Une journée de plus à Seizan. Elles se suivent mais ne ressemblent pas, malgré cela l'edeniste a l'impression de ne pas avancer. Elle sait que son frère est quelque part mais ne pas savoir ce qu'il fait, s'il va bien; la rend maussade. Ses parents lui ont dit "—N'abandonne pas mais continue de vivre, pour le retrouver." Elle essaye, ce n'est pas simple. Elle culpabilise toujours d'avoir été aussi faible ce jour là. Incapable de le défendre, incapable de défendre sa Princesse. Elle fait une piètre défenseuse de l'Edenisme, un peu moins aujourd'hui.

Il y a la caserne et tous ces autres hommes et femmes qui protègent la province et l'empire. Heureusement. Ce sont eux qui lui apprennent, qui l'entrainent. Elle ne dit rien de la raison de sa présence ici, d'où elle vient. On ne lui demande pas non plus. Ce qui compte, c'est sa volonté. Et en dehors de ses parents, de ce nouveau "travail"; il ne lui reste pas grand chose d'autre. Pour autant, elle ne se morfond pas. Seule sa pensée occupée par la dernière image de son frère, cette nuit là, subsiste.

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Comme chaque fin de journée, début de soirée; elle rentre. Elle retrouve son père, sa mère et ensemble ils regagnent le domicile. Logis simple, fonctionnel; sans charme réel. Un toit, rien de plus, suffisant. Les journées commencent à se ressembler. Elle y pense toujours, son frère, son jardin. De plus en plus espacées. Elle n'oublie pas, reprend goût, vie; elle renait. Pense même à l'Hanami qui approche.

Elle s'améliore, on lui enseigne toujours. Seizan lui est de plus en plus agréable. On lui parle même de ses futures tâches. Qu'elle ne comprend pas forcément, mais assure qu'elle fera de son mieux. Son monde s'est rétrécit.

Un soir, comme les autres, aux côtés de ses parents. La porte grise de la "maison", le même rituel à venir. Le lendemain recommencerait comme aujourd'hui, comme hier. Elle soupire longuement lorsque de sa poche la mère sort une longue clé couleur bronze terni. L'éternel recommencement. Mais ce soir...

Un retentissement, une voix qui perce ses oreilles, qui fait écho avec la montagne. Ses sourcils se dressent, elle reconnaît cette voix. Et se retournant voit se tenir devant eux...

"—Reiichi ? murmure-t-elle. Oh mais, c'est toi Reiichi ? Quelle coïncidence...Que fais tu ici ? Répond sa mère. Zanashi la fixe, la dévisage même. Rare intensité que peut émettre la blonde, mélange de surprise, de colère, de joie. Elle comprend, très vite. Mère, père. Yasutsuna-san vit ici. Forgeronne, kunoichi ou samouraï ? C'est la question. Sa voix ne laisse presque rien entrevoir. Je rentrerai plus tard, ne m'attendez pas. Vous me suivez, Yasutsuna-san ?"

Elle pose sa main sur son épaule, la contraint au demi-tour et fais quelques pas. Surpris, ses parents n'ont véritablement d'autres choix que d'accepter. Après tout... Elle est à un âge de décision et d'autonomie. La mère veut ajouter quelque chose, le père la retient "—Je pense qu'elles ont à parler. Je vais préparer le repas.". Zanashi est déjà loin, tout au moins à quelques dizaines de mètres d'ici. Elle est restée silencieuse, se concentre sur les pas de celle qui la suit toute aussi silencieuse. Elle prend une respiration, et finit pas s'arrêter.

"—Je me suis dit, lorsqu'on s'est rencontrées, que c'était étonnant que tu ne parles pas davantage d'où tu viens. Je comprends mieux. Engageait-elle la discussion. Aucune animosité, pas de colère, pas de déception. Sa voix avait retrouvé cette douceur qui la caractérisait tant. J'aurais aimé savoir que tu étais là.

Elle veut sourire mais n'y parvient pas. La colère n'y est pour rien, ni la brune. Mais comme elle le devine, il s'est passé beaucoup ces derniers temps. Zanashi perçoit son regard sur ses mains. L'anneau ? Oui, il peut invoquer quelques questionnements. Elle sait Reiichi très observatrice, plus qu'elle même et que beaucoup d'autres.

Il est étonnant de constater comme parfois certains sentiments peuvent prendre le pas sur d'autres. Ici, sa tristesse bien qu'habilement dissimulée sans être un mensonge, l'emporte sur la joie qu'elle ressent pourtant dans ces retrouvailles, dans cet échange. Mais rien n'y fait. Malgré tout elle se force, elle sourit. Ce n'est pas naturel, elle le verra vite si elle ne le voit pas déjà.

—"Yasutsuna... ha... C'est ma frustration qui s'est exprimée. Pas d'inquiétude, Reiichi. Rien n'a changé. Mon frère a disparu, notre maison a été réduite en cendres. Mes cerisiers aussi. Et j'ai trouvé un message et cet anneau... Une véritable énigme. Il n'y a qu'avec elle que la blonde poeutparler aussi librement, facilement. En dehors de ses parents et son frère, puis ses amis de l'Hanami... Elle est la seule en qui elle peut avoir confiance sans restriction, sans se poser de question. Naïveté ? Peut être.

Elle se rend compte. Se rend compte qu'elle ne fait que parler d'elle, qu'elle fait tout tourner autour d'elle. Reiichi aussi... Toi aussi tu sembles différente. Qu'as-tu vécu ?". Elle sait que la question peut s'avérer difficile, ou tout au moins la réponse qui pourrait en naître. De loin, Reiichi n'a pas vraiment changé mais elle peut sentir une détresse. Cachée derrière le voile d'une assurance nouvelle. Elle l'est, mais c'est une armure, une carapace. L'Edeniste espère que la confiance qu'elles ont toujours partagé est intacte, qu'elle n'hésitera pas à rouvrir la porte.

Sa simple image, sa voix et ses quelques mots suffisent déjà à atténuer sa peine. Continuer à vivre, à Vivre; pour le retrouver. Peut-être était-ce son Hanami.

Son père. Zanashi ne l'a rencontré qu'une fois. Il avait l'air d'un homme bon, gentil et dévoué. Elle était triste pour elle d'apprendre cette nouvelle. Toutes deux ont eu à traverser des moments difficiles. L'edoniste perçoit toujours cette force de caractère, Reiichi lui apparait comme un cour d'eau, elle subit des affres mais reste debout, semble tranquille... Elle est solide.

Elle fait bien de lui poser la question, elle n'a pas été assez claire... Trop ambigüe.
Il lui faut donc remettre les informations dans l'ordre. —"Dit comme ça... Tu peux t'imaginer... Elle ne s'y attend pas. *Reiichi*. Prise dans ses bras elle s'interrompt, blottit son visage, sa joue contre son cœur. Un instant, elle oublie le reste, une accalmie pour son esprit. Mais le répit ne peut durer, le froid la transit petit à petit. J'ai froid. Un grelot dans la voix, elle se détache, joint ses mains à celles de la jeune femme. Elle a les mains chaudes, comme avant. Mon frère a été enlevé par ceux qui ont incendié notre maison, les cerisiers... L'anneau à ma main est une invitation, un indice... et pour le moment, je ne sais rien.". Son visage ne se déforme pas sous le poids de l'émotion mais sa voix est teintée d'une fine couche de tristesse.

Toutes les deux ont dû grandir, sortir rapidement de l'enfance mais elles ont pu en profiter davantage que d'autres. L'insouciance était maintenant révolue. Des responsabilités incombent maintenant à Zanashi et Reiichi ne doit pas être en reste. Tout ceci n'est qu'un euphémisme, elle se rend compte de la chance qu'elle a jusque récemment, d'avoir grandi dans un environnement protégé, loin de la brutalité de leur monde, de sa fureur. Aujourd'hui, elle l'avait en face d'elle, la réalité.

Elle doit être plus directe. Ne pas craindre ceux qui lui font face, mais agir et réagir. Elle devait conserver ses principes, ceux de sa Princesse. S'ouvrir au monde, continuer de Vivre, pour lui et maintenant pour elle ? —Même si nous le prônons... Je ne te l'ai pas dit alors que je le pense, que je le ressens. Je t'aime profondément, dès que je t'ai vu à Sakura. Je pensais que mon seul amour devait s'adresser à nôtre Déesse... Mais je me trompais. Elle sourit enfin, sans le forcer. Elle n'attend rien en retour, n'a jamais rien attendu. Comme de ses prières, comme de sa dévotion et de son amour pour la Princesse des Cerisiers. Allons chez moi, pour discuter au chaud et manger quelque chose... t'en dis quoi ?"

Léger rire. Si chaleureuse et si rafraichissante à la fois. Zanashi n'avait pas oublié pourquoi elle l'apprécie tant, pourquoi elle ne peut pas se mettre en colère contre elle. Elle aimait ce côté indécis même si maintenant Reiichi paraissait plus sûre d'elle. Hier, son hésitation était plus grande.

—"Je veux... Pas le temps de répondre, elle est attirée. Ahaha! Un rire dans la nuit, il se tait. Je veux bien, oui !". Elle marche à côté de la brune, de la condensation sort de leur bouche, son nez rougit dans le froid. Pour tromper sa réfrigération elle reprend.

—"J'ai rencontré quelques Seizanjin depuis mon arrivée. Tous plutôt "cool", bien que... Je ne sais pas. Ils sont sympas, mais elle émet un doute sur certaines intentions. Ils ont essayé de m'aider avec l'anneau... Ses quelques mots les amènent à une porte, celle de sa maison. Avant qu'on y entre, Zanashi prend sa main et de l'autre y place l'anneau. "C'est un peu... tôt... Mais tu pourrais trouver des renseignement sur cet anneau ? Je te le confie....

Elle se souvient de ce que faisait son père, de ce qu'elle fait probablement elle même. Et elle peut lui faire entièrement confiance. Pas que les autres ne soient pas dignes mais Reiichi est particulière à ses yeux, chère. Et elle veut que leur confiance soit rétablie, confortée et renforcée.

Un anneau. C'est un symbole, davantage encore pour Zanashi. Elle pense à ceux que ses parents portent, l'union. Elle n'y a pas pensé en lui confiant le "Kin" car il n'y voit qu'une énigme. Bien sûr, pour le moment autre chose que l'instant présent avec la brune ne lui traverse pas l'esprit. Mais aurait dû y songer pour ne pas se faire avoir par la répartie parfois abrupte de Reiichi. Donc, obligatoirement, elle rougit. Une pivoine ornée de fils d'or... Heureusement, son hôte ne relève pas.

Elle pénètre dans la demeure plongée dans l'obscurité, il y fait moins froid qu'au dehors. Elle voit que Reiichi connait bien le lieu; c'est vraiment sa maison. Rapidement la lumière née, et une douce chaleur se répand. Seule devant la porte, elle entend l'agitation de sa partenaire. Elle fait quelques pas, observe. C'est assez sobre, les objets rappelant la forge sont disposés ci et là, avec un banc couvert de coussins au milieu de la pièce de vie devant une table très basse elle aussi entourée de coussin.

C'est là qu'elle s'installe, devant cette petite table en bois sur laquelle elle dépose la petite boite gravée de la fleur du Cerisier. De nouveau, elle entend la voix de la brune.

—"D'accord... Tu te souviens Sakura ? [. . .] La jeune femme avait apporté tout un tas de victuailles sur la table et s'était installée à côté de la blonde. Elle l'avait écoutée sans l'interrompre. Le récit de Zanashi ne dura pas plus de deux quatre ou cinq minutes mais il fut riche. [. . .] Et aujourd'hui je suis assise là, à côté de toi. Un soupire lui échappe comme s'il était une charge devenue insupportable. L'Edeniste s'en rend compte. Ce n'est pas que je ne suis pas heureuse. Mais ce bonheur de te revoir a du mal à trouver sa place à côté de mon frère.

Elle finit par se taire et prendre d'une main un verre métallique et boire un peu d'eau. De l'autre ce qui ressemble à une boule de riz.

—"Et moi, je suis fatiguée, encore convalescente et je dois dire un peu perdue dans cette grande cité... ha-haha... Et toi, la forge ? Tu comptes reprendre ?"

Zanashi ne sait quoi lui dire, elle sait en revanche qu'elle ne peut pas vivre à l'endroit où elle a perdu son frère. Cette seule idée suffit à la démotiver de retourner à son jardin, à leur maison. Cependant, si elle le peut, ça l'empêchera pas de faire pousser de nouveaux Cerisiers, même s'il n'est pas là. En sa mémoire. Un point de différence entre les deux jeunes femmes qui semble plus difficile à envisager pour la brune.

Se rendant sûrement compte du désarroi de la discussion, Reiichi décide de changer sujet pour le plus grand soulagement de sa convive. Le petit verre qu'elle empli de Saké. Elle n'a guère d'expérience avec l'alcool mais elle en connait le goût sans savoir exactement quel est celui du Saké. Elle n'en boit qu'à certaines occasion, très précises. Par tradition. Pour honorer un défunt ou une naissance.

*A la mémoire de ton père.* Elle porte le gobelet à la bouche et, lorsque les premières gouttes en franchissent le cap, la remarque de la brune les lui fait recracher. —"Qu'est ce que... Han... Euh, oui... je suppose. Elle est extrêmement gênée, elle avait oublié un instant une partie de Sakura et pourtant elle sait très bien qui est Reiichi, sur ce point-ci. Hum... T'as pas changé. Fait Zanashi en plissant les paupières, regard suspicieux. Du courage liquide, elle l'avale d'une traite et se tourne vers elle, approchant son visage. Que veux-tu Reiichi, hmmm ?

Zanashi a appris beaucoup depuis l'incendie, ce sont ses faiblesses qui disparaissent avec le temps même si d'autres apparaissent. La brune a sa capacité à mettre les autres mal à l'aise, la blonde semble avoir celle de mettre les autres au pied du mur.

Quelques années de plus pour les deux, un peu plus de maturité pour Zanashi. La provocation fonctionne, tout au moins c'est ce qu'elle pense. La réalité, une même idée. Les mêmes attentes à cet instant. Elle n'a envie que de penser à elle, Reiichi. Un rire pour lui répondre, un baiser. Elle connait les principes de sa religion et ne pense pas que cela dérangerait particulièrement sa Déesse.

La nuit passe, avoir l'esprit vide lui fait du bien; entre alcool et Reiichi. Cela fait un moment qu'elle ne s'est pas amusée comme ce soir. Le lendemain arrive vite. Elle entend un peu de bruit, entrouvre les yeux et voit sa silhouette. Léger sourire, elle replonge dans sa quiétude pour ne se réveiller que quelques heures plus tard. Se leva elle voit tout de suite le morceau de papier, le lit.

De nouveau elle sourit, elle a l'impression d'entendre sa voix au travers de ces mots. Puis elle plie le papier et enfilant un pantalon, l'y glisse. Elle s'étire d'abord, baille sans retenue et s'attèle. Il y a du désordre ici, ranger ne l'a jamais dérangée. Volet ouvert pour laisser la lumière entrer, pour aérer aussi. Elle ordonne, jette, nettoie et finalement une fois satisfaite, quitte la petite maison inscrite en flanc de montagne. A Seizan.  

Dès qu'elle en franchit le seuil, une pensée pour son frère lui revient. Elle soupire. Mais son état d'esprit est différent, à quoi bon se lamenter ? Il fallait avancer. Plus simple à dire qu'à faire mais elle se fixe pour objectif de le faire, peu importe la difficulté. Et cela commençait par la fortification de son corps, l'accélération de sa récupération.

Pour cela, elle a une idée; quelque chose qu'elle a appris durant sa "formation". Les différents chakra, leur fonctionnement, l'application de chacun. Elle connait déjà sa nature primaire, déjà depuis longtemps. Il est donc temps pour elle de s'améliorer. D'apprendre davantage. En tant qu'Endeniste et que Zanashi bien sûr il y a un domaine d'application chez les ninjas qui l'interpelle, l'intéresse.

Et c'est pour cette raison qu'elle prend le chemin de l'Hôpital de l'Aiguille. Elle ne sait pas si elle a besoin de faire une demande auprès d'un supérieur ou d'une autre personne, c'est ainsi assez naïvement qu'elle s'y rend avec la volonté d'apprendre. Elle reviendrait voir Reiichi à la fin de cette journée. Elles auraient beaucoup à échanger, à priori.