Un rapport m’est passé sous le nez; d’habitude je lis pas – et les gens pensent que je sais pas lire, ce qui n’est pas toujours faux – mais je survole pis je sélectionne l’information importante. Naoko existe – non-pertinent –, cargaison rapportée à Sakyuu – c’est pas mon stock de bombes du mois, non-pertinent –, Hotaru est en ce moment au Sable.

…

Des fois, t’as des choses en commun avec les personnes que tu t’attends le moins à. J’ai déjà rencontré Hotaru, il y a longtemps. On se connaît depuis un bout déjà; ça doit faire trois ou quatre ans. Une folle furieuse comme moi n’a pas toujours le temps d’aller visiter des connaissances un peu partout, mais quand elles viennent chez nous, c’est certain que j’ai le temps. On a déjà travaillé ensemble, elle était bin allumée pis c’était le fun – pour moé entéka, elle était pas incompétente –, pis à part ça elle sait que mon frère est mort. Des fois, quand t’es tout seule dans l’bois avec quelqu’un pis de la boisson en attendant le lendemain matin, t’en dis en esti des affaires.

Faque j’ai contacté là où elle reste avant qu’elle rentre se tripoter dans les roches de la montagne pis toute, tsé. J’ai en masse le temps de faire ça, j’suis chez nous pis on m’a pas encore mis une nouvelle job entre les mains. Si j’ai pas besoin de fesser, je trouve dequoi à fesser pareil. Parce que fesser c’est l’fun.

Juste que cette fois-ci, c’est à la porte d’une auberge. «Heuille toé! Ouvre la porte, c’est moé, faut qu’on jase!» Je cogne encore. «Ç’a l’air t’es chez nous pis tu me l’avais pas dit. J’suis limite outrée! Ouvre avant que ta porte à soit trouée!»

Faque je cogne encore. «Ç’a l’air tu as croisé Naokonne! Aweille, j’veux savoir à quel point c’était misérable de l’endurer! Viens-t’en, on s’en va manger!» J’ai pris la peine de m’habiller propre pis de me faire les cheveux pis toute, je peux pas laisser tout ce sex appeal se perdre quelque part dans les vidanges, tsé.

Faque je cogne encore. J’ai-tu oubliée de dire qu’il est encore tôt le matin? Non parce que j’m’en calisse. Mais genre, j’m’en calisse solide.

J’entends à travers la porte; c’est rare qu’on parle de moi comme ça, c’était tellement gentil comparé à d’habitude j’en braillerais presque. Sauf que j’attends, là, jusqu’à ce qu’on vienne à m’ouvrir. Ça a l’air d’un border sans nom, pire que les entrailles de mes bombes à shrapnel avant que je les remplisse.

«Kesser t’as fait icitte toi hier? Coucher avec Jashin?»

Quelqu’un avait vraiment hâte d’aller se coucher, pis ça paraît pas à peu près. Je sais que je suis une malpropre, mais ça fait beaucoup, surtout qu’elle s’est clairement déconcrissé un orteil sur le bord de quelque chose en venant ouvrir la porte.

Eh, au moins elle est pas morte.

J’entre en la laissant fermer la porte, pis je me trouve un endroit où poser mon gros cul; une table, admettons. «Entéka, j’suis pas là pour parler d’ébats,» surtout que j’aurais rien à raconter, j’suis sèche comme un désert parce que j’suis bin trop occupée pour jouer à l’iroujutsu, «j’suis passée parce que j’ai du temps libre.»

Ouin okay, j’admets que je suis introuvable; «c’est vrai que c’est pas évident. Surtout que j’ai deux endroits pour vivre, voire trois. Y’a chez mes parents, y’a chez nous dans le coin résidentiel, pis y’a pas loin d’icitte aussi, dans le quartier de l’armée.» C’est con, mais j’y ai jamais pensée.

«Pis j’veux dire Sakyuu c’est du sable à grandeur, t’as beau chercher tu vas chercher longtemps. Au pire j’te montrerai ça tantôt.» Qu’elle se change, pendant que je m’amuse à chier sur l’autre. L’accident.

«Bin oui, Naoko! L’estie qu’est plus folle que moi, là. Tu sais bin, t’as fait du chemin avec. Brune avec une face de cul pis un air de grosse bouffeuse de rose.» Un bruit très clair de dédain pour accompagner cette image cocasse. Ugh. Elle.

Avant que ma tête m’emporte à lister toutes les raisons de pourquoi je l’hais, je regarde d’un œil non-lesbien mon amie se changer. «Ouin j’avais oubliée ça de toi; tes tatouages. Sont encore vraiment cool.» Écoute. J’ai des fesses, j’ai des hanches pis j’ai des seins… mais j’ai crissement pas des jambes comme ça.

«C’t’encore le matin, mais j’ai rien contre l’idée d’aller me ruiner avec du saké pis un vrai repas. Dequoi de consistant, genre du bœuf braisé avec du riz pis des légumes sautés. J’sais pas si le bétail ça se fait beaucoup dans la montagne, mais ici on a pas trop le choix; t’as pas de poisson sans lac, faque c’est plus rare.»

Le désert ça suce des fois. Mais en ce moment, l’idée d’un gros morceau de viande tournée sur le feu ou braisée me parle plus que je me parle toute seule. Mon ventre parle pour moi aussi, pis je m’essuie le bord de la yeule; ouin. Ça va être ça. J’veux pas dequoi de chic de toute façon.

Faque j’me lève. «T’es-tu prête? On va descendre la rue pis aller trouver de la bouffe. Si tu veux me jaser de ta mission, fais-toi plaisir.»

«Ça serait malade! Pis là, tu pourrais faire faire une aile à ton dragon!» Sur son omoplate, j’entends. Symbolique, je pense qu’on dit; les dragons ont pas toujours des ailes, mais ça arrive qu’on les imagine comme ça. Avec une aile qui part jusqu’à son épaule, ça pourrait être cool.

Mais j’essaie de pas trop m’embarquer dans ça, parce que sinon j’aurai jamais fini de parler de mes idées. T’as deux omoplates, deux hanches pis un dos; tu sais quoi faire.

Oui. Deux dragons. Exactement.

Entéka. On sort dehors au grand chaud, pis on part en faisant le tour du département militaire; on passe plusieurs armureries pendant que je réponds «parce qu’est juste conne! Elle fait son intéressante genre woah regardez comment j’suis tellement différenteuh pis j’pense pas pareilleuh que vou-euh! Pas capable. Pis elle fait chier – elle hait les religieux, les cacophonistes ou j’sais pu quoi,  mais honnêtement tout le monde s’en calisse d’eux. Qu’elle laisse le monde vivre, esti!»

Par le temps que j’ai fini mon monologue, on passe la grande muraille pour aller manger – d’habitude les gens doivent s’identifier quand ils rentrent et sortent, mais écoute. Besoin d’une carte d’identité?

Ma face c’est ma carte d’identité, tu comprends-tu?

«’xcuse, quand on me part sur elle ça s’arrête pas. J’la trouve juste niaiseuse.» Dans l’fond, c’est juste une grosse pourrie; elle est pas prestigieuse. Elle existe pis quant à moi elle devrait même pas, mais écoute il faut du monde pour faire une armée.

On se rend à un quartier vraiment spécial dont le nom me fait toujours rire.

«Mais c’pas grave. Faque voici, le quartier de la Rose des Sables!» Pis je ris. J’imagine un quartier de vieilles vaches décrépies qui ont pas eu de sexe depuis l’an 780 et qui ont un jardin mal entretenu avec une rose qui ressemble plus à un bout de bois couvert de mousse.

J’suis dégueulasse. Pis?

On passe des tas de rues avec des maisons en grès jaune, toutes pareilles et sans rien de spécial, jusqu’à arriver à un restaurant convenable dans les rues marchandes. «Le dragon à dent de sabres, il s’appelle. Ça a l’air de rien, mais ils ont de la bonne viande; des yakitori, du bon bœuf – leur sukiyaki est très bon. Viens-t’en!»

J’entre vite en poussant le tissu qui sert de porte d’entrée; disons que le restaurant est plutôt comme un gros barbecue, alors ils doivent aérer un peu.

«Salut, c’t’encore moi! J’ai quelqu’un de nouveau, je prends une table du fond, boss!» On me fait signe de baisser le ton pis d’aller m’asseoir d’une main, pis éventuellement quelqu’un viendra nous faire commander. Je m’asseois, pis à peine approchée je dis que je veux «ton saké de riche, là. La Larme du Shinigami, j’pense t’appelle ça? La bouteille au complet. Pis amène des grillades assorties s’te-plaît, je peux me débrouiller!»

On a un grill à notre table pour une raison. On va en abuser!

Euh…

«Écoute, euh…»

Je me doutais que ça pouvait venir sur le tapis, mais… «’mettons…» Je cherche comme je peux mais ça veut juste pas s’expliquer tout seul. «On a un terrain d’entraînement, okay. C’est juste que, comme… j’ai aucune idée de comment te dire il est où.»

Sakyuu pis son fun de tout rendre compliqué, esti. On fait des bâtiments en roche couleur pisse, on se tripote dans le sable parce qu’avoir un terrain capable de faire pousser des choses c’est pour les tapettes, pis…

«Okay écoute, je l’ai. » je lève mes mains devant moi, les doigts écartés. «T’as le village» - mes mains bougent partout pour dire qu’il y a un gros endroit, en forme de cercle… à peu près.

«Pis là t’as genre ça.» Un poing qui est plus loin. «Pis y bouge partout autour. Le camp d’entraînement, je parle.» Le poing se promène sporadiquement, pis j’ajoute que «laisse le stupide à Sakyuu; notre camp d’entraînemen, uhm… comment j’dis ça… j’ai pas la connaissance ni le vocabulaire pour t’expliquer comment il se déplace, mais… quand tu vas le voir… tu vas le voir en tabarnaque.»

J’peux pas pointer de direction pis j’veux pas lui briser la surprise. Notre camp est juste, comme tous les camps qui se respectent, jacké sur un esti de lézard géant.

La base, tsé.

De toute façon si je lui dis, aucune façon qu’elle me croit si je lui montre pas… pis j’ai pas la patience ni la foi de lui montrer. J’ai la foi et la volonté de dire à quel point Naoko est une grosse estie de charrue, par contre. Après qu’on m’amène dequoi à boire pis à manger. «Ouioui, passe-moi la bouteille! J’peux me servir j’suis grande pis j’ai toutes mes dents!»

Anyways.

Tout est en feu, la viande grille bien pis elle jute de partout. Y’a des légumes aussi, mais c’est pas dans ma religion mettons. Naoko a un caractère pourri; je hoche vivement la tête en finissant de mâcher. «Ouioui c’est ça j’dis, c’t’une grosse marde la fille je niaise même pas! Tu peux pas le croire si t’a rencontre pas.»

Mon expression est très vive, je suis investie dans ce que mon amie me dit pis je m’insurge pour elle; «bin oui esti "fais pas ta job s’te plais, j’va dire à ton boss si tu la fais"! Est conne, à s’obstine toujours pour des niaiseries. Comme l’autre jour, elle a fessé sur une recrue parce qu’il était un peu attardé pis handicapé. Un affaire d’avoir un yokai dans les fesses, dequoi de cave là. Oui c’est notre job de les tuer, mais si on la laisse nuker tous ceux qui sont pas assez bien pour elle il va juste rester genre moi, le kage pis sa femme. Tu veux faire quoi avec un village de quatre mongoles?» J’pas capable; elle existe.

«Pis genre le ti-cul lui avait rien faite là, c’était juste un autre affaire bizarre qui rejoint l’armée parce que pis qui se croit genre béni par une déesse cave. La déesse des moissons ou dequoi. On est dans le désert esti, c’est clair qu’y a chaud au cerveau pis qu’y’est cave, elle est pas obligée de fesser d’sus!»

Des niaiseries. C’est ça qu’il a fait.

Je me replace sur mon siège en regardant ma bouffe griller, pis ça sort tout seul; «okay je comprends un peu l’autre. Elle s’est faite dire "bonjour j’ai été possédé par un yokai mais je vais bien maintenant".» J’articule avec une voix enfantine et je souris, pour partager le sentiment que le jeune pensait que ça passerait.

«J’ai beau pas l’aimer, faut que je respecte qu’elle est Jonin comme moi; ça vient avec nos responsabilités de protéger le village, pis le gars qui venait d’être mis dans son équipe lui a dit qu’il a été un danger, mais qu’il l’est plus.» Les épaules se haussent, les mains aussi.

Tu peux pas prouver ce genre de chose-là, quand bien même tu essaies. «C’est con de sa part, tu peux pas dire ça juste demême; c’est normal de se dire "tu l’étais… et si tu l’es encore?" tsé. Ça, c’est la faute du gars.»

Les mains se posent sur la table, les épaules redescendent. Je prends un verre pour aller avec le reste de mon idée. «Par contre, tu peux pas me dire que c’est pas sa faute de l’avoir menacé pis essayé de contacter le Kage pour une explication.»

J’ai tout raconté, j’ai tout sorti, mais on finit par changer de sujet; on peut pas juste rester là à regarder mûrir les bananes de toute façon. «J’suis d’accord, mais ouin… honnêtement, pas beaucoup de choses. Ces temps-ci c’est assez tranquille… je trouve que j’ai un peu perdu en terme de force pis de mouvement, mettons.» J’ai la sensation d’avoir beaucoup perdue, je dois me remettre sur pieds et me réhabituer si je veux pas redevenir inutile… «mais j’ai recommencé à me faire une réserve d’armement; on a conçu des mécanismes ici pour faire des affaires spéciales pis on teste des dispositifs de bombe à shrapnel. C’est dangereux, mais c’est bin l’fun!»

«Pis twé tes affaires, ça a l’air de quoi? Bin occupée?» J’ai pas spécialement entendu de choses par rapport à Seizan, ça m’a l’air tranquille… par contre je suis certaine qu’Hotaru a beaucoup de choses à faire pis qu’elle est bin occupée.

Faque j’ai ri; «c’est kekchose ou c’est rien faut tu te décides!» L’histoire finit par être compliquée. Aucune idée de la raison, mais j’ai le tour pour régler les affaires compliquées.

Je calle ma coupe comme si c’était de l’eau, pis je m’en prends une autre. Je lui fais signe d’amener sa patante avec ma main pis je lui remplis la sienne; pas à moitié. On est des femmes, pas des p’tites pipis prépubères. J’veux pas être pompette, j’veux être détruite.

Pis des fois, t’as besoin d’un peu de courage en liquide. Je l’ai payé, j’va l’utiliser.

Par contre, elle essaie fort pour aller nulle part. Mes grillafes commencent à avoir chaud, pis je la regarde se dandiner mentalement comme un facochère unijambiste dans une bassine de beurre. Pis d’la marde.

Je prends mes baguettes pour enlever mes affaires du feu parce que j’ai faim, lui disant que «pour l’amour de Jashin aweille arrête de faire ta moumoune!» J’ai poussé pis je ne regrette rien.

Mes baguettes tombent sur la table. Juste à côté de ma mâchoire, là. Ouioui.

Par contre, je suis toute souriante. Ça doit être mon instinct maternel, mais c’est comme si mon enfant me disait qu’il fait des choses avec l’empereur. C’est prestigieux sur un esti de temps, en plus; un forgeron de la montagne twé.

«Bin non c’est pas ish pantoute! C’est malade! Tant que tu fourres pas pour avoir un rabais – respecte-toi, c’est gratuit ou c’est rien – écoute.» Je suis tellement fière d’elle, j’pense j’va brailler. C’est super romantique en plus la forge! «Ça c’est la vraie vie, ma fille. Tu sues dans l’arène d’entraînement, tu sues dans la forge, pis tu sues en dessous du banc de travail!»

Pis esti ça s’arrête pas. «AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA»

Non! Bin non!

J’ai failli de tomber; j’étais trop occupée à taper des mains pis à être heureuse pour elle pour m’occuper de ma propre sécurité. «C’est même pas compliqué, ça! C’est juste trop beau, moi j’appelle ça "avoir gagné à la lotterie amoureuse"!»

Écoute.

C’est pas à moi que ce genre de chose pourrait arriver, considérant que je n’aime absolument personne de cette façon-là en ce bas monde. Aimer un homme ne m’intéresse pas; j’ai déjà un amant. Il s’appelle dommage collatéral, pis on parle le même langage de l’amour.

«C’est pas grave ça; vous avez chaun une raison de plus pour revenir chez vous en vie, c’est pas une mauvaise chose pantoute. Faut juste pas que ça paraisse trop; c’est pas parce que vous jouez à mettre le tantô dans le fourreau que vous devez absolument donner plus de poids à l’avis de l’autre en mission. Si vous faites attention à ça pis que vous pouvez mettre vos affaires de côté pour prendre des décisions, debord on s’en calisse.»

J’en ai vu plein des couples dans l’armée. Même Naoko en a un avec son sous-fifre qui lui colle au cul à journée longue… c’est pas grave, là. «J’sais pas, j’pense que c’est pas des doutes nécessaires à avoir, pis que ça fait de mal à personne.»

Le pire qui puisse arriver, c’est que si leur couple marche pas, ils doivent apprendre à faire avec le fait qu’ils sont en équipe; on est une armée, on a pas le temps de tout revoir parce que l’un a mal de voir l’autre.

J’mange, j’me passe ça dans le gorgotton comme j’ai jamais fait ça, pis quand elle finit par admettre et comprendre je réponds que «ch’é cha ‘a ‘ille, ‘rinque-’wé cha!» en levant ma coupe vers elle dans le but de trinquer, pis la caller elle aussi pour que mes morceaux de steak grillés passent avant que je m’étouffe.

«C’est l’armée, okay je comprends, mais si ça dérange personne y’en a pas de problème. Pis au pire si y’a un problème, fais comme moi; fesse su’l problème jusqu’à ce que y’en aille pu!» C’est une méthode viable, mais on essaie trop d’être poli et d’être correcte. Des fois, la violence résout les problèmes.

Je n’ai jamais été faite pour la vie de couple, ce n’est un secret pour personne. J’ai déjà essayé, remarque, de m’intéresser à d’autres. Je peux m’intéresser à mes amis parce que c’est mes amis et que j’en ai pas beaucoup, mais j’sais pas, le romantisme pour moi c’est pas… c’est pas fameux.

«Pis c’est correcte demême; on peut pas s’attendre que toute soit facile pis que les changements dans un morceau de ta vie amène rien dans les autres, tsé.» Je hoche les épaules; pour moi ça c’est rien de grave, c’est pas de quoi foutre sa bonne humeur en l’air.

«Aweille, mange un ti-peu pis pense pas à ça. C’est une bonne affaire, tu peux pas t’arrêter à vivre pour penser à ce que le monde pense de la personne avec qui tu fourre.»… Quoi? C’est vrai! J’dis des niaiseries ou j’suis le prochain sage des six chemins?

Mais ça c’est un problème; je ne pourrais pas avoir de descendance si j’étais le sage des six chemins. «Non, j’ai personne; on arriverait pas à me supporter de toute façon. Honnêtement la seule chose que je trouve triste de ma vie, c’est que je fonderai jamais ma propre famille. J’aurai jamais d’enfants… remarque j’en veux pas tant que ça, mais j’aime me dire que je peux apprendre à des choses aux petits.»

Physiquement, je peux pas. Je me suis mangé trop de coups, j’ai payé ma vie très chère depuis que mon frère est parti, pis c’est une possibilité que je n’ai plus. Pis je voudrais pas avoir à faire supporter mon propre caractère de marde pis celui de mes flots à quelqu’un jusqu’à ce que le divorce nous sépare, tu comprends-tu?

«C’est clair, c’est pas moi qui veut d’une relation où j’ai plus à risquer qu’à gagner. J’suis faite pour péter des affaires; c’est l’fun un soir dans un coin de taverne avec trop de saké dans l’nez, une femme comme moi. Mais à la maison, c’est pas vivable, pis je peux pas me changer autant que ça.»

Wark, elle a dit le mot.

J’ai fait signe de vomissement dans mon silence. L’amour. Y’a des affaires que tu dis pas autour d’une table à manger, pis ça c’est mon taboo. J’veux même pas pensé à ce genre d’affaire-là, ça m’écoeure trop pis c’est juste pas moi. «Mais pour moi c’est bin bon s’il se présente jamais. J’ai pas le temps d’attendre, pis j’en veux juste pas. J’ai assez d’avoir une couple d’amis pis d’avoir du fun.»

C’est moi ça. Je sais ce que je veux, pis encore plus ce que je veux pas. C’que j’veux être, c’est un exemple pour les ti-culs du grand bac à sable; pas comme on pense, hein, mais comme… J’pas mère. J’pas professeure. J’pas parfaite.

J’ai juste trouvée ce que j’suis bonne à faire pis ce que j’aime, pis on me l’a pas encore enlevé. «Non j’suis sure je ferai pas une mère parfaite, pis ça m’inquiète pas. C’est juste l’idée d’avoir une famille unie, j’me dis que c’est juste pu pour moi…»

Ça me prend une minute.

J’deviens émotive pis j’ai la guédille au nez.

«J’ai pas c’t’amour là en d’dans d’mwé. J’veux jamais rencontrer quelqu’un pis l’aimer. Pas parce j’ai peur, hein, juste…» Oh par Jashin j’va brailler. D’après moi y’ont mis du saké dans mon saké, parce que d’habitude j’fais pas de suiton demême.

J’toute crispée.

«J’pas capable d’aimer comme ça. J’peux pas r’garder quequ’un pis me dire que j’veux faire ma vie avec. J’veux faire ma vie tut-seule, pis j’veux juste aimer ma famille. Pis des fois, j’ai l’goût d’brailler. J’me sens comme une grosse marde, comme si il me manque des morceaux.»

Ça a prit que mon frère crève pour le réaliser. «Quand mon frère y’est mort, j’tais juste pétée en morceaux. Comme si on venait d’m’enlever un poumon. Pourtant, je l’ai toujours haït. J’pense la seule personne qui me maintient saine d’esprit – okay à peu près – c’est ma sœur.»

Honnêtement, j’ai aucune estie d’idée de ce que je ferais si la même chose lui arrivait.

J’pense j’me tuerais.

«J’aime mes amis. J’aime ma famille. J’aime fesser. Mais j’aime pas aimer comme on est supposé…»

Au moins ça me rassure; j’suis pas la plus folle pis pas la moins aimable non plus. J,arrive à me remettre à manger en me disant que si j’ai pas forcément besoin de composer avec quelqu’un d’autre toujours dans mes pattes, j’ai la chance de faire ce que je veux. «Oui, t’as raison… Au moins moi j’aurai jamais de problèmes comme ça!»

Ça m’en prend pas gros pour me sentir mieux; mes moments de chignage durent jamais très longtemps. «Ouin on parle d’autre chose; ça vaut pas la peine de jaser de d’ça. Ça fait longtemps que j’ai mon poste, écoute. J’pense ça fait quatre ans, ça va faire 5 ans dans une couple de mois là…»

Le temps passe vite pis drête en dessous du nez.

«J’ai fait bin des affaires; ça se célèbre un peu tard mais écoute,» deux coupes, deux yeules, une bouteille. Go.

Trinque-mwé ça, j’ai pas violenté des hérétiques pis des accidents faits en chakra pour rien!

«Je l’étais pas, mais j’ai cassé assez d’affaires pour le devenir; c’est une bonne job pareil. Okay tout l’monde m’hait, j’suis rendue importante pis toute, mais honnêtement ça change pas trop à la vie pareil.»

J’fais les mêmes affaires, juste en plus difficile. «Il se passe toujours des affaires à Sakyuu, même pendant l’hiver; y fait pas frète, faque ça se calme pas. J’pense que quand l’hiver va finir, j’va devoir travailler un peu plus à l’extérieur du village.»

Ouin bon, les sacrifices jashinistes, les attaques de yokai pis les accidents diplomatiques peuvent arriver n’importe quand, mais quand il fait froid les gens ont moins d’énergie pour faire chier. C’est pour ça qu’ici tout carbure aux mauvaises décisions à l’année longue.

«J’ai hâte d’aller voir autre chose, mettons. Avoir du sable jusque dans le creux de ta craque de sein tout le temps, c’est… c’pas gagnant.» Surtout que j’passe mon temps à frapper des affaires pis à suer comme un goret. Entéka.

«Dis-moi pas ça, j’t’encore pire! C’est juste le temps y passe trop vite pis l’monde y est trop gros!» Y’en a des plus pourries que nous autres, pis c’est pas avoir une job d’armée pis besoin d’apprendre à fesser qui nous rend inepte socialement, tsé. J’suis inepte socialement parce que tout le monde me fait chier tout l’temps. C’est pas pantoute la même affaire. J’suis pas mésadaptée, j’suis juste tellement tannée du stupide que j’parle presque pu à personne.

Entéka. Pas important; mon verre est bin plus important que ça.

«Bin écoute, l’alcool ça tient chaud… jusqu’à ce que non.» J’ai une face à claque en disant ça j’suis sure, pis hausser mes épaules pis mes mains doit pas aider. «En plus dans la montagne si tu bois trop pis que tu tombes, c’est fini… Ici au pire tu te retrouves avec du sable dans tous les trous pis on rit de toi, mais ouin…» Ça sonne comme du vécu, ça… Parce que ça l’est. Demême on manque pas de vitamines pis de minéraux.

Sable dans les yeux. Sable dans le nez. Sable dans ‘yeule. Sable dans l’vagin.

«Oui! Le prochain coup, c’est moi qui va passer! M’a leur apprendre, fais-twé en pas avec ça, c’est mon travail!» Oui, j’suis capable d’enseigner des affaires. Avec les ti-poux, j’reste gentille, mais quand c’est rendu l’âge que c’est pu cute d’être ortho, c’est fini. C’est le temps qui fait tomber des dents de lait, pas moi.

Faque on reboit à ça, pis avant de replonger face première sur le grill, j’y dis que «si ça te tente demain, j’va essayer de savoir y’est où notre camp d’entraînement pis j’va t’amener. C’pas parce j’suis conne pis j’sais pas y’est où que j’dis ça, c’est juste y’est jamais à même place. J’te jure chu pas saoule, pis j’niaise pas; notre camp, y’est monté sur un lézard géant.»

Ouioui. C’est pas une niaiserie, c’est vraiment vrai. «J’comprends si faut le voir pour le croire, mais c’est ça; j’ai aucune idée de y’est rendu où aujourd’hui.»