Ma mère était sortie.

Ce qui me donnait toute latitude pour glander dans la cuisine, avec un café et le soleil qui tapait sur les carreaux. D'ailleurs, avec la luminosité, il fallait les faire... Soupirant devant cette constatation, je m'accrochais au dossier de ma chaise comme si ma vie en dépendait. J'avais peu de vrais jours de repos : Déjà car je faisais mission sur mission pour aucunes raisons autres que ma propre volonté, puis mes jours dans le village étaient ponctués par des entraînements ou des rendez-vous pour planifier d'autres missions... Ce départ à Jujou No Sato, pour chasser des contrebandiers, c'était toute une organisation. Ainsi, je ne me laissais que peu de repos, et ce matin, j'avais choisis de ne rien faire.
Alors, les pieds sur la table de la pièce, je questionnais mes choix de vie active alors que la feignantise gagnait peu à peu mes membres dans une torpeur si... Délicieuse ? Oui, sans doute. Dans mes mains, jointe, une tasse d'un liquide noir et âcre réchauffait ce qu'il y avait à réchauffer puisque le printemps dégageait à grands coups de pieds les derniers vents frais du sommet des montagnes. La vie était douce, quoi qu'on pouvait en dire sur les routes, contre les Yokai. Fermant les yeux, penchant la tête en arrière, je pensais à tous ces jours à me lever tôt pour aller courir ou agiter mon katana, alors que je trouvais tant de sérénité dans une activité si passive. "Et si j'arrêtais d'être un soldat pour être juste un arbre ?"

Toc toc toc.

Un spasme, une grimace et je me remettais droit, posant la tasse sur la table alors que mes jambes refusaient de se lever pour aller voir qui c'était... Je n'avais pas envie.
Qui allait taper à la porte comme ça ? Embêtant les gens actifs qui pouvaient très bien ne pas être là ! J'avais déjà vu des gens sonner ainsi aux portes, proposant de mystérieux comptes formations, ou bien des formules postales pour recevoir le courrier de manière... Plus rapide ? Alors qu'on avait déjà un prestataire, bon sang ! Soupirant, je me levais définitivement pour aller engueuler les inconvenants qui venaient troubler ma méditation du matin.  Fonçant vers la porte en bois qui me séparait de la réalité, je l'ouvrais à la volée pour tomber sur...

- Oh. Grognant, raclant un peu ma gorge pour retrouver de la contenance, je me relaxais alors que ma main tenait encore la poignée de manière brutale. Bonjour.

Devant moi, une fille que je connaissais assez bien : On avait fait nos classes ensemble, quand je n'étais qu'un petit garçon morveux, loin de sa mère. Avec elle, une autre demoiselle, les yeux rougis... Il y avait un problème ? Sans l'ombre d'une politesse, Tomoe m'expliqua le souci... Un frère disparu, mais il fallait faire vite et passer par l'administration du village pouvait prendre du temps.
Dans ce genre de situation, l'urgence était de mise... D'un hochement de tête, je repartais dans la maison pour prendre mon katana qui gisait contre le mur de ma chambre et sans jeter le café dans ma tasse, je revenais vers la lumière de l'entrée, le fourreau dans mon dos, prêt à enquêter.

- Si ce n'est pas une mission officielle, vous avez quand même besoin d'un chuunin pour chapeauter le projet... Rien de hiérarchique, mais il y avait des choses qui revenaient à des soldats basiques, et d'autres à des équivalents d'officiers, ou d'adjudant.

J'avais demandé à Ganryu de m'accompagner dans mes âneries car c'était un général de l'armée, mais pour l'enquête sur un frère absent, ma présence était fortement recommandée, rien que pour éviter les problèmes d'ingérences s'il y en avait... Le pas sûr, j'émergeais dans le jour en regardant fixement la cliente, qui n'en était pas une.

- Dis-moi tout ce que tu sais : Lieu préféré de ton frère, métier, s'il avait des ennemis... Tout peut-être un indice, ou une piste. Ma demande faite, je me penchais vers la jeune femme. Le sujet de la famille était sensible pour elle, j'avais eu des échos de certains de ses... Tracas, ainsi, il était de mon devoir de camarade de soutenir la chose. Je vous suis, on va retrouver le petit...

Il n'était probablement pas si petit en fait, c'était peut-être le grand frère de l'adolescente...

- Garde ton argent, savoir qu'un frère a été retrouvé, c'est déja pas mal... Et puis, je n'ai pas besoin d'argent. Le salaire d'officier à ma petite vie, surtout que je vivais encore chez ma mère. À accumuler les ryos, elle allait me demander de payer un loyer... Ou pire, me trouver un chez-moi !

la figure haute, je sortais du village, sur les talons des deux jeunes femmes... Concentré, quoique un peu troublé par la soudaine demande, je fus soufflé par la vague de question de mon ancienne camarade... Cela faisait un moment qu'on ne s'était pas vu et ma vie demeurait un mystère persistant pour elle. Un moulin à parole, presque aussi venteux que les hauts plateaux qu'ils traversaient... "Le village de la demoiselle est encore loin ?" Observant un instant Tomoe, sans rien, je répondais aux plus cohérentes des questions... Un samouraï ne révélait pas sa vie personnelle, et puis, qu'est-ce qu'on en avait à faire de si j'avais une copine ou non ? La mention ramena le visage de Yui dans mon esprit et un léger sourire apparu au moment où je répondais à l'écume des mots :

- Je... C'est beaucoup de responsabilité, d'être chuunin. On doit diriger des gens, prendre des décisions qui peuvent risquer des vies, autant des soldats que des civils. Une petite moue et je continuais. J'ai eu à diriger uniquement des genins, les trop grosses opérations auquel j'ai eu affaire étaient guidés par un juunin. Sinon, j'ai souvent fait des missions avec d'autres officiers...  Égale à égale. Ou en solo. De l'informel, le plus souvent, ce qui faisait que les vraies décisions de groupe n'étaient jamais pleinement sous ma direction... C'était de la consultation, et je m'en convenais. Il ne fallait jamais être pressé de prendre les choses en main, car on pouvait se révéler avec les bras pleins de merdes... Sinon, pour le frère... Oui, enfin je sais pas. Il y a beaucoup de choses qui rentrent en jeu, mais pour un civil, le moindre yokai, même faible, est une promesse de mort. Un léger regard vers la fillette et je reprenais, pour un peu de réconfort : Mais sans doute qu'il a été blessé et s'est réfugié quelque part, ou bien, il s'est coincé comme un idiot. Le temps ne veut pas dire forcément qu'il est mort. Croisant les bras, j'arrivais à la question qui pouvait gonfler le plus mon petit égo : Je n'ai jamais eu à rencontrer un gros yokai, mais pour le peu que j'ai connu... Ils ne m'ont jamais touché !

"Je ne l'ai pas touché non plus, le piaf..."

Revenant sur le cas actuel, la demoiselle qui se prénommait Himiko, m'expliqua alors de quoi il en retournait : Le petit frère voulait être samouraï, mais il travaillait à la mine et réservait son temps libre entre entraînement et aide aux villageois... Il était donc un garçon très gentil, qui n'avait pas d'ennemis et le moment de la disparition était la nuit. C'était suspect, mais un ambitieux personnage pouvait partir pour faire des choses dans l'obscurité. Il était juste perdu, alors ? Peu de pistes entraient en jeu, toutefois, et juste avec la bonhommie du petit gaillard, je n'avais rien à me mettre sous la dent.

- On verra au village si on trouve des traces, ou un début de piste... Avec la fouille de sa famille, ils étaient bons pour enquêter sur les abords... Les montagnes, ou la mine elle-même.

En parlant de la mine, un trou apparu, comme camouflé sous la végétation environnante... C'était un moyen de fuite pour les villageois. Une stratégie assez maligne qui fut accueilli par un vrai sifflement d'admiration.

- C'est vraiment intelligent, je vous félicite. Accroupis, je soulevais une branche, puis une autre, pour découvrir l'obscurité agressive. Devant le choix de la jeune femme, je me retournais vers elle, en pleine réflexion : On n'a pas le temps d'en perdre, on va accélérer les choses, et puis si c'est creusé par l'homme et caché, on va pas trouver de menaces... Si ? Le regard vers la civile, je ne trouvais qu'un questionnement aussi intense que le noir de la grotte.

Claquant ma langue, je m'engouffrais dedans, non sans penser à prendre mon fourreau en main si quelque chose nous attendait à l'intérieur... C'était vraiment un mauvais moment pour rencontrer des saloperies et depuis ma mésaventure dans Tsume no Kuni, j'avais un peu de mal avec les petits endroits rocheux.

- Fardeau du chuunin... "Je n'en voulais pas, moi, de cette avance..." Attendant que les autres me rejoignaient, j'observais les lieux avec la faible lumière du jour qui perçait par notre entrée... C'était peu, mais je discernais les murs qui courraient dans un couloir unique.

En cas de détresse, on ne s'amusait pas à réfléchir : Il y avait donc un chemin direct, et pas un labyrinthe comme la plupart des cavités artificielles. Montrant la direction de la pointe du contenant de mon arme, je cherchais la validation dans les yeux de Himiko, mais je ne vis que la surprise et la peur alors que, dans le noir, une paire d'yeux rouge lui rendaient la chose... Puis une autre, et une autre encore.

"Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?" Dégainant mon katana, je vis s'avancer une petite meute de loup. Pas de yokai dans ce tunnel, mais bien de la vermine qui s'était réfugiée là pour l'hiver et qui avait faim, maintenant que le printemps était arrivé.

- Faut protéger la petite. Un pas et je me retrouvais devant l'adolescente.

Soufflant pour calmer mon cardio dans une optique de vider mon esprit et de laisser mon corps s'exprimer, je concentrai mon regard sur le premier fauve qui me fonçait dessus.

Il était temps de montrer ce qu'on valait.

Au bond du chien, j'esquivai de manière rapide cette trajectoire téléphonée pour ne disposer sur son chemin que le fil de mon katana histoire d'ouvrir cette saloperie de la gueule, béante, jusqu'au milieu du flanc. Si l'animal avait adopté une posture bien droite pour appliquer tout son poids sur le point d'impact, c'était à sa défaveur dès qu'un objet coupant entrait adroitement dans son corps. Tombant au sol, il frissonna un instant avant de s'éteindre. J'avais lancé la danse.

À mes côtés, Tomoe avait eu moins de chance avec son adversaire canin... Derrière elle se tenait l'animal, la patte recouverte de sang, venant directement de l'épiderme de la samouraï. Plissant les yeux, cherchant à comprendre la gravité de la blessure, je dus toutefois m'occuper de mes propres affaires.
Un autre chien débarqua et l'odeur du sang le ralenti un instant, comme s'il comprenait dans son petit cerveau primal qu'il n'allait pas faire long feu s'il se jetait comme son camarade dans la bataille. Toutefois, l'autre proie avait l'air affaibli... Montrant les dents pour ne pas perdre le duel de domination, il fonça sur la demoiselle. La lame en avant, j'opérais des pas de côté pour ne pas être une cible facile et à l'arrivée du deuxième représentant canin vers la belle, j'armais ma jambe en avant, plié dans une position un peu vulgaire, pour encaisser le choc de sa gueule sur mon pied, à la place du torse de la jeune femme, et lui écraser la mâchoire sur le sol en ratissant large du talon pour détruire les liaisons nerveuses. Sans quelques dents et la partie inférieure de son arme principale, le chien ne fut qu'un ramassis de grognement et de pleurs que j'arrêtais rapidement d'un coup rapide de ma lame.

Tuer était une chose, mais laisser agoniser un chien n'était pas dans mes habitudes.

- Tu vas bien ? Derrière nous, la petite cliente criait le nom de sa sauveuse... Il restait un loup dans notre dos et deux approchaient, bien plus sûr d'eux maintenant que les deux combattants étaient compactés. Relève-toi, on a du boulot à faire ! Ni une, ni deux, je pointai mon katana vers le canidé le plus proche qui examina l'acier froid avec bien trop de cynisme pour le cerveau basique qu'il avait.

"Ils sont intelligents."

- Quelque chose ne va pas...