- Tiens donc. De sous mon capuchon sortait quelques mèches d'un roux intense. Je regardais les lourdes portes d'acier qui avaient l'air bien difficile à ouvrir, pour autant les vigiles semblaient ne rien mettre comme force pour pousser les battants.

Clignant des yeux, j'observais autour de moi la grande farandole des voleurs et des connards s'affairaient dans l'endroit isolé, et pourtant bondé, de Seizan. Après la livraison de médicament, aux bons soins du vaillant Akari, je m'en étais allé vers le village des montagnes pour faire mon acheteur... Les marionnettes ne se faisaient pas d'elles-mêmes et j'avais besoin de matière première. Jujou no Sato regorgeait de bois, mais le métal manquait... Il fallait donc se fournir chez le premier exploitant : Les mines des montagnes géantes, là où forgerons et artisans travaillés d'arrache-pied pour la guerre et pour les affaires.

Une excuse, en réalité.
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Sous le tissu noir qui me couvrait le visage, je ne manquais pas d'astuce pour justifier ma présence : Je voulais surtout prier dans la chapelle dont on m'avait parlé, dans les profondeurs du village... Le culte avait installé ainsi un bien bel endroit, que je m'étais empressé de rechercher avec application. Pas de bouche à oreille, bien trop dangereux, mais la présence de symbole dissimulé dans des coins et recoins, comme un jeu de piste bien trop mortel pour le commun des... mortels ? La boutade m'avait fait sourire, le temps d'un instant, avant qu'un triangle aux proportions étranges, sans cercle, ne vienne figer mon rictus en un air plus carnassier... Quelques heures, à fureter négligemment comme un badaud, pour découvrir le début d'une piste au sein même des cavernes obscures.

Quelque chose d'élaboré, sans devenir complétement intraduisible pour celui qui n'avait pas fait ce code... Pour suivre, il fallait savoir, voila tout, un non averti pouvait juste y voir des dessins urbains tout à fait banals, là où je voyais des indications : Des coordonnées ?

Suivant l'angle de la forme de l'index, je calculais de tête la dimension de l'angle... Un théorème rapide et je me retrouvais devant la première pierre dans un édifice virtuel. Le cosinus de ce croisement de ligne donnait vingt-deux virgule quatre-vingt-quinze. Levant la tête, je cherchais dans les parois proches la suite du jeu, mais rien. Grognant silencieusement, je continuais mon chemin, anxieux à l'idée de ne pas trouver car... Trop bête ? Ce n'était pas mon genre de céder à la peur, à la crainte, mais être un jashiniste n'était pas une solution d'avenir, et encore moins quand on cherchait la chapelle cachée de ce culte-là en particulier ! Passant ma main, pensif, contre la pierre froide, je découvris quelques minutes plus tard un panneau indiquant le tunnel vingt-deux. Le nombre était écrit en belles lettres pour que les ouvriers puissent suivre convenablement leur trajectoire au milieu des boyaux obscur.
Ainsi, l'entrée de mon objectif se trouvait par là ? Tout naturellement, je recherchais le croisement avec le tunnel quatre-vingt-quinze, qui devait se trouver assez loin vu la numérotation. Une vingtaine de minutes après, je me retrouvais devant un panneau avec la bonne indication... "Et maintenant ?" Bien que déjà assez obscure, il y avait sans doute une étape en plus pour arriver à bon port. Mettant les mains pour activer un mécanisme, je me rendis bien vite compte que c'était beaucoup trop de travail pour un culte si petit et si secret, il fallait alors se faufiler ? Parler à la bonne personne ? "Assez malin pour des mathématiques, mais pas assez pour ce qui restait de la pratique..." Crispant mes doigts contre le mur, j'enrageais d'être mis ainsi en échec... C'était sans compter sur le panneau indiquant le numéro de tunnel, collé totalement sur la pierre, qui éveillait ma curiosité : Il n'était pas bien visible, il était en fait plaqué et il fallait être bien face pour pouvoir le lire.  Ce n'était pas quelque chose pour informer... Enfin, pas ce que voyait les Seizanites. Fronçant les sourcils, je tapotais le minéral sous l'indication, en vain, mais derrière une pierre, je pus découvrir un signe étrange... Un triangle, sans cercle, comme le précédent, mais gravé dans le sol comme s'il avait toujours été là.

Du fuinjutsu ? La paume contre cet indice, je laissais diffuser mon chakra...
Bingo.

Le mur s'ouvrit devant moi, laissant une allée sombre sous mon observation... L'autel ? D'un pas décidé, regardant autour de moi avant d'entrer, je commençais à me jeter dans l'ombre. Déjà, dans les bras de l'obscurité, je sentais Jashin me guider...
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Oui, mais voila : Prier était une chose, mais je découvris assez vite que quelque chose se tramer dans les boyaux du village. Rien en rapport avec le culte, mais les types que je croisais devant les idoles de chair et de pierre parlaient entre eux d'une vente aux enchères. Rien de particulier ni d'intéressant, mais le lot était une intervention pour... Une amélioration ? Sans un mot, je m'étais dirigé vers les autres Ombres, pour recevoir plus d'informations. Pas de lieu, ni de date, mais il était dit que cela allait arriver. Revenant sur le petit coussin où j'étais à genoux, je récupérais le couteau pour continuer ma prière silencieuse, pratiquant la scarification rituelle... Tout en pensant à cette nouvelle information.

Un pas vers la transition ?

Les plaies rituelles sur mon bras montraient mon enthousiasme vis-à-vis du culte, mais ma vision allait au-delà de la simple chair. Améliorer, remplacer... Ne garder que ce qui servait, pour annuler les besoins du corps comme manger ou dormir. Même le sexe me semblait superflu. "Simple besoin." Je n'avais pour l'instant que des compétences techniques, mais si j'arrivais à mettre la main sur cette chose en vente, je pouvais mettre un pas de plus dans ma voie. Ce chemin de la perfection pavé de tant d'interdits. J'avais donc tendu l'oreille toute la journée, et celle du lendemain, pour trouver dans les basfonds de Seizan No Sato la clef de cette vente aux enchères qui m'intéressait tant !

Assez vite, j'avais trouvé et je me trouvais bel et bien devant cette porte : Révélant mon visage aux gardes camouflés, comme je l'étais précédemment, pour qu'ils me laissent entrer. Les portes raclèrent contre le sol quand j'entrais dans la vaste salle, unique et ouverte pour que chacun puisse être à son aise, en attendant le début de ce spectacle renversant dont le but était de transcender la nature. Un autre homme camouflé stationné derrière un pupitre : Le juge des prix ? L'arbitre d'une lutte économique ? Une moue caustique sur le visage, je remettais mon capuchon. Mes cheveux étaient bien trop voyants dans un endroit qui prônait plutôt la discrétion. Quelques minutes, et le monde se mit en marche : Les enchères pouvaient commencer, instantanément, je venais m'enquérir des propositions et certaines marquèrent mon esprit d'une excitation presque coupable :

-  Vision nocturne : Amélioration des iris pour absorber plus de lumière, même dans les endroits obscurs. Permets ainsi de voir dans le noir.
- Sonar : Amélioration des neurones pour pouvoir capter les vibrations autour de soi. Permets de se repérer par le biais d'ondes (détecter la présence d'objets solides autour de soi) à la manière d'une chauve-souris.

Cette dernière me plut assez... Sans doute à cause de sa polyvalence ! Toutefois, Deux dernières retenaient mon attention.

- Venin : Amélioration des glandes avec une synthése de serpent, d'araignée, ou autre... Permets d'empoisonner quelqu'un par le biais de sa salive (baiser, morsure, crachat...).
- Griffes : Amélioration des ongles, à l'image d'un chat, pour d'obtenir des griffes rétractables aussi tranchantes que des lames

Un grand frisson me prit, ricanant tout seul sous ma cape : Un seul obstacle restait sur ma route. Le prix, et les autres qui désiraient ces petits bonus... Qui allait amorcer le grand jeu de la mise en vente ? levant la main, un peu enfant qui voulait accaparer son doudou, je déclarai :

- Je me positionne sur le sonar, à quatre cents tout pile !

“Une formalité.”

L’enchère avait été plutôt un échec, peu de gens s’étaient manifesté pour s’améliorer… C’était attendu, mais j’étais presque désolé pour le propriétaire du lieu et l’ambitieux commerçant biologique. En vérité, il y avait une minorité d’individus qui désiraient passer à l’acte : Tous étaient conscients des limites inhérentes à la nature humaine, mais personne ne voulait passer le pas de l’opération, quitte à se délester de quelques ryos.

Qu’est-ce qu’était l’argent face à l’évolution ?

J’avais ainsi été le seul et le prix fut ainsi le mien : Quatre cents, une formalité donc pour le salaire de juunin dont je me targuais ! La suite fut pourtant un peu moins simple : Entrainé dans une pièce isolée par le commissaire-priseur, je fus guidé dans les ténèbres des lieux après l’extinction des bougies qui apportaient un peu de chaleur. Une anti-chambre m’attendait, où une table solide guettait le moment où j’allais déposer une lourde somme dessus… On ne venait pas à des enchères sans rien, mais vu que je venais de loin, j’avais caché mon épaisse bourse dans des plis plus sécurisé qu’un simple vêtement. Amenant ma main sur mon avant-bras, je prenais dans la rune chakratique disposée dessus sous la forme d’un tatouage le sac prévu à cet effet. Fouillant dedans, je sortis la somme demandée lors de l’entretien : C’était beaucoup de pièces et le cliquetis se fit presque désagréable quand je posais chacune, l’une après l’autre.

- Voulez-vous compter ? Autant d’or sculpté pouvait porter à confusion, mais je fus bien vite conduis dans la pièce adjacente où m’attendait le vrai spectacle du soir.

Un vrai labo des horreurs où des bocaux attendaient, pourvu de quelques organes et curiosités… Un bref instant, je me crus revenu dans les marais où mon père faisait ses opérations délirantes sur des civils et des chiens. Dans les ténèbres, mon imagination me fit presque discerner des tubes, mais ce n’était bien sûr rien…

J’étais ainsi tant marqué par ces spectacles ? Moi qui avais vécu et fais ma part au nom de mon Dieu ?

Seul élément de confort dans ce cadre cauchemardesque : Un fauteuil, sans doute le meuble où j’allais me poser pour la transformation, le dépassement de la nature imparfaite.
L’homme masqué m’invita à me déshabiller et cette nouvelle me fit curieusement frissonner : Non pas qu’il faisait froid, mais je n’avais pas imaginé devoir quitter mes précieux vêtements pour cette affaire. C’était logique, avec du recul, mais la nudité amenait bien des conséquences… La marque sur mon épaule, signe de mon rattachement à Jashin, devenait ainsi bien voyante. Le reste : Mon fuinjutsu ancré dans la peau, mes scarifications et mes taches de rousseurs pouvaient être expliqué de bien des manières, mais on ne pouvait pas confondre ce triangle porté dans ma chair.

“Il est trop tard.”

Hésitant un instant, je laissais échapper la manche de ma cape pour révéler la couleur de la chemise de voyage dessous. Effeuiller ainsi ma silhouette me laisser le temps de réfléchir à un angle d’approche : L’homme était un criminel, sans doute de la pire espèce s’il s’amusait à jouer dans le corps des gens et vendre ses services, ainsi, il n’allait pas donner mon signalement… Mais même les pires salauds pouvaient trembler devant la lumière et la miséricorde de Jashin pour leur misérable existence. Le culte dont je faisais partie était d’un autre niveau de considération, traqué par l’Empire, on était condamné à mort sans forme de jugement. Lui pouvait avoir un procès, moi non : Cela signalait déjà une hiérarchie. De plus, mon visage était apparent très tôt : Il ne lui manquait que mon nom pour me mettre dans l’embarras le plus profond. Une longue minute fut nécessaire puisque lentement, je laissais échapper les couches de tissus qui me couvraient, jusqu’à révéler les détails intimes de ma chair. Ce n’est pas la vue apparente de ma verge qui me mettait dans l’embarras, mais bien mon épaule et sous son masque, je ne pouvais pas discerner où son regard se posait :

- Nous sommes partout. Je peux mourir, éliminé par les chiens, mais votre masque ne vous servira à rien si le secret sort de cette pièce. L'air impérieux, bien que nue comme un verre au milieu des tubes aqueux, je regardais l’homme sous son costume en essayant d’avoir l’air le plus menaçant possible. J’ai payé, l’opération sera faite et ensuite, nous pourrons oublier cette rencontre : Votre poche sera plus lourde et ma tête sera plus pleine.

Un accord simple, mais qui pouvait tourner en véritable problème avec le nouveau facteur qui rentrait en jeu…

- Ce n'est pas une menace. Plutôt une promesse. Passant largement sur le passage au tutoiement assez évocateur, on avait dépassé un certain stade d'intimité maintenant que son masque s'approchait dangereusement de mon visage et qu'il se préparait à fouiller dans ma tête. Je ne crains pas vraiment pour ma vie, la preuve en est cette marque qui rend notre échange si exotique, mais j'aime rendre ce qu'on me donne. Surtout quand c'est la mort. De plus, je pense que cela ferait mauvais genre d'avoir un cadavre comme résultat pour cette première enchère... Un mauvais signe pour les prochaines. Nous étions tombés d'accord sur le côté mercantile qui interdisait sa main de riper pour me tuer, quelle que soit la raison. Son intérêt pour mon existence fut récompensé : Je suis nu, mais je garde mes secrets.

Le culte était interdit, illégal, et être rapproché à lui pouvait être puni de mort... Ainsi, les membres cachaient leur affiliation, même entre eux, pour éviter les problèmes : Quid de présenter cette marque caractéristique à la mauvaise personne ? Heureusement, il avait autant à perdre que moi, lui qui se cachait dans les ténèbres pour ses trafics qui me favorisaient aujourd'hui. Alors quoi ? Les Jashinistes étaient une nouvelle race de criminels ? Je ne voulais pas le croire et je gardais le silence quand il fit le parallèle affligeant. La perspective que le signe de ralliement de notre culte soit connu en dehors des adeptes me fit un certain déplaisir : Les autorités n'étaient pas si idiotes, s'ils pouvaient reconnaitre la trace caractéristique de la scarification jashiniste alors une grande partie des membres allaient disparaitre dans une grande traque.
Lors de leur initiation au culte, on demandait aux fidèles de s’entailler le bras avec la marque de Jashin, un triangle au centre d’un cercle, cette marque à jamais sur la peau des fidèles leur permettait de se reconnaître entre eux. C'était aussi le passe-droit pour entrer dans les sanctuaires et sans doute dans la cathédrale noire... Avant de tuer, on offrait d'abord notre chair à notre dieu et à son apôtre, où qu'il soit. Les ombres étaient encore à ce stade et même si j'avais participé à cette nuit sainte, il y a des années, je restais dans le bas de la hiérarchie puisque je n'avais jamais fait l'effort de m'élever... Si notre culte était secret, mes camarades pouvaient devenir rapidement de possible ennemi, dissimulé dans l’ombre des villages et des campagnes. L'homme devant moi avait l'avantage de ne pas être reconnaissable après coup, contrairement au jeune garçon aux cheveux blancs que j'avais croisés plus tôt. Pour autant, il se disait connu dans le milieu...

Ce séjour était une vraie mine d'or pour ma perspective du culte et des sécurités à mettre en place.

Pour autant, durant son intervention, je pus néanmoins m'interroger sur son raisonnement qui lui permettait de savoir que j'étais une Ombre. C'était fâcheux d'être ainsi découvert, mais cela l'était encore plus de ne pas avoir accès aux mêmes informations que celui-là. Sans doute que trainer dans les sous-sols d'une montagne avait des points positifs. Toutefois, je gardais la bouche close pour les minutes de l'opération : La douleur était diffuse, presque invisible. Comme si quelque d'autres souffrait et que je ressentais le tout par un lien, un voile, quelque chose de métaphorique que je m'interdisais de développer par pudeur pour mon intelligence. L'action d'un quelconque art médicinal était évidente et je laissais faire l'homme aux masques, nonobstant totalement le sang qui s'écoulait ainsi de la base de mon front jusqu'à mon menton. Du rouge, partant du rouge. Pour un jashiniste roux, c'était presque amusant. Le visage totalement impassible, quand cela soit la conséquence de l'anesthésie locale, je scrutai le masque en essayant de passer outre. Belle tentative vouée à l'échec et à la toute fin de cette rencontre passionnante, je n'avais percé aucun mystère alors qu'il connaissait mon corps et le grand secret que je dissimulais même à mon frère. J'étais perdant de l'affaire religieuse, mais gagnant dans l'affaire de l'argent... Ou bien non ? J'allais le découvrir plus tard.

Ainsi, j'allais passer les prochains jours à sentir un visage flottant, mais surtout à chercher à appréhender ce nouveau talent qui était le mien dorénavant. Un entraînement de tous les instants que je cherchais aussitôt à déclencher et l'impression me fit un peu tourner la tête : La première activation déclenchait dans mon cerveau des récepteurs qui n'étaient pas là à l'origine, ainsi les images s'inséraient de manière étrange et cela me fit frisonner, autant de peur que d'excitation. Le progrès était en marche.

- Je vois que vous n'avez pas menti sur la marchandise. Je me levais et mes jambes restèrent un moment grisées par le phénomène. Tout mon corps réagissait à cette chose étrangère dans ma tête. Il y a un risque de rejet ? De dysfonctionnement ? Quelle précaution je dois prendre face à ce nouveau talent ? C'était amusant de demander cela après coup, mais on ne faisait pas d'omelette sans casser des œufs et mon corps était une valeur indiscutablement remplaçable. En tout cas, je comprends aujourd'hui que j'ai des choses à découvrir : Les tunnels sombre de seizan ne cachent pas que des calculs à faire. Si mon prochain séjour dans le village allait être concentré autour de la chapelle noire, un petit tour dans les faubourgs du marché noir n'était pas déplaisant.