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Lors d'un affrontement, tout était question de détail. La victoire ne revenait pas toujours au plus fort, au plus rapide ou au plus gâté par la nature en terme de capacités spéciales. S'il s'agissait de critères assez efficacement sélectifs, avouons-le, il en était un qui était bien souvent négligé, alors que pourtant, c'était le plus important. Car durant ces siècles durant lesquels l'humanité avait dû faire face à ces créatures chakratiques sans le moindre avantage sur le papier, c'était grâce à ce dernier critère : le souci du détail. C'était, depuis la nuit des temps, ce qui faisait la force de l'être humain. À tant courir après des pouvoirs extraordinaires, l'on en oublierait presque que le plus ordinaire des pouvoirs était en vérité le plus puissant d'entre eux.

Cette philosophie, enseignée par Tō à Mitte depuis son plus jeune âge, guidait le moindre de ses gestes, de ses réflexions, d'autant plus au combat. Il s'évertuait à montrer que sans rien — si ce n'était, à la rigueur, son sabre — il pouvait vaincre n'importe qui. Et il allait s'efforcer à le prouver une fois de plus.

Les deux potentielles menaces approchaient chacune d'un côté. La cadence de leurs foulées donna-aient le rythme, comme les battements d'un tambour de guerre. Mais Mitte n'était pas du genre à suivre le tempo. Sur un champ de bataille, c'était lui le chef d'orchestre. Aucun temps, aucune mesure, pas le moindre groove ne pouvait être joué sans qu'il n'en ait décidé. C'était ainsi qu'il voyait les choses.

Présentement, cela se traduisait par une volonté de casser la stratégie de son adversaire, en jouant sur les ouvertures, les vides et les creux que laissaient la mélodie adverse. Comme un guitariste qui ferait un solo, il ne connaissait aucune partition, mais sentait intuitivement tout ce qu'il avait à faire en se laissant bercer par la nappe harmonique qui résonnait en fond. Genzō et son clone illusoire étaient à moins de dix mètres du samouraï, et celui-ci, toujours immobile, entama enfin un mouvement.

D'un mouvement de la tête vers la gauche puis vers la droite, Mitte était en prise d'informations : il prenait note des distances et donc des timings. Quoi que le Fou ait en tête, la meilleure solution était de se désaxer. Prendre un ennemi en sandwich pouvait vite se retourner contre soi... Mitte le savait très bien et comptait en jouer. Le tout était de savoir quand son adversaire allait réellement passer à l'action. Lorsqu'il vit ses deux assaillants former des mūdra, il sut que c'était le moment. D'un coup d'un seul, il frappa du pied droit le sol rocailleux qui, en plus de creuser un petit cratère, leva un fin écran de fumée. Mais c'était loin d'être assez épais pour maquiller le samouraï de la vue de son ennemi. Dans quel but avait-il fait cela dans ce cas ? Quoi qu'il en fusse, il s'élança en arrière d'un vif saut, puis d'un deuxième, s'éloignant de son ancienne position de deux grandes foulées bondissantes. Durant son déplacement, l'hologramme aux allures de panda était apparu sur sa gauche. Ayant reculé, il avait en visuel ses deux ennemis ainsi que l'ours situé à son ancienne position en bordure de forêt. Rien ne pouvait lui échapper. Pas même ces deux lancers de kunaï qui, visant la position qu'il venait tout juste de quitter, prirent finalement d'assaut leurs propres alliés.

Fort heureusement pour Genzō, le kunai qu'il s'était lancé lui-même était illusoire. Et fort heureusement pour la cible du véritable lancer, celle-ci était illusoire également. Les armes passèrent donc chacune au travers de leurs obstacles, et ce sans qu'on ne puisse déterminer laquelle était réelle ou illusoire. Rien, si ce n'était cette petite traînée de poudre sablonneuse qui fut emportée dans le sillage du kunaï qui provenait de sa droite lorsque celui-ci traversa l'écran de poussère.


C'était un bien moindre détail, mais c'était tout ce dont Mitte avait besoin. Cela permettait de déduire, malgré les précautions de son adversaire, où se trouvait le véritable Genzō. Ce dernier, de par sa position, n'avait peut-être même pas remarqué que sa position avait été trahie par ce simple détail, qui était hors de son champ de vision, puisque maquillé par l'écran de poussière. Il ne devait certainement pas s'attendre à être pris d'assaut aussi rapidement...

Car sans plus attendre, le samouraï s'était déjà laissé tomber vers l'avant, jusqu'à avoir le corps pratiquement à l'horizontale, avant de pousser sur ses appuis d'une puissante impulsion, projetant son corps à grande vitesse aux pieds du Fou. La main fermement resserrée sur le pommeau de son sabre, il préparait un coup de sabre ascendant d'un revers du bras droit, coup qui causerait une entaille  sur toute la partie gauche du buste de l'illusionniste si le sabreur n'avait pas frappé en gardant son fourreau...

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Le fourreau de Mitte traça un arc de cercle dans le vent, frôlant le menton de son acolyte, qui, d'un mouvement désarticulé, parvint à éviter de se prendre une sacrée frappe. Mitte n'y était peut-être pas allé à fond, mais c'était néanmoins une très belle esquive. Seulement, en situation réelle, l'ennemi n'allait pas être sur la retenue. C'était ce que qu'il essayait de lui faire comprendre à travers ce duel. La route qu'ils avaient décidé de prendre allait être parsemée d'embûches, et ils se devaient d'être parés à toutes les éventualités pour survivre. Feignant de poursuivre l'Illusionniste, le samouraï laissa finalement Genzō prendre ses distances, renfilant son fourreau dans sa ceinture.

— C'est pour toi que j'fais ça. Je serai peut-être pas toujours là pour te couvrir. En mettant en évidence tes faiblesses, je t'évite d'être pris au dépourvu. Tes capacités pourraient être redoutables au combat, il faut juste qu'on développe une stratégie.

Le samouraï soupira. Ce n'était pas qu'il était déçu par son partenaire, mais il était las d'avoir une vision si approfondie du combat. Parfois, les solutions lui sautaient aux yeux, mais les mots lui manquaient pour les exprimer. Il marqua un long silence pensif, le temps de trouver une formulation.

— Tu vois tout à l'heure, lorsque tu as esquivé, pendant ton recul, j'aurais pu te poursuive et te cueillir immédiatement. Tu aurais dû dégainer un kunai, afin de couvrir ta fuite si jamais j'entamais une course dans ta direction. Cette arme est beaucoup plus dangereuse que tu ne le crois. Et tu la manies rudement bien, alors profites-en. Regarde.

Il s'accroupit afin de se saisir d'une grosse pierre. Pas si lourde que ça, elle était de forme allongée, de telle sorte qu'en la tenant dans sa paume, une petite pointe arrondie dépassait de sa main, formant presque un petit kunai. Il tenait l'arme en main gauche, "lame" vers le bas, les deux bras levés à mi-hauteur en guise de garde. Sa posture, jambes fléchies et sautillantes, indiquait clairement qu'il allait engager le combat rapproché. Il attendit un bref instant, et, que Genzō soit prêt ou pas, il lui bondit dessus.


De deux vifs pas, il rongea la distance qui les séparait. Puis, lorsqu'il fut à portée, il envoya un coup de pied circulaire du gauche, à basse hauteur, visant à frapper derrière le genou droit de Genzō avec le dessus de son pied. Mais alors que le coup s'apprêtait à faire mouche, Mitte envoya d'un puissant revers le caillou qu'il tenait en main gauche, de sorte à ce qu'il passe sous la garde du Fou et vienne le saisir en pleine gorge. Le lancer, mou et atténué expressément, n'avait pas le potentiel de causer de gros dégâts, mais il pouvait au moins faire toussoter sa victime s'il se le prenait de plein fouet.

Mais le plan de Mitte ne s'arrêtait pas là. Ayant reposé le pied gauche juste derrière le pied droit de son adversaire, il avait terminé de profil, presque contre Genzō. Désormais tourné sur sa droite, et le poing droit armée à sa taille, il était prêt à décocher un puissant uppercut en plein plexus, mouvement renforcé par le pivot de son buste afin de se remettre de face par rapport à Genzō.


Le coup, également retenu, avait plus pour but de repousser la cible que de lui causer de réels dégâts. Il n'en était pas moins désagréable à encaisser... En tout cas, avec ça, Mitte espérait que Genzō allait comprendre de lui-même comment il pouvait utiliser ses capacités à bon escient. Ses techniques n'étaient pas utiles qu'à distance, elles avaient un véritable potentiel même en combat rapproché. Utiliser des feintes telles que celles-ci, combinées à des clones illusoires pouvait véritablement mettre à mal tout un groupe d'ennemis à lui tout seul. Il ne lui manquait que de la pratique. Rien ne remplaçait l'expérience acquise véritablement sur le terrain. Mais il n'était peut-être pas encore prêt pour ça...

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L'enchaînement du samouraï avait totalement surclassé Genzō, qui, avec son corps de pantin désarticulé, avait valdingué en arrière. Il y était peut-être allé un peu fort... Après tout, c'était à la dure qu'on progressait le plus ! Mitte avait appris comme ça. Tō était peut-être une belle femme, très féminine, mais elle n'était pas du genre tendre. C'était une grande guerrière, qui, jusque dans ses derniers instants, s'était toujours battue avec une férocité animale.

Mitte se sentait bien doux en comparaison. À son plus grand dam. En même temps, cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas battu à fond. L'on avait pas l'occasion tous les jours de déverser sa colère et sa haine à travers des coups de sabre sanglants. Et heureusement. Quoi qu'il en soit, l'heure n'était pas à la catharsis, et il fallait qu'il calme ses ardeurs. Il s'avança lentement jusqu'à son partenaire, dans l'idée de l'aider à se relever, quand un inconnu approcha soudainement.


D'un regard interrogateur, le samouraï zieuta le nouveau venu de haut en bas, le questionnant ainsi sur la raison de son approche. Il arqua un sourcil suspect lorsqu'il vit l'insigne officielle du Chūnin de Seizan, mais resta parfaitement calme, sachant qu'il n'avait rien à craindre de sa part.

— Je n'ai pas pour habitude de me mêler à des inconnus. Mais puisque nous nous préparions pour un long voyage, j'imagine qu'un petit coup de main n'est pas de refus. Nous n'avons jamais eu l'occasion de tester nos combinaisons sur une cible vivante... fit-il en haussant les épaules, d'un air presque moqueur. Si tu te proposes, ça me va, mais faudra pas pleurer si tu rentres avec quelques bobos !

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Le ton provocateur de Mitte n'avait pas causé tant de réaction chez son interlocuteur. Une information qu'il prenait volontiers pour se faire une idée de la personne qui lui faisait face. Quand bien même Kunao s'était présenté, c'était, malgré cela, toujours un inconnu à ses yeux. Le moindre élément susceptible de mieux l'appréhender était bienvenu. Toutefois, pour l'instant, il n'était pas bien avancé. Kunao transpirait la confiance, mais cela pouvait témoigner de deux choses : soit il avait de bonnes raisons d'être confiant, soit il était complètement fou. Il préférait opter pour la première option, s'entraîner avec un ignare dénué de talent n'avait aucun intérêt.

Constatant le silence prolongé de son acolyte, il décida de répondre.

— Kara Mitte, enchanté. Pas la peine de te présenter ce type chelou, tu ne retiendras certainement jamais son nom. Il ria, en regardant son compère d'un regard moqueur, avant de reprendre. Et surtout, que le ou les meilleur(s) gagne(nt).

Tout le monde semblait prêt. Genzō se mit en mouvement. Mitte, lui, resta immobile, droit comme un I, dressé face au second sabreur. Il plongeait son regard dans le sien, hissant sa main droite jusqu'au pommeau de son sabre. Lorsque deux samouraïs se rencontraient de la sorte, l'envie de croiser le fer leur montait vite à la tête. Seulement, ils ne devaient pas oublier qu'il ne s'agissait que d'un entraînement... Et puis, ils n'étaient pas seuls. Ce n'était manifestement pas un duel d'escrime. La poigne de Mitte se desserra légèrement, et la crispation dans son corps avec. C'était avec une toute autre ferveur qu'il engagerait ce combat : son honneur de samouraï n'était pas en jeu, car il s'agissait là d'une avant-première, visant à calibrer les deux partenaires l'un sur l'autre afin d'améliorer leur jeu collectif. Qu'il l'emporte ou non, cela n'avait aucune incidence quant au fait de savoir lequel des deux était le meilleur sabreur.

Mitte plongeait toujours son regard dans celui de son adversaire, tandis que le Karasu avait déjà commencé à poser son jeu. Une dizaine de clones illusoires étaient apparus, émergeant du sol comme s'il s'agissait d'un Doton no Bunshin. Tous, original compris, entreprirent des courses effrénées autour de leur adversaire commun. Le samouraï restait encore immobile. Tout était une question de timing, et le moment qu'il attendait pouvait arriver à tout instant. Mais sa posture restait menaçante. Kunao était à portée de son Iaidō. Il était d'ailleurs probablement à portée du sien également. Mais ce n'était pas le plus important. Pour le moment, il restait ainsi, afin de captiver l'attention du bretteur qui lui faisait face. S'il faisait le moindre faux-pas, ou qu'il décidait de s'attaquer à Genzō, il lui fonderait dessus sans la moindre once d'hésitation.


Voyant finalement que le jeu de Genzō avait été mis en place, Mitte se mit enfin en mouvement. Zigzaguant entre les clones, il s'avança en direction de Kunao. Alors que deux mètres seulement les séparaient, le pic illusoire de Genzō sortit tout à coup du sol, se plaçant entre les deux épéistes et cherchant à saisir l'inconnu au niveau de la cuisse. Qu'il comprenne ou non qu'il s'agissait d'une illusion, cela allait sans doute surprendre légèrement l'homme aux cheveux blancs, qui ne pouvait certainement pas diviser son attention sur autant d'éléments à la fois. Et le temps qu'il perçoive le pic, puis décide de s'en prévenir — ou bien qu'il décèle l'imposture, qu'importe — il allait forcément porter son attention dessus un infime instant. Instant durant lequel Mitte avait fondu sur sa droite, en adaptant sa trajectoire aux éventuels déplacements de Kunao, de sorte à arriver sur le flanc gauche de sa cible. Il arrivait quasiment de dos, le regard tourné par dessus l'épaule droite afin de garder en visuel son adversaire. Il se réceptionna de son déplacement rapide en position accroupie, et rebondit dans le sens inverse de sorte à envoyer un revers glissant du pied droit.


Mitte visait à balayer les jambes de Kunao. À ce même moment, le Kage Bunshin de Genzō était arrivé sur le flanc droit du sabreur aux cheveux argentés, et s'apprêtait à lancer un kunaï, avec toute la puissance et la précision qui étaient siennes, prêt à le cueillir dès sa réaction au balayage. Imité par une dizaine de clones inconsistants, Kunao voyait en fait onze projectiles converger sur sa position, tous lancés suffisamment haut pour passer au-dessus du samouraï toujours accroupi, qui, main droite sur le pommeau de son sabre, était prêt à réagir aux moindres faits et gestes de sa cible. C'était le moment de vérité. Les deux compères allaient avoir un premier aperçu de ce que valaient leurs stratégies.

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De par son éducation de noble, au sein du clan Yanwa, dans le cadre d'un échange diplomatique, Mitte avait été instruit et initié à plusieurs formes artistiques. Si les arts martiaux étaient ceux qu'il avait le plus pratiqué, jusqu'à passer maître en la matière, il était néanmoins un fervent connaisseur de poésie, d'art pictural ainsi que de musique. Cette dernière était d'ailleurs une discipline pour laquelle il n'avait pratiquement aucun talent, et pourtant, c'était un fin connaisseur. D'ailleurs, il ne pouvait s'empêcher de faire le parallèle entre ces deux disciplines. Les deux pouvaient se pratiquer seul, mais étaient toujours plus amusants à plusieurs. L'un comme l'autre pouvait ne nécessitait aucun matériel, mais pouvait s'agrémenter d'instruments. Mais il poussait l'analogie beaucoup plus loin que ça...

Le point commun le plus essentiel était le rythme. La musique se décomposait en mesures, elles-mêmes découpées en temps. Chaque subdivision temporelle était alors découpée en nombre pair ou impair, le morceau étant, en fonction, en binaire ou en ternaire. Mais les musiciens les plus habiles et les plus doués en terme de rythmique savaient agrémenter du ternaire au sein d'un morceau binaire, et vis-versa. Mal géré, l'on pouvait totalement massacrer une chanson. Mais utilisé à bon escient, cela permettait de créer un décalage, un effet de surprise, et surtout, une grande satisfaction à l'instant où binaire et ternaire se synchronisent à nouveau. Mitte adorait ça. S'il avait dû devenir musicien, il serait certainement percussionniste : avec sa voix nasillarde, il ne se voyait vraiment pas chanteur, et puis, en tapotant simplement sur des peaux tendues ou des objets de boisaille ou métallique, l'on ne pouvait pas faire de fausse note...

Le percussionniste, à la manière d'un chef d'orchestre, était celui qui donnait le rythme. Lorsqu'il ralentissait, tout le monde levait le pied. Et lorsqu'il accélérait, le reste de la troupe devait presser le pas. Mitte n'aimait pas jouer les capichefs, mais il adorait, bien malgré lui, être celui qui prenait les choses en main. Percussionniste. Bel et bien un rôle qui lui seyait à ravir. Car même au front, c'était généralement celui qui donnait le tempo. Il mesurait chaque pulsation, chaque subdivision temporelle comme un véritable métronome. Instaurant un rythme à chaque bataille, il avait le don de bercer ses cibles avec de tendres mélodies, avant de les surprendre avec une envolée lyrique dont lui seul avait le secret. C'était à cela que l'on reconnaissait les grands artistes.

Aujourd'hui encore, cela se traduisait à travers ce combat. Dès l'instant où Kunao s'était proposé comme adversaire, Mitte avait joué la carte de la condescendance. Ce n'était pourtant pas dans ses habitudes de prendre de haut qui que ce soit. Bien qu'il n'aime pas se mêler aux inconnus, le ton provocateur qu'il avait pris n'était que l'ouverture d'une douce sonate ayant pour but d'endormir subtilement celui que l'on surnommait Croc-Blanc. Ce dernier semblait sûr de lui, voire carrément amusé, comme s'il ne les prenait pas au sérieux. Et Mitte n'était pas du genre à se vexer. Au contraire, il était amusé également, et voulu jouer de la situation pour mieux l'embobiner. Il surjoua donc son assurance en retour, et s'accapara toute l'attention du samouraï de Seizan tandis que Genzō jouait les premières notes de leur symphonie. Peut-être même sans qu'il ne s'en rende compte, Kunao se synchronisait sur la cadence imposée par ses adversaires. Mais si le percussionniste changeait de rythme sans prévenir, comment allait-il rester en phase ?

Ainsi, Mitte ne fut absolument pas surpris lorsque l'homme aux cheveux argentés parvint à parer son coup de pied circulaire, ni lorsqu'il esquiva la salve de kunaïs lancés à l'instant par l'illusionniste. S'attendant justement à tomber sur quelqu'un d'au moins aussi fort que lui, si ce n'était plus, il aurait plutôt été surpris du contraire... Et le Rōnin pouvait constater avec effroi les qualités techniques et athlétiques de l'homme qui lui faisait face, Kunao se contentant de suivre le rythme avec une aisance déconcertante. Mais là était justement son erreur. Car le rythme venait de s'accélérer subitement.


Après s'être abaissé au niveau du jeune Kara, Croc-Blanc décocha à son tour un coup de pied circulaire, visant à balayer sa cible, avant d'enchaîner avec un coup de fourreau. Lisant le premier coup à travers la gestuelle de son adversaire — son changement d'appui et le pivot qu'il entama afin d'envoyer le kick avec puissance le trahissant largement — il se contenta d'encaisser en forçant sur ses jambes pour résister au déséquilibre. À vrai dire, dans sa position, avec un centre de gravité aussi bas, il était pratiquement impossible de le balayer. Le meilleur moyen de le renverser aurait été de repousser son buste... C'était à cet instant précis qu'un arme blanche fendit l'air pour venir se planter — superficiellement — dans sa cuisse, alors qu'il tendait la jambe pour frapper. Une douleur vive et surprenante (étant donné que le lancer provenait de son dos), qui allait certainement le gêner lors de son coup suivant. Mais la main droite sur sa garde depuis le début de l'affrontement, Mitte n'eu qu'à dégainer son arme, le fourreau avec, de sorte à envoyer un revers ascendant. Il frappa la gaine de bambou adverse avec sa gaine de boisaille, au niveau de la base, de sorte à rediriger le coup de son adversaire dans le sens du sien. Les deux bretteurs se retrouvaient désormais tous les deux avec leur bras armé en l'air. Cependant, l'arme de Mitte était à l'intérieur de la garde de son adversaire, et il n'eut qu'à l'abattre sèchement pour frapper Kunao de plein fouet.




La proximité entre les deux hommes rendait certainement l'esquive impossible. Si Mitte visait l'angle entre la nuque et l'épaule gauche de son adversaire, d'un coup descendant à la verticale et légèrement oblique, c'était n'importe quelle autre partie du corps qu'il pourrait atteindre quand bien même il se déporterait sur un côté ou vers l'arrière.