La solitude.

Aussi salvatrice que destructrice. Une force et une faiblesse avec lesquelles il faut savoir jongler pour en tirer le meilleur parti. Pour autant, cette solitude est parfois un frein à toute évolution. Un frein à tout Renouveau.

Cette nuit là l’a prouvé à maintes reprises, l’unité permet d’assouvir de grands projets et d’œuvrer en Son nom. Désormais, œuvrer pour Lui, c’est aussi œuvrer à un dessein tout aussi important. Notre retour ne pourra se faire qu’à condition de Son retour. Mais pour cela, il y a encore tant à faire, tellement. Malgré cela, nous sommes si peu nombreux, si dispersés, si peu structurés que la réussite de la Nuit Sanglante n’est pas prêtre de se reproduire rapidement. Nous sommes certes devenus des parias aux yeux de tous, mais pour autant, cela doit-il être un frein à ce que nous sommes ? Au contraire, la réussite engendrée cette nuit là aurait due nous ouvrir les portes vers de vastes opportunités.

La solitude.

J’avais laissé quelques marques ici et là. Des choses simples, rien d’ostentatoire, juste suffisamment clair pour qui se dévouait à Jashin et suivre ce fil d’Arianne qui menait petit à petit quelque part dans les sommets des Montagnes Géantes. Certaines activités nécessitaient de la discrétion. J’aurais pu tisser le lien vers les Artères Noires, mais il me fallait avant tout rencontrer mes pairs, aviser avec eux de nos projets et actions futures avant de leur ouvrir les terres du clan Watari. Les Artères Noires étaient notre domaine de chasse privé, un lieu empli de ténèbres, mais pour y parvenir, il fallait le mériter d’une certaine manière et pour l’heure, aucun candidat à cette évaluation.

De marques en marques, le chemin se faisait plus ardu, sortant des sentiers habituels pour finalement rejoindre à flanc de falaise, une petite grotte naturelle creusée dans la roche. Difficile d’accès, voire impossible sans savoir qu’elle s’y trouvait, depuis les routes de montagne classique, la lueur d’une torche passerait inaperçue.

Maintenant que la dame sombre nous enveloppait de son voile étoilé, apportant avec elle fraicheur et odeurs nocturnes, je me perchais là, sur un arbre non loin, adossé au tronc du majestueux végétal. Revêtu d’une longue pèlerine sombre, la noirceur de mon masque cachait totalement mon visage, mes cheveux immaculés rabattus sous ma capuche.

La solitude.

Seul. J’attendais seul que mes sœurs et frères d’armes répondent à mon appel, à Son appel.

Suivant le fil d'Ariane laissé par l'un de ses frères Jashinistes, le périple du Faucheur l'avait ainsi conduit dans les sommets des Montagnes Géantes. Un voyage qu'il avait veillé à effectuer le plus discrètement possible, et dont les paysages l'emplissaient d'une certaine nostalgie au regard de son enfance. Pour la première fois depuis qu'il offrit le Salut à ses parents, il retrouvait cette géographie caractéristique qu'il avait pour habitude d'arpenter. Il espérait toutefois ne pas tomber dans un piège, quand bien même il semblait difficile d'envisager que les instances aient pu mettre la main sur ces codes. Et si tel était le cas, elles se seraient vraisemblablement précipités sur l'occasion, afin d'organiser de plus grands coups de filets que le simple leurre d'un pèlerin égaré.

Le relief se faisait de plus en plus exigeant, laissant présager que l'auteur de ce mystérieux chemin avait veillé à se placer dans un lieu difficile d'accès, pour ceux qui n'étaient point en mesure d'utiliser le chakra. A chacun de ses pas, Kirei pouvait sentir l'appel du Seigneur se faire de plus en plus vivide, raisonnant dans tout son être, comme mu par une force invisible et transcendante, souhaitant le mener quelque part en particulier. La grotte qu'il venait de trouver, était particulièrement bien dissimulée, et il ne faisait aucun doute que l'auteur de cette invitation souhaitait privilégier une certaine confidentialité. Une marque de prudence nécessaire, dans ce contexte où leur Foi était désormais prohibée.

C'est finalement un peu plus loin, que la route du prêtre trouva celle de son hôte de circonstances. Adossé contre le tronc d'un arbre des plus imposants, se tenait une silhouette dont la sombre pèlerine le faisait presque se confondre dans l'obscurité. Alors qu'il s'approchait, celui qui semblait être un homme lui présenta sa marque de Jashin située sur l'avant-bras. Un geste qu'il imita lui-même telle une présentation en bonne et due forme, dévoilant le Divin Symbole, puis son véritable visage, qu'il dissimulait jusque-là par le Ninjutsu, à l'aide de ses talents d'Espion et de Shinobi.



Il se demandait s'il connaissait cette homme à l'imposante silhouette, qu'il avait peut-être pu apercevoir lors de la Nuit Sanglante, ce soir où il devint lui-même officiellement un apôtre du Seigneur. Cependant, il n'était pas sûr qu'il serait reconnu de son interlocuteur, si bien qu'il poursuivit son intervention en l'agrémentant de quelques précisions.

Parfois, la solitude n’est plus …

Cela faisait un moment que j’attendais là, le froid mordant de l’hiver saisissant mon corps immobile malgré la pèlerine sombre qui me voilait pratiquement aux yeux de ceux qui ne cherchaient pas vraiment. Mais alors qu’une fois encore l’attente se faisait en vain, une silhouette fit son apparition à proximité de moi. Seul un initié aurait pu suivre la piste qui menait en ces lieux, seul un initié aurait pu parvenir ici en cette nuit.

Certains auraient pu se réjouir ouvertement de cette présence, mais pour moi, il n’en était rien. Cette joie, non, cette satisfaction, bien que présente, ne se dévoilait nullement au regard de celui qui se présentait à moi. D’un geste ample, mon bras droit apparaissait de sous ma cape noire, offrant ainsi à la vue de tous cette marque scarifiée si distinctive que finalement, chacun de nous portait.



Voilà donc des paroles prononcées de manière quelque peu décharnée derrière ce masque de cuir noir représentant sans nul doute un oni. Me détachant de ce tronc qui m’accompagnait depuis tant de temps, je m’approchais tranquillement de mon interlocuteur avant de doucement retirer ce visage factice, dévoilant ainsi ma véritable apparence, ces trais fins à la peau imberbe. D’un geste vif, je basculais en arrière cette capuche qui laissa échapper cette longue chevelure d’albâtre, semblable à celle de ce Kirei, bien que, de prime abord, bien plus entretenue et bien plus agréable à lisser et caresser.



Les noms n’avaient que peu d’importance dans nos relations, seuls les actes prouvaient notre engagement. Pour autant, dévoiler l’appartenance au clan Watari en cet instant aurait surement était une erreur non négligeable.



Invitant Kirei à prendre la suite de mes pas, je m’approchais doucement du pan de la falaise d’où rien n’échappait. Après quelques mudras, un flanc de la montagne disparu littéralement. Une fois chacun de nous engagé dans la grotte, les mêmes mudras en place, la montagne repris sa place. Mais tout ceci n’était qu’illusion, du faut semblant.

Avançant quelque peu à travers la veine rocheuse, le petit chemin s’ouvrit finalement sur une large cavité sobrement aménagée où j’invitais l’autre jashiniste à prendre une chaise à côté d’une table miteuse pendant que m’installais sur un dévers rocheux.

Si la voix de ce mystérieux interlocuteur avait de quoi en frémir plus d'un, les paroles qu'ils venaient de proférer emplissaient le Faucheur d'une douce chaleur. La simple idée d'être reconnu, et d'enfin rencontrer de nouveau l'un de ses frères en ces conditions si rudes pour leur Culte, avait quelque chose de profondément réjouissant. Lorsque son hôte se dévoila à son tour devant lui, il pouvait reconnaître cette longue chevelure d'albâtre, tandis que l'homme l'invitait tout simplement à l'appeler Soji Okita. Une perspective qui n'ennuyait nullement Kirei, car comme le soulignait si bien son comparse, seule leur dévotion et l'accomplissement de leur Mission Divine importaient réellement.



Le tandem se mit alors en mouvement, le Souhei venu de Toge suivant le maître des lieux avec curiosité. Il s'agissait visiblement d'un utilisateur du Genjutsu, ayant habilement dissimulé l'entrée d'un repaire par une illusion, qu'il rétablit immédiatement lorsqu'ils pénétrèrent à l'intérieur. Des précautions loin d'être superfétatoires, qui rassuraient quelque peu le moine-guerrier quant à la méticulosité et au sérieux de cet homme qu'il n'avait plus vu depuis au moins plusieurs mois. Frayant leur chemin à travers la cavité rocheuse, Kirei s'empara de l'une des chaises de bois disposées dans un coin, afin de s'installer autour de la vieille table faisant office de mobilier de fortune.



Le Faucheur n'avait nulle réticence à communiquer ouvertement l'identité de son aîné à l'un de ses frères Jashinistes. S'il ne s'était converti à leur Culte, il restait un allié précieux, et un nom qui pourrait peut-être servir à ce Soji Okita dans l'éventualité où il se retrouverait dans le besoin. De son propre aveu, Kirei était le premier à part lui, à fouler le sol de cet antre secret, ce qui malheureusement, reflétait la difficulté pour les disciples du Seigneur à pouvoir plus librement agir et se réunir, depuis que leur Foi était désormais prohibée.

Installés dans cet espace de fortune, l’accueil était des plus rudimentaire. Mais le but de ce lieu n’était nullement le confort mais d’avoir premier endroit de contact pour celles et ceux qui comme Kirei et moi vénérions Son avènement. Sans plus de cérémonie, une fois les reconnaissances d’usage faites, la discussion pouvait finalement commencer, en espérant qu’elle prenne un chemin des plus pertinent et intéressant. J’avais été seul et sans soutien quelques temps déjà et l’arrivée d’un nouveau Frère, même si cela devait s’avérer temporaire pouvait m’aider à accomplir quelques tâches ici et conclure quelques affaires importantes.



Je parlais là à cœur ouvert. Dans mes paroles, nuls mensonge, juste une vérité difficile à accepter et contre laquelle il était complexe de lutter, même si notre devoir envers Lui nous imposait d’agir malgré tout. Quoi qu’il en soit, Si Kirei était le bienvenu, je devais tout de même admettre que la raison de sa visite me portait peine. Ainsi je n’étais pas seul sur ces terres. Un autre Frère était présent mais manifestement, il n’avait jamais cherché à se dévoiler.



Assis sur mon rocher, emmitouflé dans ma pèlerine noire, le col relevé jusqu’au menton, une brise glaciale venant de l’extérieur, le vent nullement affecté par mon illusion empli la pièce de fortune. Habitué au froid, ce vent d’hiver ne m’affectait guère plus que cela, moi qui passais tant de temps à l’extérieur et qui vivait dans une demeure partiellement délabrée ou la froidure était une compagne habituelle de mes nuits.



Seul l’avenir saurait me dire quelle vérité était la bonne, mais si ma première impression s’avérait juste, alors avant d’entreprendre de nouvelles actions, il serait nécessaire de faire un ménage certain de nos Frères et Sœurs qui par manque de foi se muraient dans le silence et l’inaction.

Dans de telles circonstances, le Faucheur ne croyait point aux coïncidences. La Main du Seigneur était infaillible, et s'il avait croisé la route de l'un de ses frères restés si longtemps isolé, au cours de l'un de ses voyages alors que rien ne le prédestinait à revenir en cette région, alors telle était la volonté de Jashin guidant leurs pas. Comme le soulignait Soji Okita, leur rencontre tombait dans tous les cas à point nommé, et le diagnostic qu'il apposait sur l'état actuel de leur Culte était malheureusement réaliste. Seul, il était devenu bien délicat de perpétrer de nouveaux coups d'éclat. A Toge, Kirei pouvait compter sur l'appui de Kaizan, mais il n'était guère le plus dévot, et ils ne se risquaient à des opérations d'envergure susceptibles de se retourner contre eux, et par extension, de compromettre l'exercice de leur Mission Divine sur le plus long terme.



Le maître des lieux se présentait comme Totei au Temple de Seizan. Les deux hommes partageaient ainsi la couverture de prêtre, mais il n'avait en revanche jamais entendu parler de Satoru. Une opportunité, en ce qu'il trouverait peut-être une nouvelle personne d'intérêt, sur laquelle il pourrait éventuellement s'appuyer à l'avenir, selon l'évolution du cours des choses. Bien évidemment, tout ceci restait purement hypothétique, et le Souhei pouvait percevoir chez son interlocuteur une pointe de défiance, somme toute légitime, ou de suspicion entremêlée de curiosité.



Le vent glacial soufflait avec vigueur, nullement arrêté par l'illusion dissimulant l'entrée de ce repaire, si bien que Kirei profitait plus que jamais de l'épaisse fourrure qu'il revêtait. Ayant grandi dans le pays jusqu'à sa formation de moine, il s'attendait à un tel climat, bien qu'il n'avait guère anticipé cette petite escapade en montagnes. L'homme à la chevelure d'albâtre, ne semblait pour sa part que peu affecté par le froid. Si sa pèlerine devait lui tenir chaud, sa démarche dégageait une impression de résilience naturelle. Il émanait de lui une certaine solidité, ou une fiabilité sur laquelle leur Culte pouvait compter.

Compte tenu du fil de la discussion, il ne faisait nul doute que cette mention était allouée à l’empereur même. C’était surement la première fois que je le nommais ainsi, mais à y réfléchir, ce n’était pas tellement galvaudé. Dans la mesure où nous œuvrions au retour de Jashin, seul le maître de la Mort et de Chaos méritait de diriger le monde dans lequel nous vivions.



Me levant de mon assise rocailleuse, je m’approchais finalement de la table, redressant un tabouret tombé au sol avant de m’asseoir dessus, sur une planche des plus branlante. A côté de moi, la paroi rocheuse sentait la pierre humide, une odeur que j’affectionnais tout particulièrement. L’humidité, le renfermé, la terre et la pierre, c’est tout cela qui se mêlait et qui offrait un parfum si particulier. Croisant les doigts, les mains posées sur la table, je poursuivais d’un ton froid et déterminé la conversation.



Cela faisait quelques années que ces paroles trottaient dans ma tête et voilà que désormais, elle prenait un tout autre sens que les paroles littérales qui avaient été prononcées. Me rapprochant légèrement, offrant une vue claire sur mon visage imberbe et sans peu d’émotion, je dévoilais là les idées qui cogitaient dans mon esprit.



Sans un mot de plus, je plongeais mon regard aux yeux mordoré dans celui de Kirei. Je n’avais nul besoin de mots pour qu’il comprenne mes intentions et qu’il réponde à cette proposition d’action à Sa faveur et qui nous permettrait de renforcer qui nous étions en écartant les parasites et autres sangsues.

Un usurpateur, tel était effectivement le meilleur moyen de désigner ce souverain à la légitimité inexistante. Un lointain descendant d'un quidam, désigné par hasard par Susanoo, Kami qui ne jouissait même d'aucun temple majeur dans l'un des quatre grands villages d'Onogoro. C'était à se demander comment sa dynastie était parvenue à se maintenir durant tout ce temps, et il ne faisait aucun doute qu'il représentait l'une des cibles prioritaires. Un véritable symbole du joug exercé sur l'humanité, qu'il convenait de libérer de ses chaînes. Malheureusement, le constat de son hôte était juste, et il représentait à l'heure actuelle une trop grosse prise au regard des moyens dont ils disposaient... Pour l'instant du moins, car son heure approchait inexorablement à grands pas.

Dans son intervention, Soji Okita rapporta également d'importantes paroles aux oreilles du prêtre de Tsukuyomi. Celles de son mentor, dont la nature sonnait comme celle d'une prophétie. Une certaine confusion s'empara alors de l'esprit de Kirei, dont la compréhension initiale de sa Mission Divine, correspondait à celle que le Totei pouvait initialement avoir. Les Offrandes Sacrées ou sacrifices, permettaient de manifester au Seigneur que l'humanité avait entendu sa Parole, afin qu'il vienne lui offrir le Renouveau. Il s'agissait également d'un acte de miséricorde envers ces âmes en peine, à qui le Salut était indistinctement offert. Cependant, son interlocuteur semblait être parvenu à une réalisation, qui s'éloignait d'une interprétation littérale de ces propos.



Sur la base de ce postulat, le Souhei comprenait davantage les développements précédents, au regard de la valeur des véritables fidèles, comparée à celles de ces Ombres qui ne faisaient que se terrer lâchement, sans avoir le courage de leurs convictions. Mais comment pouvaient-ils réellement distinguer les lâches des authentiques disciples du Seigneur ? Purger leur Culte des pommes pourries ne pouvait que s'avérer positif, mais il était également préférable de trouver une méthode leur permettant d'effectuer un tri efficace entre ces dernières et les fruits goûteux. A fortiori sur la base de leurs effectifs actuels, où chaque Faucheur digne de ce nom pouvait représenter un atout non-négligeable.

La compréhension, la vérité dévoilée aux yeux des non-initiés pouvait parfois être difficile à entendre, d’autant plus quand cela ouvrait à de nouveaux paradigmes sacrificiels. Pour autant, si l’autre faucheur, bien que loin d’avoir toute confiance en lui, était le seul qui avait répondu à mon appel et de fait, le seul à être digne des futures actions que nous devions mener en Son nom.

Me levant de cette assise au bois défraichis, je m’approchais de l’entrée de la grotte d’où l’air frais nous gratifiait de son froid revigorant tout en occultant l’encadrement rocheux. D’un geste, je levais l’illusion. La lune, haut dans le ciel sans nuage, illuminait dès lors notre abri de fortune de sa clarté. Un bel hommage à la couverture de Kirei. Intérieurement, cela me fit sourire avant de me retourner vers mon « Frère », une aura blanchâtre m’enluminant légèrement dans la clarté sélénienne.



Quoi qu’il en soit, les paroles du Souhei infiltré faisait sens. S’assurer de séparer le bon grain de l’ivraie ne serait pas chose simple. Pour autant, après quelques secondes de réflexions, cela ne devrait pas être trop dur non plus. Après tout, si Kirei avait su trouver le chemin de ma grotte, d’autres le pourraient. Dans cette optique, une idée fort simple me venait en tête et que je n’attendais guère pour partager avec mon pair.



Et finalement, si dans le lot de ces faux dévots, certains parvenaient à démonter d’une certaine force, alors ils sauraient nous rejoindre à nouveau, quitte à être sacrifiés plus tardivement pour éviter de laisser à ces opportunistes le loisir de Le trahir à nouveau.



M’approchant à nouveau de la table, je me tenais là, droit comme un « i » à quelques pas de l’autre moine à la chevelure d’albatre.

Alors qu'il restait assis sur la chaise en bois qui en définitive, n'était pas si inconfortable, Kirei suivait le déplacement du maître des lieux d'un regard curieux, le voyant se diriger vers l'entrée de la grotte. Effectuant un mudra, il dissipa de nouveau l'illusion qu'il avait habilement tissée, si bien que la lumière de l'astre lunaire venait désormais baigner l'intérieur du repaire. Une bénédiction de Tsukuyomi, comme si le Dieu Sélène en personne venait présenter ses hommages aux apôtres du véritable Seigneur. Il était d'ailleurs l'une des rares déités du Kamisuuhai que le moine pouvait considérer avec respect, lui qui n'avait nullement hésité à s'opposer à son père Izanagi, l'infâme démiurge ayant littéralement démembré Kagutsuchi, son propre fils et père de Jashin, avant d'injustement abandonner son épouse. Un être abject, qui ne pourrait tôt ou tard échapper à son jugement, à l'instar de l'imposteur qu'était le faux monarque.



Certes, rien ne garantissait que les propos en question portaient en eux le poids d'un sens mystique particulier. Mais en tant que dévot, le Souhei ne pouvait écarter la possibilité, ne serait-ce qu'infime, qu'ils puissent constituer un élément majeur de la Mission Divine des Faucheurs. La Cathédrale Noire restait un lieu encore bien mystérieux, et les voix du Seigneur parfois impénétrables. Tout ce qui pouvait dès lors filtrer, à l'instar de ce que venait de rapporter Soji Okita, méritait dès lors une considération toute particulière. Celui-ci partageait d'ailleurs sa considération à l'égard de leurs frères dignes de ce nom, qu'il convenait pour leur part d'épargner, de par leur contribution sincère et effective à la Cause. Il proposa ainsi d'établir un stratagème, permettant d'opérer le tri entre ces derniers, et les rats traîtres qui ne faisaient que se terrer, n'attendant que de jouir de l'œuvre des véritables fidèles.



Il était certain que la plupart de ceux qui daigneraient se montrer à ce moment opportun, sans l'avoir pourtant fait juste avant, feraient partie de ces parasites à sacrifier. Nombre d'entre eux allaient tenter de plaider leur cause, et peut-être que certains pourraient finalement se rendre utiles, mais la grande majorité serait dès lors sanctifiée en tant qu'Offrandes Sacrées, pour devenir cet engrais du Renouveau. Il s'agirait dans un premier temps de définir un endroit adapté, où le tandem pourrait agir sans s'exposer outre mesure, sans qu'il soit pour autant trop isolé, afin que leur œuvre puisse se faire remarquer.

Je n’attendais pas à ce que les gens me comprennent, comprennent mes projets et les enjeux biens plus grands que moi qui découlaient des actions que j’avais à mener pour assurer le Renouveau tel qu’Il entrevoyait les choses. Même au sein de mon propre clan ils n’étaient pas en mesure de voir les choses comme je les voyais et les vivais. Chacun des membres de ma famille avaient confiance à mes actions et n’étaient nullement dérangés par ce que j’avais à faire, quelle qu’en soit la manière et même s’ils savaient que cela œuvrait pour notre clan, ils n’entrevoyaient nullement toute la profondeur de la chose. Mais aujourd’hui, les choses étaient différentes.

Après la Nuit Sanglante, après les édits impériaux, les traques, la peur, le silence et la solitude, même si contrairement à d’autre mes convictions ne m’avaient jamais quittées et mes prières toujours tournées vers Lui, voilà que désormais l’un de mes Frère répondait à mon appel et plus que tout, entendant les raisons des actions que nous avions à mener pour assouvir le dessein qui était le nôtre.



Finalement avenant, Kirei faisait le premier pas que j’attendais de lui, me confirmant cette volonté d’action qui n’était pas qu’une façade qu’il désirait me montrer, cherchant dès lors à éviter la punition divine qui attendait toutes celles et ceux qui s’étaient détournés du droit chemin qu’Il nous montrait.



Les choses étaient dites. Ecoutant les derniers échanges que nous pourrions avoir, à la fin de la discussion, je redéployais ma pèlerine noire sur moi, me couvrant la tête de sa capuche avant de remettre mon masque aussi sombre que la nuit, laissant à mon compagnon de voyage le loisir de vaquer à ses propres occupations jusqu’à notre nouvelle entrevue.

Il était assez déconcertant, et plus que tout, décevant, d'apprendre que les traces laissées par le maître des lieux dataient déjà d'il y a plusieurs mois. Depuis le temps, si personne d'autre n'avait répondu à cet appel, c'était probablement que la plupart de leurs frères Jashinistes évoluant dans la région ne faisaient en réalité guère preuve d'une dévotion authentique. Peut-être que l'un d'entre eux était valable, et n'avait fortuitement encore jamais remarqué les indices laissés par l'homme aux cheveux d'albâtre. Mais le Faucheur ne s'attendait plus à voir beaucoup des les leurs les rejoindre au cours de la prochaine semaine. Dans le meilleur des cas, peut-être que les quelques modifications apportées à ce fil d'Ariane attiseraient la curiosité des moins timorés, qui se résoudraient finalement à respecter leur Mission Divine. Il semblait toutefois déraisonnable d'en attendre davantage.



Le tandem s'était ainsi organisé de manière à laisser un délai d'une semaine, le temps pour Soji Okita de préparer le théâtre de leur prochaine opération, tandis que Kirei se chargerait d'accueillir les éventuels visiteurs daignant sortir de leur retraite. Il ne pourrait rester en permanence en ces lieux, mais allait s'organiser de manière à pouvoir faire régulièrement acte de présence, tout en laissant des instructions à tous ceux qui auraient ainsi atteint le repaire en son absence. C'est sur le chemin du retour à Seizan, qu'il procèderait à l'ajout de quelques indices temporaires, et prendrait soin d'effectuer quelques détours afin d'éventuellement cibler des zones un peu plus isolées... Avant d'effacer toute trace à l'aune du dernier jour, lorsqu'il irait retrouver son partenaire en vue de leur passage à l'acte.




Malgré la longue attente, les jours s'enchaînèrent rapidement. Comme une part de lui-même avait préalablement pu le redouter, le Souhei n'avait guère rencontré personnellement une nouvelle âme. Néanmoins, il avait pu relever la présence d'un message, laissé par l'un de ses frères Jashinistes, indiquant qu'il soutenait l'entreprise dans laquelle s'était lancée les deux Faucheurs. Il ajoutait qu'il tenterait de se libérer afin d'y prendre part à leurs côtés, s'il lui était possible de trouver un moyen de se soustraire à ses obligations, sans par ailleurs attirer la suspicion. Une nouvelle fort réjouissante, en ce qu'un autre disciple du Seigneur s'était enfin manifesté, bien qu'il ne fallait guère fonder trop d'espoirs sur sa participation éventuelle. Une semaine entière s'était dès lors écoulée, le prêtre de Toge retrouvant comme convenu son homologue de Seizan, au sein de cette grotte où il avait pu passer de nombreuses heures.



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