi, je ne pouvais accepter qu’une étrangère prenne ma place. Veiller sur Koko-chan était mon seul et unique devoir, mon seul et unique but. Alors pourquoi me le prendre. Est-ce que la vie devait être si injuste ?

Je restai un peu en retrait la suivis encore quelques minutes de plus, me faufilant entre les gens. Puis, inspirant profondément, bombant ma poitrine pour trouver le courage, j’allai finalement à sa rencontre en me lançant devant elle. Les poings sur les hanches, les jambes un peu écartées – quoi que ce fût un peu difficile à voir vu l’ampleur de ma robes – sourcils froncés et l’air aussi menaçant que je le pouvais. Je le dis ainsi, car je n’avais pas vraiment une tête à faire peur à qui que se soit malheureusement. J’avais encore l’air d’une enfant, un visage assez rond, des traits de poupées … Même moi quand je voyais ma réflexion, j’avais du mal à me prendre au sérieux. Tant pis dirons-nous.

« Excusez-moi ! Je vous ai vu rentrer au village avec Koko-chan ! »

Et je n’avais absolument pas planifier ce que je voulais dire … j’aurais peut-être dû penser à ça avant de me précipiter …

«  ah ! Oui ! Oui, je l’attendais !  »

Et je sentais mes joues qui se mettaient à brûler. Pourquoi avais-je fait ça moi encore ? Je n’ai jamais été bonne avec l’improvisation et me voilà à devoir en faire preuve. Je sentais ma poitrine se dégonfler et mes épaules retomber.

J’aurais peut-être dû réfléchir un peu plus avant de me préciter. Ce n’était pas mon genre d’habitude de faire ça, mais … Mais quand c’était Koko-chan … tout devenait différent, comme si je ne savais pas me maîtriser moi-même. Il me fallait prendre une grande inspiration.

« Oui, je sais. Elle y va toujours en rentrant. »

Je marquai une pose en regardant la vielle moniale devant moi. J’avais envie de dire tellement de choses, mais en même temps … rien du tout. Je n’aimais pas ça. Lorsqu’ils avaient mon âge ou que c’étaient des enfants, c’était beaucoup plus facile les confronter et leur dire ma façon de penser, mais … Mais elle, elle était vielle. Elle avait l’air sage. Ce n’était pas comme le canard ou le jonin bizarre qui était venu tenter de la séduire. Non …

Ce n’était pas juste.

« Elle va bien ? Elle n’a pas été blessée ?  »

Finalement, mes mains sur mes hanches retombèrent et j’affichai une moue vaincue. Je préférais savoir si ça c’était bien passé plutôt que m’en prendre à une vieille. Je ne faisais pas d’état d’esprit en général, pas pour ce genre de chose, mais elle était tellement calme, tellement … Elle n’avait eu presqu’aucune réaction. C’était idiot de tenter de la provoquer. Elle devait être super forte en plus.

«  Je … d’habitude je garde un œil sur elle pour … enfin …   »

Ma voix me trahissait, elle craquait et tressaillait. C’était la meilleure façon de perdre tout le peu de crédibilité que j’avais encore. Je soupirai m’approchait de la femme, l’air abattu, cette fois-ci. J’espérais qu’elle me répondrait que tout c’était bien passé. J’avais besoin d’entendre ça, même si ça me ferait mal de savoir que quelqu’un d’autre a gardé Koko-chan en sécurité et que ce n’était pas moi.

Elle allait me dire que Koko n’avait pas besoin moi, même si elle n’employait pas ces mots-là. Koko-chan n’avait pas besoin de ma protection, mais je ne pouvais pas ne pas vouloir la garder en sécurité, loin des maux du monde.

L'espace d'un instant, je me sentis envahie par un embarras qui n'avait pas lieu d'être. La vieille prêtresse répétait mes mots. Garder un œil sur Koko-chan. Je gardais pour moi mes explications, ne voulant pas avoir à me justifier devant une femme que je ne connaissais pas. Ma relation avec Koko-chan ne regardait que moi. Peu importe ce que l'on voulait en dire et même si moi-même je me trouvais pathétique par moments. Elle n'avait rien à juger ou à dire. Je sentais cette terrible colère monter en moi, me gruger de l'intérieur, voulant sortir à nouveau et s'imposer à la vieille femme, mais je la retins avec toute ma volonté.

Sage décision.

Les paroles qui suivirent vint immédiatement apaiser le feu qui naissait dans le fond de mon âme. Koko-chan n'avait souffert d'aucune blessure et même, selon les dires de mon aînée, fait une rencontre intéressante. J'étais curieuse bien entendu. Tout ce qui touchait Koko-chan m'importait après tout.

Cependant, je n'insisterai pas. De moins, pas de suite. Cette déclaration fut suivie d'une autre. Une à mon égard, qui fit enflammer mes joues et perdre tous mes moyens. Je sentais mon visage se réchauffer et ne pus lutter contre l'envie de me cacher derrière mes mains.

《 Je … ah ! Aaaaah ! 》

Aller, il fallait se calmer ! J'écartai mes doigts pour me permettre de voir celle qui me parlait alors que je prenais une bonne inspiration pour me calmer avant de reprendre. Une fois que mon embarras eu suffisant descendue pour que j'ai la force de retirer mes mains de mon visage.

《 Merci. Koko-chan est, pour moi, la personne la plus précieuse au monde. Ce n'est pas trop pour moi de veiller sur elle. Elle est si douce et si gentille, elle a besoin  de quelqu'un et le fait que se soit moi … c'est ce qui me rend heureuse. 》

Je souris timidement à la dame, mes doigts se mettant à triturer mes vêtements alors que je repris, pour répondre à son autre question.

《 Suzuki Ena, c'est ça mon nom madame. Et vous ?  》

Je lui renvoyais la question, non pas par politesse, mais parce que je voulais savoir qui reconnaissait ainsi ce que je faisais pour Koko-chan, car rare était ceux qui le faisait.

Je lançai un regard autour de nous et m'approchai de la femme, saisit sa main et l'entraîna douceur à ma suite, pour nous écarter du chemin. Je l'invitai d'un geste de mon autre main à prendre place sous un pin en bordure alors que je le faisais moi-même.

《 dites, ça vous dérangerait de me parler de votre belle rencontre ? 》

Était-ce un trait de vieillesse ou simplement le résultat d’une vie semée d’embûches, je ne pourrais le dire, mais la vieille prêtresse me donna une phrase pleine de sagesse avec une beauté surprenante … Mais je ne la compris pas. Du moins, je n’en compris pas le sens caché.

Alors, je la fixai, perplexe, réfléchissant. Je mis cela de côté dans mon esprit, dans la section ‘’à repenser plus tard’’ et me concentrai alors sur la rencontre. Mais elle ne voyait pas du tout d’un mauvais œil mon admiration pour ma douce Koko-chan. Il était rare que j’initiasse les rencontres, même celles en ce genre, mais … C’était pour Koko-chan que je lui avais parlé.

Et j’avais dérogée de mon objectif initial, maintenant que je savais qu’elle n’était en rien une menace pour ma tendre amie.

Elle se présenta ensuite et son nom ne me laissa pas totalement interdite. Argent. La couleur de la lune et ironiquement de ses cheveux, probablement à cause de son âge. C’était thématique, je ne pouvais pas ne pas le remarquer. Elle se laissa guider vers près de l’arbre et accepta gracieusement d’y prendre place avec moi.

Si au départ je lui demandais de me parler de sa rencontre en ayant mon soleil en tête, je ne m’attendais pas du tout à la suite. Elle enchaîna mentionnant qu’elle voyait que j’étais également une suivante de Tsukyomi avant de me demander comment je voyais les yokais. Je lui souris sincèrement – un petit sourire un peu triste avant de simplement dire :

«   Ils sont parfois mieux que le peuple d’Ebisu, si vous voulez mon avis, mais les gens ont l’esprit fermé. »

Je pris une inspiration et affichai un air pensif alors que je repensais aux enfants qui avaient éhontément provoqué Koko-chan ou même à ceux qui avait pris ma famille. C’était de la malice pure. À mon sens, les yokais étaient mieux, car ils ne causaient pas le malheur par malice ou haine, mais parce que c’était dans leur nature de se nourrir ou de se défendre. C’était beaucoup plus simple que les gens.

« Mais je ne peux pas dire que j’ai eu la chance d’en voir avant, non. Bien que j’aimerais ça. C’est-ce que vous êtes aller faire avec Koko-chan ? »