« Pourquoi les ponts sont-ils rouges Papa ? »

La petite fille que tu étais avait posé cette question avec toute l’innocence du monde, alors qu’elle se baladait main dans la main avec son père, dans l’ombre des érables rouges.

«  Tu vois ma fille, les ponts rouges représentent le lien entre terre et ciel. Entre mortels et divinités. Le rouge, c’est le sacrifice de soi. Le sang qui a coulé pour protéger les générations futures. C’est pour ça que tu portes ces cordes rouges sur toi, tout comme moi. C’est pour ne pas oublier ceux qui nous ont permis d’arriver jusque-là, qu’ils soient humains ou dieux. Pour rester humble.»

***

Tes doigts glissent sur la corde, de rouge tressée alors que les souvenirs remontent doucement en toi. Souple et solide à la fois. Un lien carmin avec le divin. C’est une des traditions familiales qui sont chères à ton cœur. Malheureusement, un des liens accrochés à tes vêtements s’est brisé sous le coup d’une lame, lors d’une mission, et il te faut maintenant le remplacer. C’est ainsi que tes pas t’ont guidé jusqu’aux ruelles du village, et plus précisément à le petite boutique dissimulée d’un couturier chez qui ta famille commande depuis déjà plusieurs générations. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre la raison de ta venue en observant l’absence sur ton flanc droit. Quelques minutes d’attentes et tu avais enfin la précieuse corde entre les mains.

Mais alors que tu admirais celui-ci, grandement satisfaite de la qualité du corsage, tu sentis ton corps vaciller, ou plutôt, être poussé, légèrement. Comme si quelqu’un voulait te faire remarquer sa présence. Ce quelqu’un d’ailleurs, ne tarda pas à te parler, un air désolé sur le visage et bavard comme une pie. Sans lâcher ton précieux bien, tu l’observes. Une chevelure noisette mi-longue, des iris anis, une barbe taillée de manière à ce que les deux côtés ne se rejoignent pas ... À moins qu’il ne soit imberbe que du menton ? Tu avais bien vu des anciens conserver les cheveux que sur une partie de leurs crânes après tout. Tu aurais presque envie de poser la question, si ça proposition ne t’avais pas autant intrigué.

« Vous invitez à boire tout les gens que vous bousculez ? Vous devez avoir un sacré budget alcool quand vous passez dans une rue bondée alors »

J’avais oublié. Tu es complètement à l’ouest quand on te drague. Pourtant, c’est assez évident. Les paroles de l’inconnus sont mielleuses, pleines de flatteries en tout genre et même la manière dont il t’avait percuté était suspecte. Mais non, toi, tu ne comprends pas. Ça ne se voit rien qu’à ta visage. Cette expression curieuse. Tes yeux bien ouverts, alors que ta tête se penche légèrement sur le côté.

« Vous devriez faire attention, trop boire est mauvais pour la santé. »

J’aurais presque pitié pour ce jeune homme tiens. Le pauvre doit être complètement perdu face à ta réaction. Déjà, tu détournes le regard, sortant quelques ryos de ta bourse, accrochée à ta taille, aux côtés de ton bandeau de Seizan, pour les déposer dans la main du commerçant.

« Merci Shirato-sama, votre travail est toujours aussi parfait. Je vous passerais une commande plus importante bientôt, afin d’avoir du stock d’avance. »

Enfin, la corde est tienne. Il ne te faut que quelques secondes pour former le nœud à trois boucles qui vient décorer ton flanc droit, jusque là vide, comparé au reste de ta tenue. Tu te sens mieux maintenant. Entière. Assez pour reporter ton attention sur le jeune homme planté comme un piquet à côté de toi.

« Je peux vous aider autrement ? »

Étrange personnage. Et venant de toi, ça veut dire beaucoup. Oui, tu ne comprends pas vraiment l’inconnu qui veut se faire pardonner à tout prix pour ce petit accident, et qui justifie ça par le fait que tu es une jolie femme. Un sourcil levé, l’air interrogateur, tu demandes alors.

« Donc vous présentez simplement des excuses aux personnes avec une jolie apparence ? Ce n’est pas très logique comme manière de faire, non ? »

Facepalm de la foule. Saki, tu es brillante, mais bon sang que tu peux être bête parfois. Tu continues de l’observer, avec un savant mélange de curiosité et d’incompréhension. Lui, il a décidé de changer ses plans, face à ton imperméabilité. À la place, il te propose donc de marcher avec toi, le temps que tu finisses tes courses. Habituellement, tu aurais détourné l’invitation, mais cette fois, ça tombait assez bien ! Tu avais encore un tas d’achat à faire, et avoir une paire de bras supplémentaire ne pouvait qu’être plus agréable. Oui, c’est un bon plan. Un léger sourire étire tes lèvres alors que tu déposes un de tes poings contre ta hanche.

« Bien, j’espère que vous avez de la force dans les bras, j’ai quelques achats à faire avant de rentrer et c'est un peu lourd. »

Pauvre, pauvre jeune homme, vraiment. Il ne se rends même pas compte qu’il vient de se jeter dans un piège à pieds joints. Comme quoi, même sans vraiment faire attention, tu sais te servir de tes charmes pour te soulager la vie en fait ! D’un geste de tête, tu lui fais donc signe de te suivre, alors que tes pas t’entraînent un peu plus profondément dans les rues, en direction du quartier commercial de Seizan.

« On peut se tutoyer ? Ce sera plus simple ... Je m’appelle Saki, et toi ? »

Ton rythme est rapide, et laisse à peine le temps au jeune homme de tout suivre. Ta chevelure, tressée, se balance en cadence avec ta marche et le tintement métallique de ton bandeau, attaché sur la droit de ton basson, berce votre avancée.

« Civil ou soldat ? »

Simple question, à la réponse pourtant importante. Tu ne peux pas te permettre d’échanger de la même manière avec un civil qu’avec un collègue. Non, clairement pas. Alors tu préfères tout de suite savoir de quoi tu vas pouvoir parler avec cet étrange garçon, et les possibles choses qu’il pourra t’apprendre. D’ailleurs, c’est avec les questions les plus simples, suivies d’un silence, que les gens ont tendance à le plus parler et on en apprend alors plus qu’on ne le pensait.
Rapidement, les forges se dessinent au loin, et ton sourire se fait un peu plus grand. Tu aimes bien observer le travail des artisans de Seizan. Ouais, tu es en fait le genre de personne capable de trouver de la beauté dans des choses bien différentes. Si on t’a appris à vénérer la nature et sa splendeur, tu trouves la symphonie de métal et de crépitement embrasé assez fascinante, à sa manière.

Tu fonces alors sur un des stands où de nombreux objets sont installés et où les forgerons travaillent avec une grande concentration, leurs muscles couverts du sueurs à cause de la chaleur des brasiers.

« Bonjour ! Excusez moi de vous déranger, j’ai une commande au nom de Kara Saki ! »

Le plus jeune du groupe relève le nez de son travail. Rapidement, il essuie ses mains couvertes de graisses et trottine vers vous avec un sourire candide.

« Ah oui ! Je vous demande une minute, je vais chercher ça dans l’arrière-boutique ! »

Il te fait penser à un plant de menthe au milieu des roches glaciales de Seizan. Une petite pousse fraiche et pleine de vie qui arrive pourtant à se développer. Amicalement, tu le salue d’un petit geste de main alors qu’il repart, puis tu t’accoudes au comptoir du magasin.

« En fait, tu es sûr d’avoir le temps de te balader comme ça ? J’espère que je ne perturbe pas tes propres courses »

Tenma ? Oui, tu connais de nom. Il faut dire que c’est dur de ne pas connaître les Tenma en étant originaire de Seizan. Tu as justement eu une petite entrevue avec l’un d’eux au temple du fer, il y a quelques nuits de cela. Hisao était donc le second que tu croises. Il ne manquerait plus qu’un troisième débarque !

« Oui, faut dire que vous êtes assez connus dans le coin. Ce serait étrange de ne pas connaître au moins votre réputation. Peut-être qu’on se croisera en mission, un de ces jours. »

Après tout, vous êtes collègues. Et puis, tu imagines mal le Seizankage s’amuser à faire plaisir aux membres de clan en les faisant travailler exclusivement ensemble. Non, c’est un homme sage. Un homme qui sait ordonner la composition d’équipe, selon les capacités de chacun. Oui, tu as beaucoup de respect pour la montagne humaine qui dirige le village. Mais ce n’est pas le moment de parler de ça Saki. Hisao vient de te poser une question, et il serait au moins cordial d’y répondre, déjà que tu vas l’utiliser comme une mule !

« J’ai commandé un mannequin d’entrainement en acier, pour chez moi. J’ai besoin de faire quelques progrès en Taijutsu. Oh, j’ai aussi commandé quelques armes, afin d’avoir un petit stock personnel de Kunai. Ça peut toujours servir. »

D’ailleurs, le jeune apprenti de la forge fait son retour, et ça ne peux paraître qu’inquiétant pour le pauvre Tenma qui s’est proposé de t’accompagner. Sur son dos, un gros bloc d’acier et de bois avec une silhouette humaine, installé sur un pied pivotant. Un gros bloc d’acier qui semble particulièrement lourd, vue la manière dont le jeune homme marche. Lorsqu’enfin, il arrive au comptoir et le pose, un gros ‘’boum’’ résonne, renforçant l’hypothèse dans laquelle Hisao va se détruire le dos.

« Et voilà mademoiselle ! »

Le paiement est déjà déposé sur le comptoir. Sans perdre de temps, il l’attrape, et ajoute le gros sac de kunai à côté de ton premier bien, dans un bruit métallique qui se marie parfaitement avec l’ambiance de la forge.

« Tu te sens de porter le mannequin ou tu veux prendre le sac de kunai Hisao ? »

Tu te demandes s’il aura la force de porter ton partenaire d’entraînement inanimé jusqu’à chez toi, dans le quartier civil. Pourtant, il est bien plus grand que toi Saki. Et carré. La question serait sans doute plus légitime dans l’autre sens, même si tu as plus de force qu’il n’y paraît. Tes iris bleutées l’observent, de bas en haut, alors que tu essayes d’estimer sa force physique. Elles passent par ses épaules, son torse, ses cuisses ... Ouais, il pourrait presque croire que tu mattes ! Mais toi et moi savons que ce n’est pas le cas. T’es vraiment à l’ouest sur ce genre de point.

« Oui, ça reste important, même si en réalité, je ne me spécialise pas dans cet art. J’aimerais juste avoir des bases, au cas où. Se faire prendre par surprise, c'est pas très agréable en plein combat.»

Finalement, le jeune Tenma se sentit de porter le mannequin d’acier. Il n’hésita pas bien longtemps et jeta celui-ci sur son dos, s’aidant du sac de jute contenant ta précieuse commande. Pour une fois, ce ne serait pas à toi de porter, et tu dois bien avouer que c’est agréable. Ton retour sera plus doux, paisible et ton dos ne tirera pas.

D’un geste de main, tu salue l’apprentis forgeron, puis tourne les talons. Il est gentil cet apprenti ! Travailleur, et plutôt doué si tu crois les paroles du patron de la forge. Qui sait, peut-être fera-t-il partie de l’élite des forgerons de Seizan ? Peut-être poussera-t-il son art à son paroxysme ? Ou peut-être stagnera-t-il toute sa vie ? Seul l’avenir le dira , et seul son travail pourra influencer celui-ci. Le travail, encore et encore. Un petit sourire étire tes lèvres alors qu’au fil de vos pas, les silhouettes des forges disparaissent dans votre dos.

« Je suis plus du genre à m’entraîner seule en montagne, mais si un jour, nous nous croisons, pourquoi pas ? Je n’ai rien à perdre après tout ! »

C’est vrai ça ! Tu aimerais bien voir le genre de stratégie que tu peux mettre en place pour lutter contre une personne maniant l’arc et possédant une vitesse sans doute plus grande que la tienne. Oui, tu es sûr qu’il y aurait de quoi faire ! Peut-être que tu pourrais utiliser des jutsu pour perturber son champs de vision ? Mais peut-être est-il capable de sentir les auras avec une grande précision, ce qui rendrait cette stratégie inutile. Tant de possibilités et de questions dans ta petite tête. Un petit sourire étire tes lèvres alors que tu accélère un peu le rythme de tes pas.

« Comme je le disais, le Taijutsu n’est pas réellement mon truc. Je dois avouer que j’essaye de me spécialiser dans les techniques de sceaux, mais ça demande beaucoup d’entraînement pour réaliser quelque chose de parfaitement stable. Et toi alors, à part l’arc ? Vu que tu es un Tenma, je suppose que tu montes également à cheval ? »

C’est vrai, est-ce que, comparé à Ojin, le brun a décidé de suivre la tradition familiale ? L’arc est une arme bien plus adaptée qu’un sabre pour la chevauchée après tout.

Enfin, vous entrez dans le quartier où se trouve ta petite maison. Celle où tu as grandi, mais où tu ne vis presque plus. Quel dommage, tu as pourtant tellement de bons souvenirs dedans ! Mais la case mise à disposition des soldats est tout de même bien plus pratique lorsque tu es de service. Hisao n'aura plus à se détruire le dos bien longtemps au moins.

Seizan est petit en effet, et il ne faudrait sans doute pas longtemps avant que vos chemins ne se croisent, pour un entraînement qui mettrait sans doute chacun d’entre vous à rude épreuve. Oui, il te faudrait à nouveaux réfléchir à de nouvelles stratégies face à un adversaire dont le talent réside dans le combat à distance. Comment réduire cette distance en question. Le pousser au corps à corps. L’empêcher de réfléchir. D’avoir le temps de viser. Le prendre de vitesse. En étais-tu capable ? La question restait ouverte.

Le jeune genin fut d’ailleurs surpris des quelques connaissances sur son clan ? La réelle question était : Pourquoi ? Les Tenma étaient loin d’être un petit clan passant inaperçus à Seizan, et leurs montures étaient des plus efficaces pour les missions qui emmenaient les soldats des montagnes dans les autres régions d’Onogoro. Néanmoins, tu décidas de justifier ces informations par une rencontre nocturne ayant eu lieu il y a peu.

« J’ai eu une conversation avec un Tenma il y a peu, je suppose que ça explique que je sache quelques petites choses ... Ojin Tenma, ça te dit quelque chose ? »

Le clan était grand, et cela ne t’étonnerait pas que les deux jeunes hommes ne se connaissent pas réellement, si ce n’est que de nom.

« D’ailleurs, c’est un truc de Tenma de fumer autant ? »

La question te brûlait les lèvres depuis un moment déjà. Il faut dire que tu ne comprends réellement pas l’attrait pour le tabac et cette odeur qui ne fait que te donner la nausée. Tu es bien heureuse que pour l’instant, Hisao ne sorte pas ce qui ressemble à l’intoxicante herbe.

Votre marche continua, paisiblement dans les rues de Seizan. L’odeur sucrée des pâtisseries chaudes titillait agréablement tes narines, bien plus que le tabac ou la graisse des forges. Tu pris une profonde et longe inspiration, qui dessina un sourire sur ton visage et se transforma en un soupire satisfait.

« Suiton. Et toi ? »

Tes pas accélèrent de plus en plus, simplement guidé par ta gourmandise qui te pousse à passer devant le plus de petites enseignes vendant de fabuleux délices, bien peu connu des autres villages. Qui penserait que les guerriers des montagnes pouvaient se montrer fin gourmet.

« Pour te remercier, je t’achète une brioche à la pâte d’haricots rouges, ça te va Hisao ? »

Pour le remercier, ou pour satisfaire ta gourmandise Saki ? Tu n’attends même pas réellement sa réponse pour tourner des talons et foncer directement vers une des petites pâtisseries à portée de vue, avec empressement.

Révélation : Ojin et Hisao sont cousins, bien qu’on puisse les considérer comme des frères. La fraternité ... C’est quelque chose que tu ne connaissais pas mais qui te semblait pourtant familier. Une personne chère à son cœur, qu’on protège, qu’on regarde évoluer de jour en jour, et qu’on cherche à soutenir, quand bien même les chemins divergent. Sans doute est-ce arrivé pour Ojin, sabreur dans une famille de cavalier. Hisao avait-il été un soutient ? Ou bien s’était il opposé aux décisions de son cousin ? Tu penches pour la première option. L’archer ne semble pas être une personne fermée d’esprit, et tu dois avouer que cela te donne une bonne image du clan Tenma. Ojin aussi été ouvert à la discussion, et tu gardes un très bon souvenir de votre échange au temple de fer. Derrière les apparences, les éleveurs de chevaux semblaient avoir une certaine délicatesse, à leur manière, bien que cela ne les empêche pas de parfumer tout les environs d’une odeur que tu caractérise, sans pitié, par le terme ‘’infecte’’.

- Félicitations, tu es le premier Tenma qui n’agressera pas mon odorat !

Le Doton, tel était l’affinité du jeune homme. Affinité qu’il ne semblait pas utilisé au mieux. Le ninjutsu était quelque peu compliqué pour lui, de ce que tu comprenais. La brioche aux haricots rouges était donc de circonstances pour passer l’éponge sur ce détail. Toi ? Oh, le ninjutsu, tu aimes ça, même si tu as encore de grands progrès à faire, comme toujours.

Tout va vite, le petit vendeur de la pâtisserie vous donne votre commande : deux petites brioches encore toutes chaudes, à l’odeur terriblement alléchante. Deux brioches qu’une boisson chaude pourrait parfaitement compléter, en cet hiver gelé.

- Je veux bien un thé vert ! On a beau dire, les hivers de Seizan sont violents. D’ailleurs, ça ne vous pose pas de soucis avec l’élevage des chevaux ? Je suppose qu’ils ne peuvent pas être laissés dans un pâturage toute la journée avec de telles températures. À moins que ça ne renforce leur capacité à résister au froid ?

Cette hypothèse est probable. Toi-même, tu as appris à supporter les températures extrêmement basses en courant dans les montagnes avec ton père, qu’il pleut ou qu’il vente.

- Désolée, je suis particulièrement curieuse sur des sujets divers et variés. Si mes questions sont déplacées ou touchent à des secrets de clan, alors tu es libre de ne pas répondre.

Le thé fut versé. Son parfum s’élevait sous la forme d’une délicieuse brume chaude. Une brume chaude qui réchauffait ta peau, emplissait tes poumons, te faisait te sentir détendue et nostalgique. Nostalgique des rues de Seizan, que tu aimes tant. Le village n’est pas toujours tendre, ni même ses habitants, pourtant, tu ne peux que te sentir en sécurité dans ses rues qui ont bercé ta tendre enfance. Tu connais les moindres recoins. Les petits commerçants, les érables rouges les plus amples, capables d’offrir une couverture d’ombre pour les passants ne supportant pas le soleil, la mélodie de percussions et de crépitements des forges et puis la neige qui emmitoufle le toit des maisonnettes, aussi bien que le toit des montagnes. Tout autant de détails dont tu te rappelles parfaitement. Tu aimes, parfois, simplement marcher, pour bercer ton regards de ces doux paysages, en te remémorant la vision de tes balades aux côtés de tes parents et de ... et de qui d’autres ? Une sensation étrange, comme s’il manquait quelque chose. Quelque chose ... Ou plutôt quelqu’un.

Et puis, la voix d’Hisao résonne, te demandant si tout va bien face à ton expression pensive. Tu avais oublié sa présence, perdue dans ta réflexion. Quelque peu embarrassée, tu t’excuses, rapidement.

« Désolée, je repensais au passé. Quand j’étais enfant, mon père et ma mère m’emmenaient souvent en balade pour boire un thé et manger quelques pâtisseries. Ça ... Ça faisait longtemps que je n’avais pas prit le temps de me poser comme cela en grignotant avec quelqu’un. C’est agréable. »

C’est vrai que ton rythme de vie actuel ne correspond qu’à une chose désormais : boulot, boulot et ... Boulot ! Tiens, quelle surprise ! Nous sommes choqués de l’apprendre Saki ! Après tout, avec qui sortirais-tu ? Tu n’as plus de famille, quant à tes amis ... La liste n’est pas bien longue. Tu as de bons collègues mais ça s’arrête là. On te trouve étrange, à côté de la plaque. Toi, tu dis que tu as simplement une vision différente, qui diverge, et mets en lumière des détails que les autres pensent inutiles.

« Le thé est délicieux en tout cas, parfait pour les brioches ! »

C’est un bon combo, il est vrai. Tu plantes avec plaisir tes dents dans la brioche. La saveur sucrée danse sur tes papilles, t’arrache un soupire de satisfaction. Qu’est-ce que ça fait du bien, de juste se poser. Finalement, si ta rencontre avec le jeune homme t’avait d’abord laissé dubitative, elle avait du bon. Le jeune homme t’observa, de longues secondes. Reprit son air étrange. Son sourire en coin. Il ramena sa chevelure en arrière, d’un geste fluide, s’apprêtant à parler quand soudain ...

Un homme, plus âgé qui débarque, comme une boule dans un jeu de quille. Hâté, brutal, il choppe Hisao par le col, comme une chatte avec ses chatons, et le soulève d’un mouvement sec.

« Hisao tu devais venir à une réunion du clan ! Ce n’est pas le moment de flirter ! »

Ni une, ni deux, le voilà embarqué, et te voilà seule, comme une idiote, avec toutes tes affaires à ramener, et une double dose de thé et de pâtisserie. Finalement, un joyeux coup du destin pour ton estomac. Et pour tes bras ? Et bien, tu es heureuse d’être une adepte de fuin pour tout transporter !

Un soupire, cette fois plus embêté, avant de te relever en te craquant les doigts.

« Je suppose que je vais devoir ramener tout ça ... ! »