Rei penche la tête sur le côté. Mourir en prenant un coup pour quelqu'un d'autre ? N'est-ce pas quelque chose de "noble" et le noble n'est-il pas bien ? Il trouve cela compliqué mais, il est vrai que s'il meurt, il ne pourra plus protéger. Il n'avait jamais pensé à ça jusqu'à présent parce qu'il n'avait jamais vraiment pensé à protéger qui que ce soit avant de rencontrer Yui, qu'il considère comme une grande soeur. Avant, son endurance lui permettait juste d'augmenter ses chances de survie et, par la même, les chances de réussite de ses missions.



Si Yui est la grande soeur, Chinone serait la maman et Ao le grand frère. Rei ne peut pas oublier les enseignements d'Haruka qui, par conséquent serait le papa. En réfléchissant de cette façon, cela donne une grande famille. Le brun pouffe de rire. Il n'y avait pas pensé avant qu'il pouvait avoir une famille qui soit ne soit pas sa famille biologique.

Le Genin hoche la tête lorsque la chef d'équipe lui dit qu'endurcir son corps et son esprit n'est pas pour les autres mais pour lui. Ce n'est pas le type de discours auquel il est habitué. Il trouve ça bizarre mais Chinone est une Jonin. Les ordres et les enseignements d'un Jonin prévalent sur tout le reste. D'une certaine façon, cela l'arrange de ne pas avoir à s'améliorer pour les autres, le "pour les autres" demandant des efforts très importants, parfois "trop importants".

Le martialiste baisse la tête quand la blonde lui dit de laisser le passé derrière lui et de plutôt se tourner vers le futur. Connaître son passé est la chose qui le motive le plus pour l'instant, c'est même son seul objectif et la première vraie envie qu'il ait jamais eu. Il ne veut pas qu'on lui enlève ça mais il ne veut pas non plus s'opposer à Chinone.



Rei n'est lui-même pas sûr de pourquoi il veut tant rechercher son passé. A cause des mots de son traître d'amis ? De cette histoire de lavage de cerveau ? Il ne sait pas. Mais, ce qui est certain, c'est que les mots de son amis ont bouleversé les fondations du Genin et maintenant, il essaie de les rebâtir. Le brun vient joindre ses mains et relève la tête lentement, l'air hésitant à cause du grade qui les sépare.

Il n’est pas typique. Il n’a pas eu la même enfance que la plupart des jeunes ninjas de Jujou. Il ne traite pas le monde de la même façon et sa vision est teintée d’une fausse idée de noblesse – ou du moins qu’il faut émuler cette noblesse d’âme pour être bon. Si en soit, cela fait bel et bien parti des stéréotypes, se montrer altruiste e n’est jamais en soi une qualité pour un ninja. Je ne sais pas ce qui lui a mis cette idée en tête et pourquoi il ne pouvait s’imaginer faire autrement avant que je le lui en parle, mais nous n’aurons pas le choix que de tenter de déconstruire cette vision du monde.

Il me remercie, mais je secoue la tête, pour signifier que ce n’est rien. La conversation continues et je lui dis que s’il veut endurcir son corps et son esprit, il devrait le faire pour lui et seulement lui. Vient ensuite la mention de ce qu’il désire. Il veut trouver ses racines, mais selon moi mieux vaut se tourner vers l’avenir que vers le passé, mais malgré mon conseil, Rei ne change pas d’opinion.



Mon conseil est maladroit et il ne dit pas réellement ce qu’il devrait. Rei n’est pas vraiment une personne par lui-même. Un peu trop comme je l’étais à un certain moment. Il n’a pas d’identité et ce n’est pas seulement parce qu’il a perdu ses racines, mais parce qu’il ne connait rien d’autre. Il n’a aucune réelle ambition.

Il détourne ensuite la conversation, me renvoie ma propre question. Je le regarde silencieusement, d’abord surprise, avant de soupirer. Je m’appuis sur le dossier de ma chaise, le visage neutre. Depuis que je suis jonin, depuis que je suis membre de la brigade, je ne me suis pas réellement posé la question. Je suis comme Rei dans un sens. Je n’ai pas ma propre volonté et je ne l’aurai probablement jamais.

Nous sommes ninjas. Nous sommes des outils.

Si de voir mon protégé penser ainsi me déplaît, je ne peux me voiler le visage. Ma vie a toujours été définie par les erreurs de ma mère, par mon maître et sa volonté. Je n’ai pas d’identité ou d’ambition qui soit mienne. Je suis l’outil de mon village, la main qui abat les ennemis de mon village. Je n’ai jamais rien été d’autre et je ne serai probablement rien de plus.



Et je n’en veux pas. Je ne peux pas en avoir. Mon devoir est de n’être rien d’autre qu’une ninja, qu’un outil. Ma pensée diffère de mes paroles à Rei, j’en suis consciente. Mais ce que je suis n’a pas besoin d’être reproduit par tous. Je porte l’horrible et le meurtre comme une médaille, le poids qu’ils ont est mien pour qu’il ne soit pas à d’autres.

Je peux le guider professionnellement, mais je ne peux pas prétendre être plus que cela. Mon devoir est de faire de ce garçon un ninja accompli pour le village. L’espace d’un instant, je me suis permise d’oublier cela. J’ai laissé Ao et ses habilités jouer avec mon devoir et mon idée de ma place. Et la question de Rei me l’a remis au visage. Depuis quand est-ce que ces choses m’importent ?

J'ajoute ensuite, le ton un peu plus détaché, la posture moins investie :



Je n’ai pas le temps pour faire ce genre de suivi. Et Ao est beaucoup plus diplomate que moi. Mieux vaut lui laisser la tâche.