L’obscurité est glaciale, silencieuse, paisible. Elle t’enlace dans son sombre manteau. Calme ton esprit habituellement en ébullition. Tu aimes la nuit. Laisser ta pensées ralentir, quelques minutes. Prendre le temps de décortiquer tes réflexions comme le meilleur des casse-têtes. D’analyser chaque élément avec patience. Tu es ce que tu penses, alors, n’est-ce pas là ta manière de faire ta propre introspection ? De souligner le bon, mais également le mauvais en toi, afin d’éclairer ton avenir de sages décisions ?

Habituellement, tu profites de ces moments de douceur et de paix au cœur de la nature, loin de tout. Là où tu peux sentir la brise caresser tes traits. La douce musique de l’eau emplir tes oreilles. Le bruissement des feuilles. Le balais des oiseaux dans le ciel nocturne. Pourtant, ce soir, tu as ressenti le besoin de te rendre au temple du fer pour prier. De te retrouver face à l’avatar de roche d’Omoikane.

Ainsi, tu as pris la route. Lentement, tranquillement, tu as monté les marches de pierre. Sur ta peau, les lumières ont dansé, réchauffant les teintes froides de ta chevelure, faisant scintiller ton regard. Tes semelles ont battu le sol à un rythme régulier, et ton ascension a ainsi continué. Les arches te semblaient à la fois immenses et minuscules. Une drôle de sensation. Comme si elles n’étaient pas à même de représenter réellement toute l’immensité de la réflexion d’Omoikane. Oui, il y a d’autres divinités honorées dans ce temple, néanmoins, tu ne t’es jamais réellement sentie plus proche que ça avec celles-ci. Non, il n’y a que cette quête de savoir qui guide ta vie.

Mais trêve de bavardage. Enfin, tu atteints ta destination. Les lieux sont plongés dans un calme complet et seules quelques lueurs éclairent ceux-ci. Discrètement, tu pousses l’une des petites portes du temple pour y entrer. Honnêtement, tu t’attendais à être seule. Pourtant, une silhouette se dresse dans l’immense cours. Où ? Et bien face à l’idole que tu es toi-même venue vénérer. Pas un mot ne passe la barrière de tes lèvres. Tu le contournes, calmement, et sors deux bâtonnets d’encens orangés de ta poche, les allumant contre ceux déjà présent.

Une volute de fumée s’envole de chacun d’eux. Elle danse dans l’air. Elle forme ses élégantes spirales. Dessine des formes que chacun peut interpréter à son bon vouloir. De nouveaux, tes pas se dirigent vers la statue glacée. À ton tour, tes genoux rejoignent le sol, humblement, pour prier la déesse. D’une main, tu tends un de tes bâtonnets au jeune homme à côté de toi.

- Kinmokusei.

Fleur de vérité et de sagesse, n’est-ce pas là l’encens adapté pour prier celle qui conseille ? Si tu aurais préféré être totalement seule pour communier avec le divin, Omoikane en avait décidé autrement. Pourtant, tu n’étais pas du genre à tout interpréter comme un signe divin, mais le fait de croiser un autre dévot d’Omoikane, de nuit, le seul jour où tu te rends au temple avait tendance à te porter sur une réponse bien plus spirituelle qu’un simple hasard.

Il prend le bâtonnet, et de nouveau, tu rejoins les mains autour de ton propre encens, levant le regard vers le visage à l’expression paisible figée. Le silence vous accompagne ce soir. Il est agréable. Tu ne ressens pas le besoin de parler. Vous restez ainsi de longues minutes. Dix, puis vingt, paisibles. Pourtant, tu finis par le briser, non pas sans un regret, alors que ton regard parcoure les alentours vides de tout moines.

- Excusez moi de vous déranger lors de votre méditation, mais sauriez vous où se trouve le balais ? Je ne suis pas ... très habituée aux lieux

Devant tes genoux, les cendres se sont accumulées. Hors de question d’abandonner la statue en laissant ça là, et ce, bien que ta réflexion ne soit pas achevée. Cet aspect de ta personnalité, trop peu de gens la connaissent. Non, à leurs yeux, tu n’es qu’une étrange jeune fille.

Le discret dévot t’observe, quelques secondes sans un mot. Tu es habituée au silence, et pourtant, celui-ci te semble étrange. Peut-être est-ce à cause du lieu où vous vous tenez ? De la musique du vent contre les murs de pierre qui résonne, encore et encore ? Ou bien à cause du ballet de lumières chaudes sur vos visages ? Heureusement, tu obtiens rapidement une réponse de sa part, et le balais tant désiré, caché dans un discret placard dont l’apparence se fond complètement avec celle du temple. Tu vas enfin pouvoir nettoyer. Sans perdre un instant, tu tournes les talons pour rejoindre le devant de la statue. Les brins de paille, rapidement, rencontrent la pierre et les cendres, les poussant un peu plus vers la sortie du temple à chaque passage, pour que la vent les emmène.

L’inconnu semblait plus ouvert à la discussion que précédemment, sa propre curiosité sans doute piquée par la présence d’une autre personne, aussi tard dans la nuit. Une curiosité réciproque, qui te poussa à répondre à sa question, sans chercher à cacher la moindre once de vérité, au risque de vexer le jeune homme par tes pratiques.

« En effet, je préfère méditer en pleine nature habituellement. Ce n’est que mon humble avis, mais je trouve que celle-ci est un peu comme ... un théâtre ! Un somptueux théâtre où chaque jour est un spectacle. Et vous, vous venez souvent ici ? Plus que moi j’ai l’impression. »

Tout a toujours une raison dans la nature. On peut trouver du sens dans chaque élément. De la musique dans chaque son. De la danse dans chaque mouvement. Tu pourrais passer des heures, immobiles, à observer les scènes qui se dessinent dans ces montagnes, sans jamais te lasser.

« Je dois bien avouer que les adorateurs d’Omoikane se font rare ... Heureusement, il y a quelques irréductibles comme vous et moi, pas vrai ? »

Ton visage, jusque là calme, dessine enfin un grand sourire pour appuyer tes dires. C’est vrai que les frères de ta divinité sont souvent bien plus priés qu’elle, mais c’est lorsque la force brute échoue que la stratégie fait la différence. C’est cette force qui permet de vaincre des obstacles qui semblent pourtant insurmontables.

« Je peux vous demander votre nom ? Ce serait un peu irrespectueux si je vous appelais : ‘’et le borgne là !’’ non ? »

Tu as fais plus subtil Saki. Bien plus subtil. Tu ne sais rien de lui ! Et si l’accident qui l’avait mené à perdre son œil était un traumatisme ? Hein, tu y as pensé ? Je sais que tu ne veux pas l’offenser, mais ta franchise te perdra un jour. En tout cas, tu n’attends pas sa réponse, et tu t’éloignes déjà pour aller ranger le balais. Si l’on regarde plus attentivement, ton petit sourire n’a pas disparu, bien au contraire. Il est maintenant accompagné d’un regard pétillant d’une pointe de joie. Est-ce là l’idée de converser avec un autre dévot qui te mets d’aussi bonne humeur ? Tu ne croises que trop rarement des personnes ayant le même intérêt que toi pour la déesse de la sagesse.

« Pardon, je peux devenir un peu bavarde quand on aborde ce sujet, j’espère que ce n’est pas un problème »

Il vient trop souvent selon toi. Trois fois par semaine ne peut que te sembler énorme après tout, toi qui venais dans ce temple une fois dans le mois, tout au plus. Tu ne comprends pas réellement ceux qui réussissent à communier avec le divin entre ses murs de pierre, alors que la nature possède tant à offrir. Mais après tout, qui es-tu pour juger ? Selon ce que tu comprends, c’est ta manière de prier qui sort de l’ordinaire, pas la sienne et puis, chacun est libre de vivre ses croyances comme il l’entends ! Enfin, sauf les extrêmes, comme les dévots de Jashin par exemple. Non, ça, tu ne pourras jamais valider, qu’importe les arguments.

Heureusement, ton interlocuteur n’en est pas là. Il est juste plus traditionnel que toi, c’est tout. Si votre manière de prier est différente, vous semblez pourtant d’accord sur la triste réalité : Votre déesse n’est pas celle qui attire le plus de croyants dans le temple de fer, et c’est trop dommage. C’est une des chances de naître dans la longue tradition de la famille Kara. La pensée, la réflexion, la stratégie, en sont les fondations. Dès ton plus jeune âge, on te les a enseignés, et tu es terriblement reconnaissante pour cela. Néanmoins, si votre divinité est la même, tu ne peux pas t’empêcher de mettre un terme bien précis sur l’attitude du jeune homme ... Prétentieux.

Penses-t-il que sa forme physique a atteint la perfection ? Ou bien que sa force, maintenant obtenue, ne peux pas être perdue, ni même inefficace ? Si c’est le cas, alors tu as surestimé son intelligence, et de beaucoup. Pourtant, tu ne fais pas de remarque par rapport à cela. Non, pas un mot ne passe la barrière de tes lèvres. Tu préfères te dire qu’il rigole, bien que son visage ne le montre pas, et répondre à cela comme s’il s’agissait donc d’une blague. Ta voix se fait donc un poil plus chaleureuse alors qu’un sourire étire le coin de ta bouche.

« J’espère être un jour témoin du travail de ses muscles si bien travaillés qu’ils ne méritent plus votre intérêt. Peut-être sur le champs de bataille ? »

Oui, ça ne te dérangerait pas de voir un peu de quoi est capable le jeune homme. Son esprit est-il aussi vif que ses réflexes, où se laisse-t-il distancé ? Serais-tu capable de le perturber ? De le pousser dans ses retranchements, à coups de stratégie et de techniques plus surprenantes les unes que les autres ? Mais d’ailleurs, tu arrives à le piquer légèrement avec le sujet de son œil. Assez pour agrandir un poil ton sourire.

« C’est simple, c’est un mélange d’instinct et d’habitude. Nous sommes dans un village militaire et beaucoup sont ceux qui ont été blessés aux yeux. Ça ne vous servirait à rien de garder l’œil fermé, pour un simple côté esthétique. Ce serait limiter votre champs de vision inutilement. Mais beaucoup le ferme à cause d’une blessure, qu’elle soit visible ou non. J'ai simplement supposé que c'était ton cas, et je pense que j'avais raison. »

Tu es peut-être jeune, mais pas idiote. Ton sens de l’observation, c’est sans doute l’une de tes meilleurs armes. Tu l’entraines depuis ton plus jeune âge. Finalement, être une enfant étrange et solitaire t’as été plus utile qu’on ne pourrait le penser ! Oui, à la place de courir avec tes petits camarades, tu préférais t’entraîner avec ton père ou écouter les histoires de ses collègues. Petit à petit, ça t’a construit une bonne base d’information.

Et puis enfin, un nom à poser sur ce visage. Tenma. Impossible de ne pas le connaître en vivant ici, bien que tu n’étais pas reliée à celle-ci, autrement que par ta présence sur Seizan. Ça expliquait l’odeur de tabac caractéristique qui dérangeait ton pauvre nez depuis de longues minutes et ce, malgré le parfum des encens.

Pourtant, dans tout ça, une chose te dérange. C’est ce soudain tutoiement, comme si, maintenant que son identité était révélée, il devenait supérieur à toi. À moins que ce soit ton âge qui lui laisse penser que tu vas lui apporter un respect tout particulier ? Le pauvre se trompe lourdement. Tu n’as pas grand-chose à faire de ces notions dans un contexte autre que professionnel, et tu le traiteras donc de la même manière qu’il te traite.

« Kara Saki. Enchantée »

Ta famille aussi est ancrée dans les origines du village, bien que celle-ci se soit décidée à se fondre dans l’ombre pour conseiller au mieux. Néanmoins, ton propre nom est sans doute un peu plus connu. Après tout, tu es la jeune et excentrique chunin que bien des rumeurs concernent, que ce soit en positif ou bien en négatif d’ailleurs. Heureusement, ces rumeurs se mettent d’accords sur le fait que tu es un bon élément de l’armée, et une bonne cheffe d’équipe.

« Tu ne m’en voudras pas d’être quelque peu curieuse je l’espère, mais dans quoi te spécialises-tu Ojin ? Es-tu un soldat équestre comme ceux de ton clan, ou as-tu décidé de tracer ta propre route ? »

La seconde option serait, à tes yeux, tout aussi respectable que la première. Après tout, se fermer à l’inconnu est une des définitions de la stupidité. Tu ne pourrais critiquer quelqu’un qui a décidé d’apprendre autre chose que ce qu’on voulait de lui et ce, même si les traditions ont leur part d’importance.

Tu ne réponds pas. Non, tu préfères sourire face à tant de confiance en soi. Tu trouves ça presque trop pour un dévot de la déesse de la stratégie. N’est-ce pas une règle de base que de veiller à connaître aussi bien ses faiblesses que ses atouts, sans jamais se reposer sur ses acquis ? Pourtant, cela t’amusa, de le voir répondre à ce pseudo défi, tenant plus de la curiosité qu’une envie de se battre. Cette curiosité qui te bouffe continuellement, comme un brasier ardent. Qui envahi tes pensées à la moindre rencontre. Au moindre petit élément un poil différent de d’habitude. Celle-ci même qui aliment ton envie d’être un bon élément du village, pour gagner un peu plus de liberté. Pour voir plus grand, plus haut, plus loin. Encore et toujours.

Le borgne reconnu la justesse de ta déduction. Tu avais visé juste, en te servant de tes connaissances, et pour vous, amoureux de la sagesse, cela ne peut être qu’une bonne chose. Et puis enfin, la discussion dévia enfin de la divinité pour se concentrer sur vous, petits mortels qui tentent de survivre, à votre manière. Ton intérêt fut d’ailleurs piqué par la différence flagrante d’Ojin avec les membres de son clan. Un Tenma qui ne monte pas à cheval. Pas banal. Voir même unique ? Tu n’as pas réellement d’amitié au sein de cette famille. Tes connaissances sont donc limitées à ce qui est sert de vérité publique, et tu ne peux pas certifier à 100% qu’il est l’unique personne qui ne chevauche pas dans son clan.

Inspiration. Expiration. Tu sens l’air nocturne glacial entrer dans tes poumons et s’y réchauffer. Tu dois rester polie et calme, et ne pas poser un tas de questions qui seraient déplacées. Tu dois simplement te contenir, ce n’est pas bien difficile pourtant ! Tu y arrives en mission, alors pourquoi pas dans ta vie de tous les jours ?

« En effet, je vois difficilement comment un sabre pourrait être utilisée à son plein potentiel à cheval. Mais c’est bien de sortir du carcan, ça pousse à faire mieux, enfin, je pense. »

La différence est une force, tu en es intimement convaincue. Chacun la cultive, à sa manière, tout au long de sa vie, et c’est ce qui permets à quelques-uns d’aller plus loin que les autres. Ta différence à toi ? Oh, et bien, tu as simplement appris des techniques qui collaient à ta personnalité. Tu as développé ton propre talent. Ton père était un très bon utilisateur de genjutsu, mais toi, ça n’a jamais été ton grand amour, les illusions. Et il ne t’a jamais forcé à suivre ses pas. Au contraire, il aimait te voir devenir une personne unique, avec ses propres préférences. Il aimait te voir curieuse de tout, et même de Yokai, bien que cela l’inquiétait également.

Finalement, c’est grâce à lui que tu as une si jolie vision de la différence.

Mais ce n’est pas le moment de se perdre dans tes souvenirs, car ton partenaire de prière, pour ce soir en tout cas, t’as posé une question, et cela fait déjà quelques secondes qu’il attend, fumant le tabac bien tassé dans son kiseru, et le regard porté sur le ciel.

« Effectivement, je n’ai pas choisi la voie du sabre »

La petite porte par laquelle vous êtes sortis claque, malgré le peu de force que tu as mis dans ton geste. Il faut dire que la porte est assez épaisse. Elle fait honneur à la reputation du temple du fer, c’est sûr.

« Je préfère les techniques de sceau et le suiton aux armes. »

Le ciel est beau ce soir. Il est le témoin de l’immensité de ce monde qui vous tends les bras. De toutes ces choses que tu ne connais pas encore, et qui n’attente que toi. Est-ce que tes ancêtres aussi, avaient cette réflexion, lorsque leurs yeux se posaient sur la voie lactée ? Ou ce n’est que toi, qui meurs d’envie de voyager ?

« Encore désolée d’avoir perturber ta méditation, mais c’était réellement agréable, pour une fois, d’échanger un peu avec un autre croyant »

Ces mots, tu les penses vraiment. Il est rare de trouver des personnes qui comprennent toute la subtilité de celle qui conseille. Tu aimerais bien un jour, aborder ce sujet avec le Seizankage. Tu sens que tu ne serais pas déçue par son avis sur la question. Mais ce n’est qu’une impression après tout.

« Dis-moi, tu es aussi un des rares à porter ton attention sur Omoikane, ou bien le clan Tenma lui portes une attention toute particulière ? Ce serait bien »

Selon tes souvenirs, Susano prends une place bien plus importante, mais qui sait, peut-être que tes informations ne sont pas les bonnes ? Après tout, tu n’es pas proche de cette famille, et la réputation des Kara est bien plus discrète. Connue de peu même. C’est votre philosophie à vous. La reconnaissance n’est pas un objectif.

« Te force pas à répondre, si c’est trop indiscret à ton goût »

De toutes manières, tu ne comptes pas rester encore bien longtemps. Tu travailles le lendemain, et mieux vaux être reposée. Une volute de buée s’échappe de tes lèvres alors qu’enfin, tu baisses le nez pour quitter des yeux le ciel et te concentrer sur les longues marches de pierre qui ne se dévoilent pas à toi. Tu crois qu’on peut y faire de la luge Saki ? Ce serait quand même super rigolo, non ? Quoi qu’un peu blasphématoire ...

Vous sembliez d’accords sur ce point. Les différences étaient une source de force, pour ceux qui savaient les accepter et en user. Le petit sourire affiché sur tes lèvres resta donc, alors que l’homme portait son attention sur le chakra, et la nature de celui-ci. Oui, on ne décidait pas de notre affinité avec la nature. C’était un coup du destin. Peut-être même des dieux, qui sait ? Toi, tu as la chance d’adorer le suiton. La flexibilité de l’eau, sa sensibilité, et pourtant, sa capacité à s’imposer comme puissante, implacable ! La pluralité de ses usages t’a toujours charmé. Oh, et puis enfant, tu aimais arroser le visage de ton père, par surprise ! C’était drôle. Ce petit souvenir, qui remonte lentement dans ta mémoire, te fait échapper un léger rire.

« C’est vrai, mais si on a une affinité avec un élément, c’est qu’il y a une raison. En travaillant un peu plus chaque jour, on a un déclic. Ce petit truc qui fait qu’on comprend pourquoi on a eu cet élément, et pas un autre. »

Petit moment de silence entre vous. Tu prends une profonde inspiration. Tu aimes sentir l’air glacé dans tes poumons. Cet air hivernal qui a bercé ton enfance. Il est vivifiant, pur, libérateur. Comme s’il était capable de balayer la moindre pensée négative de ton esprit.

« Je suis sûre que tu vois ce que je veux dire. »

C’est flagrant. La manière dont il en a parlé le prouve. Son affinité lui convient. Tu dirais même qu’il ne voudrait pas autre chose. Pourtant, tu te retiens de lui demander. Non, chacun à ses secrets, et dévoiler toutes ces informations serait idiot, et ce, bien que vous appréciiez tout deux cette conversation.

Ton petit nez se retrousse quand Ojin exhale cette volute de fumée, qui dans ce ciel étoilé, dessine des spirales. Ton visage se détourne lentement pour fuir celle-ci. Tu ne t’y feras jamais à cette odeur. C’est une des rares choses pour laquelle tu n’as jamais eu la moindre curiosité. Non, ça pique le nez, ça brule les poumons, et ça pue. Il n’y a pas d’autres mots pour décrire cette odeur, que tu croises bien trop à ton goût, et tu ne comprendras jamais ceux qui prennent plaisir à inspirer cette horreur.

Ton partenaire de réflexion confirme par la suite tes informations. Oui, c’est bien Susanoo qui tient la place principale dans la famille de cavalier. Rien de bien surprenant. Tu en es presque ... déçue. Oui, tu ne sais pas pourquoi, mais tu aurais aimé entendre que sa divine sœur soit plus importante, pour une fois.

« Nous sommes des dévots d’Omoikane depuis de nombreuses générations. Pour être franche, le reste des divinités n’a pas grand impact sur nos vies. »

C’est vrai ça. Vous ne niez pas les autres divinités, mais toutes vos traditions, vos enseignements familiaux, tournent autour des enseignements de la déesse de la stratégie. Quoi de plus surprenant de la part d’une famille de penseurs après tout ? Et comme elle, vous préférez travailler, encore et encore, humblement, pour soutenir ceux qui représentent, à votre sens, le bien.

« Il faut dire qu’avant le village, mes ancêtres étaient des philosophes et des stratèges, alors, y’a rien d’étonnant »

Un passé lointain et pourtant, bien ancré en toi. Tu es l’héritage de générations de réflexion autour des notions principales de cette vie qui vous est offerte. De toutes ces générations de Kara qui ont préféré aider le village dans l’ombre, sans jamais à chercher à s’attirer gloire et richesse. Peut-être qu'autrement, vous auriez été une famille aussi influente que les Tenma ? Mais ça n’aurait pas collé avec votre identité. Non. Tu l’aimes bien, ton héritage, discret et pourtant profond.

« J’ai grandi dans ses enseignements, j’avoue que je me trouve assez chanceuse sur ce point-là. »

Les minutes défilent, les étoilent luisent, le froid vous enveloppe un peu plus. Bientôt, tu devras rentrer, pour quelques heures de sommeil avant de reprendre le travail. Pourtant, tu es bien là, à discuter un peu. Ça fait du bien, de ne pas se sentir complètement à l’opposée en terme d’opinion.

Ton regard se mit à pétiller à la vue du petit arc électrique se formant au bout de l’index du Tenma. Si tu interprétais correctement ses paroles, cela voulait dire que le raiton n’était pas son affinité de base. Il s’agissait là de la preuve d’un certain talent, mais surtout, de beaucoup de travail, à n’en pas douter. Personne ne progressait réellement en se tournant les pouces, et la talent pur possède ses propres limites. Bien des personnes ont gâché leur potentiel en se reposant sur leurs acquis, et finalement, cela finit par être une perte pour tout le monde. Heureusement, Ojin ne semblait pas faire partie de cette catégorie, pour ton plus grand soulagement.

« Je vois que tes entraînements ont porté leurs fruits, félicitations. Il va falloir que j’accélère un peu si je ne veux pas me laisser distancer ... ! »

Un petit sourire le remercie alors qu’il prend plus de précautions avec la fumée qu’il crache. C’est tout de même plus agréable comme ça, même si tu devras te laver dès ton retour pour te débarrasser de l’odeur qui te colle sans doute déjà à la peau.

La nuit continue de susurrer sa douce mélodie à votre oreille. Le chant de la brise, le bruissement des feuillages, le cri lointain d’une chouette. C’est agréable. Tu pourrais rester là des heures à écouter, sans bouger d’un milimètre. Après tout, tu le fais depuis l’enfance. Écouter pour mieux comprendre. Pour communier avec ce que le monde offre, dans sa splendeur, tout comme dans son horreur. C’est l’équilibre que la nature à créer qui rends celle-ci parfaite, bien que parfois cruelle.

« Oui, Omoikane ne fait pas de décimations. Après tout, la peur et la haine ne sont que le simple résultat de l’ignorance, pas vrai ? »

Dans un monde où chacun serait instruit, est-ce que la haine serait enrayée ? Tu te le demande, ou plutôt, tu l’espère secrètement. C’est un rêve un peu utopiste, mais il te plaît comme ça.

Et puis, soudain, le sujet qui te trotte en ce moment dans la tête arrive sur la table. Jashin et son culte mortellement macabre. Du sang, de la destruction, et de nombreuses vies détruites. Broyées dans leur folie dévorante. Ton visage se fait un peu plus sérieux, pensif, alors que tu réfléchis à l’importance que le culte prend au fil du temps.

« C’est sûr, la force pure n’est pas assez pour détruire une telle organisation. Espérons simplement réussir à faire honneur à Omoikane. »

Ta bouche se ferme, puis s’entrouvrent, comme si tu cherchais tes mots, et alors que tu t’apprêtes à continuer ce que tu disais, un jeune genin que tu as régulièrement sous tes ordres apparaît, essoufflé, avant de déclarer.

« Je suis ... désolé ... de dérange ... mais on a une mission m’dame ! »

Le devoir t’appelle, mettant fin à cette conversation qui se montra être plus qu’intéressante. Un soupire passe la barrière de tes lèvres et enfin, tu dévales les premières marches de pierre tout en tournant le regard vers le dévot de la sagesse.

« Merci pour cette conversation, c’était très rafraîchissant. J’espère qu’on aura l’occasion de se croiser à nouveau, Ojin»

Ta main effectue le signe d’une petite révérence, presque taquine, avant que tu ne disparaisse à la suite du genin venu te chercher, pour replonger dans le boulot.