Kazumasa devant moi ouvrait la marche, les yeux rivés sur le dos du colosse, je suivais le déroulement des arbres, des rochers et des collines avec mes oreilles. La mission se voulait urgente, autant pour l'économie et la production minières de la région, mais également pour la population de civils qui affluaient pour le travail ou le logement proche du réseau sous-terrain.
Si les provinces du sud pouvaient se targuer d'un front de mer important et riche en coquillage ou en algue, c'était la richesse territoriale qui était la plus valorisée : Les monts de fer comptaient de nombreuses mines et le fer ou l'argent sorti des entrailles de la terre étaient vite amenés dans les autres villages, autant militaire que civils. Un point central, pour sûr, de la construction et de l'armement de l'Onogoro.

Tetsu tirait son nom de sa principale activité et au-delà d'une population de basse naissance seulement mobilisé pour jouer avec la pioche, c'était toute une classe sociale et professionnelle d'artisans et d'orfèvres qui se mêlaient pour former des équipements uniques... C'était donc un foyer de production merveilleux où les gens se pressaient pour acheter des lames de qualité supérieure ou des armures brillantes et impossible à passer. Seul des producteurs ? Non... Bien évidemment, et je l'avais compris avec ma propre histoire, c'était dans les clans producteurs que se déployaient également les combattants pour manier ce qu'ils produisaient. Les premiers épéistes des monts de fer venaient de ce petit village... Un épicentre donc de l'histoire de Seizan, pour sûr.  

Ainsi, quand les mines furent sous le risque de fermeture ou de l'arrêt de sa production, on avait accouru, mandaté par le Seizankage... La mission contre les contrebandiers et mon enquête chez les édenistes pouvaient attendre.

Bien que je connaissais déjà le type qui se pressait devant moi, celui qui fermait la marche m'était totalement inconnu, enfin avant le briefing. J'avais déjà rencontré une Watari et la discussion qui en avait découlé n'avait pas été plaisante pour moi. Tout le monde avait donné ses capacités, pour pouvoir travailler en groupe : De l'iroujutsu et des illusions pour l'inconnu, qui se nommait Kasumi, et un ensemble hétéroclite chez Kazumasa. Chose qui, je devais l'avouer, me fit faire les gros yeux tellement la polyvalence était le fin mot dans son travail. Pour ma part, après avoir écouté mes camarades du jour, j'avais mis ma pierre à l'édifice :

- Héhé, je sais juste faire du kenjutsu... Mais je sais très bien le faire ! Mes récents progrès, me permettant de découper une grande partie du domaine du vivant et du non-vivant, pouvait débloquer pas mal de voie, mais également nous protéger contre des attaques chakratique, et c'est ce que j'expliquais ensuite aux deux messieurs. Je ne pouvais cependant toujours pas fendre les illusions ou l'absence d'air dans les parties les plus profondes de la mine, chacun ses points faibles...

Dans mon dos, et ce, depuis le début de notre aventure, était empaqueté solidement mon artefact démoniaque confié par mes supérieurs : Une arme férocement utile, surtout contre une possible menace Yokai. Dès ma paume sur la garde de ce couteau dentelé, qui ne payait pas de mine, j'avais reçu comme une décharge... Et j'avais su.

- Avec l'arme derrière moi, je peux aussi donner des ordres aux forces démoniaques... Enfin, aux plus faibles, on dirait qu'elle s'adapte à mes propres capacités. Un petit aveu de faiblesse, mais c'était ça de gagner.

Je n'avais pas vraiment parlé de mes compétences physiques, admettant que c'était plutôt du registre de la vantardise plutôt que d'une affaire de pragmatisme. En face d'un bonhomme comme Kazumasa, dire que j'arrivais à encaisser les coups ou à bien les esquiver, c'était se moquer un peu du monde... L'essentiel était que le moment venu, j'allais être au front pour soutenir les soldats qui m'accompagnaient. Que cela soit sur les frontières de la commune de Tetsu ou au fond du réseau de tunnel inconnu formant les mines, il fallait présenter une face unie et prendre des risques les uns pour les autres. En tout cas, c'était ma vision des choses et le comportement de voyage du Tenma confirmait qu'il pensait la même chose que moi.

J'avais un peu plus de réserve pour le Watari, sans doute que j'étais échaudé par l'interaction que j'avais eu avec sa parente... Mais il était un camarade et en mission on ne faisait pas de chichi.

Attentif, alors que je savais que nous arrivions aux abords de Tetsu, la pluie vint à tomber dans une bruine humide. D'une certaine manière, je me satisfaisais de ce phénomène climatique : La boue n'était plus un problème dorénavant, puisqu'il restait une distance pathétique avant de se mettre au sec, de plus toutes odeurs étaient atténuées par le pétrichor évanescent en ce début d'averse... Si un Yokai cherchait à nous trouver avec, sans doute que c'était moins aisé maintenant. "Je n'en sais rien..." Je me réconfortais comme je pouvais.
Soudain, un bruit attira notre attention, mais également ma main vers mon katana : Un combat ? Une attaque ? Simplement un oiseau qui prenait son envol, nonobstant le couvert végétal. Cela ne fut pas pardonné par l'homme derrière moi qui chercha à abattre le volatile d'un jet précis. Kazumasa grogna et pour ma part, je jetai un coup d'œil entendu à l'action de Kasumi. "Pas mal." Gardant ma main sur la garde de ma lame, sans doute à cause du climat de tension qui régnait chez mes deux compères, je suivis le Tenma à la rencontre du cheval qui faisait office de gardien peu silencieux d'une écurie.

Le colosse notifia une certaine appréhension chez l'équidé et je pris la décision d'écouter aveuglément le type qui avait grandis avec ces animaux et qui avait comme activité secondaire de les élever pour son clan et, en parallèle, pour le village. Je n'avais pas encore eu l'occasion de monter sur l'un des canassons, mais la réputation parlait d'elle-même. La grande question chez l'homme aux yeux bleu était donc de savoir ce qui inquiétait le pauvre cheval, non sans garder un pragmatisme très cohérent en demandant que quelqu'un lui surveille les fesses. Ce fut chose faites, sans tambour ni trompette, alors que je me plaçais dans son dos en faisant face au Watari qui avait aussi entendu, sans doute.

"Toujours s'assurer que tout le monde a compris." C'était une des leçons que j'avais apprise très vite en étant chef d'équipe : Si un membre ne comprenait pas, ou ne savait pas quoi faire, il fallait lui donner des ordres et une place dans la tactique ou la formation. En observant Kasumi, je sus assez vite qu'il savait quoi faire et qu'il était déjà en œuvre.
Approchant de l'entrée obscure, mais sans doute nettement moins que les mines à quelques kilomètres, je gardais les mains en activité sur mon arme principale, prêt à tout moment à dégainer, et attaquer, d'une seule action précise. C'était ma seule vraie compétence, mais comme je l'avais dit à mes compagnons :

Je savais très bien le faire.

Tour:

Sur ma peau, l'air qui supportait ma course effrénée alors que la pluie perdait du terrain face à ma vitesse : Un cri et j'avais bondi, puisque l'écurie était sans danger et que rien ne signalait le moindre souci dans le coin, à part... Une odeur tout sauf agréable. Le galop puissant, ma respiration n'était cadencée que par des bruits de bouches, impensable de respirer par le nez avec cette flagrance dégueulasse. À part si on voulait un grand bol de charogne dans les poumons.
En arrière, j'avais cloué sur place mes camarades et, d'un côté, je faisais un peu de la merde à ainsi briser la formation sur la base d'une personne qui hurlait, sans doute une femme, mais j'avais signalé d'un mot rapide que je m'élançai sur la trace de cette voix.

- J'y vais. C'était peu, mais c'était déjà assez. La main sur la garde, je me préparais à un coup en traitre. Les murs, les toits, passent et j'arrivais enfin à portée de cette femme, isolée dans la rue dont le sang s'écoulait pas la gorge...

Fronçant les sourcils, j'avançai et pus constater qu'une plume sortait de sa peau : Poignarder par un volatile ? La bouche ouverte, haletant, je cherchais la source de cette attaque puisque si elle était encore debout, c'était que c'était récent. Rien contre les surfaces, rien au fond de la rue... Derrière moi, les autres seizanjin arrivaient et je signalai la posture étrange de la femme. La pluie n'était plus le seul problème.

- Madame, vous allez bien ? Toujours cette odeur, qui avait macérée depuis l'écurie... On se rapprochait de la source ? En tout cas, sur le visage de la victime, il n'y avait que de la peur, plaquait sur ses traits comme un mauvais maquillage. "Qu'est-ce que c'est que ça ?" Suivant le regard de cette pauvre dame, je vis dans le ciel une forme ailée qui s'en allait vers la mine. "Quoi ?" De mon index, je précisais la direction. Vous avez vu ça ? Dans ma mémoire, je cherchais une mention, même perfectible, de ce genre de créature... Je n'étais pas un expert en Yokai, mais des trucs capables de voler et qui avaient des caractéristiques de volatiles, cela ne pouvait pas être une douzaine de bêtes. En tout cas, on sait qu'il ne faut pas se laisser toucher par ses plumes.

Un poison ? Une technique de sceau ?

Je n'en savais rien, mais je ne comptais pas me laisser endommager pour avoir la réponse... Avec le cri, et l'animation dont nous étions la cause, des lumières et des habitants qui s'éveillaient dans la nuit noire... Eux aussi avaient vu cette chose ?

- Le mal mystérieux, on a, maintenant il y a cette histoire de cadavre... Le dénominateur commun, c'était cette mine et je ne pouvais pas m'y tromper, la bête était partie vers là-bas. Soupirant, je me retournais vers la demoiselle qui avait rencontré la mauvaise chose, au mauvais moment. On connait notre prochaine destination, mais ne devrions-nous pas enquêter auprès des témoins pour en savoir plus sur cette chose ? Tendu, je renforçais ma prise sur mon arme alors que mon autre main venait saisir les bandages qui entouraient La Traductrice.

Se jeter dans la gueule du loup ou le bec du faucon...

Tour:

L’odeur me prit à la gorge : Si avec le temps, j'avais pensé m’habituer à ce fumet abject, il fallait bien dire que j’avais touché un extrême dans le dégoût. Devant moi, les cadavres s’accumulaient dans un tas esthétiquement discutable… La femme qu’on avait approchée n’était pas la première victime et ce village connaissait depuis des jours ou des mois des disparitions qui ‘accumulaient autant sur cet empilement que sur des branches. Un spectacle infernal qui donnait tout son sens au caractère démoniaque des yokai que l’on chassait…
Les hommes ne pouvaient pas faire ça, seuls les monstres avaient en eux un mal nécessaire pour désirer ce type de spectacle.

La main devant la bouche, comme un obstacle à l’envie de vomir, j’essayais de me concentrer sur autre chose que mon nez qui sonnait l’alarme dans mon cerveau. L’odeur était répugnante et tout ce que je trouvais pour changer d’air était de faire une petite blague :

- Au moins, tu n’auras pas à achever quelqu’un. C’était de mauvais goût, mais mon sens de l’humour était occupé à autre chose qu’à peaufiner mon verbe.

La population n’avait que peu apprécié l’attention de Kasumi, le médecin du trio avait mis fin à la souffrance statique de la victime, non sans déclencher chez les témoins une réaction violente : La fuite, la colère, la répulsion… Chez moi, cela avait été un certain malaise. Je comprenais son geste, assez miséricordieux, mais il n’y avait pas une autre solution ? La soigner, par exemple ? Le poison paraissait inconnu et sa souffrance pouvait s’installer en attente d’un traitement. La douleur était pire que la mort ? Je n’en savais trop rien, mais je sentais que je n’avais pas intérêt à connaître la piqure de ces plumes, sinon mon camarade pouvait devenir mon bourreau… Un léger frisson s’échappa à cette pensée et je regardais maintenant l’homme aux longs cheveux blancs d’un autre regard. “Un samouraï de son village, il m’aiderait, non ?” Encore une fois, la question ne voulait pas de réponse…

Devant le charnier, pourtant, le médecin garda son calme et examina le tout avec un regard méticuleux. C’était admirable puisque de mon côté, je luttais avec un haut le cœur tenace. Il rapprocha alors notre possible ennemi à un animal non démoniaque : La pie-grièche. Fouillant dans ma mémoire comme un rempart au dégoût, je me rappelais que ce volatile était bien connu pour sa manière… exotique de se garnir le garde-manger. Un parallèle évocateur qui me fit hocher la tête avant d’avancer ma partie :

- Pas à ma connaissance, mais on peut avoir le malheur de le découvrir… Tu penses donc à une manière de conserver ses victimes ? C’est possible, mais alors pourquoi les tas ? Je tendais de mon bras libre le charnier devant moi. Peut-être une mise en scène pour marquer son territoire ? Les hommes ou ses semblables sont au courant, avec l’odeur et le visuel, que c’est chez lui… Ou chez eux. La pluralité de la menace était possible. Cela peut expliquer les tombes vides : Il a déterré quelques cadavres pour les disposer comme un avertissement. C’est un comportement presque intelligent qu’on peut attendre de ces monstres… Je crachais ses mots en me risquant à enlever ma main devant la bouche. En cas de danger, avoir une main occupée comme ça pouvait être un handicap.

Dans tous les cas, cela marquait le début de la grotte. Le démon avait sa tanière devant nous et dans un environnement aussi serré, esquiver allait se révéler compliqué. D’une main adroite, je vins prendre l’arme traductrice dans mon dos pour la maintenir près de mon visage au cas où : Avais-je la puissance pour pouvoir lui donner des ordres ? La possibilité pouvait nous apporter bien du réconfort, mais l’incertitude de la manœuvre pouvait me risquer bien des tracas…

Une plume et c’était la fin.

Un frisson immense m'emplissait devant cette vision...

Non pas du curieux cadavre qui, comme une poupée rigide, avaçait vers nous, mais bien de ce qu'il y avait derriére : Mes yeux ne savait pas se tourner vers autre chose, tellement la surprise et la consternation surgissait en moi comme un feu de feuilles mortes. Fumiri Hachi, mon pére, avançait à la suite de corps, mais bien loin de la rigidité cadavérique il était tel que je l'avais connu quand j'étais enfant... Nulle ride, ni striure, aucun cheveux blancs dans la toison noire qui couvrait son crâne et ses sourcils. L'épée dans son fourreau, il m'observait d'un oeil dur alors que son pas se faisait de plus en plus lourd.

- Papa ? Je ne comprenais pas, je l'avais vu tomber... Je l'avais vu à l'hopital, j'avais assisté à son entereement. Que faisait-il içi dans cette grotte infame ? L'odeur épouvantable n'était plus là, subsistait le parfum musqué de sa peau et cela me faisait bien plus de mal que tout les charniers de l'Onogoro réunis. Pour... Pourquoi ?

Croisant les bras, à bonne distance de moi, il scruta mes atours et surtout l'arme que je tenais en main : Apparemment, il jugeait énormément l'arme démoniaque qui se trouvait dans ma paume, mais grognait presque à la vision du katana lambda dans mon autre main.

- Alors tu n'as pas su trouver ta voie.L'effroi me prit, je réfléchissais à ce qu'il voulait dire, mais la réponse vint bien assez tôt.Tu n'es pas un samouraï, tu comptes sur les pouvoirs d'autres plutôt que sur les tiens ! De plus, tu n'as même pas trouvé le courage de prendre l'épée qui était à mon côté... Un mauvais samouraï, un mauvais fils, un mauvais homme... Fronçant les sourcils, sentant un courroux monté, il s'essuya bien vite sur la tristesse et la peur de l'échec que m'amenait ce discours.
- Tu ne comprend pas...
- Si, bien entendu que je comprend ! Je n'étais pas là pour t'enseigner les choses alors tu t'es perdu et personne n'a réussi à te mettre les bonnes valeurs dans l'esprit et dans le corps. Tu es foutu, complétement foutu... Son visage se durcit, devenant une quasi statut de marbre : Plus aucun sentiment, évoquant plutôt l'indifférence qui me touchait en plein coeur. Tu ne mérites pas de porter mon nom.

Dans mon estomac, c'était la catastrophe : Envie de vomir, de sangloter, de fuir cette apparition fantomatique qui me disait mes quatres vérités. Mon honneur était complétement poignardé par son discours et pour un homme de ma caste, c'était source de probléme : Mon propre pére reniait cette filiation sur laquelle je m'étais construis, il me rejetait alors que depuis des années je cherchais cette reconnaissance impossible dans chaque mouvement de kenjutsu... Dans chaque renforcement corporelle... Dans chaque cérémonie autour du Bushido. Je voulais être un bon samouraï pour lui, pas pour moi, et voila qu'il me crachait à la figure dans la pire situation. Tombant à genoux, lachant mes armes, je n'avais que mes bras pour me soutenir dans le choc de la nouvelle...

Je n'étais plus que Kunao, on m'avait dépossédé de mon nom, de mon honneur et on remettait en cause ma capacité à porter un sabre.

- Tu ne vivras que dans mon ombre, sans jamais voir la lumiére. Le soleil. Tu n'es rien dés lors que j'étais tout. Je ne t'ai rien laissé et tu ne prends que les miettes de mon histoire pour construire la tienne... Tu es pathétique, mon pauvre garçon. Tu te caches derriére des apparences sans donner du fond à ton être. Tu n'es rien, tu n'as ta place nulle part... Soudainement, il était à mon oreille, soufflant quelques mots terribles. Tu devrais disparaitre.

Spoil:

Le silence régnait autour de moi, ou bien était-ce uniquement dans ma tête ?

Ce père absent, arraché par la mort, me faisait dorénavant bien sentir sa présence... Si le héros que j'avais visualisé depuis l'enfance était bien en chair et en os, les retrouvailles s'avéraient bien amère. Je n'étais que l'ombre de sa destinée, sanctionnée trop vite par une maladie que sa force, son courage, son honneur n'avaient pas pu guérir. Un relent, tout au plus, de sa gloire devenue éternelle, car invaincu. On ne pouvait pas vaincre la mort, sa chute devant son enfant de cinq ans ne comptait pas. Si son discours était sauvage, je ne pouvais contredire cet homme devenu une icône de ce que je devais devenir...

Et que je ne deviendrai jamais.

Des mots, comme des crachats, qui altéraient mes tympans comme si une lame très fine se glissait dans les interstices de mes oreilles. Je souffrais mentalement, quasiment physiquement aussi. Les mains au sol, mes ongles crissaient contre la pierre froide, essayant de trouver du réconfort en creusant dans la roche. J'avais peur, terriblement peur, d'une frayeur que je n'avais jamais vécu et que je n'avais jamais imaginé ressentir un jour... Pas de futur, puisque le passé ressurgissait.
Il restait là, à distance, et la chaleur qu'il devait témoigner ne laissait la place qu'à la fraicheur de son glaive rageur : Indifférence, insulte à demi-voilée dans des observations rigoureusement vraie.

- Un samouraï ne doit pas être tenté par le Ninjutsu ! Seul les faibles sont tentés par la facilité. Si je n'avais jamais pratiqué les arts ninjas, j'avais toujours un peu admiré ceux qui en tiraient profit comme Honoka... Et il voyait clairement en moi cette inclinaison, il l'avait en horreur.  Cela te plait de donner des ordres aux Yokai ? Tu te sens puissant ? C'est futile, tu es futile. S'il m'avait frappé, cela m'aurait fait moins d'effet... Dans le fond, je croyais en tout ce qu'il disait, même s'il me projetait plus bas que terre. Comme un livre sacré, ses paroles se marquaient en moi.

Sa dernière sentence marqua en moi une douleur indiscernable, bien loin de ce que je vivais actuellement... Mon corps vrombissait et une petite voix, autre que celle de Hachi, arriva jusqu'à mes oreilles.

"Une illusion ?" Le temps reprit son essor et le zombi, ainsi que Kasumi redevinrent des facteurs à prendre en compte dans ce tunnel trop sombre. Les instructions du docteur devenaient plus claires alors que la souffrance s'assoupit, ne laissant qu'une empreinte désagréable. Il restait encore la silhouette ombrageuse de mon père, mais en comprenant la vraie nature de la chose, mes dents se desserrèrent... Alors c'était faux ? "Non..." J'avais la certitude qu'il disait vrai, même si ce n'était pas le vrai Hachi. Le médium n'était pas le bon, mais je pensais au fond de moi tout ce qu'il disait.

J'étais trop faible, trop lent, trop attaché à des faux prophètes comme cette arme dans mon dos qui me donnait un faux sentiment de sécurité... Alors que la vraie technique, la vraie force, était ailleurs. Hachi l'avait eut, mais pas moi.  Nonobstant l'intervention du Watari, le père illusoire continuait son discours :

- Ta mère a honte de toi, à choisir, elle aurait préféré me garder plutôt que... Toi. Serrant les dents, pour une autre raison, je me relevais en essuyant les quelques larmes qui perlaient dans le coin de mes yeux. C'était dur, très dur, et si je sentais dans ma chair la justesse de son discours, je devais faire quelque chose...

Les événements m'amenaient à me concentrer sur autre chose, même si la présence latente de e samouraï mort depuis quatorze ans devenait un bruit tenace. Le mort-vivant fut arraché dans les ténèbres avant qu'une autre présence intervienne pour le rejeter contre un Kasumi factice qui se dissipa bien vite. Le démon volatile qui apparut dans la lumière diffuse de la lune n'était pas commode et, occupé à tenir en respect l'ennemi qui avait surgi à nos pieds, je gardais un œil sur ce monstre qui était, de source sûr, un vrai danger si ses plumes me touchaient.

- Tu vas mourir. Les plumes surgirent dans mon champ de vision et j'abandonnai mon ennemi mineur pour échapper à la menace majeure. Me jetant sur le côté, cherchant à récupérer mon appui sur mes jambes, je fus surpris par une plume latente qui intervenait sur mon parcours...

Comme un réflexe, je fis surgir mon katana dans une frappe de Iaido pour couper en deux le projectile inédit tout en cherchant à me placer entre les deux nouvelles trajectoires. Clairement, je ne voulais pas être poinçonné par cette saloperie.

- Trop lent. La bouche contrit dans une moue dégoutée, je sentais encore les effets du rafraichissement mental de Kasumi. Soufflant, je cherchais à calmer mon rythme cardiaque et à me focaliser sur ma survie, plutôt que sur la voix plate.
- Calme-toi, Kunao. Tout va bien se passer. Il fallait penser de manière pragmatique : Si l'ennemi était le Yokai corbeau, il ne fallait pas oublier le mort-vivant qui, même à terre, pouvait toujours se relever.

La distance prise par l'ennemi principal m'empêchait de m'approcher de manière correcte, ainsi, je devenais fonctionner par étape. Concentré sur ce que je devais faire, je fonçais sur le cadavre vivant pour chercher à le trancher : membre, tête... Tout ce que je pouvais faire pour le rendre inefficace. Ma première frappe, la lame au clair, visait clairement la base du cou de ma cible, puis je me projetai sur le côté pour ne pas être une cible statique pour cette saloperie de corbeau :

Peut-être que je pouvais utiliser le corps devant moi comme bouclier pour m'approcher ?

Tour:

- Hmm ? Bien que la voix de Kasumi soit proche, réelle, elle est couverte par le brouhaha de la bataille et le discours épais de mon père. Je pus néanmoins remarquer que le ninja avait saisi mes élucubrations, sans toutefois percevoir le pourquoi du comment de la manœuvre...

Tout était en définitive dans ma tête.

C'est à ce moment, bien opportun, que le corps de mon paternel s'effondra dans les abysses des ténèbres de la grotte : Une projection, une graine maligne dans mon esprit qui avait fructifié un temps pour détruire le peu de considération que j'avais pour la situation. J'avais perdu du temps, mais aussi, j'avais mis à rude épreuve mes nerfs. En définitive, j'avais été mon propre ennemi : L'attaque de mon adversaire n'avait que profiter des failles qu'il y avait en moi depuis le départ. Serrant les dents, je me redressais pour reconquérir mon titre de samouraï alors que mon compère se prenait une volée de plume...

- Merde... Les yeux rivés sur les quelques impacts, au-delà du corps que j'avais utilisé comme bouclier, je devais réfléchir vite. Déjà, le piaf armait de nouveau son attaque pour envoyer une seconde volée.

Je ne savais pas les effets réels du poison, mais je me doutais que le vecteur de contamination devait venir de ces traits qui pleuvaient sur nous : Ainsi, il était condamné ? Prenant l'épaule de ma protection presque vivante d'une poigne ferme, je l'envoyais devant le médecin pour encaisser les plumes à sa place. Toutefois, j'avais abandonné ma propre défense. Soupirant pour calmer mon esprit et rendre mon corps le plus réactif possible, je m'élançais en avant remplir mon rôle de combattant au corps-à-corps.
Si l'attaque était large et donc efficace dans un terrain aussi restreint qu'une grotte, elle demeurait une volée de plume, comme un arc de cercle... Ainsi, si j'avais esquivé latéralement la chose une première fois à cause du mal psychologique qui me touchait, je me disais maintenant que la solution optimale était peut-être de m'avancer pour être la cible de moins de traits possibles. Il restait néanmoins celles qui me venaient dessus comme des flèches, ou des kunaïs...

Il me fallait faire preuve d'agilité, et un peu de force.

Comme pour la première attaque, je m'efforçais d'esquiver le mieux possible en jouant sur ma vitesse et ma réactivité était mise à rude épreuve pour trancher les quelques saloperies qui arrivaient quand même sur ma route... Malheureusement, un autre projectile fila sous mes yeux. Un corps, précédemment vivant, qui, armé d'une pelle, était jeté sur mon camarade maintenant derrière moi. Les yeux vides du cadavre étaient fixés sur l'homme aux longs cheveux blancs qui était déjà en proie avec une première blessure.

- Eh bien, au travail. Sortant de ma ceinture mon tantô, je l'armais dans ma main gauche pour m'occuper le plus vite possible de la chose. Le véritable ennemi était derrière lui, mais si on laissait le Yokai ailé multiplier les serviteurs dans un espace aussi exigu, on filait vers le désastre... "Déjà qu'on n'est pas bien loin."

Avec la coordination d'une arme longue et d'une plus courte, j'opérais deux frappes comme pour prendre en tenaille la gorge de mon adversaire : Un énorme ciseau qui n'avait qu'un seul but, séparer la tête plus si pensante du reste du corps. Je ne savais pas comment s'activait cette compétence si macabre, mais comme pour tout un chacun : Si on éliminait la tête, la menace était écartée.

Non ?

Pris d'un gros doute, vu le statut déjà passablement en décomposition du pelletier, je m'acharnais à faire de son corps une bicoque inutile en frappant une nouvelle fois sur l'un des poignets qui tenait la pelle : Vu son arme de fortune, s'il continuait à bouger avec un bras valide il ne serait toutefois pas un danger pour mon camarade, ou moi. Avec cette idée de continuation de vie chez ces cadavres, une autre réalisation surgit à mon esprit :

J'avais envoyé le premier proche de Kasumi. "Mince."

Tour:

Si ma lame touchait au but, la menace n'était pourtant pas écartée : Le corps désormais divisé fila dans ma direction, comme suspendu par quelque chose d'invisible... Comme Honoka, il y a bien longtemps, cette créature savait déplacer des choses par l'office du chakra. Je n'arrivais pas bien à comprendre le procédé, mais la finalité était qu'une tête et qu'un poignet me filaient dessus comme si rien ne les empêchaient de le faire... Et surtout pas la logique. Serrant les dents, je me jetais en avant pour passer dans l'interstice entre les projectiles : Une situation abracadabrantesque qui me fit me retourner pour voir que tout était parfaitement réel...

Et que le reste du corps allait vers mon camarade.

Celui-ci s'activait pour sauver sa peau et je retournais à mes oignons : Le Yokai animal qui créait tant de remue-ménage dans le petit espace minéral, si obscur et dangereux. Sans doute qu'il était occupé à autre chose, vu qu'une nouvelle volée de flèche fut absente... Un pas en avant et tout se coupa, derrière moi un bruit de chute. J'espérais que ce n'était pas Kasumi, mais la réaction du monstre me présenta une tout autre scène : Il s'envola, se débattant dans le noir contre quelque chose, mais je ne pouvais voir quoi... Certainement rien, car hormis les bruits de mouvements des plumes et les petits glapissements d'efforts, rien n'indiquait qu'une tierce personne avait rejoint le combat... Et surtout pas Kazumasa, loin dans le village.
Levant un sourcil, je fus spectateur plus qu'étonné de la fuite lâche de la créature... Suivant des yeux, jaugeant si un saut pouvait l'atteindre pour le toucher, je fus néanmoins incapable de faire la chose. Le combat avait duré quelques minutes et je déplorais de ne pas avoir touché cette menace si vile...

Chaque chose en son temps.

Revenant à mes moutons, je partais vers mon médecin de compagnon pour m'enquérir de son état et voir s'il avait de plus précises informations sur ce qu'il venait de se passer :

- Hoy ! Tu vas bien ? Sacrée histoire qu'on vient de vivre. Je proposais à ce camarade un bras de soutien, sans savoir s'il allait accepter. Pourquoi il a fui comme ça ? C'était plutôt nous dans une mauvaise posture. Penaud, je réfléchissais plutôt à la suite des événements.

On l'avait fait partir, pour un temps ou indéfiniment, mais on n'avait pas éliminé réellement la chose : Elle allait partir ailleurs pour recommencer ses massacres. Ce n'était pas encore fini.

- Il faudra bien rappeler que la menace est encore présente... Ce n'est que partie remise. Le village pouvait dormir sur ses deux oreilles, mais ce n'était pas le cas de la prochaine destination de cette harpie immonde qui manipulait des cadavres... Ses capacités sont étranges, il faudra noter tout ça. Si les Yokai étaient une espèce dangereuse et nuisible, notre connaissance était bien perfectible à ce propos.

Tout était crucial pour ne pas qu'on se fasse avoir la prochaine fois, ou prévenir d'autres combattants... Pour le moment, il fallait s'occuper des blessures du genin et rentrer pour préparer la prochaine action.

Tour: