Preuve en était désormais que le plus insignifiant des insectes pouvait apporter sa pierre à l’édifice. Le chef d’équipe montrait une efficacité certaine à lutter contre les serpents qui fusaient vers lui. Je n’étais pas certain de pouvoir en faire autant. La différence de niveau était-elle si flagrante. Cela me confirma une chose. Au fin fond de moi, je me savais faible et il me fallait évoluer rapidement, gagner en puissance et en diversité d’action. Les serpents annihilés par l’un ou l’autre des sabreurs, le combat était loin d’être terminé. Par chance, mes boucliers de chair avaient joué leur rôle avec une efficacité certaine, m’offrant leur corps comme couverture pendant que j’affairais à attaquer notre ennemi.

Malheureusement, pour nous, nous n’étions pas les seuls à avoir d’autres atouts en réserve et de manière aussi soudaine qu’instantanée, la puissance de notre ennemi explosa, telle une déferlante d’énergie qui nous imposa une inaction certaine. Le chakra adverse venait de se matérialiser littéralement sous nos yeux, irradiant d’une force brute dans un seul et unique but, nous accabler de sa force. Soudainement prit dans ce déferlement de puissance, je tombais à genoux sur le sol, le dos courbé, posant une main au sol, de grosses gouttes de sueur s’écoulant de mon front.

Levant juste le regard, je pouvais être témoin de la réussite de mon attaque, mais ce n’était pas suffisant. Notre ennemi était toujours là, toujours vivant et même si lui aussi semblait lutter, la situation ne semblait pas à notre avantage, d’autant plus lorsque le décor autour de nous semblait se déliter petit à petit. Mais le pire n’était pas derrière nous et semblait se profiler devant nous. Alors que l’ennemi effectuait ses mudras, une sorte de raz de marée explosa devant lui et fusant vers nous.

Pour moi, il était hors de question de périr ici et maintenant, j’avais encore trop à accomplir pour Lui. Ma mort ne Lui aurait été d’aucune utilité. De fait, le temps que la vue arrive, une nouvelle fois je projetais ma vague de chakra doton dans le sol pour l’empaler, d’angles différents cette fois. Malgré la puissance écrasante qui nous imposait son respect, je tentais de faire preuve d’un certain rationalisme pour agir au mieux et d’un pas, aussi rapide que possible compte tenu des circonstances, je me plaçais derrière l’un de mes compagnons. Jusqu’à présent ils m’avaient servi de bouclier, qu’ils continuent à se sacrifier pour moi. Mais si leur sacrifice pouvait me sauver, je ne comptais pas entièrement sur eux pour survivre et tentait d’ériger un muret de terre devant moi pour prendre l’impact de la vague qui nous visait avant de finalement de mettre en boule et me préparer à encaisser le reste de l’attaque.

N'ayant aucune idée de ce qui allait se passer, je me préparer à jouer le mort, cachant mes mains sous mon corps si nécessaire pour cacher mes mudras et tenter une attaque surprise le cas échéant.

Mais pour cela … il fallait déjà survivre.

Kyoshiro avait beau être aveugle, il n'en était pas stupide pour autant. Il savait que vouloir être le meilleur ne suffisait pas à l'être et, surtout, il savait que le monde était peuplé de combattants et de yokais bien plus puissants qu'il ne l'était aujourd'hui. Il savait que sa recherche de puissance serait longue et laborieuse, mais il savait aussi qu'il existait certaines batailles qu'il ne pourrait pas remporter...pas tout de suite, en tout cas. Cependant il était un guerrier, un soldat, un homme ayant accepté depuis longtemps que sa vie se terminerait de façon brutale et violente. Il n'avait pas peur de mourir, jamais, mais il craignait simplement de s'en aller sans jamais avoir accompli quoi que ce soit de significatif.

Surmonter son handicap ? N'importe qui avec un minimum de volonté pouvait le faire. Parvenir à manier l'épée ? N'importe quelle personne avec deux bras pouvait le faire. Manier le feu ? Même chose, avec suffisamment de temps et d'entraînement. Être devenu épéiste des Monts de Fer n'était d'ailleurs qu'un maigre accomplissement, aux yeux de cet aveugle qui visait toujours plus haut. Où s'arrêterait-il ? Chef des épéistes de Seizan ? Garde du corps du grand patron ? Si le ciel était sa seule limite, il viendrait un jour où Kyoshiro devrait quitter le village, mais pas avant d'y avoir laissé son nom, gravé dans la roche.

Il était encore faible, trop faible pour donner du poids à sa volonté, mais c'était de cette frustration que naissait le feu qui brûlait dans sa poitrine. Oh oui son équipe n'était pas idéale, il aurait préféré avec Honoka et Hotaru pour se battre avec lui, mais peut-être était-ce un test de plus, pour mettre sa détermination à l'épreuve. Rien ne lui serait donné, tout cuit, dans le bec. Il avait toujours dû se battre pour tout ce qu'il voulait, pour tout ce qu'il avait à commencé par sa place et son titre, alors en quoi cette situation serait-elle différente de toutes les autres ? Il était face à un adversaire plus fort que lui, avec des guerriers trop inconnus pour être fiables et, pourtant, le colosse faisait face parce qu'il n'avait pas d'autre choix. Il était bloqué dans cette pièce, bloqué et étouffé par ce feu qu'il avait lui-même créé, et pourtant il n'avait pas peur de ce qui pourrait arriver.

Seulement voilà, son adversaire n'était pas juste fort. Il avait autre chose au fond de lui, une puissance rarement vue et, quand il la libéra complètement, le colosse fut contraint de poser genou à terre, comme si son corps tout entier était écrasé par une force qu'il ne pouvait voir ou agripper. Kyoshiro avait l'impression d'être un enfant, d'être un insecte face à cette immense puissance et pourtant, même à cet instant, son feu intérieur garda la même intensité. Relevant difficilement la tête, il cracha :





Cette bête pensait-elle vraiment qu'une démonstration de puissance suffirait à détruire toute volonté de se battre, chez le trio ? Que les guerriers de Seizan étaient aussi aisément maîtrisables ? Cette seule insulte était tout ce dont Kyoshiro avait besoin pour rester conscient, rester droit alors qu'une attaque se dirigeait brutalement vers lui. Serrant les dents, frustré de voir que cette démonstration ralentissait considérablement son corps, ce fut difficilement que l'aveugle parvint à former quelques mudras.



De sa bouche naquit un torrent de flammes blanches qui, prenant la forme d'un mur, s'érigèrent en défense face au déluge...avant d'être aisément balayées, pour le plus grand malheur de leur créateur. Une fois encore le colosse fut projeté en arrière, sentant ses muscles crier et ses os se fragiliser à chacun de ses mouvements mais, même alors, sa rage semblait intacte. Genoux à terre, tête abaissée, le colosse cracha un peu de liquide carmin venant colorer le sol. La mâchoire serrées au même titre que ses poings, ce fut avec une conviction inaltérée qu'il cracha :





La bête pensait-elle qu'une attaque implacable suffirait à briser la résolution du colosse ? A le faire courber l'échine et abandonner sa mission ? Ils étaient tous trois des guerriers de la montagne, des soldats de fer et il était temps que cette bête ne se le rappelle. Ainsi, résolu à en finir, ce fut au prix d'un effort surhumain que le Tadake se releva complètement et, jopignant les mains devant lui, extirpa de sa bouche une puissance vague de flammes blanches, aux traits d'un terrifiant dragon dont le seul but était de dévorer et carboniser cet adversaire, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui.

Malgré son manque total de maîtrise, sa lame avait trouvé sa cible, son fil s'enfonçant dans les écailles épaisses pour les faire craquer sous la pression.  Arrêté dans son mouvement de tornade, Kitai grognait et les veines de ses avant-bras saillaient sous l'effort de terminer sa tranche.  Le corps serpentin était solide !  Beaucoup trop pour un mouvement encore non-maîtrisé.  Il ne devait pas trop s'étonner, le blond aurait dû s'en douter, car malgré ses mouvements complexes, il n'avait pu bien aligner le fil de Kyoubou Sokkou pour cueillir d'un élan unique le vol sinueux du reptile !  À l'instar du Tameshigiri, le manque de maîtrise influençait le résultat, sa coupe trop imparfaite pour pouvoir continuer son mouvement.
Les lèvres du genin se pincèrent avec un claquement de langue, et l'impact contre les écailles solides, et son corps tordu, épuisé soudainement du choc, le faisaient trembler imperceptiblement.  Mais l'immaculée fournaise, projeté par l'Aveugle, lui réchauffait les joues et embrasa son cœur !  Comme l'écho de la rivière souterraine qui rugissait contre les parois de la caverne, la Rage enfin libre remontait en geyser : d'un nouveau cri guerrier, le genin ne succomba point !  Son pas s'ancra au sol à lui faire craquer les chevilles, son dos se gonfla et ses mains resserrèrent le tressage de son arme démoniaque ; puis d'un seul mouvement, le genin termina son mouvement sèchement, propulsant le serpent vers le brasier devant lui.  Dans un syrigma sinistre et douloureux, le serpent se fit consommer.
Mais là ne se terminait point l'assaut.  Du coin de l'oeil, l'esprit aiguisé du genin voyait le yokai rebondir des pics rocheux l'ayant empalés et enflammé comme il était, sa lame ne fit qu'un tour avant de prendre une position d'estoc au-dessus de son épaule, le corps de biais, pour enchaîner d'un nouveau mouvement de colère.  Le dessin foudre sur sa lame avait grandit d'un nouveau segment.  Auréolée d'étincelles, Kitai la plongerait dans le cou de l'immondice !  Fatigué mais acharné, chacun de ses respires lui brûlait les poumons, lui asséchait la gorge.  Non !  Ils vaincraient l'ennemi, il en était certain !  Au devant de tous, Kitai triompherait !  Dans l'infirme moment qui le séparait de la victoire, un flash soudain de lumière grésilla de son arme et le son de milles oiseaux annoncèrent l'activation de son pouvoir !  D'un instant à l'autre, les étincelles discrètes qui sautaient sur Kyoubou Sokkou se transformèrent en véritables arcs de foudre !

   

Un cri qui appelaient ses homologues ninjas à redoubler d'ardeur et à en finir avec le monstre !  Cette fois, sa lame serait juste, elle pénétrerait écailles et chairs, il en était certain !



Sa cible devant était immobile.  Il la pourfendrait !  Il s'élança !  Il...

Ce fut à ce moment que le déluge de chakra inonda l'aire de combat.  L'aura violacée et pesante venait de mettre fin à tout espoir qu'avait Kitai d'en finir avec cette mission.  Son premier pas, qui lui aurait servi à se projeter d'une folle vitesse vers son adversaire, ne le supporta pas et son genou fléchit, l'amenant au sol dans un nuage de poussière.  Kyoubou Sokkou grondait de lamentation alors qu'à son tour, elle s'écrasa au sol, sa foudre frénétique comme affolée de n'avoir aucun être à châtier !  Kitai ne parvenait plus à respirer, sous l'incroyable pression qu'il subissait.  Rapidement, son esprit vivifié par sa respiration normalement contrôlée, s'affola : devant lui se dressait un rempart insurmontable !  La dure réalité de sa différence de puissance venait de l'enchaîner dans la terreur !  La gerbe lui nouait la gorge et le genin cherchait désespéramment son air, les yeux humidifiés de peur.  Son corps ne lui répondait plus bordel !  Il allait mourir ici et maintenant !

La suite lui apparut encore plus terrifiante, alors que le monstre enchaînait les signes incantatoires.  Dans la panique de son esprit, ses perceptions étaient complètement transfigurées : le temps n'existait plus et Kitai avait la désagréable sensation qu'il venait de quitter son corps, d'avantage impuissant que lorsque l'aura monstrueuse venait de le clouer au sol.  L'environnement aussi subissait le contre coup de l'explosion de chakra et en même temps que le sol et le décor se désagrégeait, la réalité du blond s'évaporait.  Et au travers de sa vision étiolée, le genin revisitait un souvenir enfoui, voir complètement capitonné dans son esprit, que le déluge chakratique venait d'en faire sauter les menottes !

À la fois ici et ailleurs, Kitai se voyait subir le raz de marée et se cacher dans les fourrées, aux creux des montagnes, de l'époque où son père partageait encore la couche de sa mère.  Là-bas et maintenant, le corps de Kitai était tétanisé.  Et alors que son corps était emporté par les flots du Yokai, ses souvenirs lui brûlaient l'intérieur du crâne.  Kitai n'était autrefois pas bien haut et raffolait d'espionner l'homme le plus fort du monde s'afférer à ses entraînements.  Mais sa vision du passé l'avait traumatisé, tant il n'avait point reconnu le démon qu'était devenu Kurai.  Son père avait commencé son entrainement de sa routinière méditation sous la cascade, mais avait par la suite exprimé une forte aura meurtrière, quasi-identique à celle qu'exprimait aujourd'hui le yokai.  Tétanisé au creux de la forêt, le Kitai d'alors avait observé impuissant son père fendre la cascade d'un seul coup de lame.  Et malgré qu'il se cachait à plusieurs mètres du lieu d'entraînement, ce jour fatidique, son père avait également fendu son innocence.

La douleur provoquée par les tourbillons aqueux du yokai ramena Kitai à la réalité.  Son corps inerte s'était échoué ailleurs et toujours paralysé, le regard vide, le genin se persuadait que la douleur finirait bientôt par le faire rejoindre un autre monde.  Le moindre mouvement l'élançait incroyablement, comme un pieu que l'on rentrait dans son crâne.  Désorienté et acculé, Kitai espérait qu'on l'oublie, qu'on l'achève, qu'on le...

Mais le discours de Kyoshiro, contre toute attente, résonna en lui.  Des putains de guerriers de Seizan, ké ?  Kitai ouvrit les yeux !  Son esprit flanchait, mais son corps lui résistait toujours !  Au bout de son bras bleui, sa main n'avait point lâchée son arme.  Les enseignements de Jiji résonnaient encore, le samurai ne pouvait être vaincu s'il avait toujours son sabre en main !  Son corps ne le trahissait pas, c'était lui qui trahissait son corps !  Son cœur redoubla de battements et Kitai cracha du sang : ils pourfendraient le monstre !
Malgré la douleur, en plus de son sabre, Gekirin Kitai ressentait aussi le parchemin, dernier message de Kurai, contre son dos.  S'il souhaitait un jour le retrouver, alors il se devait de surmonter cette épreuve.  Le visage écrasé au sol, Kitai s'écria alors, reprenant les derniers mots de l'Aveugle :



Kyoubou Sokkou répondit à son appel et redoubla de foudre !  Le yokai avait fait une erreur, Kitai en était certain désormais : il s'était exposé à l'Ire Seizanjin !

Le genin ne pouvait que peu bouger, mais il n'aurait pas à bouger d'avantage.  Il plongea la pointe de sa lame foudroyante dans l'eau qui jonchait le sol et même s'il ne pourrait pas contrôler les arcs lumineux, il espérait que le Destin serait de son côté.  



Le piaillement des mille oiseaux remonterait-il jusqu'au Yokai ?

Certaines choses ne pouvaient être apprises, elles devaient être pleinement vécues pour qu'on puisse les comprendre. Cela était le cas  pour beaucoup de choses mais, pour des guerriers de Seizan, affronter la mort sans cligner des yeux était la plus dure leçon qu'il puisse être. Car oui, s'enorgueillir de beaux discours sur la courage et la persévérance était une chose, mais rares étaient ceux qui pouvaient affronter la mort et la regarder en face, sans flancher au tout dernier moment.

C'était en cet instant que la vraie valeur d'un homme était mise en lumière et, si Kyoshiro doutait de la valeur de l'un de ses deux camarades, pour des raisons qui lui étaient propres, le dernier arrivé et plus inconnu du groupe semblait être animé du même feu que l'aveugle. Les paroles du Tadake semblait faire mouche car, si la situation semblait presque perdue d'avance, les deux épéistes de Seizan parvinrent à se redresser et, en un ultime assaut, terrasser l'étrange créature qui leur faisait face. Le souffle court et les bras alourdis sous le poids de l'effort, Kyoshiro serra sa main gauche en signe de célébration de cette rude victoire, crachant par terre une lampée de sang avant de se tourner vers ses camarades. Épuisé,  il parvint tout de même à souffler





Les deux avaient été ingénieux et surprenants, mais Kitai avait démontré une puissance interne qui avait réussi à surprendre le colosse. Le garçon semblait définitivement plein de ressources et, avec un style comme le sien, l'aveugle aurait désormais son attention braquée sur lui. Après tout, comment se passer d'un tel élément ? Mais malheureusement le colosse n'eut pas le loisir de continuer cette conversation, car un autre intrus fit son apparition, amenant avec lui une révélation : le trio n'était pas le seul après cette étrange créature. Soupirant face à cet homme venant récupéré ce que le trio avait lutté pour terrasser, ce fut avec un ton amer et cassant que l'aveugle cracha un :





Non mais sans déconner, personne ne lui avait appris à ne pas couper une conversation en son milieu ? Kyoshiro ne pouvait pas dire qu'il était surpris, car une telle créature avait forcément attiré l'attention de plus d'un groupe mais sérieusement, ne pouvait-il pas savourer sans victoire sans aucune fausse note ? Sa main toujours serrée autour de son sabre, par réflexe plus que par volonté belliqueuse, le Tadake cracha à nouveau :





Dit-il en pointant la créature terrassée de la pointe de sa lame. Oui, Kyoshiro était peut-être fatigué, mais cela ne lui enlevait pas sa langue bien pendue pour autant. Il connaissait ses limites, il savait qu'il ne pourrait pas encaisser une autre attaque de plus et espérer s'en relever. Alors que faire ? S'entêter et bluffer, ou s'en tenir à ses ordres de mission, et ramener ses deux équipiers sains et saufs, à la maison ? Son instinct lui disait de pousser un peu plus loin, mais il savait très bien comment cela allait se terminer. Alors, se résignant à l'option la plus sage, il souffla :





Ils avaient mieux à faire que de l'écouter parler. Surtout s'ils ne pouvaient pas s'opposer à lui, dans leur état.

 La volonté de chacun était inébranlable. Il fallait au moins cela pour que les deux sabreurs survivent à l’assaut frontal dont ils étaient la cible. Pour ma part, j’étais relativement confiant quant à ma survie. La question qui restait en suspend, outre la survie des mes chers compagnons de route était de savoir si nos derniers assauts auraient raison de notre adversaire au non. Je l’espérais, pour diverses raisons, mais la toute première parceque si sa survie était toujours de mise, je n’étais pas certain que nous serions en état pour poursuivre l’aventure, moi y-compris.

Heureusement, l’homme serpent se voyait accablé de tout part. Malgré la molesse de mon attaque, celle de notre chunin était une fois de plus flamboyante, littéralement, brulant d’un feu qui n’avait rien de singulier et qui me faisait me poser des questions quant aux capacités de l’aveugle. Même le simplet avait su agir avec la justesse cérébrale dont il semblait pourtant dénué. Un sursaut d’orgueuil, la découverte de nouveaux talents ou pour je ne sais quelle obscure raison mais son ultime attaque crépitante avaient eu don de foudroyer sur place notre cible. Ainsi, les assauts combinés de tous ressortaient vainqueur d’un affrontement que seul, aucun de nous n’aurait pu gagner.

L’étonnante pression s’étant dissipée, je me relevais sans trop de mal. Mon armure fissurée, mon muret détruit, j’avais quelques contusions sans gravité, et surtout, rien de comparable avec les blessures de mes partenaires bien plus durement touchés. Comme quoi mon option était la bonne, leur corps avaient fait de bons boucliers. Vivants, ils pourraient même resservir tous les deux.



Après tout, j’étais censé être le médecin du groupe, autant jouer un peu ce rôle même si je n’y accordait que peu de crédits. D’ailleurs, je me disais, d’autant plus en ayant été témoin des capacités de ka Jujoukage, que maitriser un minimum les bases salvatrices de l’iroujutsu n’était pas nécessairement un luxe, encore plus si je voulais jouer le jeu avec Seizan.

Malheureusement, la simplicité ne pouvait être de mise en ce monde et le paysan que nous avions lâchait n’était lui aussi pas celui qu’il prétendait être. Pour cela, je ne pouvais lui en vouloir, après tout, j’étais moi-même dans cette position similaire. « Mugen » … voilà un nom qui ne m’était pas inconnu. J’avais eu vent de la mort d’un Apôtre, tué par un de leur membre, lui-même peut-être qui sait. Ce groupe dont je ne connaissais pas grand-chose n’était donc pas à prendre à la légère. Tout comme le culte que je servais avait en son sein des éléments d’une puissante remarquable, la manière dont il nous avait trompé et la manière dont il se présentait à nous pouvait laisser largement penser que notre chapelier était certain de ses capacités. Pour moi, cette rencontre n’était pas particulièrement problématique vis-à-vis de l’homme, elle l’était en revanche bien plus vis-à-vis de sa demande. Récupérer le corps ? J’avais survécu pour pouvoir profiter de ce même corps et lui voulait me l’enlever ? Impossible. Pour autant, je n’avais pas vraiment le choix, ni la force nécessaire ni la santé qui pouvait lutter. La négociation était ma seule chance.

Malheureusement pour notre petit groupe, l’aveugle, à défaut de voir, savait parler, et surtout dire des conneries. Blessé comme il l’était, si il était toujours en état de fanfaronner, c’était plus par apparence que par une réelle condition physique lui permettant d’agir ainsi. Me rapprochant du chunin, je le dépassais de quelques pas après avoir posé délicatement ma main sur son épaule.



Je n’avais de toute manière que cette carte à jouer alors autant la tenter. Ainsi, espérant une réponse positive, j’escomptais prélever plusieurs organes du yokai, un croc pour le potentiel poison, un œil, le cœur, du sang, des écailles, des os ainsi que la langue, le tout habilement scellé et préservé comme il se doit pour de futures recherches.

Son cri accompagnerait la foudre, mais jamais Kitai n'aurait penser la délivrer de son carcan !  Écrasé au sol par le chakra du Yokai, au bout de son bras, l'arme vibrait violemment.  Puis des éclairs n'ayant pour origine que la lame de Kyoubou Sokkou, voilà qu'un véritable torrent de lumière se déchaîna et souleva le corps du genin, littéralement.  Kitai ne pouvait théoriquement plus se tenir sur ses guiboles, mais voilà que l'électricité que dégageait désormais son corps le maintiendrait en suspension au-dessus du sol assez longtemps pour que les techniques Seizanjins puissent s'enchaîner.  La douleur de son corps brisé par les vagues camouflait celle des différents arcs lumineux qui sautaient de son corps tressaillant.  Ses cheveux s'hérissèrent de magnétisme, puis sa lame pénétra le sol humide aux alentours, au-travers de l'eau qu'avait répandue la technique du Yokai.  Son mouvement était d'ailleurs plus fluide que ne l'aurait espéré Kitai, comme habité d'une énergie nouvelle et ignorant jusqu'alors les blessures subies et la fatigue accumulée !

Ils triomphaient !  La foudre, la terre, le feu sacré, les éléments se superposèrent et ne laissèrent aucun répit à l'étrange bête !  Ses écailles retournées se détachèrent alors et son étrange corps s'écroula, la vie le quittant lentement.  Au même instant, le genin en suspension avec la foudre qui l'auréolait clignota avant d'à son tour s'évaporer, jetant sur les genoux le genin abasourdi.  Haletant, la vision du genin se flouait se fatigue et se permit enfin de lâcher Kyoubou Sokkou, qui roula à son côté, alors que les éclairs gravant sa lame s'éteignaient enfin.  La désagréable sensation qu'une fourmilière avait établie son nid dans ses bras (particulièrement son droit, qui avait enflé et était d'une drôle couleur violette) le genin ne bougeait plus, son souffle tout désordonné ; pourtant, un large sourire béat étirait son faciès sous ses yeux masqués par sa tignasse retombée.  Après les félicitations de Kyoshiro, les conseils de Kasumi le firent rigoler bêtement dans son coin.



Clairement le genin n'avait plus assez d'énergie pour pouvoir penser droit, mais son expression d'ahuri s'estompa lorsque l'apparence de l'homme se métamorphosa en une autre !  Alors, même dans ces coins reculés, les civils pouvaient utiliser des jutsus ?  Décidément, Kitai n'avait aucunement retenu les leçons sur le chakra et son utilisation...
Pourtant, l'animosité de son chef le fit douter et se frottant les yeux de sa main, il observait en quelque sorte les adultes échangés.  Kasumi intervenait à son tour, calmant le jeu.  Des trois seizanjins, il était le seul en état de combattre, même si Kitai ne comprenait pas pourquoi on parlait encore de bataille.  Ne venaient-ils pas de terrasser le monstre ?  Le village n'était-il point sauver ?  Il y avait une nouvelle tension dans l'air entre ses senpai et le villageois transformé, mais Kitai trop épuisé n'y comprenait rien : si le village souhaitait récupérer le monstre, alors pourquoi ne pas les laisser ?  Peut-être que ses habitants souhaitaient offrir son corps aux esprits afin d'être protéger de futurs Yokai ?  Comme répandre son urine autour de son camp, pour en chasser les différentes bêtes nocturnes...  Pis l'inconnu avait bien raison, le combat était épuisant et Kitai n'avait qu'un objectif, celui de retrouver sa couette...

Le genin, le visage désormais torturé de ces différentes hypothèses et désirs, s'interjeta dans la conversation !