Le monde était grand. Beaucoup trop si vous vouliez mon avis. Trop de kilomètres, surtout pour des personnes comme moi qui ne cachaient pas le peu de plaisir qu'ils avaient à marcher des heures et des heures pour atteindre leur destination avec une armure sur le dos. Le plus pénible ? C'était quand j'organisais mes petits pèlerinages pour Sakyuu. La chaleur du désert en rajouter une belle couche. Si je m'arrangeais toujours pour taper l'incruste avec des marchands et profiter de leur caravane en leur proposant ma protection, ça me saoulait d'être si peu indépendante. Alors c'était quoi la solution ?

Le hasard me l'avait soufflé, je faisais banalement mes courses un jour de permission. Au détour de mes grandes réflexions sur quels types de légumes je devais faire bouffer à Yahaba, j'avais entendu une discussion entre deux femmes qui se plaignaient de l'odeur des crottins de chevaux à cause d'un haras qui se trouvait près du village. Enfin, l'une râlait à cause de ça, l'autre paraissait plus admirative en parlant des bonhommes qui géraient cet élevage. Le clan Tenma. Ne me demandez pas pourquoi, mais la plus jeune était partie dans un étrange délire parce qu'ils étaient grands et impressionnants. Encore une qui fantasmait. Pathétique. J'avais vite décroché parce que ça m'intéressait pas et que j'avais mieux à foutre.

Mais en attendant, je n'étais pas arrivée à me sortir l'idée de la tête qu'avoir un cheval pouvait être une solution. Pas uniquement pour mes voyages, mais aussi pour mon boulot. Il était pas rare que je devais trimballer des matériaux lourds de ma forge à ma boutique en ville. Si je pouvais avoir un animal assez robuste pour tirer une carriole, mais aussi endurant pour les longues routes... Du coup, un jour où je m'étais concédée quelques heures de flânerie, j'avais tenté d'avoir des renseignements sur ce fameux clan Tenma. Ils avaient une assez bonne réputation et visiblement, du genre à vendre leurs bêtes au quatre coins du monde. C'était plutôt bon signe... je supposais. J'allais pas mentir, je m'y connaissais pas des masses en canasson. Je savais les monter, sans pour autant être une cavalière expérimentée. Juste assez pour aller d'un point A à un point B. Je m'étais toujours limitée à les louer ponctuellement au besoin... et quand j'avais les moyens.

" Bon. Manque plus qu'à les trouver.  "

Ce fut quand même moins compliqué qu'il n'y paraissait. Des éleveurs de chevaux, ça ne courrait pas les montagnes et c'était pas comme s'ils avaient besoin d'espace. Quand je réussis à trouver leur domaine, je ne me rendis pas directement à leur rencontre. Non. Ma curiosité avait été attirée par le hennissement de certaines de leurs bêtes qui se tenaient dans un enclos. Là, il y avait moins d'une dizaine de chevaux. Peut-être que c'étaient des bêtes qui attendaient d'être débourré ? En tout cas, il y avait de sacrées belles bêtes.

" Et bah... y a de sacrés engins.  "

Yahaba adorerait sans aucun doute. J'eus un petit sourire à la penser de mon fils, avant de secouer la tête pour me récupérer une cigarette dans ma poche. Je m'appuyais sur la barrière de bois, pensive, fumant tranquillement avant d'aller voir les maîtres des lieux pour leur poser des questions. Mon œil améthyste, lui, suivait avec une certaine fascination un des chevaux qui se promenait avec une allure princière. La fierté n'étouffait pas que l'humanité.