Pour la première fois depuis quelques mois, le jeune prince foulait à nouveau du pied cette enceinte sacrée. Un retour, succédant à un exode qui fut cette fois bien plus bref que le long pèlerinage qu'il avait entrepris aux côtés de sa tendre sœur. Contrairement à d'autres prêtres, il ne vivait guère au Temple de la Lune, en ce que les jumeaux occupaient l'une des résidences impériales de Toge, où résidèrent autrefois leurs ancêtres et monarques d'Onogoro, lors de leurs déplacements au sein de l'Epine. Par ailleurs, ses obligations militaires et aristocratiques venaient concurrencer ses fonctions ecclésiastiques, si bien qu'il ne pouvait régulièrement officier en ces lieux. D'autant plus qu'un dispositif sécuritaire spécifique était parfois requis. Malgré ces circonstances, Byakuren appréciait toujours se rendre au sanctuaire, où sa méditation et ses prières y étaient toujours beaucoup plus profondes, de même que sa bibliothèque recélait des ouvrages tous plus intéressants les uns que les autres.

Son pas de velours traçait dès lors son chemin en direction de l'une des chapelles, passant par l'extérieur tout en longeant la rambarde du balcon. Un moyen pour lui de profiter de l'air frais dont il ressentait avec délectèrent la douce caresse effleurant son minois aux traits délicats. Une fraîche odeur de printemps titillait désormais ses narines, tandis que ses yeux clos savouraient avec retenue ce moment de sérénité. Rouvrant ses paupières, et poursuivant sa marche, son regard fut alors capté par une présence familière. Située en contrebas, Usui Shizuka semblait seule dans ce petit jardin. Une prêtresse qui l'avait chaleureusement accueilli lors de son arrivée initiale au Temple de Tsukuyomi, il y avait maintenant un an. S'il redoutait un intérêt porté à l'égard de son statut, il avait toutefois grandement apprécié sa compagnie au cours de leurs échanges. C'est ainsi qu'une arche diamantée se mit à se matérialiser, créée puis arpentée par le Souhei d'Amaterasu rejoignant la demoiselle.



Se tenant à présent à ses côtés dans une posture à la fois parfaitement droite et détendue, ses mains étaient venues se placer dans son propre dos, se croisant au niveau des poignets. Il n'était clairement pas né de la dernière pluie, lorsqu'il s'agissait de ressentir, ainsi que de percevoir. Cependant, il n'y avait nul besoin de connaissance ou d'expertise particulière, afin de déduire l'état de la fidèle d'Izanami, dont l'expression et l'isolement en ce lieu calme et reculé, reflétait la peine ou la mélancolie à laquelle elle semblait en proie. Une affliction aisément compréhensible, lorsque mise en perspective avec la récente disparition de ses deux protégés.



Dans un mouvement pour le moins maniéré, sa dextre se désolidarisa de son autre main, se plaçant dorénavant paume vers le ciel au niveau de son visage, au creux de laquelle une douce lueur dorée commençait à émaner. Une fleur de lotus en cristal trônait subséquemment entre ses doigts, qu'il présenta finalement à Shizuka d'un geste du bras des plus gracieux. Une offrande lui étant destinée.

Spoiler:

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Un soupir s'échappe des lèvres de Shizuka. Son regard se perd dans les jardins du temple, au même titre que son esprit vagabonde.
Ses pensées s'en vont toujours vers Kirei et Meiyo, des êtres qu'elle semble avoir perdu pour toujours. Si la douleur était vive il y a quelques jours de cela, elle commence peu à peu à se dissiper. Va-t-elle finir par oublier ces deux êtres qui formaient de véritables piliers pour sa personne ? Non, surement pas. Elle ne leur pardonnera pas, pas plus qu'elle ne pardonnera au Jashinisme, convaincue que cette croyance commune les a poussé à la trahison, croyance qui avait déjà emporté Era.

Cependant, la femme ne peut pas se laisser dévorer par le chagrin, pas plus qu'elle ne peut oublier sa colère. Elle va juste remplacer ces piliers devenus obsolètes par de nouveaux. Des piliers qui, elle l'espère, ne la trahiront pas. Mais comment les choisir ? Devrait-elle les soumettre par la peur ? Passer un marché comme elle l'a fait avec Chinone ? Ou devrait-elle laisser une nouvelle chance à l'affection ? Elle ne sait pas. Elle ferme ses yeux, pendant quelques instants, jusqu'à ce qu'une voix vienne la sortir de ses rêveries, une voix familière mais assez lointaine.

Minamoto Byakuren. Un membre de la famille impériale et un Jonin du village de Toge. Elle ouvre ses yeux et se tourne vers l'homme dont l'apparence élégante trahi son sens du goût et son appréciation de l'art. Tenter de le séduire lui a déjà traversé l'esprit bien que cela ne fasse pas si longtemps qu'il se trouve à Toge. Si elle parvenait à devenir son épouse, alors accéder au pouvoir ne serait plus un lointain fantasme. Et puis, il serait certainement un meilleur mari que la plupart des hommes d'Onogoro. Cependant, quelque chose l'a toujours empêchée de passer à l'action. Le regard des autres ? L'infime part de conscience qu'il lui restait ? A moins que cela ait été l'influence positive de Meiyo et Kirei...

Elle s'incline respectueusement.



L'habituel masque de bonté rayonnant de joie et de fierté de Shizuka est absent. Le blond ne manque pas de le remarquer. Ce n'est pas le premier et, cela ne sera certainement pas le dernier.  La guérisseuse serre les poings. Elle se demande si tout le monde est vraiment obligé de venir mettre son nez dans ses affaires et, la traiter comme une pauvre fleur fragile. Elle a l'impression, à chaque personne qui s'inquiète pour elle, que l'on se moque de sa faiblesse. Néanmoins, l'amertume se métamorphose en surprise puis en joie et la femme à la chevelure d'ivoire écarquille les yeux lorsque son interlocuteur fait apparaître une fleur de lotus en cristal au creux de l'une de ses mains. L'objet est magnifique, sculpté avec finesse.

Les mots de Byakuren résonnent dans l'esprit de la prêtresse qui en a été profondément touchée. Elle a presque l'impression que le Jonin sait déjà tout de ses peines et de ses doutes. Ces mots sonnent comme un encouragement. La scientifique se saisit de la fleur et la caresse du bout des doigts, avec la plus grande précaution du monde.



Elle relève son regard vers le noble et après quelques secondes de réflexion, elle se saisit d'une petite fiole qu'elle portait dans un pan de son vêtement et la lui tend. Shizuka n'aime pas recevoir sans donner. Encore moins ces derniers temps où les mauvaises nouvelles ne font que s'enchaîner. Son insécurité nouvelle lui a déjà valu quelques élans de colère qu'elle pourrait amèrement regretter si les victimes de son instabilité passagère venaient à se plaindre.

Il y avait quelque chose de fondamentalement touchant, et des plus apaisants, à observer la jeune femme effleurer cette fleur de cristal avec minutie. Une scène qui suscitait chez le prince une certaine émotion, qu'il ne parvenait que difficilement à catégoriser. Résultait-elle de la satisfaction de voir sa création ainsi traitée ? S'agissait-il de cet instant de grâce et de fragilité chez cette femme d'ordinaire tout en contrôle et pleine d'assurance ? Ou était-ce car il assistait à la réalisation par Shizuka, qu'elle-même, portait en elle cette beauté et cette résilience qu'elle avait pu perdre de vue, voire oublier ? Sûrement une combinaison de chacune de ces possibilités, et les remerciements qu'elle venait de lui formuler le touchaient d'autant plus qu'elle semblait tomber sa façade habituelle ; quand bien même celle-ci n'avait jamais dérangé le Souhei.



La prêtresse plongeait son regard dans celui du prince, celui-ci lui adressant un radieux sourire, tout en tâchant d'endiguer cet embarras balbutiant qui commençait à poindre en son être intérieur. Puis elle se mit à chercher quelque chose dans un pan de ses vêtements ; un geste qui intriguait Byakuren, bien curieux de savoir ce qu'elle souhaitait récupérer. Elle en tira alors une fiole, qu'elle présentait comme un antidote de sa propre confection, et qu'elle tenait à lui offrir afin de lui rendre la pareille au regard de son propre cadeau. Une attention qui déstabilisait quelque peu le prêtre d'Amaterasu, qui ne s'attendait guère à ce qu'elle le gratifie en retour de l'une de ses créations. Il parvint toutefois à se reprendre rapidement, se saisissant avec mignardise de la précieuse décoction de ses doigts délicats, effleurant la main de la demoiselle.



Tenant avec une extrême attention la fiole au creux de sa dextre, le moine n'osait encore ranger cet objet, ni abuser de la générosité de Shizuka qu'il avait tenté d'aider alors qu'elle traversait manifestement une phase difficile. Il ne voulait non plus dédaigner cette attention qui l'avait sincèrement ravi, et presque ému, en se contentant de la disqualifier et de la refuser - ce qui dans bien des cas, s'assimilait à un manque de respect. Surtout qu'il connaissait les talents d'alchimiste de la scientifique, dont les compétences pouvaient certes attenter à la vie, mais également la sauver et la préserver de bien des manières.



Une métaphore lourde de multiples sens, qu'il n'éprouvait guère le besoin de détailler, notamment avec cette interlocutrice dont il appréciait l'esprit et le raffinement.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

La présence du Minamoto a quelque chose d'apaisant. La subtilité de son langage et de sa gestuelle a quelque chose d'envoûtant. Shizuka est à l'aise quand elle est avec lui, elle l'apprécie grandement même si elle le trouve dangereux à cause du fait qu'il la mette facilement à l'aise. Elle se demande si tout cela n'est qu'une façade. Elle doute qu'il puisse exister si si bon parti dans le monde, à la fois beau, bien éduqué, intelligent et puissant -c'est en plus un homme d'influence-.

L'homme se montre humble, réaction que la femme trouve presque ennuyeuse mais elle n'en montre rien, bien contente de pouvoir bénéficier du soutien du Togejin, une des rares personnes raffinées de ce village.

La Chunin écarquille les yeux quand son interlocuteur lui dit qu'elle peut considérer ses antidotes comme une extension de sa personne. Une épée, elle veut bien le croire, cela perdure dans le temps, mais un poison ou un antidote ? Ce n'est qu'une création éphémère. Elle croit cependant comprendre le sens que l'homme met derrière ses mots.



Bien que la guérisseuse reconnaisse la valeur de son travail et qu'elle est heureuse que celui-ci soit apprécié, elle n'en reste pas moins embarrassée par l'importance que le blond lui offre. Accorderait-elle de la valeur à l'avis qu'il peut avoir ? Ils ne sont pas proches ou du moins, Shizuka n'est pas aussi proche de Byakuren qu'elle l'était de Kirei ou Meiyo. Elle serre les poings à cette pensée tandis qu'une expression de tristesse se dessine sur son visage.

La prêtresse d'Inari serre les dents. Elle n'aime pas l'idée que ses problèmes d'ordre personnel -émotionnels et psychologiques- se reflètent sur son visage ou son comportement. Cependant, elle ne peut pas se leurrer, bien trop de personnes ont déjà clairement constaté qu'elle n'était pas vraiment elle-même. Elle rit. Les hommes ont le don de la faire rire, ces derniers temps.



Bien qu'elle ait ri, la Chunin trouve néanmoins que l'homme a manqué de délicatesse en parlant ainsi de la peine de la femme sans en connaître la nature exacte. N'ayant pas envie de s'attarder sur le sujet, de peur qu'il ne vienne toucher à des choses trop personnelles et douloureuses, la scientifique essaie de changer de sujet.

Il était naturel qu'une femme à l'esprit aussi affûté et retors telle que Shizuka, puisse supposer que son interlocuteur dissimulait des intentions ou aspects moins recommandables, derrière ce voile doré qu'il avait pour habitude de présenter. Une retenue qu'il ne pouvait blâmer, en ce qu'elle était l'expression même de cette force et ce contrôle qui la caractérisaient, et qu'il avait toujours su apprécier. Une réserve comme gage de sécurité, mais qu'il ne voulait non plus voir s'éteindre dans des regrets. Loin d'une persona qu'il s'amusait à arborer, sa manière d'être et sa disponibilité n'étaient nullement feintes ou émulées, à l'instar de l'attention qu'il lui témoignait, et du réconfort qu'il tentait de lui conférer. Minimisant la portée de sa propre offrande au regard de cette fleur cristallisée, elle semblait qui plus est sous-estimer les bienfaits ou la qualité des créations de son propre fait.



La réaction de la prêtresse aux propos du prêtre d'Amaterasu, s'inscrivait dans la droite lignée de ce qu'il connaissait d'elle, dont le pragmatisme parfois implacable décrochait sur ses lèvres un sourire sincère. Ce dernier n'était en rien l'expression d'un mépris, ni même d'un amusement. Il ne comprenait que trop bien l'opinion qu'elle venait de lui exposer, et qui sur bien des aspects, ne pouvait être objectivement réfuté. A ses yeux, il existait toutefois de nombreux autres paramètres méritant d'être considérés, et qu'il estimait bien trop souvent négligés - si ce n'était oubliés.



A son tour, Byakuren laissa s'échapper un petit rire mutin, qui ne témoignait d'aucune malice ou intention malveillante. Une manière pour lui de détendre l'atmosphère avec humour, et d'exprimer indirectement l'une des richesses de ce que son interlocutrice pouvait percevoir comme une faiblesse : la connexion aux autres, qui, si elle l'avait récemment meurtrie, était tout autant source d'épanouissement et de bonheur potentiel. Même d'un point de vue strictement pragmatique, pouvoir compter des alliés fidèles à ses côtés, restait un bienfait incontestable.



Puisque l'intention du Souhei était de réconforter la demoiselle, il ne comptait nullement s'opposer au changement de sujet auquel elle préférait s'adonner.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Encore une fois, Byakuren insiste sur la valeur de l'antidote que Shizuka lui a offert, disant qu'il s'agit aussi bien d'une science que d'un art, au même titre que le Ninjutsu et mentionne brièvement sa soeur jumelle. Si jamais elle venait à espérer se marier avec le blond, cette femme se mettrait certainement sur son chemin et en plus de cela, elle constitue une rivale aussi bien en alchimie qu'en médecine, elle ne parvient donc pas à l'apprécier bien qu'elles soient affiliés au même Temple et qu'elles soient à même de se croiser à l'hôpital ou au Bureau d'étude des yokais. Le pouvoir de sauver une vie... Est-ce réellement si important ? Bien trop de déchets humains sont sauvés...

La Chunin fronce les sourcils lorsque son interlocuteur met cette rencontre sur le dos de cette vulnérabilité. Elle trouve qu'il y a une infinité d'autres occasions qu'une vulnérabilité pour ce genre de rencontre. Et, elle sait que les rencontres peuvent parfois être forcées.



Elle laisse un rire léger s'échapper de ses lèvres comme pour ponctuer sa prise de parole sur une note positive. Même si la femme à la chevelure d'ivoire n'aime pas vraiment la logique de son interlocuteur, elle ne désire pas non plus se montrer trop sèche avec lui, craignant de créer un fossé entre eux. Etant donné son âge, si elle souhaite se marier un jour, Byakuren serait le meilleur parti. Et si elle souhaite un jour accéder au pouvoir pour changer Onogoro, se marier avec lui semble être la meilleure solution qui soit -bien qu'il demeure de nombreux obstacles-.



La femme ne ment pas totalement. Elle est contente de voir qu'elle n'est pas devenue le même genre de pourriture que son père, même si elle déteste cette faiblesse qu'elle ne cesse de dévoiler aux gens autour d'elle. Quant au Renouveau, c'est vrai, bien trop vrai. Les Jashinistes et leur Renouveau lui ont trop pris la tête.

Le sourire de la guérisseuse disparait au fur et à mesure de l'histoire de l'homme. Une histoire qui lui est bien trop familière. Une histoire humiliante qu'elle souhaitée enterrée avec la disparition de Kirei. Aurait-il vendu la mèche ? Byakuren serait-il au courant.

La remarque plutôt espiègle du jeune prince, avait peut-être légèrement interpelé son interlocutrice, qui fronça brièvement les sourcils. Sa réponse tendait ainsi à réfuter la logique qu'il s'était amusé à déployer ; une réaction qui ne le contrariait aucunement, en ce que ses propos se voulaient avant tout badins, quand bien même les pensait-il empreints d'un fond de vérité qu'il avait souhaité mettre en évidence. Au moins, la demoiselle ne semblait point s'en être offusquée, en ce qu'il savait que cette vulnérabilité constituait pour elle un aspect plus sensible, dont il souhaitait justement mettre en avant des implications positives insoupçonnées. Le léger rire qu'elle laissa s'échapper rassura ainsi le prêtre d'Amaterasu, dessinant sur ses lèvres un sourire spontané. Son regard se reporta subséquemment vers le ciel, s'emplissant d'une douce mélancolie comme surgie des éons, avant de reprendre prise en l'instant présent.



Byakuren n'était point homme à s'en remettre à des considérations extérieures et imprévisibles, fermement résolu à tracer sa propre destinée en la fondant sur la raison et ses propres décisions. Pourtant, si le moine se doutait que dans tous les cas, il aurait été amené à recroiser son homologue prêtresse ultérieurement, peut-être que la teneur de leur conversation, et plus généralement son déroulement, auraient été différents. De même que les conséquences qui en auraient à l'avenir découlées.

Puis Shizuka évoqua une certaine gêne, au regard du terme que le prince venait d'employer. Renouveau. Une remarque qui ne passait guère inaperçue dans l'esprit de celui-ci, en ce qu'il corrélait directement ce mot au Jashinisme. La détresse de la jeune femme pouvait-elle avoir un lien avec l'œuvre de ce culte désormais prohibé ? Une question qui certes, frayait son chemin dans sa psyché, mais qu'il s'abstenait pour l'instant de poser, ne souhaitant ni paraître trop indiscret, ni raviver un chagrin à au contraire apaiser.



Loin d'amuser la fidèle d'Inari, l'histoire que venait de lui conter le prêtre d'Amaterasu paraissait au contraire l'avoir rendue plus maussade. Outre son apparent dégoût pour la saleté de la situation qu'il venait de dépeindre, elle ressentait même une certaine compassion envers le protagoniste de ce récit pour le moins pittoresque. Une réflexion qu'il partageait lui-même, et qu'il était heureux d'entendre de la part de son interlocutrice, se distinguant de par la subtilité de son esprit qui ne s'arrêtait guère au caractère bien singulier de cet épisode rocambolesque.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Shizuka croise les bras, continuant à tenir précautionneusement la fleur de cristal. Elle n'aime pas vraiment l'importance que l'homme semble attribuer au destin même si elle apprécie son souci du détail. Elle songe cependant qu'elle pourrait potentiellement tirer cet état d'esprit à son avantage pour le piéger dans sa toile même si elle ignore encore comment. Mais, cela ne devrait pas être bien plus dur que de survivre à un Wendigo.

Le discours sur la part d'obscurité de chacun et sur les travers du blond met le doute à la femme qui n'est pas sûre du sens que portent ces mots. Est-ce que cela signifie qu'elle pourrait se confier sans risque à son interlocuteur ? Ou est-ce que cela signifie simplement qu'il y aura toujours quelqu'un quelque part dans le monde pour adhérer à ses idéaux ? Elle aimerait qu'il s'agisse de la première solution bien qu'elle peine à croire qu'elle pourrait avoir une telle chance.



En dépit de l'effet négatif que ses mots pourrait avoir sur sa relation avec le Jonin, la Chunin décide cependant d'exprimer son manque d'intérêt pour son histoire et surtout le dégoût que cela lui inspire. Par chance, il ne semble pas mal le prendre et, au contraire, explique que son avis rejoint le sien et qu'il trouve qu'un dompteur de Yokai devrait être révéré pour son accomplissement. Mais, ce n'est pas la seule surprise qui attend la prêtresse, l'homme exprimant son intérêt pour les Yokais et la déesse Izanami et sa déception quant à l'étroitesse d'esprit de certains.



Shizuka ne dit pas clairement qu'elle trouve ces mentalités totalement dépassées et honteuses bien qu'elle exprime clairement son mécontentement vis à vis du manque d'ouverture d'esprit de certains.



Elle ne pense pas réellement que chacun puisse y trouver son compte, n'ayant pas l'impression qu'elle puisse elle-même s'exprimer librement -et encore moins expérimenter à sa guise-, mais elle ne voudrait pas se montrer trop dure, de peine de se voir surveillée, d'attiser la méfiance de son interlocuteur ou de quelques oreilles indiscrètes.

Un nouveau sourire se dessinait sur les lèvres de Byakuren, constatant une fois de plus le pragmatisme - ou peut-être, le fatalisme - dont faisait preuve son interlocutrice. Il ne pouvait nier que la masse se révélait parfois bien encombrante ; que la présence d'un simple allié, ne se suffisait pas toujours à elle seule afin de compenser la pression que les contingences extérieures étaient susceptibles d'exercer. Si ce versant du diagnostic était irréfutable, il convenait malgré tout aux yeux du prince de ne point négliger l'importance de compter des partenaires de confiance à ses côtés. Quand bien même s'agissait-il d'un unique soutien et confident. La qualité pouvait parfois primer sur la quantité, et même face à la masse, l'assistance d'une seule personne était susceptible de faire une différence considérable. Des considérations au regard desquelles le Souhei n'était nullement dépourvu d'exemples.



Une allusion à l'empereur, qui n'avait guère nécessairement pour but de signifier à la jeune femme d'éventuelles velléités de s'accaparer le Trône d'Onogoro. Une évocation qui n'était toutefois pas innocente, en ce qu'elle démontrait qu'un allié approprié était en mesure de contrebalancer bien des difficultés, et qu'elle permettait de jauger l'étendue du potentiel soutien de Shizuka à son égard ; tout comme de son intérêt envers son statut.

La suite de cette conversation se révélait toute aussi instructive, en ce que pour la première fois, le prêtre d'Amaterasu entrevoyait un nouveau versant quelque peu moins policé de la demoiselle, ayant cette fois ci trait à ses positions religieuses. Les mots qu'elle venait d'employer n'étaient point anodins, allant même jusqu'à blâmer le Clergé et l'empereur lui-même, pour la manière dont les Yôkais étaient considérés.



Le visage de l'impérial s'était soudainement durci, comme s'il dédaignait les critiques venant d'être dirigées contre les illustres membres de sa dynastie, directement responsable de la situation qu'elle condamnait. Puis, tout aussi rapidement, son expression se faisait de nouveau bien plus douce et apaisée. Il veilla ainsi à ne guère paraître sérieux trop longtemps, de manière à ce que son interlocutrice comprenne rapidement la facétie à laquelle il venait de s'adonner, sans commencer à s'inquiéter outre-mesure de l'avoir contrarié.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Shizuka hausse un sourcil lorsque son interlocuteur lui demande ce qu'il en serait si son allié était l'empereur. C'est une question qui lui parait assez étrange bien qu'elle n'ait pas exclu cette idée de ses plans lorsqu'elle a songé tenter de se rapprocher de Daichi ou même de Byakuren et de mettre "la cible" sur le trône bien que l'un et l'autre n'aient nullement besoin de cela pour pouvoir servir d'allié. Et Shizuka préfèrerait avoir l'un d'entre eux comme allié plutôt qu'une vingtaine ou plus de singes médiocres.



Même si la femme à la chevelure d'ivoire sait qu'elle vaut mieux que la moyenne, elle considère tout de même être incompétente comparée à ce qu'elle attend d'un ninja, moine ou samouraï digne de ce nom. Elle n'est pas encore à la hauteur des dangers qui l'attendent. Un soupir s'échappe de ses lèvres.



Elle a cru l'avoir mais l'expérience lui a montré qu'elle a eu tort d'ainsi placer sa confiance en Kirei et Meiyo. Elle est encore en colère contre eux. Sans doute n'oubliera-t-elle jamais cette peine et ce sentiment de trahison. La guérisseuse esquisse un mouvement de recul lorsque le blond lui demande si elle ne serait pas en train de blâmer ses ancêtres. Elle ne souhaite nullement le mettre en colère, ni même remettre en question la légitimité et les intentions de sa famille. Elle pensait juste qu'il était assez ouvert pour être au-dessus de ce genre de chose. Elle se mord la lèvre inférieure, réfléchissant à une façon dont elle pourrait se rattraper auprès de l'homme lorsque l'expression faciale de celui-ci change et qu'il explique que ce n'était qu'une plaisanterie.

Plaisanterie de mauvais goût, aux yeux de la prêtresse qui est tout de même rassurée d'apprendre qu'il n'a pas été vexé. Elle écoute avec grande attention son discours. Il n'hésite pas à parler de la tentative de coup d'état de son grand père et à se questionner sur ses raisons. Il évoque Izanami, les Yokais et Izanagi. Son point de vue sur la question semble plus ou moins similaire à celui de la scientifique bien que celle-ci se méfie, gardant à l'esprit la déception de certaines de ses relations.



Elle marque une pause avant de reprendre la parole en faisant mine de regretter ses propos et même, ses pensées.

De prime abord, et nonobstant les doutes ainsi que la douleur auxquelles elle était en proie, la jeune femme ne semblait assujettie au fatalisme. Une résilience et une force mentale qui correspondaient à l'image que le prince avait pu se forger d'elle, depuis qu'il était arrivé à Toge. Tout le monde n'était guère enclin à croire qu'il n'existait pas de situations insurmontables, ce qui traduisait une note d'espoir, d'optimisme et de vaillance qu'il ne pouvait s'empêcher d'admirer. En revanche, Byakuren ressentit un pincement au cœur, lorsque Shizuka se rangea d'elle-même parmi les êtres humains incompétents. Paroles qui le firent spontanément resserrer son étreinte autour de l'antidote qu'elle venait de lui offrir, et qu'il continuait à garder précieusement en main.



Une remarque légèrement humoristique, visant à apaiser le trouble de son interlocutrice, tandis que son sourire illuminait son visage d'une radieuse expression. Pourtant, au fond de lui-même, il n'était aucunement imperméable à cette amertume, voire cette tristesse qu'il commençait lui-même à éprouver de par son empathie naturelle, et son évidente estime pour son interlocutrice. Une affliction qui se fit d'autant plus vive lorsqu'il l'entendit dépeindre son absence d'allié de confiance à ses côtés. Il se dégageait d'elle une impression de solitude, peut-être même d'abandon, qui touchait profondément le Souhei, et qu'il espérait être en mesure de tempérer comme il le pouvait.



L'espace d'un instant, le Souhei se demanda si les circonstances pourraient un jour faire de lui cet allié que la demoiselle n'avait encore jamais connu. Toutefois, il lui restait encore beaucoup à apprendre à son égard, et il était certain qu'elle n'accorderait guère sa confiance facilement. Surtout si les récents évènements l'avaient au contraire incitée à se replier sur elle-même et à faire preuve d'une encore plus grande méfiance. Quoi qu'il en soit, l'impérial souhaitait au moins lui manifester qu'elle n'était malgré tout pas seule.

Sa plaisanterie avait par la suite provoqué un mouvement de recul chez la prêtresse, ce qui l'amusa intérieurement bien qu'il se garda grandement d'extérioriser sa réaction, de manière à ne point la vexer. Loin de se rétracter, Shizuka confirmait ses propos initiaux, exprimant sans ambiguïté une position que d'aucuns ne manqueraient de qualifier d'hérétique. Une appréciation, voire une adoration d'Izanami, que Byakuren n'allait certainement pas oublier, ni contredire. De toute évidence, son interlocutrice recélait de nombreux secrets, mais si tous étaient de cette nature, cela ne la rendait au contraire que plus intéressante.

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Shizuka ne sait pas quoi répondre au blond. Elle sait qu'elle n'est pas complètement inutile -même si elle n'atteint pas vraiment ses standards- mais cela ne l'empêche pas de ressentir de l'embarras quand il la complimente. Elle ne peut rien répondre à sa question sans que cela devienne encore plus embarrassant. Elle se contente donc de garder le silence et de caresser la fleur de cristal qui lui a été offerte.

Même si la prêtresse s'est d'abord montrée méfiante envers le Minamoto, même si la bonté et la douceur l'effraient, elle ressent comme un soulagement en entendant les mots de l'homme. Ils semblent différents. Ils n'ont pas l'air naïfs comme les mots de Konomi, ils ne donnent pas non plus l'impression d'une simple cordialité. Ils semblent sincères et surtout, donnent l'impression d'émaner d'une sagesse millénaire.



La guérisseuse est rassurée en apprenant que Byakuren plaisantait et qu'il partage ses idées bien que ce genre d'humour ne soit pas vraiment à son goût. Elle a du mal à saisir cet individu, à anticiper ses réactions. Mystérieux est le premier adjectif qui lui vient quand elle songe à lui. Peut-être devrait-elle faire un peu plus attention à ses propos.



A cause de cet aspect mystérieux et du jeu d'acteur auquel il s'essaie, l'homme lui donne l'impression  qu'ils ne sont pas sur un pied d'égalité. Et, Shizuka déteste cette simple idée même si elle trouve cela logique, d'un certain côté, qu'un membre de la famille impériale soit d'un tout autre niveau qu'une personne "ordinaire".



Elle marque une pause.

Les remerciements de Shizuka étaient naturellement accueillis des plus favorablement par le prince. Il remarquait toutefois qu'elle s'était abstenue de répondre à sa petite question, se demandant s'il l'avait embarrassée, ou s'il l'avait importunée en formulant une remarque inadaptée qui n'avait point lieu d'être. Un léger malaise le gagnait, alors qu'il redoutait avoir commis un impair.

Une gêne contrebalancée par la manière dont la jeune femme continuait à caresser la fleur de cristal, et semblait s'enquérir de son état de fatigue et sa santé en général, dans le cas où il offrait ses services à tout le monde. Des propos sur lesquels il serait revenu de la même manière que précédemment, en demandant si elle cherchait à savoir si elle était la seule à recevoir ce type d'attention qu'il lui témoignait. Un commentaire qu'il préféra dès lors garder pour lui, redoutant de l'ennuyer ou d'adopter un comportement inapproprié. Si elle l'estimait mystérieux et difficile à saisir, Byakuren n'en pensait pas moins de son interlocutrice.



Une manière élégante de présenter sa propre considération pour autrui comme étant universelle ; sans pour autant fermer la porte au fait que la prêtresse bénéficiait probablement d'un égard plus particulier que d'autres.



Les révélations de la demoiselle éclairaient davantage le Souhei quant à la réaction qu'elle avait pu préalablement manifester quelques minutes auparavant, lorsqu'il lui conta ce récit mettant en scène un Sakyuujin ayant dompté un Yôkai. Si elle n'affirmait point avoir accompli ce haut-fait, elle avait elle-même rencontré l'une de ces créatures nourrissant un intérêt envers les humains. Le regard du prince se faisait naturellement plus pétillant, tandis qu'il l'écoutait faire part de sa propre expérience.

Comme il l'avait d'ores-et-déjà conjecturé, ce témoignage attestait une nouvelle fois que toutes les engeances d'Izanami ne pouvaient être placées dans un même panier, et que la cohabitation avec certaines espèces était probablement envisageable. Sûrement que Shizuka n'en pensait pas moins, se lançant enfin dans un plaidoyer en l'honneur de la Déesse Mère qu'il était encore trop rare d'entendre. Une conviction et une dévotion impressionnantes, malgré la réprobation qu'ils pouvaient engendrer.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Les mots de Byakuren sonnent comme une douce mélodie aux oreilles de Shizuka mais la perfection de ce discours et la noblesse qu'il manifeste lui font peur. Elle a peur que tout cela ne soit qu'une illusion, que l'homme ne fasse que jouer un rôle face à elle. Mais est-il seulement possible de jouer aussi parfaitement ? En tant qu'actrice, la femme sait à quel point cela peut être fatigant et, elle a déjà expérimenté quelques élans de colère ou de confusion qui ont pu laisser entrevoir ses vraies couleurs. La disparition de Meiyo et de Kirei est encore proche, elle n'a pas oublié la douleur générée par cette trahison. Serait-elle seulement capable de supporter une seconde trahison de la sorte ? Difficile à dire et pourtant, la Chunin a envie de laisser enivrer par cette image que véhicule le Jonin qu'elle soit réelle ou non, pour oublier ne serait-ce que momentanément la laideur de ce monde et des humains qui s'y multiplient tels des insectes. Elle a envie de croire qu'elle pourrait être une de ces personnes privilégiées qu'il mentionne.



La guérisseuse parle sur le ton de la rigolade. Est-ce une simple plaisanterie ou pense-t-elle sincèrement ce qu'elle dit ? Elle utilise ce ton pour camoufler ses pensées. Ce n'est pas un quelconque stratagème. Temporairement, elle abandonne la réflexion pour profiter de l'instant. Elle se laisse porter par cette conversation et par l'aura bienveillante qui l'entoure.



Les yeux de la scientifique se mettent à scintiller lorsque lorsque l'homme dévoile qu'il comprend parfaitement son point de vue sur la question et en quoi prier Inari et Izanami n'est nullement contradictoire mais que c'est au contraire une évolution plutôt logique. Le fait qu'il s'interroge sur ce qu'aurait été le monde si les rôles d'Izanami et Izanagi avaient été échangés achève de la convaincre qu'il lui faut Byakuren dans son camp, ne serait-ce que pour ami -et potentiellement comme époux-. Une pensée qui la fait revenir à la réalité. Elle ne peut pas se permettre de se laisser emporter aussi facilement par quelques émotions.



Elle marque une courte pause, portant son regard vers le sol avant de le plonger une nouvelle fois dans celui du noble.

Loin d'avoir importuné son interlocutrice, le prince semblait selon cette dernière avoir retenu son intérêt, en ce qu'elle disait le trouver fascinant, et différent des personnes qu'elle avait pu rencontrer. Des paroles indéniablement agréables, qui le rassuraient quant à ses doutes d'avoir commis un éventuel impair, ou formulé une remarque inopportune. Il était toutefois habitué à la flagornerie et aux tentatives de flatterie, de la part des obséquieux souhaitant s'inviter dans ses bonnes grâces ; ou au contraire, nourrissant des desseins beaucoup moins louables, cherchant à le brosser dans le sens du poil afin d'amoindrir sa vigilance.

Une expérience qui avait naturellement développé sa méfiance, quand bien même se refusait-il de croire que la prêtresse ne se montrait si aimable qu'afin d'obtenir des avantages ultérieurs liés à son statut. Après tout, il était venu de lui-même s'enquérir de son état avant de proposer son aide, et non l'inverse. Par ailleurs, il appréciait grandement sa présence, et préférait lui laisser le bénéfice du doute tant qu'il n'aurait décelé aucun élément tangible de nature à légitimement éveiller sa suspicion. Il ne put ainsi retenir un rire amusé, lorsqu'elle associait cette impression pour le moins favorable à son illustre patronyme et au sang coulant en ses veines.



La jeune femme se disait curieuse d'en apprendre davantage sur le prince, dont le côté mystérieux faisait selon elle partie de son charme. Pourtant habitué aux éloges, ces mots en provenance de Shizuka faisaient légèrement rosir les joues de l'impérial, qui pour sa part, se trouvait d'autant plus interpelé par ces autres facettes, qui selon elle, ne pouvaient qu'être sources de déception. Evoquait-elle par ce biais des secrets qu'elle préférait dissimuler, ou bien tendait-elle à naturellement amplifier de simples défauts, ou certains traits de personnalité un peu moins réjouissants ? Après tout, les opinions qu'elle avait exprimées étaient mal jugées aux yeux d'une majorité, alors qu'elles avaient trouvé grâce aux yeux du Souhei. Peut-être en était-il de même pour ce qu'elle s'abstenait de présenter au grand jour. Dans tous les cas, il n'avait aucune raison de s'alarmer outre mesure, et ces propos avait au contraire attisé sa curiosité.



Comme il l'avait dit précédemment, Byakuren restait lucide quant au fait que chacun recelait ses propres secrets et sa part d'obscurité. Il avait néanmoins l'impression que la demoiselle tendait à trop se focaliser sur le négatif, perdant de vue ce qui constituait l'entièreté de sa personne. La morosité à laquelle elle était en proie, contribuait vraisemblablement à lui faire voir le verre à moitié vide - ou pleinement vide - si bien qu'il était d'autant plus important de lui rappeler ses qualités, son humanité, et le bien qu'elle était capable d'engendrer. Elle se montrait par ailleurs curieuse de l'opinion de l'impérial, au regard de l'existence de Yomi no Kuni. Une mention qui embrasait de nouveau son regard, semblable à celui de la jeune femme se réjouissant de cet intérêt réciproque.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Les mots de Byakuren eurent l'effet d'un pincement au coeur pour la femme qui, intérieurement ne peut nier que l'intérêt qu'elle a d'abord eu pour l'homme était dû à son nom, même si elle éprouve désormais un intérêt tout autre pour celui-ci. Naturellement, elle songe qu'au même titre qu'elle peut se montrer méfiante à son égard, il peut lui aussi se montrer sceptique quant aux termes qu'elle peut employer. Et, avec un peu de recul, il est vrai qu'elle l'a beaucoup complimenté même si elle se voulait plutôt sincère dans ses propos.



La femme à la chevelure d'ivoire prononce ces mots sur le ton de la plaisanterie. Elle ne se permettrait pas de parler de façon insultante ou trop familière avec le Minamoto. Elle aimerait cependant chasser les doute ou crainte qu'il pourrait avoir quant à ses intentions même s'il elle ne s'y prend certainement pas de la meilleure façon qui soit. Après réflexion, elle trouve cela stupide et espère que ses mots n'ont pas empirés la situation. C'est que l'humour n'a jamais été son fort.

La guérisseuse apprécie la discrétion et surtout la compréhension dont fait preuve son interlocuteur. S'il exprime sa volonté de découvrir les différentes facettes de la Chunin, il ne semble pas vouloir insister, ce que d'autres n'auraient surement pas hésité à faire. Mais peut-être a-t-il confiance en sa capacité à délier les langues. Ce ne serait pas étonnant.



La scientifique apprécie l'entrain que Byakuren témoigne au sujet de Yomi no Kuni. On dirait que c'est un sujet qui le passionne, ce qui la réjouit au plus au point. Elle sait maintenant qu'elle peut aborder ce sujet avec le blond et ne s'en privera certainement pas puisqu'elle souhaite trouver l'entrée de Yomi no Kuni et percer ses mystères et, que cela semble être également l'un des objectifs de son interlocuteurs.

Recevoir des compliments de la part de Shizuka, était sans aucun doute bien plus agréable pour le prince que lorsqu'ils émanaient des flagorneurs caractérisés. Suite à la remarque qu'il venait de lui formuler, elle proposait sur le ton de l'humour d'opter pour une approche opposée, ce qui décrocha un petit rire amusé chez son interlocuteur. Pour le coup, il était clairement moins habitué à être ouvertement vilipendé, lui qui n'était pourtant point opposé à l'idée de se voir émettre des critiques constructives, qu'il jugeait toujours utiles. En revanche, il se doutait qu'en leur for intérieur, bon nombre d'individus devaient secrètement le calomnier de par son statut, ou du fait de son grand-père perpétrateur de ce fameux coup d'Etat. Il existait par ailleurs des individus médisant explicitement sur la noblesse dont il faisait partie, et certains de ses homologues aristocrates ne s'étaient parfois point privés de lui témoigner leur méfiance ou leur mépris.



Bien sûr, nombreux étaient ceux trop susceptibles afin de se remettre en question, prêts à censurer, voire à réprimer le moindre commentaire contrariant envers leur personne. Des individus que l'on retrouvait bien souvent parmi les plus fervents partisans de Yamato Shin. Pour sa part, Byakuren appartenait clairement à l'autre catégorie, et sa quête de vérité et de progression personnelle ne pouvait s'affranchir d'un regard extérieur capable de souligner ses défaillances qu'il n'avait lui-même identifiées. A ses yeux, bien trop d'aristocrates, dirigeants et personnes d'influence perdaient ainsi pied avec la réalité, pour lesquels une bonne dose d'humiliation restait toujours l'un des meilleurs remèdes afin de redescendre sur Terre.

La prêtresse se montrait également assez certaine que son interlocuteur découvrirait d'autres de ces facettes cachées. Des propos qui le réjouissaient grandement en son être intérieur, en ce qu'ils sous-entendaient qu'elle aussi, appréciait a priori sa compagnie, et envisageait de continuer à le côtoyer dans le futur. Elle avait peut-être perdu des êtres chers, et lui n'était arrivé à Toge que récemment, ayant passé la majeure partie de son temps en mission pour l'Epine. En dehors de ses connaissances préalables - principalement sa sœur et Seichiro - il n'avait donc pu tisser de réelles amitiés avec ses nouveaux compatriotes, sans compter sa méfiance envers les intéressés qui ne lui facilitait nullement la tâche ; si tant est que les personnes étaient suffisamment raffinées et éclairées afin d'attirer plus profondément son attention.



La jeune femme semblait enfin tout autant intéressée par Yomi no Kuni, et avait même commencé à enquêter sur ce lieu mythique. Si elle n'avait encore trouvé de piste concrète, elle se montrait optimiste, et il était rassurant de voir qu'il partageait une intuition commune.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Shizuka ne dit rien mais elle pense sincèrement que le sens de l'humour du Minamoto ne doit pas être bien glorieux si ce genre de chose parvient à l'amuser. Mais soit, au moins cela n'instaure pas un silence gênant ni ne froisse son interlocuteur de sorte que cela pourrait être vu comme une forme de réussite. Cela mis à part, elle note que l'homme se dit ouvert aux critiques. Ce n'est pas tout le monde qui sait accepter la critique, ce qui fait encore un bon point pour le blond. Décidément, plus la guérisseuse l'entend et plus elle désire l'avoir pour elle.



Si la noble reconnait que toutes les personnes de statut élevé ne sont pas pourries et peuvent rechercher les critiques, d'autres sont dans une mentalité totalement opposés et parmi les humains de ce genre, il y en a qui sont parmi les plus nocifs qui soient. Et certaines personnes sont tellement importantes que cela peut devenir un problème si elles refusent de recevoir la critique, hélas il n'est pas forcément aisé de les remplacer.

Les mots de Byakuren poussent la Chunin à se questionner. Il est vrai que la plupart des liens qu'elle a noué sont superficiels, mais c'est parce qu'elle conserve d'elle-même une certaine distance avec les autres. Cependant, il lui semble avoir déjà entendu ce genre de remarque de sorte qu'elle se demande si ce ne serait pas lié à la population relativement aisée qui se concentre dans se village à cause de sa proximité avec Teito.



C'est vrai que lorsqu'elle pense à Shiro ou Shingen, par exemple, la scientifique ne voit pas beaucoup de réserve ou de politesse, elle constate cependant beaucoup d'honnêteté et de familiarité. Surement est-ce là-aussi dû à la différence entre les deux publics. D'un côté, des enfants du désert élevés à la dure et de l'autre, des intellectuels.

L'équipe que le noble veut monter intéresse grandement la femme à la chevelure d'ivoire cependant, l'équipe à laquelle elle appartient n'a pas encore été officiellement dissoute même si elle ne doute pas que cela ne saurait tarder. Si la méthodologie du Doji l'intéresse et qu'elle sait qu'il accepte l'aspect quelque peu controversé de sa médecine, les sujets d'étude de Byakuren la séduisent et, le fait qu'il partage une partie de ses rêves et réflexions la rend d'autant plus enthousiaste.

Une expression à la fois compatissante et légèrement dépitée se dessinait sur le doux visage de Byakuren, tandis qu'il acquiesçait aux propos de son interlocutrice d'un geste de la tête. Lui aussi, n'avait pu que trop souvent constater que bien des individus, a fortiori lorsqu'ils jouissaient d'une position privilégiée, tendaient plutôt vers la situation opposée, incapables d'accepter la critique et de se regarder lucidement dans un miroir. Par ailleurs, il se demandait si Shizuka exprimait de tels propos en songeant à des personnes spécifiques, ou s'il s'agissait là d'une remarque d'ordre général. Prompte à s'autocritiquer, voire à excessivement se dénigrer, elle donnait pour sa part l'impression inverse : celle de ne pas recevoir suffisamment de compliments et de ne point être valorisée à la hauteur de ses talents ou de ses qualités. Une pensée qui provoquait un pincement au cœur chez le prince, qui la voyait - ou la croyait - sincère, en ces instants de plus grande vulnérabilité.



Une approche plus mutine et moins irréprochable, qu'il se sentait suffisamment à l'aise de dévoiler à Shizuka, espérant par là-même la rassurer quant à ses propres travers. Pourtant, malgré ses propos, il n'avait pas toujours été l'homme que l'on connaissait aujourd'hui, plus humble et tempéré, nonobstant son allure fastueuse et la démarche naturellement hautaine que certains lui trouvaient. S'il s'était toujours tourné vers l'érudition, la méditation et la quête de vérité, il s'était volontiers montré provocateur à l'égard de ses détracteurs. Quant à son estime de lui-même, il en avait au fil du temps taillé, puis policé les contours, sculptant la roche brute et encombrante de son ego du marteau de l'expérience, percutant le burin de sa raison qu'il avait toujours si fermement étreint de ses délicates mains. Il n'en restait aujourd'hui qu'un galet de taille bien plus modeste, mais aux formes plus grâcieuses et sophistiquées, qu'il continuait volontiers d'épurer.



Un large sourire illuminait le visage du prêtre d'Amaterasu, lorsque la demoiselle répondit positivement à sa proposition ; non sans un enthousiasme qui lui faisait grandement plaisir à voir. Il recherchait avant tout des personnes compétentes, motivées et partageant ses intérêts et ses idéaux, et selon toute vraisemblance, la jeune femme était l'une des meilleures partenaires qu'il aurait pu espérer. Conscient de la situation délicate de son équipe actuelle, il n'avait souhaité venir entacher cette bonne humeur en évoquant les détails de son devenir. Endeuillée par la perte de Kirei, et compromise par les nouveaux projets de Seichiro, la réunion des Jounins du Bureau allait vraisemblablement entériner sa dissolution, et déboucher sur une restructuration où cette nouvelle unité verrait officiellement le jour.

Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre

Ne pas perdre de temps avec de tels individus. Shizuka aimerait bien mais hélas, elle n'a parfois pas son mot à dire et se retrouve malgré elle en présence d'individus détestables au plus haut point, incapable de s'en débarrasser sans risquer de compromettre le peu de paix, de sérénité et de stabilité de sa vie. La flatterie n'est parfois pas une possibilité lorsque l'individu est trop détestable pour que l'on puisse cacher son dégoût ou sa colère. Et d'autres fois, la flatterie ne faisait qu'empirer la situation, la personne flatter pensant qu'elle peut librement abuser de son interlocuteur. Un frisson de dégoût parcoure l'échine de la jeune femme à cette pensée. Elle se souvient de cette nuit qu'elle a passé en compagnie de Takeda Kenzan auprès de ce vieillard tout à fait détestable qui s'était même permis de menacer la vie des deux Togejin entre deux sacrilèges.

Humilier, ce mot sonne comme une douce mélodie. Cependant, elle ne s'attendait pas à ce qu'un tel mot sorte des lèvres du blond qui semble si doux et précieux. Elle apprécie ce côté moins noble, moins glorieux de sa personnalité. Et cela lui donne véritablement envie d'en savoir plus sur lui.



La Chunin peine à imaginer que le Jonin puisse tenter d'humilier qui que ce soit, cependant elle est sûre qu'une telle vue serait des plus ravissantes et se demande quel genre de ruse ou de mesquinerie l'homme pourrait bien mettre au point face à un odieux personnage.

Cette discussion est une mine d'or pour la guérisseuse qui ne s'attendait pas à ce que Byakuren dise avoir été imbu de lui-même, même si ce n'est qu'un constat du passé, cela reste des mots forts et une critique de taille. Et elle semble comprendre que ce qui l'a sauvé de cette impasse est le voyage ou plutôt, l'expérience acquise au cours de celui-ci. Elle y trouve un aspect assez poétique qui n'est pas pour lui déplaire.

Loin d'indisposer la prêtresse, cette manifestation d'un aspect moins recommandable, ou du moins, plus contestable de la personnalité du prince, avait au contraire saisi son intérêt. Curieuse d'en apprendre davantage, elle souhaitait voir la manière dont il mettait en œuvre ces traits de caractère moins policé, ce qui ne manquait point de susciter une double réaction chez le Souhei. Il était tout d'abord ravi de voir la jeune femme s'intéresser de la sorte à sa propre personne, lui qui développait peu à peu, et peut-être inconsciemment, un intérêt évident envers son interlocutrice. Le second aspect portait davantage sur le caractère de cette dernière elle-même, en ce que Byakuren découvrait qu'elle n'était visiblement guère indisposée par des comportements plus subversifs.

Était-ce lié au décalage avec l'image plus vertueuse qu'il renvoyait, rendant par contraste plus intéressantes, voire amusantes, ces autres caractéristiques ? S'agissait-il d'un soulagement de voir que lui aussi, n'était pas irréprochable ? Ou bien ressentait-elle une attirance naturelle envers un état d'esprit plus sulfureux ? S'il ne pouvait trancher cette interrogation à la lumière des éléments dont il disposait, le prêtre d'Amaterasu constatait qu'aucune de ces perspectives ne semblait le déranger. Y compris la dernière, qui pourtant, était potentiellement la plus contestable moralement, et cohérente avec les sous-entendus que Shizuka elle-même avait pu suggérer à son sujet. Probablement était-il attiré de par sa curiosité que cette hypothèse attisait, et la complémentarité avec sa nature se voulant pourtant plus innocente.



Doutant de nouveau de ses capacités, la demoiselle espérait elle aussi se montrer à la hauteur des attentes de son interlocuteur, redoutant notamment que ses performances martiales brutes n'handicapent le reste de l'équipe. Des inquiétudes dont le Jounin prenait acte d'une oreille compréhensive, tandis qu'il constatait avec plaisir qu'elle semblait toute aussi soucieuse de bien faire qu'il ne l'était.



Alors que le ciel commençait à s'embraser des teintes annonciatrices du crépuscule, l'impérial constatait avec une pointe d'amertume que le temps s'était écoulé nettement plus rapidement qu'il ne l'avait perçu. Assujetti à de nombreuses obligations en dépit, ou peut-être, du fait de son grade militaire et de son rôle religieux, il ne pouvait malheureusement se permettre de prolonger davantage cet échange si instructif et agréable, pour lequel il avait d'ores-et-déjà différé l'objet de sa venue au Temple. Rangeant précieusement l'antidote qu'il s'était vu offrir avec délicatesse, dans une poche intérieure de sa tunique cousue de soie, il poussa un léger soupir, avant de sourire à la jeune femme et de prendre congé ; non sans l'avoir respectueusement saluée.