Le tintement du métal s’entrechoquant, encore et encore. Le crépitement des flammes. L’odeur caractéristiques des forges, se mélangeant à l’odeur des plantes portées par le vent des montagnes bleues. Le village était fier de ce qu’on pouvait percevoir comme son cœur, ardent et solide. Les forges faisaient vivre de nombreuses personnes ici, et les armes qui y étaient produites, par leur qualité, écrasaient sans pitié celles du reste d’Onogoro. Mais tu n’étais pas là pour acheter. Même en grandissant ici, ton style de combat n’avait jamais tourné autour de l’utilisation d’armes. Ça te ne parlait pas, tout simplement. Non, aujourd’hui, tu t’aventurais sur le territoire des forgerons pour demander quelques minutes de son temps à l’un d’entre eux.

Tadake Kyoshiro.

La réputation de l’artisan n’était plus à faire. Son existence, en soi, le rendait déjà assez spécial pour être connu aux montagnes bleues. Il faut avouer qu’un forgeron aveugle, ça se remarquait, mais en plus de cela, son travail était de qualité, en adéquation avec le milieu dans lequel il travaillait. Les critères de Seizan en termes d’armes étaient au-dessus de la moyenne, et sans talent, jamais il n’aurait pu survivre dans l’industrie. Et en plus de tout cela, il était également un membre respecté des forces armées de Seizan. Assez pour avoir été envoyé comme chef d’une petite équipe. Une petite équipe dont tu as fait partie. Et une équipe dont la mission s’était soldée étrangement, te laissant un goût amer dont tu n’arrivais pas à te débarrasser.

il te fallait en parler à quelqu’un d’autre. Une personne qui savait ce qu’il s’était déroulé là-bas, et qui ne prendrait pas de gants pour dire le fond de sa pensée. En ce sens, le prêtre du temple de fer était éliminé, ne te laissant pour seul choix que l’aveugle. Proches, vous ne l’étiez pas. Pas du tout même. Pourtant, vous avez une personne en commun, pour laquelle vous exprimez chacun une forme d’amour. Hotaru avait agit comme une mère avec toi alors que tu étais encore une adolescente. Plus âgée, elle avait veillé à ta santé alors que ta mère sombrait un peu plus chaque jour dans la folie. Combien de fois t’a-t-elle accueilli chez elle avec toute la tendresse du monde ? Bien trop de fois pour le compte. Et de son côté, Kyoshiro entretenait une relation amoureuse avec elle. Alors, même si vous n’étiez pas proches, tu étais convaincue de l’existence d’une chance dans laquelle il te laisserait au moins aborder le sujet avec lui.

Il ne te fallut que quelques minutes de marche pour trouver l’atelier où travaillait l’homme. Tes phalanges dansèrent sur le bois de la porte, faisant résonner une mélodie annonçant ta présence.

« Tadake-san, vous êtes là ? Kara Saki, j’aimerais vous parler au sujet de notre dernière mission en commun »

Te tenant droite devant la porte, en attente d’une autorisation pour entrer, tu sentais un sentiment de malaise t’envahir. Avais-tu été trop directe ? Peut-être que oui. Normalement, les gens disent bonjour ou bien demande des nouvelles avant de rentrer dans le vif du sujets. Des étapes que tu as sauté, sans même y penser une seconde.

Un petit son métallique titilla ton oreille, avant que la voix du forgeron ne résonne, t’invitant à entrer et te sauvant de ce long et gênant moment à fixer la porte de la forge.  Il fallait l’avouer, tu étais rassurée d’entendre le ton calme de Kyoshiro. Ça voulait dire qu’il ne te laissait pas juste entrer pour ensuite t’envoyer bouler de plus belle, mais bien pour échanger sur cette satané mission qui vous parasitait tout deux l’esprit. Au contraire, il te signifiait même de laisser tomber les formalités, et ça t’arrangeais pas mal. Tu ne voulais pas prendre de pincettes. Allez directement dans le cœur du problème et arracher le pansement, même si ça devait faire mal. Alors, sans négocier la moinde chose, tu entras dans la forge.

La chaleur, sous forme d’une vague, te sauta à la figure sans la moindre pitié. L’atelier, avec pour cœur un brasier ardent, était sans doute le meilleur endroit où se cacher lors des rudes hivers des montagnes bleues. Pourtant, la chaleur était trop élevée. Quelques secondes suffirent à faire perler une goutte de sueur sur la ligne supérieure de ton front. Goutte qui roula le long de ta tempe, rapidement. Tu étais bien plus habituée au froid qu’au chaud, et ce, à cause des longs entrainements que tu suivais depuis ta plus tendre enfance.

Tes iris Opales s’attardèrent un instant sur les différents projets en cours. Les outils, posés ici et là. Les gants de travail. L’odeur charbonneuse était plus forte, une fois à l’intérieur, et le crépitement des flammes plus clair à ton oreille.

« Chaleureux atelier que tu as »

Ton léger inconfort n’était pas surprenant. Tu ne devais pas être la première personne à entrer ici et à être surprise par la température car la porte à peine refermée derrière toi il te fit signe de le suivre dans la pièce adjacente. Sa capacité à ressentir le chakra, pour palier à sa cécité, était toujours surprenante, et impressionnante. Le jour où tu voudrais améliorer cet aspect de tes techniques, c’est à lui qu’il faudra t’adresser, à n’en pas douter.

Mais tu n’étais pas là pour trouver un mentor non plus. Hochant par réflexe, a tête, tu le suivis dans la pièce d’à côté, bordélique, mais à la température bien plus supportable pour le pauvre commun de non-artisans dont tu faisais partie. Sans cérémonie aucune, tu posas ton postérieur sur le tabouret de bois, mis à ta disposition, croisant élégamment les jambes avant d’y poser tes coudes comme appuis pour le reste de ton tronc.

C’était enfin le moment de creuser l’abcès, et il le savait.

Un soupire passa la barrière de tes lèvres, tandis que tu laissais tes épaules s’affaisser légèrement.

« Exactement, elle me laisse un sale goût amer et ça m’énerve. J’pourrais faire semblant de me trouver milles excuses mais la réalité, c’est qu’on a grandement foiré notre mission. On n’a pas obtenu de réelles informations sur Hikaru, une de nos collaboratrices est morte de manière atroce, et j’ai encore moins confiance en l’ordre des cinq pétales qu’au début. Et cet ogre était bien plus puissant que nous tous réunis. »

Oui, une vraie catastrophe cette mission. Vraiment. Ta voix se voulait calme, mais laissait entendre la manière dont ta mâchoire s'était raidie.

« Pardonne ma vulgarité mais on était putain d’inutiles »

La frustration te prenait aux tripes. C’était rare de te voir sortir de ton langage soigné, surtout auprès d’une personne dont tu n’étais oas réellement proche. On t’avait appris à toujours être calme, analytique, soignée, mais ton caractère original était quelque peu plus brutal que cela. Ton père disait que tu tenais ça de ta mère. Et elle, elle disait que tu tenais ça de lui.  À croire que tes deux parents étaient des têtes brulées sous des masques de tempérance.

« J’ai besoin d’échanger avec quelqu’un sur le sujet. Trouver les points que je peux creuser pour que ça ne se reproduise pas. Alors si on doit commencer par une question précise ... »

Il y en avait une en particulier qui te titillait depuis un long moment.

« Qu’est-ce que tu penses des cinq pétales ? Franchement »

Toi, tu leur offrais toute ta suspicion, pour un tas de raison. Leur pacte avec l’ogre, leur entêtement à cacher des informations alors même que leur village pouvait être en danger et ... Le simple fait qu’ils soient des Hommes, dévouant chaque fibres de leurs corps à une divinité. Le fanatisme poussait de nombreuses âmes dans un chemin obscure. En quoi ton cas est différent ? Toi, tu es une dévote de la déesse de la sagesse. Tes enseignements principaux sont de ne jamais te laisser emporter au nom d’une cause soi-disant divine sans réelles preuves, et de toujours agir pour le bien commun. Mais est-ce que les autres le voyaient comme ça ?

Votre colère était partagée. Tu l’entendais dans sa voix. Le voyait dans sa gestuelle. Et c’était rassurant. Terriblement. Tu n’étais pas la seule à te sentir comme une merde, pas la seule à t’en vouloir, et pas la seule déterminée à changer ça. Sur le bateau de la honte, vous étiez deux. Et à deux, on rame plus vite pour s’en sortir, quoi qu’on en dise. Pas besoin de faux semblants, ni prendre de pincettes, car l’aveugle était du même avis que toi, et les souvenirs de cette mission le hantait. Encore plus compréhensible lorsque l’on prenait en compte sa relation avec le défunt jonin qui était son chef d’équipe. La perte de celui-ci devait être d’autant plus amère, et il n’était pas difficile de deviner que depuis, il se renfermait sur lui-même. Lui lancer la pierre ? Tu ne le pouvais pas, tu avais fait la même chose, en te noyant dans les ouvrages et rapports divers à la recherche de la moindre bribe d’informations.

Le tort était en effet partagé entre les membres de Seizan, mais les soldats de Toge était aussi à blâmer. Alors même que vous étiez censés collaborer, ils avaient directement décidé de ne pas intervenir, alors même que l’Ogre possédait des informations importantes sur de possibles terroristes sectaires, en plus que de possibles traces sur votre camarade. Mais tout ça avait eu l’air de leur importer que peu et finalement, cette fameuse coopération s’était effondrée comme un château de cartes.

« Je vois ce que tu veux dire »

Il était aussi vrai que le sabreur n’avait pas hésité une seconde à se dresser en face de l’ogre, et que ça avait en partie mené à la mort de l’adoratrice des Sakura. Mais la faute était partagée entre tout les membres de l’équipe.

« J’ai aussi décidé de suivre ton jugement en tant que chef d’équipe Kyoshiro, on est tous responsables pour ce qui est arrivé. J’ai moi-même placé la vie de cette femme après notre mission, et c’est une responsabilité à porter. Le fait qu’on y repense prouve qu’on est humain après tout »

Tu en avais vu des cadavres, et de nombreux dans un état plus que terrifiant. On t’envoyait souvent récupérer le corps des soldats tombés au combat. Pourquoi ? Parce que tu étais détachée de tout. Tu avais simplement accepté les morts les plus horribles comme un élément à part entière de ta vie. Mais c’était la première fois que tu avais entendu ce genre de son. Le craquement de ses os. Le suintement macabre de matière cérébrale à travers le crâne écrasé. Bien loin de l’image que tu renvoyais, chaque vie perdue était un drame à tes yeux. Tu ne pouvais juste pas t’offrir le luxe de le montrer. Tu laissais simplement le sentiment de culpabilité te dévorer de l’intérieur, en dissimulant tout ça derrière un calme glacial. Mais pas aujourd’hui. Dans le cœur de cette forge, à l’abris des regards, tu pouvais pour une fois te confier.

Finalement, Kyoshiro verbalisa sa méfiance, sa colère. Ces émotions complexes qui devaient le hanter au quotidien depuis ce jour. Et visiblement, parler était exactement de quoi il avait également besoin. Comme quoi, sans même être proches, tu avais bien fait de venir le trouver.

« Ouais, je suis en colère. Contre eux, contre nous, plus particulièrement contre moi. »

Long soupire puis ta main qui ramène ta longue chevelure sélénite en arrière, te redressant par la même occasion sur le petit tabouret de bois.

« J’suis encore bien trop faible pour être relativement utile. Cette fois, c’était une civile, mais je pourrais entraîner la mort de mes camarades si je stagne à ce niveau. Faut vraiment que je me bouge ... »

Ton regard se posa sur le plafond de l’arrière-boutique. Dansa sur le motif des planches de bois, de longues secondes encore, avant de redescendre sur le sabreur.

« Je pense que le conseil des cinq pétales prépare quelque chose de louche. Je ne saurais pas dire quoi exactement, c’est une question ... d'instinct ? »

Ah, tu te sentais vraiment comme la pire des Kara. L’instinct ne valait pas des connaissances empiriques. Des preuves, pures et dures. Et pourtant, tu ne pouvais pas te détacher de cette sensation malsaine. Les mains redescendues pour se lier entre-elles, posées sur tes genoux. Tes pouces jouaient avec les deux alliances d’argent à tes index, les faisant tourner dans un léger tintement. Ça t’aidait à réfléchir.

« Et puis il y a eu cette soudaine épidémie au temple ... Le timing est plus que suspicieux. Maho a aidé mais les soins traditionnels n’étaient pas efficaces. Tu penses que les jashinistes pourraient voir les édénistes comme une menace directe ? »

Une offense à leur dieu ? Peut-être. Mais tout ces évènements, au même endroit, au même moment ...

Il insistait. Insistait pour assumer toute la responsabilité de l’évènement, en tant que chef de la petite équipe. Un mot remonta lentement dans ton esprit. Un adjectif qui avait émerge dans une conversation avec Hotaru, autour d’une pâtisserie et d’une tasse de thé. Buté. Oui, c’est comme ça qu’elle avait décrit son amant, et tu commençais à comprendre pourquoi. Tu aurais beau insisté, tu n’arriverais pas à le faire changer d’avis. Ce n’était pas pour autant que tu allais changer le tien pourtant.

« Et bien ça prouve simplement que tu es un meilleur chef d’équipe que tu le penses Kyoshiro. Un mauvais leader aurait simplement foncé dans le tas en suivant ses envies, et on serait tous mort sans avoir le temps de lever le petit doigts »

Des chefs d’équipe de ce genre, tu en avais croisé dans ta très courte carrière. Des types qui basaient tout sur l’apparence, mais qui n’avait rien au fond. De grandes et éloquentes paroles à propos d’une virilité et d’un honneur en jeu, tout ça pour cacher un simple manque de réflexion, comme un balatum dissimulant un parquet dévoré par le temps et les insectes depuis trop longtemps. Et s’il y a bien quelque chose que tu pouvais affirmer sans aucun soucis, c’était que l’aveugle n’était pas de la même trempe. Il était bien au-dessus. Assez conscient de ses propres démons pour en connaître les conséquences possibles.

« Tu te lances la pierre mais au final, tu as pris la meilleure décision. »

Tu avais eu tendance à te flageller ainsi par le passé. À te punir mentalement pour des actes qui, finalement, n’avait jamais eu lieu. Mais ce genre de pensées ne faisaient que t’empêcher d’avancer. Elles étaient des chaines, pas une aide.

« En tout cas, si ça t’inquiète de ne pas être en capacités de prendre la bonne décision dans une situation similaire, j’ai quelques ouvrages sur la stratégie militaire qui devraient t’intéresser. J’pourrais t’en résumer le contenu, mais même comme ça, ça risque de prendre pas mal de temps pour tout expliquer »

Philosophes, stratèges, tels étaient tes ancêtres, mais aujourd’hui, tu essayais de t’approprier leurs connaissances pour les faire tiennes. Le processus était difficile, complexe, mais tu progressais un peu plus chaque jour. Cela te semblait bien trop lent, mais il fallait simplement t’armer de patience. Et puis, tes mots provoquèrent une nouvelle réaction chez le forgeron. Une forme d’intérêt, qui lui fit relever la tête dans ta direction, quand bien même ses iris cachées sous son bandeau étaient incapables de discerner quoi que ce soit.

« Vraiment ? »

La surprise avait résonné dans ta voix. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il te propose de t’entraîner ensemble. Tu étais loin d’être la plus nulle de Seizan, mais Kyoshiro était célèbre pour son maniement du sabre dans le village des montagnes bleues. Sans doute aurais-tu beaucoup à apprendre à ses côtés. C’était une occasion en or. Te redressant légèrement par réflexe sur ta chaise, les iris illuminées par un mélange de motivation et de curiosité, tu te hâtas d’ajouter.

« Ce serait un honneur ! J’ai encore beaucoup à apprendre et je ne promets pas d’être un adversaire très intéressant pour le moment, mais je comprends vite ! »

C’est ce que te disais ton père, à chaque fois que tu progressais au cours de ses leçons. La chaleur de sa paume se posant sur le haut de ton crâne te semblait toujours dater d’hier. Peut-être car depuis peu, tu avais commencé à te construire un refuge pour ton âme écorchée ? Qui sait. En tout cas, s’il décidait de vraiment te laisser t’entraîner contre lui, tu allais tout faire pour progresser de manière exponentielle ! C’était une facette de ta personnalité que tu ne montrais pas tant que ça, toi qui tenait à paraître professionnelle et calme en face de tes collègues.

Mais ton excitation d’une seconde ne tarda pas à redescendre, quand il fallut se recentrer sur le sujet principal : l’avenir d’Onogoro. Toi, tu sentais le drame sectaire à plein nez, mais cette thématique semblait quelque peut inconnue pour lui. Il fallait simplement ... reformuler.

« Si on était sur un champs de bataille, et qu’un ennemi que tu jugerais instable mentalement voyait une forme ennemie accumuler en puissance, ce serait logique de vouloir la court-circuiter, non ? Mais ça peut aussi être l’action d’une troisième force qui souhaite que les deux premières se sautent à la gorge. »

La politique, la religion, les champs de bataille ... Au final, c’était la même chose. Des partis opposés dont les actions n’avaient que pour seul but de s’imposer aux autres. En tout cas, Toge continuait de fourrer son nez dedans. Vous aviez tous subis un interrogatoire de la part de Toge, alors même que leurs soldats étaient présents sur place.

« Oh, oui, le fameux interrogatoire ? J’y ai eu le droit aussi ... Et pas avec n’importe qui. Minamoto Byakuren, petit prince de l’empire. À croire qu’ils n’ont même pas confiance en leurs propres membres pour se déplacer jusqu’ici. »

Si lui était aveugle, toi, tu ne l’étais pas. La contraction de ses muscles, la colère affichée sur ses lèvres pincées. Tout ça annonçait un craquage et c’était peut-être ce qu’il lui fallait !

« Bon, on arrête la comédie maintenant »

Te redressant sur ta chaise d’un coup, claquant par la même occasion tes paumes sur tes cuisses dans un bruit sourd, tu déclaras, sans laisser place à la négociation à ton ainé.

« On sort se défouler, maintenant tout de suite. J’ai besoin d’évacuer, toi aussi, et c’est pas grave si je me prends la rouste de l’année. Regarde-nous, on dirait deux pauvres petits mioches ! »

Le titiller ? Toi ? Carrément. Mais tu n’aimes pas faire les choses à moitié, c’est pas dans ton caractère, alors tu vas bien t’amuser à appuyer là où ça fait mal, et tu espères bien qu’il fera de même.

Comme un bouchon ayant sauté sous la pression, ton esprit avait décidé de laisser aller toute la colère et la frustration qui s’était accumulée en toi au cours des derniers jours, et impossible de remettre le bouchon avant que celles-ci ne se soient déversées une bonne fois pour toute. Te défouler sur le terrain d’entraînement était la solution la plus pratique et la plus saine pour t’en débarrasser, plutôt que de te laisser emporter à un moment bien moins opportun. Stratégie que l’aveugle approuvait sans aucune hésitation, se lançant après ton petit laïus sur les bienfaits d’un petit affrontement, soulignant par la même occasion le fait que tes arguments étaient juste, les uns après les autres.

« Ouais, il paraît qu’on a toujours été des monsieurs je-sais-tout dans cette famille »

Tapant sur le système de bien des gens, mais terriblement pratique en tant de crise, comme celle qui secouait le cœur du forgeron en ce moment. Le soleil entamait son ascension dans le ciel des montagnes bleues, alors que sans un mot, vous empruntiez le sinueux chemin menant aux fameuses plateformes d’entraînement. Le ciel, peint de diverses nuances de rouges et d’orange, se reflétait sur vos chevelures blanches. Vos pas, dans ce silence de plomb, semblaient résonner d’autant plus contre la roche. Sans doute étiez vous entrain de vous préparer à cracher vos émotions avec les armes. Mais un élément, que tu n’avais pas anticipé, vint briser ce silence, comme un grain de sable dans l’engrenage. Une voix familière, qui s’adressa calmement au sabreur, avant de s’emplir d’un ton offensé en remarquant ta présence.

Vague de colère qui se fracassa contre ta retenue, qui s’écroula face à celle-ci, misérablement. Afflut sanguin brutal, la veine gonflant sur ton front comme un ballon de baudruche. Une inspiration, gonfla tes poumons d’oxygène, avant d’expulser celui-ci sous la forme d’une exclamation enragée.


« EHOH ! LES DIEUX T’ONT FILÉ DES YEUX ET UN CERVEAU ALORS SI TU POUVAIS FAIRE LA CONNEXION ENTRE LES DEUX !! »

L’idée même d’être vue comme une possible amante de l’aveugle t’horripilait au plus haut point. Était-ce donc là la vision que le prêtre avait de toi ? Une femme capable de s’intéresser à un homme prit, et qui plus est, le partenaire d’une proche amie ? Cela avait été comme de l’essence sur le brasier qui te dévorait de l’intérieur. Quelques rapides pas effacèrent la distance encore présente entre ta personne et Maho, avant que ta main droite n’attrape fermement l’arrière de son col.

« Tu vas nous rejoindre pour l’entraînement, ça me donnera l’occasion de te frapper pour tes conneries »

Déchainée ? Oui, totalement. À force de toujours tout retenir, d’être calme et raisonnable, on finit par exploser. Cette facette de ta personnalité, habituellement si bien cachée, n’était pas s’en rappeler un géant au visage balafré avec lequel tu t’entendais bien. Sans mal, tu trainas le pauvre danseur sur la plateforme avant de le relâcher pour te craquer la nuque et échauffer tes articulations. Sourcils froncés, moue agacée, tu en serais presque mignonne, si tu n’étais pas si motivée à cogner pour te défouler et ce, même en sachant que le sabreur avait un niveau bien supérieur au tien.

« J’vous jure, on n’a pas idée d’insinuer des choses aussi honteuses de si bon matin. »

Ton regard se porta sur la chevelure de neige, positionnée à quelques mètres de vous. Il devait te prendre pour une folle face à ce tournant brutal dans ta personnalité. À moins qu’il ne fasse de même ? Après tout, se retrouver accusé de tromper celle qu’il aimait ne pouvait pas être agréable.

« Désolée, j’suis en colère et j’ai besoin de gueuler un peu. »

Un peu ... était un doux euphémisme. À cet instant précis, les traditions Kara avait foutu le camps pour laisser place à la tête brûlée cachée derrière un visage d’ange.

Ta réaction sembla surprendre. Déclenchant un rire chez le forgeron aveugle et laissant le prêtre du temple de fer sans défense, cette explosion subite de colère ne te correspondait pas. En effet, tu étais toujours dans le contenance, à chercher le mot parfait pour gérer une situation. Et cette colère, cette rage avait quelque chose de terriblement libérateur. Parler sans réfléchir, grogner, et puis cogner ! Sans se prendre la tête, sans penser aux conséquences, au moins pour un instant. Alors, quand Kyoshiro approuva ton petit duel face au danseur, un sourire se dessina sur ton visage, et ton regard, comme mille éclats de cristal au soleil, se mit à scintiller.

« Je ne vais pas me retenir ! »

Se retenir serait une erreur, déchainée ou non, de toutes manières. L’artiste martial était plus que talentueux, et même si tu espérais pouvoir lui mettre une raclée, tu savais que tu serais peut-être celle qui finirait au sol. Pourtant, même cette image ne te faisait pas peur. Si tu finissais par terre, c’est que tu auras donné ton maximum, et que tu te seras défoulée, ce qui était le but de la manœuvre. Et puis, Kyoshiro finirait pas vous rejoindre, dans cette valse, à n’en pas douter. Tu ne connaissais pas parfaitement l’homme, mais assez pour savoir que le rôle de simple observateur ne lui allait pas, et pas seulement car ses yeux ne pouvaient justement pas observer.

« J’espère que tu nous rejoindras Kyoshiro ! »

Le prêtre, lui, faisait le clown. Le ton est humoristique, mais bien rapidement, les gestes gagnent en sérieux. Plus lent, plus précis. Ta rage s’apaise, ou plutôt, se concentre de nouveau à l’intérieur. Un fuel pour la brasier qui animerait tes coups. Les respirations s’apaisent, les regards se croisent, la tension monte, légèrement.

« Toi de même Maho. J’espère que tu ne te retiendras pas »


Le poids de ton corps se transfère sur la pointe de ton pied droit, tes muscles se tendent, prêt à réagir dès que ce duel serait lancé. Lentement, cet étrange état de transe s’empare de toi. Le corps soudainement léger, les sens plus fins, le froid qui semble remonter jusqu’à ton cerveau. Le voilà qui s’élance dans ta direction, avec le grâce d’une grue en plein envol, et ton corps se laisse entraîner dans la danse. Une estoque, vive, précise, qui te frôla par la gauche, tandis que tes doigts s’animaient, dans leur propre ballet.

Le rythme cardiaque qui accélère, la sourire qui grandit un peu plus sur ton visage de nacre. Les flocons s’envolent autour de vous, soulevés par vos pas pourtant léger. Un dernier mudra, chien perdu dans une multitude d’autres animaux et enfin, te voilà répliquant.


Projetée soudainement en direction du prêtre, la technique fuiton créa un voile d’eau séparant celui-ci de ta personne, une petite seconde. Une seconde précieuse, que tu utilisas pour te projeter sur le côté et contourner l’artiste martial, tout en créant de nouveau une suite de signe, qui s’arrêta en main. Vos corps se rapprochèrent, tandis que tu apparaissais maintenant sur la droite de l’homme. Regard intense. Chevelure se mêlant à la neige. Souffle retenu. L’hésitation ne faisait pas partie de ton vocabulaire. Pas aujourd’hui. Pas sur le champs de bataille. Hésitation était égale à la mort quand les armes s’entrechoquaient.

Ta main approcha soudainement des côtes de l’homme. Rapide, précise, elle se tendait loin de ton corps, dans une suite de mouvement qui avait jusque-là, été parfaitement réfléchis pour mettre Maho en difficulté.


Si tu réussissais ton coup, l’homme verrait sur lui se tracer les courbes d’un sceau, vile, fourbe. Il sentirait ses muscles le trahir, s’engourdir, comme si ceux-ci décidaient de s’endormir sans qu’il ne puisse y faire quoi que ce soit. Tu l’avais dit, non ? Tu n’étais pas là pour jouer.

La réactivité du moine l’honorait. Alors même que tes précédents coups avaient eu pour but de le déstabiliser, et de te faire gagner de précieuses secondes pour agir, celui-ci avait réussi à attraper ton avant-bras tandis que tu portais ton coup. Une manœuvre qui aurait pu être une parfaite riposte, si son timing avait été juste, et si tu étais une experte en taijutsu. C’était là l’erreur de ton camarade à la chevelure d’ébène. Ancré dans ses anciens souvenirs d’une danse, plus qu’agréable, partagée il y a déjà plus d’un mois, Maho avait conclu que ta danse était ton arme. Une conviction qui s’effrita et tomba en morceaux bien rapidement quand soudain, ses forces l’abandonnèrent et que des noires marques se dessinèrent sur sa peau.



Un bond en arrière, et tu pu remettre de la distance entre toi et l’artiste, pour te préparer à la suite de votre petit jeu. Tu ne pu néanmoins pas retenir un petit sourire en coin, alors que l’homme réalisait qu’il t’avait sous-estimé, et que cela allait maintenant lui couter cher. Le dos légèrement courbé, les appuis bien ancré dans le sol, un rire, léger, passa la barrière de tes lèvres.

« Tu es un peu trop pressé de crier victoire Maho ~ J’espère que tu as un peu plus d’endurance tout de même, sinon, je risque d’être déçue ! »

Il fallait bien envoyer une petite pique, sinon, ça n’aurait pas été drôle, pas vrai ? En tout cas, cela sembla motiver l’éphèbe. À leurs tour, ses mains s’animèrent dans un élégant ballet, qui dédoubla la menace face à toi. Visiblement, il connaissait les bases du ninjutsu ... Mais savait-il faire autre chose ? Il fallait que tu restes prudente pour ne pas te faire avoir. Le déconcentrer était une stratégie légitime, en plus d’être amusante. D’une main, tu te fis un peu d’air avant de déclarer.

« Deux contre une pauvre jeune fille ? Et bien, c’est que je dois vraiment te faire peur ! »

Tu doutais de voir le prêtre se laisser décontenancer par si peu, et pourtant, ce genre de petites taquineries t’avaient déjà rendu de bons services lors de tes missions. Comme ce brigand, trop insulté d’être mené à la baguette par une femme, qui s’est alors refusé le droit de se servir de son sabre. Un véritable idiot, qui croupissait maintenant en prison pour ses crimes. Et finalement ... Tu n’eu pas l’occasion de savoir si ce petit jeu avait réussi à embêter un peu ce très cher Maho, car soudain, une voix, féminine, et que tu connaissais par cœur, cria vos doux nom avec l’excitation et la joie d’un jeune chiot. Relevant la tête, tu pu découvrir Hotaru, venu elle aussi, en quête d’un bon entraînement. Un grand sourire étira tes lèvres, et d’un large geste de main en l’air, tu la saluas à un tour.

« Salut Hotaru ! Sublime, comme toujours ! ~ »

Toujours se supporter entre amies ! Et puis, c’était aussi une petite piqure de rappel pour ce cher aveugle, qui sans vraiment le savoir, avait pour compagne une femme magnifique, en plus de tous ses talents. Forte, intelligente, et pleine de bonté ... Tu espérais vraiment que les deux amoureux finiraient par retrouver leur complicité passée. Et peut-être que cet entraînement en était l’occasion. En tout cas, la samourai à la chevelure sombre semblait motivée. Kyoshiro l’accepta, et avant même de pouvoir reprendre, votre échauffement prit fin, te laissant sur ta faim, mais prête à attaquer un repas plus consistant. Il fallait juste décider du menu à présent. En tout cas, pour toi, les choses étaient claires. Pointant l’aveugle du menton, tu déclaras, simplement.

« Tant que j’ai l’occasion de me battre avec Kyoshiro, je suis ouverte à toute proposition. »

Après tout, de base, c’était contre lui que tu étais venue te battre.

« J’espère apprendre beaucoup en me prenant une rouste »

Un nouveau ricanement secoua ta poitrine, alors que ramenais ta chevelure en arrière d’un geste fluide et léger. Ah, vraiment, tu ne prenais un tel plaisir qu’au combat ! C’était l’exutoire parfait, et ça tombait parfaitement bien, car tu avais beaucoup, beaucoup de stress à évacuer en ce moment, et c’était la même chose pour Kyoshiro.

Ton petit jeu d’actrice n’avait pas suffit à faire baisser la garde au danseur martial et bien que vous étiez tout les deux motivés à continuer votre petite joute d’échauffement, vous furent obligés d’y mettre terme quand l’énergique guerrière à le sombre chevelure fit son entrée. Cela n’empêcha pas Maho de te lancer une petite boutade, habilement placée. Assez pour te faire rire et te prêter au jeu.

« Bouh ~ ! »

Geste de mains éloquents pour accompagner ton onomatopée, tes mains s’ouvrent en grand de chaque côté de ton visage avant de redescendre, plus mollement, sans que ton rire ne se stoppe. Comme si un simple petit son allait faire trembler le danseur ! Le fuin en revanche, était une bonne option pour pousser celui-ci dans ses retranchements. Comment aurait tourné le combat, s’il avait continué ? Le jeune homme aurait-il reprit le dessus ? Ou bien aurais-tu eu l’occasion de l’affaiblir, encore et encore, jusqu’à finir par le mettre à terre ? Rien ne te permettait de le dire. Tu avais certes pris l’avantage à votre premier échange, mais tu connaissais assez bien le guerrier pour le savoir en capacité de retourner la situation à son avantage.

Votre petit et bien trop court échange n’avait alors été qu’un apéritif, et ta faim n’attendait maintenant que le plat de résistance. Un combat contre deux véritables pointures, plus que respectées au village. Tu avais déjà eu l’occasion de t’entraîner contre Hotaru, et jamais, au grand jamais, tu n’avais été capable de la battre. Experte des armes, ses techniques étaient bien plus offensives que les tiennes. Mais tu avais progressé depuis le temps ! Tu comptais bien surprendre la jeune femme aujourd’hui !

Et puis, il y avait Kyoshiro. Celui que tu brûlais d’affronter. Opposer vos rages respectives. Cracher tout ce qui vous reste au fond de la gorge depuis cette foutue mission. C’était la raison de ta venue, et bien que tu te prendrais sans doute une sacrée rouste face à un des sabreurs les plus doués du village, tu ne comptais pas le laisser repartir sans le mettre en mauvaise posture. C’était une promesse. Pour atteindre ce but, il te fallait un partenaire en pleine forme ! Heureusement que Maho te ramena sur la terre ferme pour te demander de lui enlever ton sceau, avant de soupirer. Sans ça, tu aurais été capable d’oublier, te connaissance. Tu haussas néanmoins un sourcil, en observant sa mine peu convaincue, tandis qu’après avoir composé un mudra, tu touchais le sceau pour le retirer de manière plus efficace.

« Et bien, tu n’as pas confiance en moi Maho ? Même si on ne gagne pas ce duel, je ne compte pas me laisser faire, j’espère que toi aussi. »

Tu connaissais quelques cartes de l’éphèbe. Il n’avait donc aucune excuse pour se laisser ainsi démotiver face aux deux monstres du kenjutsu qui se dressaient devant vous. Détermination, travail ... Il savait que ces valeurs étaient chères à ton cœur pourtant ! Ce n’était néanmoins pas le moment de se laisser aller à ce genre de pensées, car l’aveugle avait déjà commencé à prendre une posture qui signifiait que lui non plus, n’allait pas y aller de main morte contre vous. Reprenant ton sérieux, tes iris s’affinèrent. Dans le sol, tu plantas tes appuis, prête à bondir dès que le sabreur viendrait à toi et, profitant de ta proximité avec l’élégant artiste qui t’avais offert par le passé un délicieux spectacle, tu murmuras.

« Maho, j’ai un plan, mais j’ai besoin de réussir à toucher Kyoshiro ... Si tu vois une occasion, tu peux m'aider avec ça ? »

Vous étiez maintenant une équipe, et bien que tu aurais préféré avoir le temps d’échanger plus longtemps avec lui, vous n’aviez pas ce luxe.

Une inspiration, profonde. L’air glacial pénétra tes poumons, calma, pour un instant, ce brasier en toi. Ton regard se posa sur le lisse bandeau corbeau, qui contrastait tant avec la chevelure blanche et hirsute du soldat et, bien qu’il ne pouvait pas te voir au sens traditionnel du terme, tu eus comme l’impression d’échanger un regard avec lui.

« Quelle coïncidence, j’ai aussi besoin d’un cobaye »

Ton bas, concentré, presque comme un murmure. Les secondes passaient, et tes muscles se préparaient à l’envol. Le sang tapant contre tes tempes. Ton cœur qui ralentit, battement après battement. Étrange état de transe guerrière, qui te change, du moins, en partie. Comme emportée dans un autre monde, tu cesses avec tes blagues, et tes amusantes mimiques. Un état qui te permit de rester maîtresse de tes réactions, alors que devant toi, s’animait une étrange scène. Ballet de chaire et d’acier, le sabre et le sabreur ne devenait qu’un. Tu aurais pu l’arrêter, oui. Alors pourquoi es-tu restée immobile ? Pourquoi l’as-tu laissé prendre en puissance ? Est-ce parce qu’en réalité, tu espères le combattre à son niveau le plus haut, quand bien même il te réduirait en miettes ? Peut-être que te faire passer à tabac allait te faire sentir mieux. C’est bien à ça que tu penses, pas vrai ? C’est à ce point que tu t’en veux ?

Mais nous n’avons plus le temps pour parler de tes envies suicidaires Saki. Nous en parlerons après, quand tu ne pourras plus bouger, épuisée.

Enfin, le blandinet bondit dans ta direction, bien déterminé à se défouler et, à la manière d’un reflet, tu te lanças à ton tour dans sa direction, oubliant Maho et Hotaru et prête à relâcher ta rage. Mais alors que vous étiez sur le point de rentrer dans le périmètre l’un de l’autre, ta main glissa soudainement sur le sceau placé au niveau de ta hanche, pour en faire apparaître une sphère étrange, que tu balanças aux pieds du sabreur avant de laisser tes mains se lancer dans une élégante et dangereuse danse.

Une bombe.


Une explosion. Brutale, mais pas assez pour causer de grave blessure. Pourtant, celle-ci se montra à la hauteur de tes attentes. Détonation bruyante, sourde, et soulevant la tête à son explosion, la bombe créa une barrière sensorielle, que tu espérais suffisante pour te faire gagner un effet de surprise.

Le torse pivote, les mains terminent leurs danses, rapidement, l’index droit se tends, en direction de la demoiselle à la fine lame. Tu sens ton cœur battre. L’adrénaline qui s’insuffle dans tes veines, lentement. Ton regard est figé sur elle. Oui, c'est Hotaru que tu vises, dans l'espoir d'offrir un unique coup de main à l'éphèbe dans son duel.



Le projectile s’élance, dans une ligne droite, simple, mais dangereuse. Tu n’as malheureusement pas le temps de voir si cela fonctionne, car déjà, tu te prépares à esquiver un coup d’une dangerosité non-négligeable de la part de ton adversaire.

Disharmonie d’esprits. Pensées désaccordées. Ce que tu voyais comme une banalité du champs de bataille était perçu comme une injustice par l’éphèbe. Fossé creusé entre shonobi, samourai et prêtre. Mais le champs de bataille en avait-il vraiment quelque chose à faire de l’honneur ? La lame se stoppait-elle au moment de trancher ta gorge, tout ça parce que tu as joué fairplay ? Dans un monde aussi froid et cruel, cette manière de pensée te divisait : était-ce de la naïveté ? Ou cela leur permettait de maintenir la barque au quotidien ?

Pas le temps de réfléchir. Contrattaque éclair, les muscles de l’aveugle semblaient être des ressorts. Instinctif, animal, c’était cet état qui vous permettait d’aller vite. D’avancer, de réagir, sans laisser le temps à l’autre de reprendre son souffle. Mouvements dissimulés dans le nuage de brume provoqué par ton adversaire, tu devinais aisément la suite : Il viendrait te chercher, au corps à corps. Sans pitié, rapide, précis. Esquiver une suite d’attaque allait être difficile. D’un point de vue physique, il était plus en forme que toi. Tu devais encore progresser. Et si tu ne pouvais pas t’élever à son niveau d’un claquement de doigt, tu pouvais le faire descendre au tien. C’était la seule option qui s’offrait à toi, et ça tombe bien, car tu avais un plan.

Mâchoire serrée, muscles tendus, tu t’empressais de laisser le chakra caresser le bout de tes doigts à travers une suite complexe de mudra. Energie Yin concentrée, douce caresse d’une nouvelle arme entre tes mains. Regard perçant, souffle lent, maîtrisé, tu cherchais à savoir d’où l’attaque viendrait. La fumée grisâtre se mouva, attirant ton attention. Crispation du dos, longue inspiration, et puis, la lame, s’allongeant soudainement à la recherche de ta chaire. Première esquive. Le second coup de lame entailla ta cuisse.

Grincement de dent, froncement de sourcil, l’écarlate commença à entacher le tissus.

« Tch, trop lente ... »

Troisième coup, plus violent, emporta avec lui la peau de ta bras droit, laissant couler derrière lui un filet de sang qui rejoignit ta main, lentement, sûrement.


Le rythme légèrement plus lent, alors qu’il s’apprêtait à abattre la lame sur toi à nouveau pour un quatrième coup. Occasion d’or, pour ce mudra retenu précieusement entre tes mains. Sourire carnassier, s’étirant sur tes lèvres, alors que déjà, ta jambe intacte te projetait sur ton adversaire avec force et vitesse.


Ta chevelure dansant derrière toi, comme un éclair blanc. Ta paume se tendant en direction de son torse, et puis soudain, une nouvelle impulsion, te faisant changer d’angle d’attaque, dirigeant ta main en direction de son bras encore tendu de son attaque.


Sceau imprégné de suiton sacré, c’était là une arme particulièrement dangereuse contre celui qui se reposait sur ses sens dans ses combats. Que ferait-il, s’il venait à ressentir ton énergie troubler tout ses sens, et le ramener à un état d’impossibilité sensorielle ? Il était aisé de deviner qu’il n’aimerait pas. Pas du tout même. Mais tu avais bien dit que tu étais prête à te battre, et à cracher toute ta colère aujourd’hui, pas vrai ?