On a tous nos façons de relaxer après une dure journée.

Ça doit faire une bonne heure et demie que je m’amuse à lancer mon argent par les fenêtres, à remplir mon "petit" panier en osier jusqu’à ras bord. Une multitude de sachets à peine remplis de moult racines, plantes, fleurs et baies séchées; de quoi se dire que je compte tester tous les thés que mon coin du monde peut possiblement offrir.

Mais pas que. «… Merci!»

Le bras enlourdi par l’incroyable quantité de fruits secs, sucrés, glacés, confits… je finis par me retourner vers la voix qui m’appelle. Un curieux homme de fer avec sa monture qui cherche un quelconque marchand. Malheureusement pour lui «c’est moi qui m’excuse, ce n’est pas un marchand que je connais.» Un air quelque peu attristé vire lentement mais sûrement à une mine pensive.

Certains marchands sont établis depuis longtemps et se font laisser leur place par respect; ce Fuu est peut-être une nouveauté n’ayant eu d’autre choix que de se relocaliser…? «Peux-tu me dire ce qu’il vend? Peut-être que je saurais te dire où tu aurais une chance de le trouver, ou te proposer une échoppe du même genre?»

Peut-être que son vendeur est sur la paille…? Voire, c’est possible qu’il soit malade et n’ait eu d’autre choix que de rester fermé pour la journée?

La bête s’approche, reniflant avec une certaine curiosité. On ne voit pas un cheval tous les jours, et certainement pas dans le village caché dans la cime des arbres. Si c’est mon parfum qui lui fait tant envie… «Ne t’en fais pas pour ça. Je n’ai pas l’habitude de voir des chevaux, surtout pas ici, mais ça ne m’intimide pas. Comment tu fais pour le monter si haut, tiens?»

Je sors une orange confite de mon panier, ouvrant au plus possible ma paume. Je regarde la tête de métal; il doit bien me voir en dessous de ça? Bizarre qu’il ne le retire pas… M’enfin. Je lui demande quand même simplement si «je peux?»

Je n’irai pas nourir la bête d’un autre sans qu’on m’en donne le droit. Si l’homme m’y autorise, je laisserai sa monture récupérer son prix en tendant la main et en étirant les doigts; hors de question qu’on me pince les jointures… ou pire, qu’on parte avec.

Surpris, incertain de ce que je viens d’entendre, mes sourcils se haussent un instant; je me passe de commentaire, mais je pense avoir entendu que le canasson s’appelle Non. J’ai préféré ne rien dire, mais mes réactions instinctives parlent d’elles-mêmes.

J’entends parler d’un chemin que je ne connais pas, ce qui fait sens puisque je n’ai aucune raison de l’utiliser. Remarque, ça tombe sous le sens; comment on ferait entrer vivres, matériaux et autres brics à bracs sans un chemin du genre… «Je n’avais jamais pensé à ça, tiens!» J’aurais bien fini par m’en douter, mais je n’aurais jamais deviné qu’un cheval puisse habilement monter des escaliers; ça, c’est quelque chose que je n’ai jamais vu.

Autrement, une fois l’orange croquante et sucrée partie d’entre mes doigts, j’admets au monsieur que «honnêtement, j’ai entendu tant d’histoires d’accident de morsures et on m’a répété tellement de fois de faire attention que c’est venu tout seul.» Un rire léger, mais sincère; mine de rien, de petites rencontres comme celle-ci ont le don d’embellir une journée. «Oh! Si ça vous intéresse, je peux bien vous emmener, c’est à quelques tournants de rue. Et puis j’ai fini de dilapider la maigre somme que je me suis permis.»

Avant cela, Hattan prit le temps de se présenter et d’expliquer rapidement son accoutrement. Pour tout dire, je déteste ce genre de traditions. Je respecte amplement son choix, ses croyances, mais j’ai assez souffert sous celles de ma famille que je ne compte plus jamais les défendre sans bonne raison. «Ne vous en faites pas; les traditions ne sont pas faites pour tout le monde, mais je sais les comprendre et les respecter. Je suis Ao Yamanaka; je suis Shinobi, j’ai grandi ici. Ravi de vous rencontrer.» … Bon, à quelques détails près.

«Il me fera plaisir de vous aider et vous guider si on se recroise; pour cette fois, suivez-moi que je vous montre l’échoppe d’Hanako.» Je l’y mènerai tranquillement, moyennant qu’il accepte de me suivre et que Non ne fasse pas des siennes. Sa façon de parler est assez formelle, sa posture et son tonus me font penser aux samourais des temps plus anciens; ses traditions doivent être bien ancrées. Je me demande bien quel concours de circonstances a fait en sorte qu’il se retrouve ici, dans la forêt.

«Pareillement, tant de positivité fait plaisir à voir et change du quotidien gris des ninja. Je venais en fait me remonter le moral en magasinant un peu; j’avais besoin de me détendre, je reviens d’une mission qui m’a complètement vidé.» Ça fait même quelques jours que je suis revenu, et je n’ai toujours pas su me remettre de ma mission avec Chinone... Enfin, tournons encore une fois.

Certaines choses sont trop longues à expliquer; dire que "non en fait voyez-vous je viens des montagnes mon domaine a été brûlé j’ai dû quitter pour survivre j’ai eu de la chance de ne pas avoir été tué dans mon sommeil" soulève bien trop de questions. Il est plus simple de dire «oui» et continuer sur sa lancée : «j’ai passé beaucoup de temps dans les régions autour, mais oui.»

D’un geste de main las, j’essaie de lui indiquer que ses pensées glissées ne me dérangent pas. J’aurais pu lui expliquer que la couleur sert à s’exprimer autant qu’elle sert à respirer, que cette apparence que j’entretiens est une nécessité spirituelle plus qu’une quelconque frivolité, que ce besoin me vient du dédain que j’éprouve pour le traditionnalisme étouffant de ma famille. Il y a un temps pour chaque chose.

En l’amenant, par contre, je rectifie; «reconnaître les chemins de la forêt vient avec le temps, c’est normal que ça ne soit pas trop évident au début. Et puis parfois rester dans le village fait plus de bien qu’aller se dégourdir les jambes à l’extérieur. Attendez de vivre l’expérience Chinone. C’est une belle façon de voir les choses de dire que je suis en train de célébrer, mais la vérité c’est que je me remets encore de mon aventure.» Juste le nom devrait lui suffire pour comprendre ce que je veux dire. Jonin avec une certaine réputation; je suis certain que même un gardien du village la connaît.

Juste en parler un peu suffit comme exutoire. «J’ai quand même beaucoup appris, c’est vrai.» Ce que j’ai appris reste pourtant flou, inavouable. «C’est pas toujours évident de travailler à chaque fois avec des gens nouveaux; dans votre cas vous êtes toujours bien accompagné. Qu’est-ce qui vous a amené à avoir une monture? À avoir Ie en particulier?»

Je me doute que c’est un commun de son clan d’être chevalier, mais peut-être y a-t-il une raison précise à leur assignation, une méthode pour choisir sa monture? Ça m’intrigue. Ça fait aller ma curiosité jusqu’à ce qu’on arrive sur place, aussi. «Le commerce d’Hanako est dirigé par elle, mais tout ce qu’on y trouve est cuisiné, confectionné et fabriqué par sa famille. Elle fait partie d’une humble communauté de marchands qui se sont installés ici il y a quelques années. Ce n’est pas une grosse échoppe, mais tout est fait avec attention ici; ça me fait plus que plaisir de vous faire découvrir son commerce.»

On me propose alors une balade à cheval. Je décline amicalement; ma tenue ne le permet pas vraiment, pour quelques… sombres raisons. «Un tel geste ne sera pas nécessaire; je veux bien passer quelques instants avec lui pendant que vous faites un petit tour pour acheter ce que vous voulez, ça me suffirait.»

Après ce que j’ai fait, je ne serais pas surpris que ça soit vrai, même si certains ne sont plus dans l’aventure et n’ont plus la chance de se remettre de mon passage. «...Décidément, vous avez une façon rafraichissante de voir les choses, et ça me plait.» Si juste un peu plus de samourai étaient comme lui, je me dis que l’empire se porterait vraiment mieux.

Puis, ces coutumes peu communes me semblent particulièrement louables; je n’ose pas demander ce qu’est la quête, surtout parce que j’ai un fort doute qu’il s’agit d’un terme détourné pour dire Destinée chez les membres de sa famille. «Vous me semblez être d’un naturel calme, composé; peut-être qu’au fond votre partenaire», coup d’oeil vers l’animal, «exhibe cette part de vous qui est plus sauvage et spontanée?»

C’est une option qui mérite réflexion, mais qui reste une réponse attendue, sans grande surprise. J’ai toujours eu cette façon de voir les gens; certains disent qu’un humain a plusieurs facettes… je pousse ça plus loin. J’aime me dire que l’homme est composé de plus d’un esprit; plusieurs parts entières qui savent communiquer entre elles, et non un esprit capable de gérer ses multiples miettes incomplètes.

En ce sens, Hattan est Ie. L’inverse est tout aussi vrai. «Je suis curieux; il me fera plaisir d’entendre cette histoire.» Je n’oublierai pas de lui proposer un thé ou quelque chose au courant de la semaine, s’il a encore du temps libre. Après ses emplettes.

J’attrape ce qu’il faut pour maintenir la bête, mon panier au creux de l’un de mes coudes. Si un cheval n’est pas intimidant, le fait d’en surveiller m’apporte un drôle de sentiment. Sans dire que je suis effrayé, je suis quelque pu inconfortable. «...Ça ira, p-prenez votre temps.»

Une fois seul avec Ie, je m’accote à son flanc pour éviter la bave ou, idée encore plus grossière, qu’il vienne prendre une bonne bouchée de mes cheveux. Le problème, c’est que son attention s’est rapidement dirigée ailleurs, et qu’il enlignait avec envie les produits d’un autre marchand.

Un marchand malcommode; ses marchandises sont intouchées pour une raison.

L’espace d’un instant, l’idée de tirer sur la bride m’est passée; de ce que j’en sais c’est normalement un moyen de faire réagir une monture. Un ou deux petits coups avec les étriers pour les faire avancer. Avant de me retrouver avec une dette incroyable chez l’autre, je sors rapidement une pomme – jaune et juteuse, s’il faut me poser la question – pour la tendre sous son nez. Qu’il mange tout, même le trognon. Qu’il prenne une autre orange aussi, au cas où.

J’ai de quoi distraire la créature, mais si je peux éviter de lui donner la moitié de mon panier...

Au péril de ma vie, je protège mon butin. L’animal s’est bien tenu jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien sous ses yeux, à peu près comme je m’y attendais. La bride tenue fermement d’une main et mon panier glissant le long de mon autre bras, j’essaie du mieux que je peux de garder ces deux éléments séparés.

Pas des plus évident; je suis presque tombé de mes okobo à force de faire le tourniquet. Après, c’est ma faute; une vie dans la forêt m’a bien appris que les animaux sont bien plus savants que l’on ne le croit, qu’on ne doit jamais mettre de côté des évidences.

Qu’est-ce que je veux? De la nourriture.

D’où vient la nourriture? Du panier.

Où vais-je mettre mon nez? Dans le panier.

Parfois, la nervosité bride la réflexion; trop occupé à acheter la paix, j’ai oublié la provenance de mon outil d’achat.

***

Rendant le plein contrôle à l’homme, j’incline la tête en guise de remerciement, ajoutant que «j’ai fait ce que je pouvais. Je n’ai pas l’habitude, mais c’était un moment plaisant et instructif.» Curieux, j’essaie d’entrevoir ce qu’il a choisi d’acheter lors de sa petite visite en même temps que je réajuste distraitement mes propres sabots.

Sa proposition me fait chaud au coeur, et je ne me fais pas prier pour l’accepter. «Oui, j’ai fini d’acheter tout ce que je voulais; j’allais rentrer chez moi. Si vous voulez me raccompagner, je n’y vois aucun problème.»

Ainsi, j’ouvrirai une nouvelle fois la marche à travers les rues, lui sommant qu’«il ne faut pas dire ça, vous ne m’ennuyez pas, ni vous ni lui. J’avoue par contre que je n’ai pas trop envie de reparler de ma dernière mission pour l’instant… j’ai passé les derniers jours à y penser et retourner l’expérience dans tous les sens dans ma tête pour la rendre moins désagréable…»

Les guidant une fois de plus à travers les rues, vers un quartier moins achalandé et où la verdure reprend son droit, je lui propose un autre sujet de discussion. «Vous m’avez dit que vous êtes ici depuis plus ou moins deux ans. Est-ce trop personnel si je demande d’où vous venez? Ce que vous faisiez avant de venir ici? Êtes-vous venu avec votrefamille, votre clan?»

J'essaie d'en savoir un peu plus sur lui, de voir si nos histoires ont quelconque point commun; chacun a ses raisons d'être arrivé jusqu'ici, mais peut-être que comme moi, Hattan s'est retrouvé dans la forêt en suivant sa famille. Peut-être pas après un gros drame, enfin je ne l'espère pas.

J’ai ri à cette mention, expliquant tout bas que c’est surtout pour pratiquer ma posture que je les porte. Ce n’est aucunement pratique, et je n’oserais porter ce genre de chose en mission. Autrement, j’affectionne leur lourdeur. J’ai même certaines paires spéciales avec un grelot caché à l’intérieur, paires que je sors de mon garde-robe pour le temps des festivités.

Encore une fois, un léger mouvement de main vers Hattan pour signifier qu’il n’y a aucune excuse à faire. «Je devrais plutôt vous remercier pour votre compréhension; c’est tout ce qu’il me fallait. Pas besoin de s’excuser pour un peu de curiosité.»

Puis, la discussion reprend alors que l’on se met tranquillement en marche.

J’en apprends beaucoup : au fond, il vient plus ou moins des terres impériales. La liberté de mouvement que lui permet son clan m’intrigue particulièrement; il s’est retrouvé poussé à voir le monde, à découvrir la vie adulte par lui-même, sans pour autant se retrouver seul. «Est-ce que ça vous arrive souvent de croiser d’autres membres de votre clan lors de votre pèlerinage? Est-ce que vous êtes une communauté nombreuse ou plutôt réduite?»

Je suis enfant unique. Ce sentiment de fraternité m’est, pour tout dire, inconnu. La suite de son discours m’a donné l’indice qu’ils ne sont pas si nombreux que je l’imagine, mais on verra bien. «C’est un très beau coin, c’est vrai, mais je me disais la même chose quand je vous ai vu; ce n’est pas un endroit où normalement on croiserait un cavalier, au point où je me suis demandé comment vous faites pour déplacer Ie comme ça ici. J’ai appris quelque chose de surprenant aujourd’hui, et je suis d’accord. C’est dans ce genre de conditions qu’on développe de nouveaux moyens et qu’on apprend.»

J’essaierai au mieux de sympathiser, mais je ne suis pas séparé de ma famille, je ne sais pas ce que ça fait. «Je comprends très bien. C’est dur, la vie en solitaire. Peut-être qu’au cours de vos missions vous croiserai quelqu’un de votre famille, on ne sait jamais.»

...

«Je vous l’avoue; j’ai plus ou moins menti. Ma mère vient d’ici, mon père vient du village caché dans les montagnes. Mon clan aussi, à l’origine. Je n’ai pas de frère ou de sœur, et mon père était vu comme un grand samourai dans la communauté. Mes origines sont nobles, mais… toute ma vie j’ai senti que quelque chose n’allait pas. Les coutumes me dégoûtaient; tous les enfants de ma famille portent le mot Bleu dans leur nom. On m’a toujours regardé comme si j’étais la suite logique de cette tradition, "le petit dernier d’une longue lignée". Beaucoup d’attentes venaient avec. Il s’est passé quelque chose de compliqué, et ma famille a dû quitter ses terres. Nous sommes venus ici; j’avais sept ans.»

Ça fait beaucoup trop à expliquer en une seule fois, je me tiens à ce que je peux gérer. «Au final, j’ai grandi ici. Pourtant, le nom de ma famille signifie "celui qui réside au centre de la montagne". Il n’a pas une si grande importance ici.» Une pointe de soulagement dans ma voix; si mon histoire semble un peu triste, quelqu’un peut vite comprendre qu’en réalité, je vis bien ce changement. Je n’ai jamais voulu être samourai. Je n’ai jamais voulu être père. Je n’ai jamais voulu être un Homme. Je ne suis aucun des trois, et je ne le serai jamais.

«C’était un petit monologue, mais c’est un bon résumé… Je n’ai pas vécu beaucoup de choses, en terme de nombres. Mon vécu n’est pas lourd non plus, j’ai choisi de laisser derrière moi tout ce qui ne m’allait pas. C’est un peu comme ma propre Quête, si j’ose dire. C’est pour ça que j’admire la liberté que votre famille offre à ses membres, même si le chemin de chacun est incertain; il vaut mieux ça que vivre une vie scriptée par le devoir.»

Je n’ai jamais osé me mentir à ce sujet : je me connais trop bien pour ça. Je connais la vérité, autant douce qu’amère. À avoir vécu avec ces mensonges, à faire de trop gros compromis, je ne serais plus ici aujourd’hui. Une réalité à la fois triste et réjouissante; j’aurais pu disparaître, pourtant je suis encore là.

C’est la faute à ces mondes imaginaires, aux couleurs qui n’en finissent plus, qui laissent aller les différents chants de chacun. J’ai rêvé jusqu’à ce que je souffre, jusqu’à traverser ce voile et me retrouver. Changé, mais finalement sans douleur. J’ai appris chaque teinte et chaque ton, jusqu’à ne plus percevoir l’écart entre l’irréalisable et le réalisé.

J’avance, je danse sur cette mince ligne depuis… je ne sais plus. Pourtant, je sais que je n’aurai jamais l’envie d’arrêter; je ne suis rien de ce que je subis, je deviens celui que je suis, il n’y a aucune limite à ce que je peux devenir.

«Merci. Je suis tant honoré que fier des choix que j’ai fait. Comme vous l’avez dit, Jujou n’est pas le plus adapté à tout le monde, mais c’est un village magnifique. Un village qui est prêt à encourager la différence. Et je me dis que si vous avez la force d’accepter les gens qui marchent à vos côtés, que vous êtes capable de voir en eux une famille, vous possédez la même force que moi.»

Une main vient tapoter et attraper celle qui s’est posé sur mon épaule, que je puisse la serrer en bonne et due forme. Son incertitude n’est plus; son ton se fait plus clair, la question silencieuse qui s’entend avant même le premier souffle n’importe plus. Hattan sait ce qui se trouve devant lui, amplement capable de me décrire au-delà de dire Homme, Femme. Ainsi, il a compris. Si je suis un blasphème, je suis à la fois sacré. «C’est une forme de justice très pure, que je respecte.» S’il se laisse faire, je tiendrai sa main le long du chemin; il ne reste qu’une courte distance. J’en viens à regretter à ma maison de n’être pas plus loin.

L’accompagnant jusqu’à ma dernière destination, je trouve matière à lui répondre : «Je ne me suis jamais posé la question, mais j’essaie de faire que lorsqu’on entend mon nom, on pense à notre propre foyer.»

…?

«Ça me fera plaisir de te montrer, une fois que j’y serai.»

Une maison massive, criant une certaine nobilité, se trouve à côté de nous. Mon père n’est pas des plus humbles, malgré sa nouvelle situation; on parle d’un domaine dans les arbres plutôt qu’une cabane ou une maison. Trop gros pour une famille de trois; sous-entendu évident que nous sommes plusieurs à y résider. Vivent avec nous oncle, tantes, aînés, et l’esprit de la montagne qui a choisi de nous suivre à jamais.

Un peu embarrassé, je lâche sa main pour mieux tenir mon panier et lui offrir une salutation polie en inclinant la tête. «C’est… c’est ça, ma maison. Un peu pompeux, je t’avoue, mais nous sommes beaucoup à y résider.»

Fouillant à nouveau dans mon panier, je finis par en faire sortir une petite boîte en bois, joliment décorée. Un petit quelque chose que je suis le seul à connaître, qui vient de chez Hanako. Mes préférés, en plus; sa maman n’en fait que sur demande. «Tiens, je veux t’offrir ça. C’est un assortiment de biscuits, partage-le avec Ie. Si ça te dit, je t’invite à repasser au courant de la semaine; prendre le thé, discuter un peu plus.»