Assis à l'ombre d'un arbre, le katana sur les genoux, je reprenais une respiration correcte... C'était une étape dans mon programme d'entrainement. Ma routine entrainement était bien pensée, tous les deux ou trois jours, au petit matin, je partais au terrain d'entrainement et m'isolais dans un coin pour enchaîner les quelques étapes.

D'abord, réveil musculaire, en enchaînant les katas autour de mon katana, je pouvais passer bien une demi-heure à répéter lentement les mouvements appris depuis mon enfance. Multiplier les arcs de cercle, les coups latéraux et verticaux, les jambes à moitié pliées puis en extension vers l'avant ou l'arrière,... C'était une routine imprimée dans mon corps. Sans y penser, je pouvais opérer tous ces mouvements, mon esprit était alors dégagé pour penser à autre chose, comme ma prochaine attaque, ma prochaine défense ou me préparer à me prendre un gros pain dans la tête.
Oui, car savoir par cœur faire des galipettes avec une arme ne protégeait pas toujours des baffes. J'étais rapide, mais on ne pouvait pas toujours esquiver les attaques... Survivre avait un prix et j'avais renforcé mon corps pour pouvoir encaisser quand même.

Une puce est rapide, mais est très facilement écrasée.

Ensuite, je lâchai le katana pour faire quelques mouvements de taijutsu. N'étant pas ma spécialité, ce petit temps était plus pour entrainer mon corps qu'une éventuelle technique poing/pied. Le principe était d'arriver à un état de transpiration important, preuve que j'avais bien travaillé. C'était un moment surtout intense qu'un vrai maitre du poing souple aurait jugé comme brouillon, mais je n'en avais cure : Mon truc, c'était la lame. Je voyais surtout cette phrase comme un moyen de me dépenser et de mobiliser mes muscles autrement que par les banals pompes et abdominaux.
Enfin, je m'asseyais à même le sol en tailleur pour méditer. Mon approche spirituelle du combat était assez biaisée, mais je me plaisais à tendre vers un bushido plus traditionnel que juste utiliser ma lame pour couper quelqu'un. Un héritage de mon père, qui disait lui-même de respecter son adversaire en gardant un esprit clair, sans nuages... La méditation aidait à rester concentré, à chasser les idées parasites. En gros, c'était de la relaxation qui laissait s'échapper l'énergie résiduelle du taijutsu fantasque pour ne laisser que l'apaisement inspiré des moines.

Cependant, je ne pouvais pas mentir, j'avais encore l'esprit occupé dans ces instants... Chaque fois que je prenais mon arme, je revoyais des années en arrière mon père tomber, sans jamais avoir été touché : Des heures à perfectionner son art pour périr par une défaillance du corps. Je faisais de l'exercice pour lui faire honneur, mais au fond tout pouvait disparaitre du jour au lendemain... La faute à pas de chance. Malgré tout, j'étais persuadé que l'art de la lame recelait encore bien des surprises pour moi, même si j'avais déjà abattu une barrière...

À dix-neuf ans, je ne pouvais pas encore abandonner toute velléité, il fallait un peu garder espoir... "Comme lui." Faire vivre ma technique, c'était faire vivre papa. Fermant les yeux, j'opérais une tactique un peu paradoxale au vu de l'objectif de l'exercice : Me focaliser sur une image, celle du visage vague de Fumiri Hachi, puisque rien ne pouvait le faire vraiment disparaitre dans ma tête, même si déjà les contours changeaient. L'ombre me protégeait du soleil et une certaine fraicheur encadrait ma posture, les feuilles tombaient parfois autour de moi et après la sudation, le léger froid de la saison faisait son petit effet, mais l'esprit était ailleurs... Bien loin des revendications du corps en quête d'activité ou de chaleur. La respiration stable, je restais des minutes entières à travailler mon mental avec comme cap les lignes courbés d'un menton, ou d'un nez.  

Seuls des bruits de pas vinrent perturber ma tranquillité.

Si d'habitude je m'entrainais seul, aujourd'hui, j'avais allégé ma séance pour me permettre d'avoir plus de pep's contre mon adversaire du jour, invité il y a deux jours au cours d'un repas important, mais surtout d'une entrée de la belle Shion dans les rangs des épéistes des monts de fer. Ouvrant les yeux, je la vis donc s'avancer et je conservais ma pose de méditation.

- Tu es prête ? Les mains posées sur mes cuisses, je suivais du regard l'avancée de la combattante, avant de me lever pour lui faire honneur et possiblement me mettre en garde, si elle voulait attaquer vite cette exhibition. Montre-moi que tu mérites ta place dans le groupe ! Une provocation pour la motivée à se lancer corps et âme dans ce duel.

À côté de moi, deux lames de bois pour les entraînements : Nous n'allions pas croiser le fer, littéralement, un accident était vite arrivé. J'envoyais donc un bokken vers ma cible, pour qu'elle l'empoigne, alors que je laissais le fourreau de mon katana sous l'arbre. L'essentiel était de repérer les forces et les faiblesses de la demoiselle, pas de la faire saigner... "Inutile et dangereux." Respirant lentement, je me mettais en condition, car je prenais très au sérieux les capacités de ma cousine. Sa vitesse et sa technique pouvaient poser des problèmes.

- C'est quand tu veux ! Je te laisse le premier assaut, haha. Honneur aux dames, en soi.

Clignant des yeux, je subissais la petite tempête de mon ainée, comme quoi, je n'étais pas poli... La mention de la politesse envers le kendo me fit tiquer. Il y avait bel et bien tout un cérémoniel autour du duel, même amical, mais je pensais que la belle, tout comme moi, voulait passer toutes les formes pour passer à la chose !

- Eh bien... On s'est vu il y a deux jours, et je t'ai proposé de venir t'entraîner, donc effectivement, je suis content de te voir. Pour le sujet de faire de son mieux, j'espère bien ! Bien que brut, je m'amusais follement à contrer la demoiselle qui me voulait courtois alors que... C'était ma cousine quoi, je n'avais pas à mettre les formes. Pour autant, je provoquais un peu en faisant une courte révérence, disposant quelques mots : Si sa majesté veut bien croiser le bokken avec moi, dans la joie et le respect de nos ancêtres et de notre art. Un ton léché, qui participait à la moquerie, douce néanmoins.

Elle prit la mouche, proposant de m'apprendre elle-même toutes ces règles de base et s'élança sur moi. L'air concentré, j'annulais totalement mon approche comique pour m'élancer dans le combat comme elle, mais dans ma tête. Suivant la lame de mes yeux, je cherchais à comprendre son mouvement pour répondre efficacement. La surprise du coup en traitre me fit sourire, gentiment, alors que la silhouette de la belle se brouillait dans la poussière qui m'arrivait dessus : Ma main libre cacha mes yeux pour éviter d'être aveuglé plus longtemps, mais le mal était fait. Dans ma vision périphérique, au-dessus de ma paume disposée comme un bouclier, je voyais la pointe de l'épée de bois de Shion s'abaisser comme une guillotine sur moi. Un temps de retard pour réagir, vu ma vision troublée, je disposais ma propre arme devant moi pour pallier le choc, mais tapant sur le faible de mon fil, je sentis une torsion sur mon poignet brutal. "Pas mal."
Si la cousine manquait de technique, ou de vitesse, elle savait utiliser son environnement à son avantage : Utiliser la terre battue, poussiéreuse, du terrain d'entraînement était une bonne façon de prendre l'avantage. Profitant de l'impulsion, je laissais la lame filer dans mon dos alors que je tournais sur moi-même, utilisant ma jambe droite comme piler de la rotation alors que ma gauche se levait dans la figure pour chercher à frapper le visage de Shion avec mon talon.

- Pas mal ! Un ricanement, content sans doute de la tournure de ce début de combat.

Si le kenjutsu était ma spécialité, il fallait démontrer que je savais utiliser mon corps de la bonne manière : Mes muscles étaient vifs, après le petit entraînement que j'avais réalisé. Tout visait à être le meilleur au contact ! Sans doute que la belle allait m'obliger à déployer toutes mes techniques de iaido pour contrer ses propres attaques... En attendant, on commençait petit.

Tour:

Le coup porta et la belle mit la main à son minois, douloureusement touché par mon coup de pied. Clignant des yeux, je me remettais en garde alors qu'elle reculait : J'étais galant, je ne laissais pas l'excitation du combat troubler l'objet même de notre rencontre. L'entraînement devait amener des pauses, pour réfléchir, et si j'avais ébranlé le cerveau de la jeune femme devant moi, il était de mon devoir de lui laisser le temps de se remettre.

Frustré, néanmoins, je la vis planter son arme dans le sol avant de faire des mudras... Soupirant, je concluais assez vite qu'une charge et une frappe précise aurait pu avoir raison de l'un de ses poignets, quelques doigts, ou n'importe quoi qui trainait par là. Pour autant, je faisais la remarque :

- Là, tu vois, j'aurais pu te foncer dessus et tu n'aurais eu que tes mains pour me bloquer... Un petit sourire, mais j'étais penaud puisque je savais que j'avais raison et que notre raisonnement partagé il y a quelques jours n'étaient à la fin qu'un duel d'argument dont la pratique et l'expérience l'avait emporté, içi. On évite de faire ça à quelques mètres de son adversaire, surtout si on le sait rapide. La lame au-dessus de la tête, j'attendais patiemment qu'elle envoie son prochain assaut. Tapotant mes doigts dans l'attente, contre la garde, je vis apparaitre deux clones.

"Intéressant."

Shion était moins forte que moi dans le kenjutsu, mais la multiplication des sources de dégâts pouvait pallier ce manque... Concentré, je gardais les yeux sur l'originale. Rien n'avait obstrué ma vision et donc je pouvais tout à fait savoir qui était la vraie et quelles étaient les avatars de chakra en addition. Je laissais mon instinct suivre le reste des mouvements... C'était bon entraînement pour le combat contre plusieurs cibles. Rapidement, avec l'assaut, je sentis des picotements dans diverses parties du corps : C'était le signe de la localisation des coups... Du kenjutsu, donc des frappes contondantes à faible distance. Clignant des yeux, je commençais à chercher à esquiver, mais évidemment il n'était pas aisé de s'occuper de plusieurs personnes en même temps et certains coups passèrent malgré ma surveillance. Serrant les dents, je prenais les coups sans présenter de grognements caractéristiques et en échange, je contre-attaquais tout de suite pour fracasser mon arme de bois sur le visage de l'un des clones... Je savais que celui-ci allait disparaitre, expliquant mon manque de douceur.
Le nombre ainsi diminué, je faisais face aux deux Shion en tapotant l'endroit où j'avais été touché. Une façon silencieuse de montrer la petite victoire, mais pour l'instant... Armant mes jambes, je me lançais en avant, accroissant ma vitesse pour qu'apparaisse, au lieu d'un voile coloré derrière moi, d'autres Kunao qui suivaient, si bien qu'on ne savait pas vraiment lequel était le vrai parmi les émanations de la vitesse. L'un partis vers le clone, mais ce n'était que l'effet d'un léger virage qui avait pour objectif de brouiller les pistes...

Le vrai allait rejoindre la Shion originale.

Bondissant, j'envoyais un coup de bas en haut en m'aidant de la gravité qui me voulait au sol, mais pas sans que je gagne de la vitesse grâce au poids !

Tour:

Bam !

Le fracas de mon arme vint désarmer la belle dans une frappe peut être trop lourde, avec du recul. Fronçant les sourcils, je l'entendais jurer... Chose logique quand on venait de se prendre un coup d'une telle amplitude. Les clones de vitesse disparurent alors que je m'immobilisais face à la demoiselle. Celle-ci accusait le coup, mais ce n'était pas la fin.
Pour un samouraï, la perte de son arme signait la fin... Soit du combat, soit de sa vie, mais en tant que prétendante aux arts shinobi, elle avait de la réserve : Attrapant le bois à pleine main, elle m'empêchait de bouger la lame en retenant donc aussi mon bras. De nouveau, je fronçais les sourcils alors qu'une petite impulsion cherchait à lui arracher mon arme de sa poigne et... "Ah ouais." Un léger chakra brillait entre les pores de sa peau, du genre collant et solide. Les soldats de l'ombre mobilisaient ce type de technique pour se maintenant contre les parois verticales ou marcher sur l'eau... Je ne pouvais pas faire de même.  Sans sa principale arme, elle utilisait autre chose pour continuer la lutte.

- Pas mal. Ce  n'était pas quelque chose de fin, mais ça se mangeait sans fin ! Soit je lâchais, soit j'essayais de la frapper pour qu'elle arrête de jouer à la cousine collante... Mais des picotements dans mon dos amenèrent un choix rapide.

Le clone était encore en jeu et il devait arriver vers moi... Mais quel type de coup, il allait utiliser ? Pour savoir, je lâchais la garde de mon bokken de bois, l'abandonnant à la prise de Shion alors que mon pied cherchait son plexus pour pousser et me donner la distance et le temps de m'occuper du reste. Je me retournais pour faire face à la belle qui se jetais sur moi. "Je vois." Je fonçais en retour, bien décidé à en finir avec cet avatar inconvenant.
Les bras devant pour bloquer, je savais bien que j'étais désavantagé dans cette lutte : Sans lame, j'avais quelques centimètres de moi pour l'allonge et la frappe. Les yeux fixés sur le bois épais, je cherchais les attaques possibles chez la genin pour répondre efficacement en combinant mon taijutsu sommaire et ma connaissance experte des arts de la lame. L'empressement et le demi-tour rapide eurent pour autant l'effet de rendre le tout confus et l'arme de mon adversaire s'abattit sur mon avant-bras avant que je ne cherche à rediriger l'angle pour lui envoyer mon poing dans la tronche... "Raté." Serrant les dents, j'accusais moi aussi le coup de mon bras qui allait avoir un beau bleu...

- Merde. Me retournant, je fis face à la Shion originale en déclarant : Plus intérêt à me sortir des clones, sinon... Montrant les dents d'un air agressif, je me mis en garde dans une posture un peu simplette de taijutsu. Voyons voir si tu te débrouilles mieux quand je n'ai pas de katana ! Ricanant, j'attendais sa prochaine action, bien décidé à tester mes compétences récentes dans le poing souple sur un adversaire plus avantagé que moi.

Tour:

Le silence, la respiration calme : Si je manquais d'une arme, ma compagne du jour en disposait deux. J'étais donc virtuellement en mauvaise posture... Elle le savait, et moi aussi. Je devais donc pousser mes compétences au maximum pour pouvoir compenser ce manque effectif pour un épéiste.

"Ok, amusons-nous."

Prenant une grande respiration, je serrais les poings et je pliais les jambes pour accueillir le prochain assaut de ma camarade. Elle vint bien assez tôt et je sentis, avant même de voir, l'attaque verticale de ma cousine. D'un pas de côté, j'esquivais de quelques centimètres la lame de bois qui vint s'abattre à mes pieds, sauf que la gémellité des bokken était présente.  Un picotement dans mon dos, une autre frappe cette fois-ci horizontale : En sortant de l'angle d'une attaque, je me jetais dans une autre. "Pas mal." L'instinct avait l'information, je devais utiliser cette vitesse. Utilisant le chakra qui traversait mon corps comme une aide à la transmission, je me retournais tout de suite sans même réfléchir pour amener mes mains et entourer le bois, histoire d'encaisser le coup. Mes paumes vinrent frapper mon ventre, mais c'était mieux que la courbe brutale du bokken. "Vite."

J'avais réussi à échapper à la première attaque, il me fallait prendre l'initiative !

- Voyons... Pensif, je gardais le bokken contre moi alors que mon genou gauche vint accueillir le bois raide dans son écorce taillée. Mon coup voulait briser l'arme d'entraînement et éliminer l'avantage technique de Shion...

Éliminer aussi ma chance de pouvoir récupérer une arme et affronter la demoiselle dans un kenjutsu mutuel. Si mes frappes n'étaient pas aussi percutantes qu'un vrai adepte du poing souple, je passais la douleur du contact par le "crac" caractéristique d'un bokken qui se brisait.  "Il faut assumer maintenant." Lâchant le bout inutile, je le laissais tomber au sol alors que je me tournais vers ma cousine, me remettant en garde à quelques centimètres d'elle, prêt à accueillir un nouvel assaut.

- Continuons. J'étais condamné au taijutsu et cela ne me dérangeait guére.

Tour:

La situation était re-équilibrée, un peu.

Toujours en position défensive, je sentais toute la lassitude et le désarroi de ma cousine quand le bokken fut rompu par mon genou. D'ailleurs, il me faisait un peu mal avec du recul... "Pas encore assez fort." Ma peau et les muscles de mes jambes ne me permettaient pas encore des miracles de résistance et je le sentais.
De l'autre côté du combat, la demoiselle revint de plus belle : Ne se laissant pas dominer par mon geste. Un bref instant, j'eus l'impression d'en faire trop, de la malmener comme si j'étais supérieur en tout, et j'eus des remords... Alors, je pris la décision d'un peu lever le pied, de quoi lui laisser une chance de montrer sa valeur et ses compétences. De son bond, accompagné d'une frappe diagonale, j'avais senti la prémisse par les picotements sur mon épaule. Serrant les dents, je me gardais d'esquiver tout de suite pour mieux percevoir le mouvement, l'angle et même la motivation de la demoiselle qui me faisait face. Si elle était concentrée parfaitement sur moi, et mes regards, elle pouvait comprendre mon petit manège et surtout toute ma lucidité sur la chose... Au dernier moment, je baissais mon centre de gravité en me mettant accroupis et la lame de bois passa à quelques centimètres de mes mèches blanches. La fine brise ébouriffa le tout et je me jetais sur le côté pour me relever aussitôt, l'air sérieux, mais sans jamais attaquer.  

- Jolie attaque. Une provocation doucereuse, alors que j'envoyais ma jambe dans un coup visant l'arrière du genou. Je voulais davantage la déséquilibrer que vraiment lui faire mal...

"Boom !"

Le combat demandait de l'instinct, de la vitesse folle de réaction, comme si le bras parlait tout seul.. Je gagnais en vitesse, mais la technique devait assurer aussi pour s'accorder avec les possibilités. Sans lame, je devais affûter autre chose : Mon corps, mes réflexes, mes opportunités. Le combat arrivait vers sa fin, mais je devais vérifier certaines choses.

Plissant les yeux, je comprenais toute la frustration et la lassitude de ma camarade : Nous étions de la même famille, mais son instruction militaire m'était complétement passée sous le nez. Pas facile d'être la seule guerrière de sa famille proche, ses parents ne le comprenaient pas. Il fallait alors se tourner vers sa tante et son cousin, eux-mêmes dans le grand bain de la guerre et des missions à haut risques.

Soupirant, je reposais ma main. Dans l'excitation, j'avais oublié certains points... Honte à moi, en définitive. Elle voulait continuer, pour se prouver ou même me prouver quelque chose. Elle avait cette valeur-là que je reconnaissais et que je valorisais, seulement à ce point-là de nos vies, il était important de ne pas abuser pour ne pas déchirer le lien qui nous unissait. Je ne voulais pas dégoûter ma chère parente de la vie de soldat, ni me montrer comme un mur infranchissable. Avec les efforts, la fatigue apparaissait dans ses traits et ses gestes... J'étais bien plus en retard sur l'usure du corps, à cause de l'entraînement et de l'expérience, ainsi, j'apparaissais encore et toujours comme un obstacle qui ne voulait pas se laisser surmonter. Avec la frustration, naissait la rancoeur...

- On arrête. En signe de fin, je m'asseyais à même le sol, au milieu du terrain d'entraînement.

Soufflant d'aise, je tendais mes jambes devant moi alors que mes bras s'appuyaient dans mon dos pour me permettre de m'allonger à moitié.

- Devoir gérer le taijutsu aussi longtemps, c'est harassant. J'ai pas l'habitude. C'était un peu vrai, même si je surlignais le trait de beaucoup de mots pour valoriser la tactique de Shion de piquer mon arme. Si j'étais un sabreur, l'expérience du corps était connue et reconnue chez moi, mais je devais bien avouer que j'étais bien plus à l'aise avec une épée dans les mains, et l'allonge qui allait avec, plutôt qu'avec mes petits poings bien moins violents en comparaison. Que tu le penses ou non, tu m'as mis en mauvaise posture en m'obligeant à lâcher mon arme : Les arts shinobis t'ont bien servis !

Cette technique de collage aux parois avait bien des facettes et en combat, il était utile de pouvoir ainsi améliorer sa prise pour désarmer ou justement éviter d'être pris en défaut. "Je pourrais apprendre pour éviter de perdre mon katana." Si le sabre était l'assurance vie des combattants, ma prise était ferme... Mais pas impossible à défaire. Devant la douleur, je restais solide. En second temps, le clonage lui avait permis de compenser bien des choses et m'avait même amené à me prendre un coup : Ce n'était pas négligeable, j'avais encore des choses à apprendre pour être efficace.
Observant un instant ma cousine et ses réactions, je ricanais avant de m'allonger tout du long sur la terre meuble. Ce n'était pas très confortable, mais mes muscles chauds et mon dos qui avait été tendu par le combat me remerciaient pour leur donner un peu de repos. La chaleur tapait amicalement sur mon visage, le soleil était haut et le fond de l'air n'était pas aussi sec qu'en été : Le printemps était agréable et doux.

- C'est le parfait moment pour faire une sieste, tu ne penses pas ? Passant du coq à l'âne, je déplaçais mon bras droit sous ma tête pour faire comme un oreiller, non sans fermer les yeux. Je ne dormais pas, mais je me reposais, tout en diminuant la tension dans l'air. Repose-toi, tu t'es bien battu.

Chacun avait des progrès à faire, si Shion ne se rendait pas compte de mes propres limites, les siennes devaient lui sauter aux yeux et c'était une bonne chose : Quand on savait quoi améliorer, on savait où aller et quoi faire pour arriver à ce but. "Se connaitre, dans ses points forts et faibles."

- Hmm ? Un bras qui n'était pas dans la bonne position et un claquement sur un vêtement, et de la peau en dessous, j'ouvrais un œil pour voir la belle me montrer l'endroit où pourrait reposer ma tête. Heu... D'accord.

J'étais jeune, plus jeune que Shion, et si un univers nous séparait : Expérience, statut, puissance... On ne pouvait dénouer facilement certaines choses. Si mes années avant la caserne étaient flou dans ma mémoire, je me souvenais sans mal de la présence d'une fille plus vieille qui prenait soin de moi quand ma mère était en mission... Matrone célibataire, il fallait qu'elle travaille et me laissait seul était une folie. Alors, elle faisait appel à sa famille, qui était aussi la mienne. Une douceur mémorielle qui me fit ainsi me relever pour présenter mes cheveux à la place précisée. Si la situation pouvait paraitre étrange pour les spectateurs, je ne ressentais aucun malaise inhérent à ma présence sur les genoux de la Uchiyama : Enfant, on était plutôt collé. Ce n'était qu'un rappel que les maladresses et les coups durant les entraînements ne pouvaient pas effacer. Comme pour souligner ma pensée, elle vint à louer ma technique et ma puissance... Quelque chose que j'esquivais en fermant les yeux, pour ne pas exprimer dans mon regard le profond malaise qui m'étreignait.

- Il me faut être fort, Shion. Un instant, je laissais couler cette simple expression, avant de continuer. Quand on parlait de trouver sa voie, c'est aussi une raison de se battre. Défendre le village est une chose, mais on ne défend pas juste par plaisir de défendre : Seizan représente mes amis, ma famille, les gens que j'apprécie et que j'aime. C'est ce qui motive tes entraînements... C'était une partie significative, mais ce n'était pas l'entière vérité. Je devenais fort également pour la personne que je n'avais plus à protéger, car elle était déjà partie. Sans doute que ma cousine le savait, mais souligner ainsi ce qui sautait aux yeux n'était pas mon style. je préférais alléger le propos : Être un héros, cela demande du temps et des efforts ! Ricanant, je me taisais bien vite.

La force n'était qu'un moyen et j'avais du chemin à faire encore... Il y avait-il un terminus à mon parcours ? Sans doute la mort. On pouvait toujours progresser, jusqu'à péricliter avec l'âge. Pour un soldat, c'était la retraite ou la mission de trop, si je ne me retrouvais pas avant contre un ennemi humain ou démoniaque qui m'arrachait un membre ou un œil. Mon front avait déjà une belle balafre, que je cachais sous un bandeau plutôt esthétique, mais si la lame était allée plus loin ? "Je ne serais pas là." Un hasard, causé par mon manque de vitesse ou de réaction, mais qui aurait pu causer de grandes conséquences... "Je serais mort quoi."
Chassant l'idée, je revenais à la lumière de la journée : La fierté de Shion, de ma cousine. Je n'étais pas très égocentrique, cela me fit néanmoins chaud au cœur. J'avais beaucoup travaillé pour être à ce niveau et la reconnaissance me touchait. Il fallait pour autant recadrer les choses :

- Tu pourrais aussi atteindre ce niveau, il n'est jamais trop tard. Je pourrais dire un truc classe comme "je t'attends, Shion", mais je fais une sieste. Ricanant, je laissais couler la chose... L'entraînement avait un temps, le repos aussi.