Une tasse chaude à la main, j'attendais sur une terrasse la venue de mon invité guère surprise : J'avais demandé à le rencontrer par écrit, le bonhomme étant bien occupé. On ne mandait pas l'héritier du clan Tenma comme ça, il fallait mettre les formes et je les mettais dans la limite du nécessaire. C'était important, probablement... "Ou bien il ne pourra rien me dire."
Le maté fumant dans son contenant, je sirotais le tout en prenant garde à ne pas avaler de feuille qui s'échappaient de la petite gaine de tissus qui séparaient l'infusion contrôlée de l'effervescence de tiges et de verts dans l'eau. Avec un léger sourire, je me rappelais du contenu de la lettre que j'avais adressé au domaine équin :

"Monsieur Tenma Kazumasa,
Veuillez croire en mes respectueux sentiments.

Je suis Fumiri Kunao, chuunin de Seizan, et je vous écris au sujet de vos voyages, je suis actuellement à la recherche d'un bois très rare.  Voyez-vous, c'est un bois spécial qui se nommerait le bois d’eden. Les rumeurs et légendes racontent que du chakra parcourt cet étrange bois, il serait comme vivant. Peut-être que cela à un rapport avec les origines du chakra et les nôtres ? C'est encore très flou, ma source n'a pas pus m'en dire plus. En parallèle, j'enquête auprès de forgerons, mais je me rapproche de vous pour m'enquérir de vos voyages, probablement avez-vous croisé des rumeurs ou même ce bois lui-même ?

En tout cas, j'aimerais vous rencontrer pour en discuter, mais aussi pour m'inspirer de la sagesse et de la force dont vous avez fait preuve toute votre vie. Croyez bien dans le respect de votre position, de vos faits et de votre temps. Je ne saurai ainsi vous faire perdre de précieux moments. Je pense que c'est important, mais également que cela pourrait avantager notre village et notre peuple.

Je reste à votre disposition pour l'endroit et l'heure,
Respectueusement.

Fumiri Kunao. "

C'était sans doute un peu flagorneur, mais je ne savais jamais vraiment comment bien m'adresser à quelqu'un d'important et la plupart du temps je gardais le silence devant le Seizankage pendant qu'il me présentait les missions de haute importance. Ici, je devais bien porter mon propos sinon rien n'allait avancer... Pourquoi spécialement Kazumasa ? Car la légende disait qu'il avait voyagé un peu partout dans le monde et que dans le cas de ce matériau légendaire, dont ma mère m'avait parlé à mi-mot, il fallait bien chercher partout.
Les archives, quelques forgerons... Je n'avais pas pu enquêter bien loin à cause de cette mission à Kuma No Kuni, mais je me rattrapais avec une correspondance invitant des grands pontes comme le Tenma. D'un soupir, je prévoyais déjà de faire chou blanc, me rassurant tout de même par les futures histoires de batailles, d'aventures et de grandes découvertes qui allaient bercer ma journée.

Le type n'était pas n'importe qui et quand je disais que je voulais m'inspirer de lui, ce n'était pas du flan.

Le froid mordait gentiment dans ce début d'après midi, l'hiver ne se sentait guère dans la montagne livrée au soleil éblouissant. Je devais même plisser les yeux pour percevoir le paysage qui s'offrait à moi, autant devant que dessous. Habiter toute l'année sur un massif rocheux, cela faisait relativiser sur la conception d'espace : Autant en haut qu'en bas, cela donnait le vertige ! Autour de moi, le monde vibrait de quelques discussions très civiles : Des confidences sur la situation matrimoniale de l'un, fiscale de l'autre et je dus même me résigner à entendre d'une oreille distraite la rengaine sur le chien d'une jeune fille qui faisait tout le temps pipi sur le lit... "Quel emmerdement."
Nous avions établi d'un horaire par lettre interposée, enfin... Il m'avait donné le tout et j'avais chargé le messager d'assurer mon affirmation au patron du clan, on ne jouait pas les fines bouches quand on demandait un rendez-vous... J'étais malheureusement arrivé avant pour m'installer, sortir quelques feuilles pour noter les détails intéressants, et surtout car je ne tenais pas en place.

Pour un jeune soldat, c'était toute une histoire de rencontrer ainsi un ainé aussi reconnu.

Bref, j'attendais et ma jambe ne cessait de tressauter pour marquer mon petit trac.

"Quel homme !"

Si j'avais aperçu le bonhomme durant ses allées et venues à la caserne, je n'avais jamais eu l'occasion de l'approcher et en le voyant ainsi débarquer sur la terrasse, je pus prendre pleinement compte de l'autorité naturelle de l'individu. C'étaient les vêtements richement brodés tout en étant simple ? Le visage sculpté par les combats et les entraînements ? Ou bien la pipe qui dégageait d'ici déjà une odeur âcre ? D'ailleurs, il vida la cendre de son outil par terre, un geste cordiale que j'accueillis avec un mouvement de tête.
Par respect, je me levais pour introduire l'homme à notre table, mais il ne prit pas plus d'efforts pour correspondre à une certaine déférence : Il se présenta, si je n'avais toujours pas compris son identité, tout en s'installant.

- Ou... Oui. Un peu déstabilisé, je ne pus que bredouiller cette réponse timide.

Sans vraiment m'avoir entendu, heureusement pour moi, il appela le serveur pour commander un... Wakoucha. J'essayais de me rappeler si je connaissais ce nom bien étrange. Un thé fruité, assez simple, mais savoureux. "Pourquoi pas." Je n'avais jamais imaginé quel liquide il buvait, mais surtout pas un thé.
Coupant vite mes réflexions, il rectifia un peu notre discussion : je ne devais pas me sentir intimider par sa présence, sa réputation ou quoi d'autres... Sur le papier, nous étions semblables puisque chuunin, mais notre âge et notre expérience différait grandement. Il voulait que je m'adresse à lui comme à un pair, malgré le passif visible autour de l'individu. Voulant encore bredouiller quelque chose, je me repris pour adopter un ton plus confiant : Il n'était pas venu pour converser avec un bègue, mais bel et bien, car ma missive l'intéressait.

- C'est noté, je ferais en sorte de considérer notre entretien comme d'égal à égal. Pour le coup, l'ambiance apportée par la présence du bonhomme était totalement différente : Les gens le reconnaissaient là où je passais inaperçu car moins connu, évidemment. Il ne fit pas le timide, puisqu'il croisa leur regard pour sourire et faire quelques gestes : Il était si sûr de lui. Enfin, il savait ses forces et ses faiblesses : Il annonça être autre chose qu'un homme de science et que les connaissances techniques, il ne pouvait me les apporter... Cependant, il voulait m'aider avec ce qu'il avait pu grappiller durant ses voyages. La condition était de le considérer comme encore jeune et utile, la remarque me fit sourire et je ne pus m'empêcher de répondre, un peu plus relax par l'attitude de mon interlocuteur : Évidemment, j'ai peut-être un peu forcé le trait sur ma missive. Je ne savais jamais comment m'adresse à mes ainés, même si on est du même grade. Ma formation samouraï m'a toujours appris à respecter ceux qui ont plus vécu et qui ont donc vu plus de choses ! Si vous pouvez m'apprendre ce que vous savez sur le bois d'eden, sans doute que nous pourrions coopérer pour accéder à votre demande d'apprendre toujours plus, trente-six est encore un âge de pédagogie ! Une petite blague qui me fit sourire légèrement, toujours avec une crainte de trop me détendre...

Un équilibre, sans doute.

La mention de l'objet de notre rencontre amena l'homme à me questionner sur la provenance de ma piste, si elle existait évidemment puisque c'était une légende... Peut-être que je chassais des chimères ? Sujet délicat, car la chimère n'avait pas été aperçu et était connu de tous comme un fantasme. Il fallait pour autant montrer un peu d'honnêteté pour ne pas abuser du temps de Kazumasa.

- Récemment ma mère, Fumiri Chiharu, m'a apporté une clé, une information : Le bois d'eden, elle l'aurait entendu de la part d'un forgeron, puis d'autre, puis d'un autre. Personne n'ignore que l'existence de matériau est l'objet de convoitise... Qu'est-ce qu'on pourrait fabriquer avec ce bois-là ? Pour autant, ce n'est pas ce que je recherche. Posséder un bien n'est pas bien important, mais comprendre l'origine de celui-ci, c'est ça qui m'importe. Voyez-vous, je... J'aimerais comprendre un peu mieux le monde qui nous entoure et ce qui se trame dans le chakra, si le bois d'eden a un lien... Alors il faut le trouver, avec mes modestes moyens et le peu de contacts que j'ai. Je ne peux pas vous servir actuellement une meilleure version que la pure vérité : Je n'ai rien, mais je cherche. Je pars donc de zéro et je construis petit à petit le sentier vers la vérité.   Un peu penaud, je regardais à peine la mine sans doute consternée de mon interlocuteur glorieux.

"Pourquoi donc on existe ? C'est quoi notre but ? Je suis ici juste pour me battre ? Pour faire des effets que je vais offrir au village ? C'est pas juste... Alors, je veux chercher, dans la guerre, dans la paix, dans tout ce qu'il faut pour un jour définir un vrai sens à mon existence et pas juste... être un pion." Une vague tirade lancée à ma mère et qui avait déverrouillé quelques mémoires chez elle. Si ce matériau me permettait de mieux comprendre ma place, notre place, dans le monde, c'était une clef à saisir... Pour en attraper une autre et encore une autre, jusqu'à atteindre mon but.

- Alors, pouvez-vous m'aider ? Un peu plus sûr de moi, je relevais les yeux.

Devant le vide abyssal dans l'initiation de mon enquête à la fois folklorique et métaphysique, l'homme devant moi me fixait de ses yeux bleus sans jamais faire mine de se lasser de mon discours ni même regretter le temps passé sur la chaise. Peut-être le thé lui suffisait pour contenir sa rogne ? Enfin... Au final, il accepta de m'aider, mais affirma comme moi que tout ce qu'il avait, c'étaient des pistes. "On est deux, c'est mieux."
En parallèle, il vint chercher un objet banal et pourtant déterminant dans la suite de nos négociations : Un parchemin contenant une carte, après un rapide débarrassage de la table où je pris en main ma tasse de maté refroidissant, le tissu encré fut déroulé pour découvrir les côtes et les prairies de l'Empire sous des figurés basiques, mais compréhensible par chacun. Sans vergogne, je regardais s'il figurait d'autres symboles qu'avait amenés son propriétaire, comme un début de piste, mais tout était montré noir sur blanc : C'était juste la représentation du monde, rien de plus. Le doigt épais de Kazumasa vint appuyer sur la facette ouest de nos terres connues : Teito, Toge... Des territoires fleuris et favorisé par la présence de l'Empereur.

Pour mon aîné, c'était là qu'il fallait chercher.

Un instant, je fixais la pulpe de peau qui se plantait dans le tissu grisâtre, pensif, et quand la question vint à mes oreilles sur le terme de "eden", je pris un instant pour réfléchir et donner ma réponse, rapidement et simplement :

- Notre Cosmogonie. Sans doute que le bonhomme ne m'avait pas entendu, car il embraya sur le culte de Sakura, appelé sous le doux nom de l'édénisme. Ce qui était une belle coïncidence que je ne pouvais esquiver. Effectivement, en plus ils portent un grand intérêt aux végétaux, surtout les fleurs certes, mais le cerisier reste un arbre... Alors selon votre théorie, le bois d'eden est affilié au cerisier et protégé par eux ? Ou en tout cas, ils savent quelque chose ? La proximité verbale du Tenma me forçait à baisser la voix pour suivre son attitude mutine, ce qui renforçait ce sentiment de débuter une grande aventure.

La main sous le menton, je réfléchissais à cette idée alors que de l'autre main, je tapotai de l'index la surface où était attablé nos affaires et cette carte où se concentrait toute notre attention. Cela semblait concorder et c'était déjà mieux que rien, seulement il fallait que je développe ma réponse personnelle à la question :

- Il y a aussi une référence à un arbre dans l'histoire de la création du monde, dans le Kamisuuhai. L'arbre où Yuki Onna dort, possédant des fruits à la magie incroyable... Et s'il avait d'autres propriétés que de donner des fruits ? Son bois pourrait alors être formidable... Cette piste nous amènerait alors... Baissant les yeux sur le parchemin, je mettais tout de suite le doigt sur le nord de notre monde, où la glace et la neige s'aggloméraient. Un cadre tout à fait cohérent avec la description de la cosmogonie officielle. Ici. Faisant fi des montagnes fraiches du pays du sable chaud, mon index vint se heurter avec douceur sur les terres coupées de notre continent par quelques mers : Shiroioni no kuni. En prononçant cela, je prenais toute la mesure de la chose. Un voyage difficile qui ne peut pas se faire comme ça, évidemment... Les conditions de voyage, les conditions de vies là-bas, la faune. Tout se heurte à notre projet et il faudrait bien des soutiens pour amorcer une telle excursion. En tout cas, l'arbre est sencé être recouvert par des montagnes de glace pour le protéger... On devra affronter une déesse. Qu'en dites vous, à trente-six ans, de se confronter à une telle entité ? Finissant le tout sur une note presque badine, le sourire aux lèvres devant la piètre idée de traverser le monde pour aller guerroyer contre une divinité en quête d'un arbre, je ne réussis qu'à reculer ma main pour m'adosser au dossier de mon siège.

L'œil un peu éclairé par ces deux pistes qui s'allumaient comme des lampions dans la nuit. Malgré tout, des choses se mettaient en marche... Il fallait avancer sur la piste la plus sûre, sans pour autant oublier l'idée saugrenue de partir explorer les régions gelées des ogres blancs.

- Dans quelques jours je pars vers Teito, à la recherche d'un réseau de contrebandier... j'ai récemment détruit une branche dans la province des ours, mais je pense qu'il y a plus derrière tout ça. Je peux enquêter sur place, concernant notre affaire... Trouver des édénistes et poser quelques questions. Durant une mission officielle, il allait être compliqué d'expliquer mon raisonnement pour partir voir un culte nullement relié avec des marchandises, mais je pouvais tenter le coup. Mais pourquoi donc le bois d'eden est-il devenu si populaire parmi les forgerons sans aucune vraie raison logique sur sa qualité ? Je prenais le problème dans le mauvais sens, évidemment. On ne peut pas être les premiers à nous intéresser à ce sujet : D'autres avant nous ont dû chercher et même maintenant, encore... Il faudrait rentrer en contact avec eux, ne pas chercher la concurrence, mais la coopération.

Plus je réfléchissais, plus j'avais le tournis.

Une grande quête s'offrait à nous !

Le rire tonitruant troubla la terrasse alors que je fus moi-même pris d'un sourire... La théorie était fantasque, mais on poursuivait un matériau légendaire en s'en tenant à des termes très proche phonétiquement, alors pourquoi pas la cosmogonie en plus ? Posant ma tasse de maté pour ne pas la faire tomber, je ricanais bel et bien sous les regards habitués de nos voisins de table. On était quand même assez barjot, à discuter ainsi de mythologie et de fantasmes en public.

Mais étions-nous vraiment dans le faux ?

Après quelques instants, il s'excusa de sa réaction pour enfin expliquer le pourquoi du comment, et je comprenais assez bien : On vivait avec le magique, le fantastique, l'horrible. J'avais été un peu inquiété en imaginant les vers de sables expliquaient par Akari et sans doute que dans les montagnes se cachaient des choses bien sombres... Mais une limite était franchie quand on évoquait de s'attaquer à une exploration d'un lieu lointain sur les bases d'une interprétation un peu cosmique d'une légende de création du monde. Tout sonnait étrange, tout sonnait décalé et cela avait "secoué" le pauvre homme, d'une façon comique.

- Je peux comprendre, on se sent comme dans un conte quand on évoque cette histoire et je ne peux que rire avec vous. On va rester sur la piste des édénistes ! Il confirma bien assez tôt cette option, guidée par la logique et la sécurité. On ne faisait pas ainsi des préparatifs. Pour autant, il ne pouvait pas partir avec moi... Il avait ses propres quêtes, mais il m'affirma qu'il allait questionner les gens pour moi, même si la légende restait encore et toujours une chimère réconfortante et un peu inquiétante.  C'est noté, je compte sur votre propre enquête... On ne sera pas trop de deux pour trouver notre bois mystique. C'était un genre de blague, mais le sujet était bien sérieux depuis le début de la conversation. Une certaine complicité se créait, même si le fond de la chose donnait un côté irréel à la scène. Pour savoir le fondement, il faut enquêter... Que ce soit avec le culte à l'ouest ou les ogres au nord.

Déjà, dans mon esprit, se listait le cheminement et les étapes pour arriver dans les plaines neigeuses : Trouver un bateau, donc une commune capable de le prêter ou le vendre, traverser le bras de mer remplis de danger et enfin survivre dans les flocons violents... C'était pas gagné.
Après une table défaite, pour revenir à une ambiance plus sympa, l'homme fit quand même une nouvelle référence à mon histoire, non sans faire un clin d'œil en parlant de Kirin...

- Kirin ? Déjà, je cherchais une mention dans mes souvenirs... je n'étais pas un expert en Yokai, mais ce nom me lançait à un cheval et le lien avec le clan Tenma se fit limpide. Je ne connais pas bien cette entité, mais sa forme chevaline explique bien votre intérêt... Je me trompe ? Comme une corne au milieu du front d'un cheval, je voyais bien que le sous-entendu n'était pas innocent. Vous aussi vous poursuivez une chimère ? L'idée me parut étrange, un jeune soldat comme moi pourquoi pas, mais un vieux briscard comme Kazumasa, je ne l'imaginais pas.... Enfin, vous me direz, si on connaissait tout les Yokai de l'Onogoro, ils ne seraient pas si dangereux. La menace vient du mystère... De l'inconnue.

Comme l'intérêt de percer à jour tout ça.

Un récit passionnant que me présentait le monsieur devant moi : Si Kirin résidait dans ma mémoire comme un récit, proche de celui du bois d'eden ou des krakens en haute-mer, j'étais en compagnie d'un homme qui avait vu de ses yeux la chose, et surtout pendant un court instant, mais intense il avait cavalé au côté de la bête. Après la petite attente théâtrale qui avait déclenché un genou mouvant sous la table, dans l'attente et l'absence de réserve spontanée de la jeunesse, je reçus une histoire puissante... Une grande chevauchée avec une bête mythique.

Si sa vitesse lui donnait les attraits d'un cheval, on pouvait largement le comparer à un cerf par la taille et la présence de corne, mais également à un animal aqueux ou un lézard terrestre par les écailles... D'autres lui donnent des caractéristiques de loup, mais comme beaucoup de monde, la construction mentale se faisait par le fantasme et non par la réalité factuelle du sens. Le Tenma avait grandis avec cette histoire et la révélation de son existence, si proche et pourtant si loin, devait l'avoir remué : Je voyais en lui la flamme de la curiosité, l'envie d'en voir plus et il l'admettait déjà à demi-mot. Pour son clan, se lier avec le Yokaï équin était comme une évidence et je devais avouer que je le comprenais. "Si je connaissais un Yokaï katana... Je serais vachement content." En tout cas, à l'inverse de moi, il pouvait se fonder sur quelque chose de tangible... Pas des histoires venues de loin, sans doute venu de nulle part quand on y réfléchissait.

Finalement, ma curiosité l'emporta et je posais la fameuse question :

- À quoi il ressemble ? On donne beaucoup de caractéristiques, éloigné ou non du cheval, mais quel est la réalité ? Si le Kirin pouvait dépasser la vitesse d'un étalon Tenma, alors il devait dépasser sa condition de grand cerf cornu : Soit musculairement, soit par d'autres traits... Mais, à cette idée, je réalisais que j'essayais de rationaliser la nature et l'aspect d'un Yokai, dans un monde où un enfant pourrait produire du feu ou de la foudre à partir du néant. Je me demande bien ce qu'il vous voulait : Apparaitre, vous regardez, rester à vos côtés sans se montrer aux autres, pour ensuite disparaitre comme il est arrivé... C'est bien mystérieux, sans doute pas un signe de mauvais augure vu que vous êtes devant moi et je ne pense pas que beaucoup de personnes peuvent témoigner de la négativité de la chose. Encore une fois, je cherchais une réalité derrière les actions d'un animal légendaire que l'on affiliait aux démons, sans toutefois qu'il admette un comportement agressif : On affilie souvent les Yokaï à un danger, mais pour le coup il ne cherchait absolument pas à vous tuer, ou à détruire votre cohorte... Contrairement à un Oni. Pourtant, c'est la même... Catégorie. Encore une question, plus silencieuse, sur la nature même des choses.

Une recherche de vérité. Si je voulais comprendre la raison de notre existence, il fallait aussi que je comprenne la nature du reste : Chakra, démons, kami... Tout cela devait bien être lié. Nous n'étions pas, nous autres les hommes, des exceptions dans un monde bien plus surnaturel que de raison. Un long soupir, le mur devant moi reculait pour donner quelques réponses, mais bien insatisfaisante pour mes attentes. Kazumas avait sa propre chimère, bien plus tangible, mais qui était un agrégat d'autres animaux dans une espèce mythique et quand même très dangereuse, un coup de ses cornes et la vie d'un homme pouvait s'échapper comme un rien.
Justement, l'héritier désirait faire une expédition avec son clan : Une entreprise un peu folle, sans doute du point de vue de ses pairs qui n'avaient rien vu, eux. De son côté, il devait être pris pour un fou...

- Je ne sais pas ce qu'en pense votre clan, mais moi je vous crois. J'ai plutôt intérêt vu mes propres recherches ! Héhé. Si je suis à Seizan le moment où vous partirez pour votre excursion, je serais tout à fait partant pour venir avec vous : Une aide est toujours réciproque, sinon ce n'est pas de l'aide. Malgré mon objectif totalement différent, voir un animal mythique comme le Kirin reste une opportunité que personne au monde ne peut refuser : Malheur ou non. Qu'importe le danger, en fait...

Survivre était ma priorité, pour continuer mes recherches, mais il y avait des choses qu'il fallait tenter, au mépris de la vie elle-même... Les montagnes étaient dangereuses, surtout avec ces rumeurs de griffures immenses sur les parois des rochers, sans doute pas corrélées avec des cornes de Kirin et avec des sabots, on ne pouvait pas faire ce type de trace. Il y avait de grandes chances qu'on ne trouve pas le cheval, mais autre chose... "On verra le moment venu."

Levant ma tasse, tiède à ce moment-là, je levais le bras pour annoncer le début d'une coopération très productive en quête de chimère :

- À nos objectifs, lointains ou proches, fantastique ou pragmatique. Un grand sourire, puisque j'avais trouvé un associé assez fou pour me suivre.