J'étais arrivée tôt dans la matinée sur Toge. Leur région était à présent recouverte de ses couleurs automnales qui avaient au moins l'avantage de rendre le coin plus chaleureux que ses habitants. Mon opinion n'avait pas beaucoup changé et je trouvais toujours les togejins aussi snobs que les premières fois que j'en avais croisé. Mais s'il y avait une chose que je ne pouvais leur retirer, c'était la beauté de leurs chênes quand il donnait l'impression d'être en feu. Et oui, j'en revenais toujours un peu là, hein ? Cependant, j'étais pas présente pour faire du tourisme. Ce n'était jamais le cas quand je me pointais ici, c'était forcément lié à mon travail et je venais justement de l'accomplir.

J'avais dû me taper une longue route, avec pour mission une escorte, celle d'une petite comédienne de Seizan qui devait effectuer plusieurs représentations au Théâtre Saruwaka-za. Si vous étiez étonnés, vous ne l'auriez certainement pas été autant que moi. Je n'aurais jamais cru que parmi les gens de notre village quelques-uns eurent été fan de ce type de comédie ou eurent quelques aspirations scéniques. En attendant, mon boulot avait été d'assurer la sécurité d'une dénommée Hinami Takeda. Pas certaine que ça valait le coup que je retins son nom, d'autant qu'elle me gonfla tout le long du voyage avec des envies de s'arrêter toutes les cinq minutes pour un oui ou un non. Une fois c'était sa vessie, une fois c'était la bouffe, une fois c'était le cheval qui convenait pas... Honnêtement, j'avais failli être le plus grand danger qu'elle avait rencontré.

Néanmoins, je fus libérée de toutes mes obligations une fois arrivée à destination comme promis et autant vous dire qu'une fois ma paie en poche, je ne me retournais même pas sur la gamine. Il me fallait préparer le chemin du retour, mais surtout me remettre de mes émotions. J'étais tendue comme une corde à linge et même mes cigarettes n'arrivaient pas à me calmer. D'ailleurs, même là, j'allais en manquer. Il me fallut faire tout le tour du village pour trouver un type qui put me vendre du tabac. À croire que c'était tous des saints ici, mais des saints qui vendaient ça pour un prix exorbitant. Si je n'avais pas été aussi accroc à ma dose de nicotine, pour sûr je me serais barrée en faisant un doigt d'honneur au marchand.

Une fois mon péché mignon en poche, je partis en recherche d'une auberge qui me couterait pas les yeux de la tête et par chance, je trouvais un lieu convenable à la périphérie de la ville. Sauf que j'allais pas me coucher si tôt, j'étais donc coincée pour la journée. Alors j'allais faire ce que je supportais le moins ici : jouer les touristes, mais pas trop longtemps.

" Putain... toujours aussi cons...  "

Je ne pus m'empêcher de cracher mon venin à voix basse, parce que comme à chaque fois que je venais ici, je sentais le poids du regard des petits bourgeois. À croire qu'ils n'avaient jamais vu de femme borgne, ou bien samuraï. Finissant de râler, je décidais de poser mon popotin sur un banc dans ce qui ressemblait à une sorte de jardin public. Bien sûr, tout y était superbement taillé. Croyez-le ou non, mais même leur putain de parc puait la bourgeoisie, et réussissait à faire de moi une tâche dans le décor. Quelle chienlit.

Déjà lassée, je m'étalais de tout mon long sur le banc, me moquant de la bienséance. Là, pensive, mes yeux se posèrent sur les arbres qui prônaient au-dessus de moi, regardant leurs feuillages se balancer au gré du vent qui soufflait. On aurait dit une mère de feu avec son camaïeu d'orange et de jaune.

" Y a quand même quelque chose à sauver dans ce village... "

Je n'y aimais peut-être pas ses gens, mais je savais reconnaître la beauté de la nature... même bourgeoise.

J'aurais pu somnoler, comme ça, tranquillement. Fallait dire qu'une fois allongée sur le banc, j'avais le bruit du vent dans les arbres pour me bercer. Est-ce que quelqu'un aurait pu me voler ? Il aurait pu s'y tenter, il y aurait perdu la main d'une façon ou d'une autre. Mais non. Pas de sieste pour moi, mais une rencontre inédite.

Un drôle de type plutôt bien sapé s'était approché de moi, et me regardait avec un drôle d'air. Il semblait même me connaître puisqu'il me cherchait. Mon premier réflexe était simplement de tourner la tête et de le regarder de haut en bas. Bien entendu, je n'avais pas bougé d'un iota de ma position horizontale.

" Mmmm ?  Qu'est-ce que tu me veux ? Je n'ai pas souvenir de t'avoir déjà rencontré. "

Je le scrutais une seconde fois, avant de pousser un long soupir. Là, je me décidais enfin à me redresser pour m'assoir, mais ça me coûtait. J'étais plutôt pas mal jusque-là, je digérais l'affront des prix exorbitants de Toge.

" Ne me dis pas qu'on a eu... une aventure, hein ? Parce que le prend pas mal, si c'est le cas, je m'en souviens pas. Et au moins, tu sais que je n'en valais pas le coup. "

Me grattant un peu la tête, j'étais très loin du compte et de la raison pour laquelle ce Doji venait me voir. Mais ma conclusion tenait simplement du fait que je ne savais absolument pas pourquoi un type de ce genre me connaissait. Ma réputation de forgeronne ? Fallait dire qu'en vérité, je n'en avais rien à faire et je n'avais jamais pensé qu'elle pouvait aller au-delà de Seizan. Par contre, le fait que je pouvais avoir la main lourde sur le saké et qu'il m'était déjà arrivé de finir... dans de mauvaise position, ça, malheureusement...

Je commençais à fouiller dans mes poches, il était temps de fumer ce tabac qui coûtait un bras. Tranquillement, je me roulais donc ma cigarette, tout en questionnant le dénommé Aïko.

" Écoute gueule d'ange, si je t'ai offensé ou si j'ai fait une connerie, annonce-moi clairement la couleur. Je préfère qu'on ne tourne pas autour du pot. Personnellement, je suis ici uniquement pour une mission et je me casse demain dès que je peux. "

Je fixais ma cigarette entre mes lèvres serrées, et en un petit tour de main, j'utilisais mon katon pour l'allumer comme j'en avais pris l'habitude. Je relevais enfin la tête pour mieux observer mon interlocuteur, mais j'avais beau le regarder, sa tête ne me disait rien. Soit j'avais pris une très mauvaise cuite, soit en fait... je me trompais sur toute la ligne.

" Alors ? Tu veux quoi ? "

Je crachais un rond de fumée sur le côté pour ne pas l'indisposer. Directe, mais polie. Enfin presque.

Le malaise. Il y eut comme un malaise parce qu'à vrai dire, je ne m'attendais pas le moins du monde à ce qu'un type de son genre lança de but en blanc ce type de remarque.

" Euuuuuh... Bah si c'était le cas, c'est bien con que je ne m'en souvienne pas.  "

Je fronçais un peu les sourcils comme si j'essayais de chercher dans ma mémoire cette "possible" rencontre. Mais rien n'y faisait. Le black out. Autant assumer la chose, et puisque visiblement cela le faisait marrer.

" Mais pour sûr, si j'avais été en pleine possession de mes moyens, je n'aurais pas fait que t'ébouriffer la crinière… et je m'en souviendrais.  "

Un fait et je ne me serais pas retrouvée dans cette étrange situation, sauf que... ce n'était que du baratin. Quand il m'expliqua qu'il venait de se jouer de moi, je levais un œil sévère dans sa direction. Je ne retins pas une grimace alors que je soupirais un rond de fumée.

" Une blague, hein ? Qui aurait cru que les togejins avaient de l'humour... Tssss... Je me disais aussi que c'était curieux. T'as pas la gueule d'un marrant et t'es mieux habillé que moi. J'aurais sacrément picolé si vraiment cela avait eu lieu. "

Il m'aurait paru plutôt bizarre d'avoir fait du gringue à un noble, parce que le bonhomme qui se tenait devant moi, avait tout de cette caste qui avait un sacré balai dans le derrière. J'aurais pu pour le défi, mais certaine que cela aurait été très intéressant. Secouant la tête en laissant cette affaire de côté, je me concentrais plutôt sur la véritable raison de la venue du dénommé Aïko. C'était la forgeronne qu'il venait rencontrer et là, c'était déjà un peu plus crédible.

" Doji, Doji... je ne sais pas pourquoi ton nom me dis quelque chose. Mais si c'est pour parler d'armes, je suppose que je suis la bonne personne... mais je ne pensais pas que vous manquiez d'expert à Toge. M'enfin bref. "

Haussant les épaules, je soupirais avant de le voir, craintif, regarder un peu partout autour de nous. Je ne comprenais pas pourquoi une telle précaution. C'était si secret ? Ou il avait peur qu'on ne le voit en ma compagnie ? Si c'était la deuxième option, c'était assez violent pour mon égo. Heureusement que j'en avais rien à cirer. Sans que je n'eus rien à demander, il détacha son katana de sa ceinture pour me le présenter, me permettant ainsi d'observer son outil de samuraï. Mais avant de la regarder en détail, je soupirais à nouveau.

" Hey, l'humoriste. Au lieu de rester planté comme un piquet, assieds-toi. Ça sera plus simple pour causer. À moins que ça t'emmerde d'être vu avec moi ? "

Autant demander après tout. Le laissant choisir ce qu'il voulait, je commençais à observer le fourreau, de la bonne qualité, du bon travail. Je pouvais cependant faire quelque chose de bien mieux et de même plus esthétique. Il fallait dire que j'étais douée de mes dix doigts. Sans mauvais jeu de mots. Lentement, je dégainais l'arme et commençait à la soupeser, voir sa maniabilité, le fil de sa lame. Quand je fus satisfaite et que j'avais enregistré les informations qu'il me fallait dans ma petite tête, je la rengainais et la rendis à son propriétaire.

" C'est plutôt une bonne lame, mais je peux te faire quelque chose de mieux. N'importe quel forgeron de Seizan le pourrait, sans vanter mon village.  Qu'est-ce qu'il te faudrait exactement ? Je suppose que tu avais déjà des idées bien précises avant de me chercher. "

Je tournais ma tête vers lui, portant mon œil améthyste sur sa silhouette de grand dadet un peu raide. Il avait pas la tête d'un type qui devait s'amuser souvent.

Le Doji me semblait être un type un peu curieux, le genre avec lequel on ne savait pas trop sur quel pied danser. Il était sérieux, noble ou bien un petit rigolo ? Sans doute les trois à la fois. Seulement, ce qui m'intéressait véritablement dans notre affaire était les raisons pour lesquelles il venait me voir.

" Oppressantes ?  T'as pourtant pas l'air d'un type à se faire marcher dessus... les impressions sont parfois trompeuses. "

Finalement, qu'importait les détails, mais il ne manqua pas de me confirmer que les Doji étaient le nom d'un clan du coin en mission à Toge. Je me contentais de sourciller légèrement, avant de laisser tomber. C'étaient pas mes affaires d'en savoir plus et à vérité, ça ne m'intéressait même pas.

" Une mission ? Qui n'en a pas de nos jours. "

Si c'était un soldat, de toutes les manières, c'était plutôt courant. C'était même ce qui parfois payait le plus, parole de forgeronne. En attendant, AÏko déclina mon invitation à s'asseoir, ce à quoi je soupirais. Ça me fatiguait de devoir lever la nuque pour voir sa tête. Il était grand le bonhomme vu d'en bas, mais il finit par me cracher le morceau pour me dire l'objet de sa requête.

" Un tantô, un poignard. Ok. C'est largement dans mes cordes. Est-ce que tu veux quelques choses de particuliers pour la garde de ton poignard ? Des fils de soie d'une couleur particulière pour ton tantô ? Un bois spécial pour son fourreau ? Je m'adapterai en fonction de ce que tu veux. Si j'ai carte blanche, je ferai... ce qui me semble le mieux. "

Mon œil se balada de haut en bas sur le togejin, l'observant méticuleusement pour me faire une idée du bonhomme de façon plus globale. Son style me permettrait d'adapter ses armes à son... apparence. Puis vint toute la question de comment payer mon travail. Généralement, ce type de transaction, c'était toujours monétaire. Moi, ça me convenait parce que j'étais toujours à court de ryos, surtout depuis que j'avais Yahaba. Impressionnant ce qu'un gosse ça coûtait cher.

" Faire ? Habituellement, on me paie. On ne fait rien. Pourquoi ? Un noble comme toi à part un radis, c'est ça ? Ou bien, tu es un radin ? "

Je quittais alors mon banc, me tenant droite devant lui en plantant mon œil dans le sien.

" Pour sûr, je ne vais pas bosser gratuitement.  Mais si t'as pas l'argent, j'avoue que je ne sais pas trop à quoi tu pourras me servir. Personnellement, je bosse seule. Et je ne vois pas trop quel genre de service, tu pourrais me rendre... "

Une nouvelle fois, mon regard le parcourut de haut en bas.

" Par contre, je ne peux bosser qu'à Seizan avec mon matos si tu veux un truc de qualité. Donc soit il faudra que tu m'accompagnes jusqu'à là-bas, soit tu dois me faire confiance et me payer d'avance. Je t'enverrai la marchandise à l'adresse que tu voudrais. "

Il restait tout de même en suspens la question de paiement.

Spoiler:

Il eut comme un petit silence malaisant, un moment de gêne. Lorsque mon œil se posa sur mon potentiel client, je compris qu'il n'était pas à l'aise sur la question des détails techniques de ses lames. Fallait dire que j'étais tellement habituée à travailler avec des chieurs qui en voulaient trop ou pensaient savoir, que j'en oubliais qu'il existait encore des âmes perdues qui faisaient simplement confiance aux forgerons. Rares étaient les types qui se contentaient de dire : je veux juste une bonne lame.

"  Si on reste sur une qualité pas dégueulasse mais à portée de porte-feuille... et nous dirons qui va avec ton style, je tablerais plutôt sur des lames en acier damas. Chiant à forger, mais au moins, c'est aussi esthétique que la lame est dure et souple.  Pour le bois, je te choisirais de l'ébène pour sa couleur sombre. Tu pourras le porter avec n'importe quoi. "

Puisque Aïko semblait être un noble, je supputais que la forme importait autant que le fond. Il allait adorer se la péter avec ce que je lui ferais... du moins, s'il était toujours d'accord pour que j'accomplisse le travail demandé. En attendant, il ne paraissait pas contre l'idée de venir avec moi à Seizan.

"  Il nous faut un peu plus d'une semaine pour se rendre à Seizan, il m'en faudra peut-être tout autant pour te faire le tanto et le poignard si tu veux un truc personnalisé. J'ai aussi des bricoles que j'ai déjà forgées quelques mois avant, mais je pense que ça te correspondra pas. Quant aux logements, on a des auberges au village. Pour toutes les bourses. "

Il aurait le temps de pas mal flâner dans nos montagnes et sans doute aussi de picoler pour tuer le temps. Il était clair que ça le changerait grandement de l'environnement aseptisé de Toge. Là-bas, il y rencontrerait de véritables bons vivants qui n'étaient pas des culs serrés.

" Combien ? "

Alors je sourcillais, voilà que monsieur se décida à s'assoir, pile au moment où je m'étais levée. J'étais à deux doigts de croire qu'il se foutait de ma gueule. Un peu blasée, je lui répondis sur un ton assez monocorde.

" C'est deux cents ryos chaque pièce. Tu me verses la moitié quand je commence le travail, et l'autre moitié une fois que j'ai fini. Mais le paiement, tu me le donneras une fois que je serais à Seizan. Ça évite les embrouilles. "

Je voudrais pas qu'il me sortit que je l'avais escroqué, surtout si pour x raison une tuile se produisait dans le voyage. Et puis, par principe, je préférais comme me paya une fois le travail véritablement commencé, j'avais été élevée comme ça et je trouvais ça plus honnête.

" Si ça te convient comme ça, on a un marché. "

Je lui tendis alors subitement la main comme pour signer notre contrat oral.

" Quant au départ, ça sera dès demain. Je préfère éviter de rester par chez vous. "

Je m'emmerdais considérablement à Toge. Les gens n'y étaient pas marrants.

Lorsque j'énonçais au togejin le temps de trajet et celui du travail demandé pour rejoindre Seizan, je ne pus louper la grimace qui se dessina sur sa figure. Cela semblait l'emmerder plus qu'autre chose, mais moi, ce qui me surprenait le plus, c'était qu'il n'y avait pas pensé au moment où il eut effectué sa demande. Je me démerdais, certes, mais le boulot ne se faisait pas en un claquement de doigt.

Finalement, s'il faisait la tronche sur le moment, sa réponse allait à l'opposé. Voilà qu'il était d'accord que cela fusse le prix ou bien m'accompagner. Par contre, je secouais encore la tête à l'évocation qu'il me payât immédiatement.

"  Comme je te l'ai dit Aïko-san, tu me paieras une fois le travail commencé. Non pas que je veuille jouer les pessimistes, mais s'il nous arrive une tuile sur la route, ça m'emmerderait grandement de t'avoir pris des ryos sans avoir entamé le boulot. Question de principe. "

Trop bon, trop con. Sans doute était-ce là l'honnête adage des Kaname. Je n'aimais pas avoir des dettes de toute façon. Portant mon œil blasé sur mon camarade bourgeois, il se mit à rire. Visiblement, il semblait plutôt d'accord avec mon point de vue sévère sur le village et son manque d'animation. Bon en vrai, c'était plus sa population que je trouvais chiante que l'endroit en soi. À y regarder, l'atmosphère y était assez agréable... mais pas les coincés qui y vivaient.

"  Vraiment ? Des endroits divertissants ? Je suis presque étonnée que cela ne soit pas interdit. On peut pas dire que cela respire l'amusement dans le coin. Mais pourquoi pas. Si vraiment une telle perle existe dans ce bouiboui, je veux bien savoir où cela se cache. "

Haussant les épaules avec désinvolture, je repris tranquillement ma clope, réfléchissait à la suite de ma journée. Maintenant que le damoiseau m'avait réveillé de ma sieste, c'était un chouilla compliqué de retourner dans les bras du dieu sommeil. La seule chose qu'il trouva à proposer était de faire du shopping.

"  Des emplettes ? Mmmm... pourquoi pas. J'aurais besoin de trois bricoles pour le voyage. "

De nouvelles rations, bien qu'en réalité, j'avais plutôt envisagé d'en trouver en chemin ou tout simplement dans un autre village. Il me restait de quoi tenir trois ou quatre jours, et je voulais éviter de trop me surcharger inutilement, d'autant que j'empruntais des voies déjà tracées, surveillées et sécurisées. Pas folle la guêpe, surtout que j'avais pour habitude de me coller aux caravanes et autres marchands itinérants pour rendre les choses moins ennuyeuses.

"  Bon du coup, si tu as déjà une idée de lieu, j'ai envie de dire ici, c'est ton village. C'est toi le guide mon vieux. "

Lui faisant un signe de main comme pour lui ouvrir la route, le grand noble serait donc le maître de la promenade. À tous les coups, on allait croire que soit j'avais été payée pour l'escorter, soit c'était lui qui me ramenait d'on ne sait où lorsqu'on se baladerait. Le drame quand on avait pas le même standing.

Le Doji était un drôle de bonhomme, il avait un drôle de sourire, le genre que l'on donnait à un filou, qu'importait la noble tenue qu'il pouvait porter sur le dos. Conservant ma clope dans le bec, je suivis donc le soldat dans la ville bourgeoise de l'Epine. Impressionnant comme cette ville me filait de l'urticaire. Sans déconner, je n'y sauvais pas grand-chose, et j'avais beau regarder... Non vraiment. Il y avait un truc qui m'était hautement antipathique, un truc dans l'air ou dans ces gens. Je dirais même les deux.

" Pas de problème. Un ou deux trucs. Personnellement, je n'ai besoin que de bouffes, même si techniquement, je sais où m'arrêter sur la route. Ça me serait toujours moins cher qu'ici.    "

Seulement voilà, on ne savait pas de quoi la vie serait faite et la prudence me poussait à pas prendre trop de risque. Il me fallait emmener le minimum dans mon sac. Du léger, du pratique, du tout terrain. En gros, de la bouffe séchée. Demeurant muette juste pour pouvoir fumer tranquillement, je suivais Aïko qui pipait pas plus en vrai. Le bougre marchait vite comme s'il avait le feu au cul, me laissant en arrière et qui ne comptait certainement pas presser le pas. Non pas que je jouais les touristes, mais parce que c'était son idée de me balader et comme j'étais pas du genre à courir pour rien... Enfin bref.

On arriva toutefois devant une boutique qui avait une drôle de gueule, mais d'après la vitrine, c'était un fourre-tout avec des prix raisonnables.

" Ha. Je le connaissais pas cet endroit. Bien joué, gueule d'ange. "

Lui faisant un signe de tête comme le féliciter, je le remerciais tout aussi bien de me laisser passer devant. Là, je commençais à fouiner un peu, jetant un œil par ci par-là. En vrai, il y avait rien pour moi dans ce lieu ou plutôt pour une femme dans mon genre. Mais par contre, je finis par tomber sur un collier qui me fit de l'œil, une cordelette de cuir toute banale, mais c'était le pendentif qui me plût. Pas pour moi. Pour Yahaba. C'était une petite plaque de métal, légèrement bosselé pour l'esthétique, avec des rayures ondulée qui donnaient l'illusion que ce furent des flammes ou des vagues. Cela devait dépendre de comment on le foutait et de qui le regardait.

Arrivée devant la vendeuse, je déposais le bijou au comptoir, faisant la gueule et supportant le regard bizarre que me lançait la caissière.

" C'est pour offrir. Si vous pouviez me foutre ça dans une boîte, vous seriez aimable. "

J'avais envie de rajouter "pas comme ta gueule", mais je me disais que ça serais de trop. Je me fis violence pour me retenir. Laissant la femme faire, je me retournais pour chercher le Doji du regard.

" Hey ! Le soldat ! T'as trouvé ce que tu voulais ou pas ? "

Pas trop envie de rester dans cet endroit.