C'est avec gravité, et le cœur lourd, que le prêtre de Tsukuyomi s'était résolu à consulter son chef d'escouade quant à cet épineux sujet. Il ne l'avait malheureusement plus revu depuis les terribles incidents ayant coûté la vie à son cousin, Doji Kamon, aujourd'hui porté disparu. Il avait d'ailleurs reçu son message, souhaitant organiser une cérémonie afin de commémorer leur coéquipier tombé au combat, auquel il avait répondu par l'affirmative. Cependant, il était toujours une expérience différente et beaucoup plus délicate de rencontrer l'endeuillé en personne. Surtout pour la première fois depuis les tragiques évènements s'étant récemment déroulés.

Dans un tel contexte, le Faucheur avait d'ailleurs grandement hésité, avant de se résoudre à consulter Seichiro pour une raison aussi triviale que cette drôle d'épreuve mise en place par leur Kage. Sûrement avait-il d'autres sujets plus importants à gérer, et rien ne garantissait qu'il apporterait son concours aux Genins, sous peine de biaiser ce potentiel examen...

Pourtant, c'était peut-être grâce à cet homme que Kirei avait commencé à entrevoir l'intérêt de s'élever davantage dans la hiérarchie, et s'il disposait ici d'une opportunité à saisir, le noble Jounin aurait directement contribué à sa promotion, et pourrait s'appuyer sur un subalterne partageant ses idées, et devenu plus influent. Une occasion qui pouvait peut-être l'intéresser et le distraire, après la tragédie qu'il avait vécue.

En tant qu'ami personnel de Yamato Daichi, et haut placé dans l'administration du village, les chances étaient grandes pour qu'il ait entendu parler de l'étrange situation dans laquelle le moine avait été placée. Ou du moins, pour qu'il puisse disposer d'informations utiles pouvant mettre l'apôtre de Jashin sur la piste des badges qu'il recherchait. Après tout, les consignes qu'il avait reçues parlaient bien de retrouver et s'emparer d'un numéro indépendamment de la méthode employée... Alors pourquoi ne pas simplement demander à la source ? Il n'y avait de toute manière rien à perdre à tenter le coup.

Toquant à la porte entrouverte de son bureau, le prêtre de Tsukuyomi s'avança en saluant le futur héritier du clan Doji avec déférence. Un lieu qu'il n'avait visité auparavant qu'une seule fois, afin de finaliser les documents officiels actant son intégration au G.R.I.M.



Il paraissait inconvenant pour le jeune homme de faire directement part de ses autres motifs liés à cette histoire de badges numérotés, lorsque son interlocuteur venait de perdre son cousin aux griffes d'un Wendigo. Mieux valait-il attendre le moment propice, ou qu'il y soit invité par Seichiro lui-même, qui se doutait probablement des raisons ayant pu le mener jusqu'à son bureau.

C'est avec le sourire que Seichiro semblait accueillir le jeune moine, de même que les propos qu'il venait d'exprimer en guise de salutations. Peut-être n'était-ce qu'une façade, mais cette jovialité apparente était particulièrement rassurante, et contribuait grandement à détendre l'atmosphère. Après tout, cet homme était doté d'une grande résilience, et avait déjà dû surmonter la perte d'êtres chers par le passé, notamment en la personne de sa sœur Ayane.

Dans son discours, il ne cachait d'ailleurs pas la difficulté de l'épreuve qu'il pouvait traverser, mais parvenait malgré tout à dédramatiser la situation et à faire preuve d'un sang-froid ou d'un détachement dignes d'un leader de son rang. Une attitude parfaitement en adéquation avec sa réputation, et qui ne surprenait aucunement Kirei, soulagé de constater qu'il continuait de vivre de la manière la plus normale possible, laissant le temps faire son œuvre. C'est pourquoi préférait-il ne pas s'entendre davantage sur cette tragédie, ce que le Souhei pouvait aisément concevoir.



Bien qu'il ne s'agissait-là que d'une couverture officielle, le prêtre de Tsukuyomi prenait toujours son rôle au sérieux. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui l'avaient poussé à terminer sa formation au Haut Temple de la Création, afin d'être en mesure d'aider son prochain en offrant à autrui le soutien moral ou émotionnel dont les fidèles pouvaient avoir besoin. Une tâche qu'il estimait complémentaire à la Mission Divine de son rôle de Faucheur, dans l'attente du Renouveau qui soignerait le monde de ses infâmes turpitudes.

Outre la hiérarchie religieuse, existait également la hiérarchie militaire, et si son hypothèse était correcte, cette mystérieuse épreuve liée au badge numéroté qu'il portait était susceptible de déterminer une éventuelle promotion. Une idée qu'il espérait pouvoir confirmer auprès du noble Jounin, l'invitant à lui faire part des autres motifs de sa visite. Mais même s'il ne pouvait lui répondre sur cet aspect, le plus important était peut-être qu'il disposait de davantage de ressources, afin de déterminer qui étaient les différents participants, de même que pour connaître le numéro de leur insigne respectif.

Il se dégageait clairement de Seichiro une certaine confiance, et ce genre d'épreuves était sûrement quelque chose qui devait capter son intérêt, même s'il n'était pas lui-même directement impliqué. La manière dont il remarquait le badge que portait le prêtre de Tsukuyomi, tel un constat évident dont il connaissait d'ores-et-déjà l'existence, confortait le moine dans l'idée qu'il savait sûrement quelque chose au sujet de ces récents évènements. Une intervention qui lui redonna également le sourire, lui dont l'expression était jusqu'à présent plus grave ou solennelle, de par les dernières circonstances et la manière dont ils avaient pu entamer cette conversation. Une légèreté plus que bienvenue, et ce changement de conversation avait de toute évidence été positif pour les deux hommes présents dans le bureau.

Puis, après avoir relevé le numéro du Faucheur, le noble Jounin préféra ne pas répondre dans l'immédiat, curieux de connaître l'avis de son interlocuteur sur la question. Quel pouvait bien être l'objectif de cette mise en situation, et quelles étaient les intentions de Yamato Daichi lorsqu'il l'imagina ? Bien des réponses étaient possibles, mais la plus évidente était donc une sorte de test, afin d'étudier le comportement des différents concurrents, ou d'évaluer leurs capacités. Il s'agissait de loin l'option la plus logique, mais il restait encore à déterminer à quelles fins. La première chose qui était donc venu à l'esprit du Souhei, n'était autre que la perspective d'une éventuelle promotion. Il avait d'ailleurs quelques arguments, afin de soutenir cette hypothèse.



Aucun civil, et aucun autre militaire que ceux cités par l'apôtre de Jahsin, n'avait pour le moment été identifié comme porteur de badge. Si cela ne garantissait guère qu'il existait peut-être une exception, il était raisonnable de partir de ce principe jusqu'à preuve du contraire.

Décidément, cette épreuve était pleine de surprises, et la situation devenait de plus en plus intéressante. De son propre aveu, Seichiro jouait a priori lui aussi un rôle dans cette affaire, même si d'un autre côté, il admettait ne pas connaître tous les tenants et aboutissants de ce que leur Kage avait ainsi organisé. Peut-être qu'à l'instar des différents porteurs de badge, lui aussi s'était vu prescrire une fonction particulière, sans pour autant être informé de l'ensemble des règles et de toutes les subtilités. Quoi qu'il en soit, cela rendait la visite de Kirei d'autant plus chargée en termes d'enjeux, lui qui avait directement affaire à quelqu'un qui tout comme lui, était impliqué d'une manière ou d'une autre de par son rang de Jounin, et avait bel et bien accès à des renseignements.

Il confirmait également que ce mystérieux test impliquait les Genins, ce qui accroissaient les chances de l'hypothèse relative à un examen évaluant leurs capacités, même si rien ne garantissait qu'il était question d'une promotion. Le futur héritier du clan Doji semblait d'ailleurs insister sur le fait de ne pas prendre ce test à la légère, mais plutôt comme une réelle mission. Il évoquait même spécifiquement la situation où il s'agissait de dérober le badge d'un ami, celle dans laquelle se trouvait malgré lui le Souhei, bien incapable de porter préjudice à Meiyo de quelque manière que ce soit. Suspendus aux lèvres de son interlocuteur, il comprenait qu'il serait évalué sur la manière dont il avait abordé cette mission, ainsi que ses actions... Ou non-actions, comme le soulignait ouvertement son chef d'escouade. Faisait-il allusion à son abstention ou à son partenariat avec le Renarde ? Ou n'était-ce qu'une coïncidence ?



Le noble Jounin s'était également montré prêt à négocier certaines informations concernant les numéros des porteurs de badges qu'il recherchait. Une opportunité des plus alléchantes, qui allait tout de même nécessiter une contrepartie. Mais il était délicat de déterminer s'il s'agissait d'un échange dans le cadre de cette épreuve, ou s'il attendait une faveur dépassant celui-ci. C'est pourquoi le Faucheur prit le temps de réfléchir quelques instants, avant de formuler sa réponse en demandant directement au principal intéressé.

Le Souhei écoutait la réponse de Seichiro avec une grande attention, tentant d'interpréter les différents mots d'une manière ou d'une autre, afin d'y déceler ou non certains sens cachés éventuels. S'il ne pouvait totalement répondre à la question qu'il venait de lui poser, les raisons pouvaient être multiples : cette interrogation portait sur une règle qui ne le concernait pas, et dont il n'avait pas été mis au courant. Ou bien il connaissait la réponse, mais ne pouvait malheureusement en dire davantage de par le rôle qu'il jouait dans cette épreuve. Dans tous les cas, ses paroles et ses conseils restaient toujours sages, si bien que le moine y accordait un grand crédit.

S'il devait porter une attention particulière à la formulation de l'énoncé, ainsi qu'aux mots choisis, alors il était avant tout question de subtiliser le numéro qu'il s'était vu attribuer. Telle était sa mission, et perdre son insigne, ou bien collecter tous les autres, n'étaient peut-être aucunement pertinent. Une interprétation qu'il avait lui-même envisagée, sans pour autant être sûr de sa conclusion. Il était également vrai que contrairement à une véritable escouade, les concurrents qui collaboraient n'avaient pas tous le même objectif, mais une collaboration restait évidemment un bon moyen de faciliter la tâche.



Naturellement, le noble Jounin n'avait pas grand chose à retirer d'informations ou d'éléments liés à cette épreuve. Il était plutôt question d'échanger les informations qu'il pouvait détenir contre une faveur quelconque, qui se concrétiserait en avantage direct pour le prêtre de Tsukuyomi dans le cadre de ce potentiel examen. Le sourire de son interlocuteur était d'ailleurs contagieux, et Kirei ne pouvait s'empêcher de faire de même, reconnaissait bien là l'esprit sage et pragmatique de son chef d'escouade. Le même que lorsqu'ils discutèrent au Temple. S'il n'avait que peu de choses à offrir en retour, le jeune moine avait tout de même de quoi faire quelques propositions.



Une dernière proposition qui amusait beaucoup le Souhei, mais qu'il n'avait aucunement tirée de nulle part. Au terme de leur mission où ils avaient été confrontés au Wendigo, l'apôtre de Jashin avait pu remarquer un vague rapprochement, si bien qu'il était également question que la prêtresse rejoigne à son tour l'escouade de Seichiro. Si celui-ci portait un intérêt particulier envers la jeune femme, qui restait officiellement une moniale avec toutes les barrières que cela pouvait représenter, alors peut-être pouvait-il être intéressé par l'appui de Kirei, qui restait peut-être l'homme le plus proche de cette femme secrètement misandrique

Tout comme lui-même ainsi que les autres Genins avec qui il avait pu s'entretenir sur la question, Seichiro n'excluait pas l'existence de règles cachées qui seraient inconnues des différents candidats. En poursuivant dans la métaphore de la mission, il était vrai que perdre son badge pouvait potentiellement s'assimiler à une éventuelle mort, mais que perdre son badge tout en récupérant celui que l'on s'était vu attribuer équivalait alors à mourir en parvenant à accomplir son devoir. Ce qui pour le visage, pouvait correspondre à un éventuel succès. Bien sûr, l'interprétation stricte de la consigne restait toujours une hypothèse valable, et le noble Jounin ne voulait nullement influencer son visiteur. Comme il le soulignait, des règles cachées pouvaient aussi concerner la manière dont les concurrents se comportaient, sans forcément considérer l'importance du résultat. L'ultime conseil qu'il se voyait recommandé trouvait ainsi tout son sens.



A en juger par les paroles de son interlocuteur, celui-ci ne se disait pas intéressé par ce que venait de lui proposer le Faucheur. Ce dernier se demandait dès lors s'il s'agissait de la vérité, ou s'il ne faisait que prétendre de ne pas l'être, afin de formuler une contreproposition de son propre cru. Le véritable objet de cette suggestion de négociation. Ecoutant attentivement de quoi il s'agissait, le futur héritier du clan Doji souhaitait rencontrer Meiyo en tant que spécialiste du Fuinjutsu, ses aptitudes pouvant se révéler des plus utiles dans le cadre de certains projets qu'ils avaient pu en partie évoquer lors de leur rencontre au Temple. Il souhaitait aussi s'assurer de son appui afin de la convaincre, et naturellement la confidentialité de leur arrangement. Prenant la peine de réfléchir quelques instants, le prêtre de Tsukuyomi posait sa main sous son menton, avant de finalement donner sa réponse.

Les propos du noble Jounin trouvaient un écho tout particulier aux oreilles du Faucheur, lui qui avait justement cette propension à rechercher les éventuels sens cachés et autres interprétations des écrits, paroles ou autres phénomènes. Une telle épreuve, avec toute la dose de mystère qui venait l'entourer, ne faisait pas exception. Il était facile pour un individu comme lui de se perdre en conjectures, ou de commencer à agir sur la base de postulats totalement hypothétiques, juste en prévision de certaines possibilités.

Ce qui en soi, n'était pas nécessairement un mal, en ce qu'il valait mieux être préparé qu'être pris au dépourvu. Mais dans une telle situation, il devenait vite facile de s'égarer, en tirant des plans sur la comète. C'est pourquoi allait-il se concentrer principalement sur sa mission, récupérer les badges numérotés qu'il devait acquérir, tout en restant fidèle à ses convictions, à savoir ne pas blesser ou tuer sa partenaire, avec qui il faisait équipe et partagerait les insignes.



Seichiro développa par la suite les détails de sa proposition, qui apparaissait des plus limpides et acceptables aux yeux de Kirei, rassuré de ne pas avoir à nécessairement défendre des opinions contraires aux siennes ou à mentir à Meiyo, en dehors de la confidentialité de cet arrangement. Dans certains domaines, sa vision des choses ne s'alignait d'ailleurs pas toujours avec celle de sa partenaire, et se rapprochait parfois davantage du pragmatisme de son chef d'escouade. Notamment sur des sujets tels que les Yôkais.

Il n'était donc pas à exclure qu'il se retrouve à soutenir des propositions qui a priori, n'intéresseraient pas forcément la la Renarde, alors qu'il se sentirait lui-même en accord avec ce que suggérerait le redoutable médecin illusionniste. Et si son opinion était neutre, il essaierait de défendre les propositions tel un exercice intellectuel visant à voir les aspects positifs qu'elles pouvaient présenter. Surtout qu'il agissait avant tout dans l'intérêt de son amie, afin d'identifier le porteur du badge qu'elle se devait de récupérer.