Interdiction de s’entraîner, ordre du médecin. Bon, voilà, ce n’était pas vraiment pratique. Incapable de rester en place, comme un lion en cage, Hotaru avait du mal à ne pas retourner toute sa demeure à l’envers. Impossible. Il fallait sortir, il fallait faire quelque chose. N’importe quoi, mais quelque chose. Elle avait tenté de faire le tour des boutiques et restaurants, mais elle n’avait rien vu qui lui faisait de l’œil. Inconsciemment, ses pas la guidèrent vers l’un des endroits qu’elle avait tendance à éviter jusqu’à très récemment : les forges.

Alors qu’elle faisait son chemin vers un endroit en particulier, la femme samouraï ne put s’empêcher de regarder les différentes œuvres des artisans de Seizan. Des produits de qualités pour la plupart, rien de moins pour le village caché qui se taguait d’avoir des artisans de renom.

Quoi de mieux pour passer son temps de repos que d’aller dans une forge, vraiment ? Visiblement, Hotaru n’y avait pas réfléchit plus qu’il n’y fallait. Quoi que récemment, elle ne semblait plus vraiment réfléchir tout simplement.

Mercher n’était pas agréable, mais la douleur était tolérable. Bon signe ? Probablement. Certainement ? Mieux valait penser à tout sauf ça …

En entrant dans la forge, elle ne dit pas un mot immédiatement. Évidemment, Kyoshiro se douter qu’il n’était plus seul et que c’était elle, mais elle en profita tout de même quelques instants pour l’observer travailler. Il fallait dire qu’elle aimait bien la vue après tout.



Elle laissa un petit rire lui échapper, alors qu’elle se rapprochait du forgeron. Elle hésita une seconde, une dizaine d’idée pour le saluer en tête … Mais se serait trop déplacé n’est-ce pas ? Ils n’étaient pas dans une relation officielle … mais ils s’embrassaient dans sa salle à manger ? C’était … comment dire … Difficile ?

Elle se décida donc de se permettre plus qu’elle ne le ferait en général. Elle passa ses bras autour de coup de l’homme, grimaçant de douleur au passage, et posa un léger baiser sur sa joue. Évidemment, elle n’osa pas en faire plus, déjà qu’elle se trouvait plutôt téméraire d’en faire autant vu le statut imprécis de leur relation.

Rapidement elle remit de la distance entre eux, gigottant un peu pour essayer d’ignorer la douleur sans son dos.



Elle ricana un peu, tentant de cacher son malaise. C’était difficile de ne pas se sentir comme un poisson hors de l’eau lorsqu’elle le voyait. S’il lui avait dit la vouloir, elle n’avait tout de même aucune idée de ce que ça voulait dire en réalité et c’était probablement le plus difficile pour elle.

La routine permettait au jeune homme de gardait un pied avec la réalité, mais il devait bien avouer que les derniers jours avaient été éprouvants, pour lui. Il aimait se dépasser, repousser encore et toujours ses limites pour atteindre les sommets, mais force était de constater que son corps n'appréciait pas vraiment ce mode de vie dans l'excès. L'aveugle était têtu, anormalement têtu pour un homme et n'écoutait que rarement son corps, mais force était de constater que, s'il ne levait pas le pied, il allait droit dans le mûr. Il le savait, il le sentait dans chaque fibre de son corps cependant, face à l'ampleur de la tâche qu'il lui restait à accomplir, ralentir n'était clairement pas une option viable.
Il continuait donc de forger de jour, et de s'entraîner avec sa nouvelle épée démoniaque, de nuit, tout en grappillant quelques maigres heures de sommeil, mais cela se voyait clairement à ses cernes et ses joues creusées qu'il brûlait la chandelle par les deux bouts. Et pourtant il continuait, encore et toujours, parce que cette vie et ce rythme étaient tout ce qu'il avait jamais connu. Les concepts de repos et de détente lui étaient totalement étranger, voilà pourquoi il était encore dans sa forge, aujourd'hui, alors qu'il sentait le tiraillement dans les muscles de ses bras, à chaque mouvement de son marteau.

Mais non, il ne s'arrêtait pas. Jamais. Même quand il entendit quelqu'un rentrer dans sa forge, ce quelqu'un qu'il ne manqua pas de reconnaître aisément, par la voix. Surpris ? Il  l'était oui, car leur relation était encore un peu floue mais, qu'il l'admette ou non, Kyoshiro avait été si absorbé par le boulot qu'il ne réalisait qu'aujourd'hui que la présence de la demoiselle l'avait manqué. Ainsi, à sa première prise de parole, l'aveugle répondit simplement :



Il n'était jamais contre avoir des spectateurs, mais il savait qu'aujourd'hui il n'était ps au meilleur de sa forme, et ne pourrait donc pas donner le meilleur contact qui soit. Lorsqu'il sentit la demoiselle s'approcher, il lâcha ses pinces et son marteau un instant, laissant la demoiselle venir l'enlacer doucement, avant de lui souffler :



À sa démarche elle semblait aussi avoir vu des jours meilleurs, mais qui était-il pour la tirer les vers du nez? D'un geste il l'invita à s'asseoir, dans un siège non loin de lui, avant d'attraper ses outils, à nouveau, et frapper la longue lame posée contre son enclume. Comment allait le boulot ? Assez pour se tenir occupé, juste ce qu'il fallait, mais pas assez de commandes à son goût, car il voulait toujours plus. Ainsi, à cette question, il se força à afficher un sourire amusé, pour masquer sa fatigue, avant de souffler :



Prenant une petite pause, réfléchissant au temps que lui prendrait cette commande, se demandant s'il aurait le temps et l'énergie pour s'entraîner, une fois le soleil enfin couché, le colosse asséna quelques derniers coups de marteau, avant de plonger la lame chauffée dans le bac d'eau, devant lui, avant de conclure sur un ton léger dont il avait le secret :

Il répondit à son premier commentaire avec désinvolture, l’encourageant à profiter de la vue, puis dans un soudain élan de modestie, il mentionna que le spectacle ne devait pas être des plus passionnant. Ce à quoi Hotaru répondit du tact au tact, sourire narquois sur le visage.



Sans qu’elle ne s’y en attende, Kyoshiro la laissa venir à lui, l’enlacer et poser son baiser sur sa joue. Il avait même posé ses outils le temps de cette salutation. Avait-elle fait la bonne chose ? Probablement. Au contact de l’homme, ses bras s’étaient enflammés, comme tous les centimètres carrés de son corps qui était entré en contact avec lui. L’envie de prolonger le moment était presque irrésistible, mais elle ne voulait pas tenter sa chance. Rapidement elle s’était écartée, laissant à l’homme l’espace qu’il avait besoin pour travailler.

La réponse du samouraï à sa question lui arracha un rire. Un jeune idiot qui ne jurait que par la taille de son arme, hein ? Combien de fois en avait-elle vu ? Évidemment, parler de taille d’arme dérapa vers un sujet généralement plus tabou, arrachant encore un autre éclat de rire à la femme.



L’espace d’une seconde, elle se surprit dans sa réponse, mais immédiatement se ressaisit, acceptant que de toute façon, avec cet homme elle semblait toujours déraper, toujours dire ou faire quelque chose dont elle n’avait clairement pas l’habitude. Il lui inspirait une certaine bravado qu’elle n’avait normalement pas. Attitudes cavalières et échanges bien plus compromettantes qu'autre chose.

Évidemment, elle avait déjà une idée de la réponse avec ses propos, mais elle n’avait eu aucune envie de retenir sa question, malgré tout.

Alors qu’il travaillait, Hotaru ne pouvait détacher les yeux de ses gestes. Il y avait quelque chose d’incroyablement captivant à l’observer faire. Si les gestes étaient relativement répétitifs, ils étaient apaisants. Le sont du marteau contre le fer retentissait dans l’air, mélanger à celui des autres artisans. La lame encore brulante plongée dans l’eau, le bouillon qui en découlait … Des son qui venaient jouer sur la nostalgie de la samouraï qui avait passé son enfance dans une forge. Mais lorsque c’était lui, ça semblait plus facile à accepter, à revivre. Ce n’était pas la douleur de la perte qu’elle ressentait, mais … autre chose, quelque chose de plus doux, plus chaleureux qui la faisait toujours revenir pour plus.



Elle marqua une pause hésitant une seconde, puis décidant qu’elle pouvait se le permettre malgré sa blessure et les contre-indications du médecin, elle ajouta :



Elle ne voulait surtout pas entendre qu’elle le dérangerait plus qu’autre chose à n’être là et ne rien faire. Elle voulait utile, avoir une raison d’être avec lui.

Kyoshiro pouvait être de la pire humeur du monde, il retournait  rapidement à son petit côté joueur car, ne nous le cachons pas, il appréciait les interractions qu'il pouvait avoir avec la demoiselle, bien avant qu'ils ne se rapprochent comme ils l'avaient fait, quelques jours plus tôt. C'était simple, agréable et exactement ce dont il avait besoin, surtout dans un jour comme celui-ci où sa concentration  n'était pas optimale. Ainsi, quand la demoiselle mentionna l'abonnement qu'elle devrait prendre, sous-entendant qu'elle était amenée à revenir ici bien plus régulièrement, à l'avenir, cette idée décrocha un sourire au jeune homme, ce dernier répondant sur le même ton :



Certes leur relation n'était pas clairement établie, mais leur petit jeu perdurait toujours, malgré tout. Cette légèreté avait été la fondation de leur relation. Ils étaient tous deux des êtres sérieux et professionnels, à n'en pas douter, mais il était parfois agréable de pouvoir simplement être eux-même, loin de leurs titres et de leurs responsabilités respectives. Ils avaient tous les deux un agenda bien chargé, et il était aisé de perdre son individualité en cours de route...mais ces interactions permettaient de garder les pieds sur terre, de se rappeler que la vie n'était pas qu'une suite de tâches nécessaires.
En parlant de tâches nécessaires, le Tadake ne manqua pas de mentionna la pénibilité de son travail en cours, à savoir la création d'une lame qui, à son goût, semblait beaucoup trop longue pour être réellement efficace en combat. Mais enfin bon, qui était-il pour juger ? Une commande était une commande, après tout. Lorsque la demoiselle rebondit sur sa plaisanterie sur la taille d'une lame, venant à lui demander son avis sur la question, l'aveugle ne put se retenir et, souriant, tournant son visage creusé de fatigue vers la demoiselle, avant de lâcher un franc :



Eh bien quoi ? Ils étaient des adultes, non ? Alors oui ils n'en étaient pas encore là mais, si cela évoluait dans le bon sens, au bout d'un moment, leur rapprochement passerait au cran supérieur et...arrivera ce qui devrait forcément arriver. Il y pensait, évidemment, et ces mots n'en étaient simplement que l’écho. Il ne cachait rien à la demoiselle, il ne l'avait jamais fait et n'allait certainement pas commencer maintenant. Il se mit donc à l’œuvre, agrippant toute la force qui lui restait, malgré la fatigue, pour frapper encore et encore la longue lame jusqu'à ce que, coup après coup, elle ne se rapproche de la forme finalement souhaitée.
Il ne s'arrêta pas quand elle lui demanda si elle ne le dérangeait pas. Certes il était bien ici, l'isolement faisait partie du charme de cet endroit mais, qu'elle le sache ou non, Hotaru était l'une des deux seules rares personnes acceptées ici, sans condition. L'autre était Maho, bien évidemment. Levant son marteau, souriant, il précisa alors :



Il continuant alors, sentant l'épuisement de ses membres et, quand la demoiselle demanda si elle pouvait participer, de quelque façon que ce soit, le colosse fit l'erreur de tourner son visage vers elle, avant de formuler sa réponse d'un :



Le dernier mot mourut dans sa gorge alors que, par manque de concentration née de la fatigue, il se rendit bien compte que son marteau n'avait pas frappé la lame, ni l'enclume, mais son autre main agrippant la pince. Le choc fut immédiat, la douleur descendant le long de sa colonne vertébrale, à l'image d'un courant électrique, alors qu'il lâchait prestement ses outils, serrant les dents, se refusant à hurler de douleur. Il ne criait pas, il n'admettait jamais sa propre douleur mais, au lieu de cela, transforma cette douleur en rage à son encontre, face à cette erreur de débutant, en beuglant un gros :



Depuis quand n'avait-il pas commis une telle erreur ? Il fallait dire que cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas poussé aussi durement, pendant une aussi longue période de temps. Il aurait aimé que personne ne voit cette erreur, cet échec, mais il était trop tard pour faire machine arrière. Se secouant la main, passant l'autre sur le dos de celle-ci, vérifiant qu'il ne s'était rien brisé, le colosse se défit de ses gants, les laissant tomber par terre avant de serrer les dents, prenant une profonde respiration alors qu'il se fustigeait déjà, intérieurement. Un sourire amer sur le visage, sans réfléchir, il laissa ses pensées les plus puériles filtrer à voix haute, en avouant, en ne plaisantant qu'à moitié :



Mais quel idiot. Le roi des idiots.

Hotaru n’en avait jamais assez. Jamais assez de ses échanges avec l’aveugle, de leur petit jeu et de leur flirt gratuit. Si leur relation restait nébuleuse, elle était tout même inchangée. Naturelle et agréable. Leurs échanges se faisaient sans réfléchir, au moins celles verbales, puisque lorsqu’il en venait des contacts physiques, la femme samouraï restait tout de même relativement hésitante, ne sachant absolument pas si elle pouvait se permettre tel ou tel geste.

Probablement que son problème venait du fait qu’elle catégorisait les gestes selon les relations plutôt que la personne. On n’embrasse pas ses amis, mais son partenaire de vie. On ne ressent pas ce genre de papillon pour son équipier non plus. Ce n’est pas de culpabilité, mais elle n’arrivait simplement pas à briser les carcans sociétaux. Ce qui rendait particulièrement difficile pour la jeune femme ces entre-deux, ces ‘’nous ne sommes pas exactement amis, mais nous ne sommes pas exactement un couple non plus.’’ Une grande partie de cette façon de voir les choses venait clairement du fait qu’elle se dévouait à l’entrainement avant tout et qu’elle n’avait jamais entretenu beaucoup de relation à l’extérieur de son devoir de samouraï.

La réponse de son équipier la désarçonna et alors que son imagination se mettait à l’action le rouge lui monta au visage. Elle balbutia un début de réponse, mais finit par abandonner, réalisant que ça ne donnerait rien. Une part d’elle se voulait tout de même émoustillée par sa réaction. S’il lui répondait ça, c’était qu’il devait bien l’avoir à quelque part en tête. Si ce n’était pas exactement là qu’ils en étaient, officiellement, son intérêt restait un bon signe.

Lorsqu’elle lui demanda si elle dérangeait, il choisit de répondre par sarcasme amusé. Cette fois-ci, la femme samouraï sourit. Elle ne put retenir sa réponse. Enfin, elle ne voulait pas la retenir. C’était à la fois un mélange de curiosité et d’amusement.



Elle ne nia pas le fait. Elle était confiante qu’elle répondait à plusieurs de critère de beauté usuel. Certes, elle n’était pas un idéal, mais elle se savait au moins jolie et personne ne lui enlèverait. Il fallait tout de même avouer, comment le savait-il ? Elle lui offrit un sourire, bien qu’il ne pût le voir.

Lorsqu’il répondit à sa proposition, il se déconcentra suffisamment pour se frapper la main avec son marteau et s’en suivit pluie de jurons. Bondissant, faisant fit de la douleur du geste un peur trop subite, Hotaru rejoignit le forgeron d’une grande enjambée, prenant sa main pour l’examiner.

Elle pouvait voir la douleur sur son visage et au vu de la couleur de sa peau, ça allait au moins faire un horrible hématome. Elle espérait seulement qu’il n’avait cassé aucun os dans sa main. Évidement, le guerrier ne perdit pas de temps avant de réclamer un ‘’baiser magique’’ et alors qu’elle laissa un ricanement lui échapper, Hotaru posa un baiser rapide, juste à côté de la blessure pour éviter de lui causer plus de douleur en appliquant de la pression dessus.



Il y avait un certain amusement dans sa voix, malgré la situation. Elle reprit cependant son sérieux rapidement, ajoutant d’un ton qui tentait de ne pas être inquiet :



Ah les avantage d’être en hiver … et en montage. Il ne suffisait que de sortir de la forge pour mettre de la main sur un peu de glace.

Il se surprenait lui-même, de la facilité de ses échanges avec la demoiselle. Il n'avait pas besoin de faire semblant, il pouvait simplement se permettre d'être lui-même et, apparemment, cela semblait convenir à la demoiselle aussi. Elle savait ce qu'elle voulait et avait un agenda suffisamment chargé pour ne pas se permettre de perdre son temps. Continuerait-elle à jouer avec lui, s'il n'était à son goût, à plus d'un critère ? La question sur la beauté de la demoiselle ne manqua pas de faire sourire le jeune homme car, honnêtement, comment décrire sa perception de la beauté, à quelqu'un ne vivant pas dans le même monde que lui ? Son monde à lui était fait de forme abstraites, de sons, de couleurs et d'odeurs. C'était difficile à expliquer et il ne voulait pas s'y risquer, au point de tomber dans le cliché ou le niais, alors il se contenta d'un :



Il plaisantait, certes, mais il n'avait pas d'explication à donner. Il ne s'agissait pas de la beauté d'âme ou autre chose du genre, c'était juste...la façon d'être de Hotaru, qui confirmait qu'elle était définitivement à son goût. Oh certes il avait de grand discours sur son indépendance et le fait de n'avoir besoin de personne, en toute circonstance, mais il devait bien avouer être soulagé de la savoir là, juste derrière lui. Qu'elle admire son spectacle était un bonus non négligeable, mais peut-être qu'une partie de lui, celle qu'il ne pouvait laisser s'exprimer, en avait assez d'être constamment seul.
Cependant il était déconcentré, trop déconcentré pour faire son travail correctement. Sinon il n'aurait pas frappé sa main de son marteau, comme un vulgaire débutant. Kyoshiro arrivait à faire face et juguler la douleur, mais...c'était agréable de voir la demoiselle se ruer vers lui, avant même qu'il n'ait l'audace de demander un baiser, pour apaiser ses maux. S'inquiétait-elle vraiment pour lui, ou faisait-elle simplement ce qui était attendu, en de telles circonstances ? Difficile à dire mais, quand elle plaisanta sur le nombre de baisers à sa disposition, Kyoshiro ricana d'un :



Ils n'en étaient pas là, il le savait bien, mais c'était agréable de voir que leur rapprochement n'avait pas déréglé la dynamique de ce duo. Voilà au moins une chose sur laquelle il pouvait compter, en cet instant de grave stupidité de sa part. Il n'était pas homme à se faire cajoler et, quand le lui proposa de la glace, tout généreux que soit ce geste, Kyoshiro balaya négativement la tête, en avouant :



Qu'est-ce qui était le plus douloureux, de merder comme il venait de le faire, ou qu'elle soit là pour y assister ? Quelle image pourrait-elle avoir de lui, après ça ? Soupirant face à sa propre bêtise, sans trop savoir pourquoi il ressentit soudain le besoin de se justifier, de préciser que ce n'était pas habituel de sa part, parce qu'il avait « vu » des jours meilleurs. Pas en ces termes, mais l'idée était la même.



Et c'était peu de le dire. Il ne dormait pas très bien, mangeait encore moins bien et, forcément, cela avait un impact sur ses capacités. Il devait se reprendre, il ne pouvait pas continuer comme cela et il le savait bien. Abaissant sa tête vers sa main toujours engourdie, il commença à l'ouvrir et la fermer lentement, pour retrouver la sensation dans cette main endolorie, avant de rajouter :



Ce n'était pas qu'il dénigrait l'offre qui lui était offerte, il avait simplement du mal à avouer sa propre faiblesse. Ainsi, dans un essai désespéré pour détourner la conversation, il vint à repenser aux deux wakizashis offerts par ses soins, avant de demander :

Vraiment, cet homme savait parler aux femmes. Peut-être ne s’en rendait-il pas compte, mais avec quelques mots, il savait la mettre dans tous ses états. Inspiration, expiration. Une fois de plus. Elle avait du mal à calmer le rouge qui lui montait au visage. Peut-être était-ce parce qu’elle avait réalisé qu’elle voulait plus que de n’être que son équipière ou qu’une amie, mais c’était incroyablement difficile de rester de marbre devant des mots si suaves.

Lorsqu’elle offrit un baiser magique, comme ceux qu’on donne aux enfants, il rebondit immédiatement sur sa remarque arrachant un petit ricanement à sa partenaire. Cette fois-ci, se sentant en contrôle de la situation, elle se permit de l’attirer vers elle et de l’embrasser directement. Pourquoi se sentait-elle si en confiance cette fois-ci ? C’était parce qu’il semblait réagir favorablement à chacune de ses avances. Il souriait et l’invitait à faire plus. Ce n’était plus un élan de courage soudain, mais simplement suivre le rythme des choses.

Et elle ne se contenta pas d’un simple baiser chaste. Non, elle s’attarda sur ses lèvres, passant ses bras autour de son cou. Elle rompit le baiser que lorsque son cœur se démenait un peu trop fortement dans sa poitrine et qu’elle eut besoin de repire.  Un fois le contact rompu, elle appuya son front contre le sien et lui dit :



Le souffle lui était un peu plus court, la voix plus douce. Appréciant définitivement le moment … mais elle ne le laissa pas durer bien plus longtemps. Après tout, il s’était blessé et elle voulait s’assurer qu’il aille bien.



Elle avait parler d’un ton coquin, une certaine malice dans les yeux, accompagné d’un clin d’œil. Puis, elle revint sérieuse, inspectant sa main et offrant de la glace. Évidemment, il refusa, s’attirant regard à demi-méchant et à-mi boudeur d’Hotaru. Elle secoua la tête, porta son attention sur la blessure, grimaça à cause de sa propre douleur, mais écouta la réponse du forgeron sans lâcher sa main. Lorsqu’il lui offrit de se rassoir et prétendre comme si rien n’était arrivé, aggripa son poignet, plus déterminée que jamais.



Elle l’entraîna à sa suite

Alors qu’elle faisait son chemin vers l’extérieur des forges, il demanda à propos de la commande qu’elle avait demandée plutôt.



Petite pause qui fut marquée d’une certaine hésitation, puis elle reprit :

Doué de ses mots ? Il avait réalisé qu'il l'était, sans vraiment savoir comment cela avait pu se produire. Toute sa vie il avait gardé la tête basse, s'était concentré sue ses tâches, en minimisant ses interactions sociales...puis vint le déclic. Celui qui le poussa à être meilleur, à relever la tête et ne plus avoir honte de vocaliser ses désirs à la face du monde. Peut-être avait-il toujours eu le contact facile, sans l'occasion de le mettre à profit mais, à présent, face à la demoiselle, il réalisait que les interactions sociales n'étaient pas aussi horribles que cela.
Il s'amusait avec elle et inversement. Ce petit jeu avait créé les fondations de la dynamique de leur duo, jusqu'à ce que cela évolue en quelque chose. Ils s'entendaient bien, il y avait de l'alchimie, mais peut-être qu'officialiser les choses n'avait jamais fait partie de leur plan. Ils étaient des samouraïs avant tout, des individus liés à leur devoir, alors comment savoir si cette relation n'allait pas se mettre en travers de leurs responsabilités ? Voilà la question que Kyoshiro se posait, avant que celle-ci ne disparaisse, au moment où les lèvres de la belle se posèrent sur les siennes, ravivant le feu qui crépitait dans ses entrailles.

Certes ce geste le prit au dépourvu, plus qu'il ne voulait bien l'admettre, mais Hotaru avait vraiment trouvé le moyen imparable de lui fermer son clapet. En cet instant plus rien n'eut d'importance, plus rien d'autre que le goût de ces lèvres sucrées dont il raffolait, dont il voulait toujours plus. Il était un homme : évidemment qu'il pensait à plus, maintenant que le feu était allumé, mais heureusement Hotaru eut la présence d'esprit de s'écarter, avant que son compagnon ne commence à perdre les pédales. Front contre front, il souffle alors :



Mais non, ce n'était ni le moment ni l'endroit pour ce genre de pensée. Face à la plaisanterie de la demoiselle, concernant les baisers qu'elle gardait en stock, Kyoshiro se fendit d'un autre sourire espiègle, tentant sa chance d'un :



Eh bien quoi ? Il avait bien le droit de rêver, non ? Au moins cela l'aidait à ne pas penser à la douleur dans sa main, celle qui ne semblait pas diminuer. Il savait que cela allait passer, mais la demoiselle ne l'entendait pas de cette oreille. Il aurait pu lutter mais...à quoi bon ? Ce n'était pas comme si elle allait abandonner aussi rapidement, de toute façon. Haussant les épaules, il s'admit donc battu, d'un :



Le duo sortit donc de la montagne et, une fois à l'air frais, le jeune homme posa un genou à terre, pour repérer un peu de neige, avant de tourner la tête vers Hotaru, qui lui proposa de venir dîner. Kyoshiro se rappelait comment s'était passé la rencontre avec l'un de ses frères, mais qu'en serait-il, avec les deux en même temps ? Il appréciait l'offre, d'une part parce qu'elle venait de Hotaru, et ensuite parce qu'il n'était pas le genre d'homme qu'on pensait à inviter aux repas de famille. Alors oui il allait accepter mais, par franchise, il précisa :



Maintenant que les choses étaient dites, et que le rendez-vous était noté, Kyoshiro avait au moins l'assurance de bien manger demain. Par réflexe il s'imaginait déjà aller s'entraîner, dés la fin du repas...mais il savait aussi que c'était une très mauvaise idée. Il plongea alors sa main dans la neige et resta là, un instant, jusqu'à ce que la douleur ne disparaisse au profit d'un engourdissement presque total. Il se permit donc un soupir de soulagement et, enfin, quand il eut extirpé sa main de la neige, il tourna son visage vers la demoiselle, avant de reprendre :



Pensait-elle vraiment qu'il ne remarquerait pas? Faire attention aux détails était ce qui lui avait permis de rester en vie, jusqu'à présent. Ainsi, se redressant, l'homme s'approcha de sa compagne, passant son bras et sa main non-engourdie autour de sa taille, avant de commencer à marcher de nouveau en direction de sa forge. En chemin, il lui souffla finalement :

Embrasser Kyoshiro, c’était nécessairement jouer avec le feu comme il le disait si bien lui-même, mais c’était plus fort qu’elle. Elle comptait profiter autant que possible de cette zone grise dans laquelle ils se trouvaient. Sans vraiment être officiellement un couple, mais définitivement plus que rien du tout. Si elle n’avait aucune idée d’où tout ça la mènerait à long terme et si jamais il voudrait d’une relation plus stable, plus concrète avec elle, Hotaru voulait savourer cet entre-deux, le temps qu’il durait. Les baisers volés, les palpitations, les papillons et ce feu dévorant qui grandissait lorsqu’elle restait trop près lui trop longtemps.



Peut-être avait-elle besoin de se brûler pour comprendre. Peut-être avait-elle besoin de qu’on la ramène brutalement à la réalité pour comprendre. Comprendre quoi ? Elle n’en avait aucune idée. Mais si c’était avec lui, une ou deux brûlures ne lui dérangerait pas. Puis, espièglerie fut répondue par la même. Il lui demanda donc, si elle faisait les visites à domicile. L’espace d’une seconde, elle se demanda si ce n’était pas une invitation plus sérieuse, mais elle se força à arrêter son train de penser. Si ce l’était, probablement qu’il en reparlerait. Elle opta donc pour répondre sur le même ton :



Sourire arrogant accroché au visage qui dissimulait la légère montée d’angoisse qui lui venait. Peut-être avait-il compris qu’elle ne serait réellement pas contre l’idée ... Peut-être qu’il la trouverait trop facile, peut-être que … Il fallait arrêter de douter un instant et se concentrer sur le moment.

Elle l’avait entraîné à sa suite pour mettre sa main dans la neige afin d’éviter qu’elle enfle ou empire son état. S’il ne jugeait pas le geste nécessaire, il accepta tout de même. Sur leur chemin, elle l’invita pour la soirée suivante. Évidemment, il accepta, mais exprima quelque doute quant à l’appréciation de sa présence par la fratrie de la femme. Souriant à nouveau, elle répondit, avant même de réfléchir à ses mots :



Il lui fallut une bonne dizaine de secondes après avoir parler pour réaliser ce qu’elle disait. Oh et puis zut. Il savait bien que son intérêt était loin d’être platonique et loin de n’être que physique, après tout, son frère, la dernière fois que Kyoshiro était venu, avait bel et bien vendu la mèche.

Lorsque la main de Kyoshiro fut suffisamment refroidie, il lui demanda ce qui la tracassait elle. Une expression un peu bête au visage, une réponse au ton un peu trop faux. Elle était un peu trop fière pour cracher directement qu’elle s’était blessée et encore plus comment, n’est-ce pas ?



Hotaru avait donc opté pour une faible tentative de mensonge, mais le bras de Kyoshiro qui encerclait désormais sa taille, la proximité à nouveau présente la désempara une fois de plus. Surtout lorsqu’il insista pour savoir. Au diable l’orgueil finalement …



Elle hésita une seconde, cherchant les mots pour expliquer ce dont il en retournait réellement puis reprit. Cette fois-ci, son ton était un peu las, découragé face à sa propre bêtise.

Kyoshiro n'était pas inconnu aux plaisirs de la chair et les émotions qui allaient avec, mais c'était bien un sujet qu'il n'avait qu'assez peu exploré, au fil des années. Il était bien fichu, avait un corps travaillé au fil des années passées, aussi n'aurait-il aucun mal à trouver quelqu'un pour réchauffer son lit, pour peu que cette personne soit capable de passer au-delà de la barrière de son handicap. C'était déjà arrivé plusieurs fois par le passé, mais le jeune homme ne s'était jamais impliqué au-delà d'une seule nuit, peut-être parce qu'il considérait ce petit jeu comme une perte de temps, ou peut-être par crainte que cet attachement ne le ralentisse, dans l'accomplissement de ses objectifs. Mais avec Hotaru c'était différent. Avec elle il ne se retenait pas, il ne ressentait pas le besoin de le faire et, quand le fait de jouer avec le feu fut mentionné, lorsque la demoiselle confirma qu'elle pensait aussi à ce genre de chose, en dépit de leur relation encore floue, ce fut avec un évident sourire que Kyoshiro rebondit d'un :



Rien ne servait de trop insister, mais préciser que la porte n'était pas fermée, qu'il y pensait aussi, lui semblait être ne nécessité. Après tout, qui pouvait dire de quoi demain serait fait ? Ils avançaient peut-être à tâtons, dans le noir, mais ils ressentaient déjà leur attachement mutuel. Cela crevait les yeux alors, quand la demoiselle confirma que le colosse était un VIP, que des visites à domiciles restaient accessibles, ce dernier ne manqua pas de sourire, en répondant :



C'était un jeu, rien de plus qu'un jeu...enfin, vraiment ? Non, il ne jouait plus tellement mais, si Kyoshiro était un forceur lorsqu'il s'agissait de l'aspect professionnel de sa vie, ici c'était bien différent. Il se laissait porter par le flot, sans se poser de questions car, ce qui devait arriver finirait forcément par avoir lieu. Mais pour l'heure c'était à la demoiselle de parler, d'expliquer la nature de sa blessure et, en route vers la forge, le Tadake tendit l'oreille pour comprendre qu'il s'agissait d'une blessure d'entraînement.
En avait-il beaucoup, de son côté ? Jadis oui, à l'époque où il prenait encore ses marques et que sa maladresse était encore bien présente mais, à présent, la seule chose qu'il infligeait à son corps c'était un épuisement permanent. Maintenant le contact physique avec la demoiselle, il sentit l'entrée de sa forge devant lui, commentant son avis sur la blessure, d'un ton léger qui lui allait si bien.



Inquiet ? Probablement oui, mais la demoiselle n'était pas une débutante. Elle savait ce qu'elle faisait et avait eu la présence d'esprit de faire ce dont il était incapable : lever le pied. Elle avait la maturité qui manquait cruellement au jeune homme, une raison pour laquelle il la respectait au-delà de tous les mots possibles. Ainsi, une fois dans la forge, à l'abri des regards indiscrets, Kyoshiro ferma la porte et se pose contre une table, ouvrant et fermant sa main, à nouveau, pour retrouver ses sensations, pour confirmer qu'il allait pouvoir travailler, à nouveau, avant que ses pensées ne sortent, toutes seules, sans filtre.



Dépourvu de vision, sa vue passait à travers le toucher, mais ce fut au moment de sortir ces mots qu'il en réalisa la stupidité. Évidemment quelle n'allait pas accepter. Pas ici. Pas maintenant. Pas avec lui. Alors, se frottant l'arrière de la tête, pour mettre de l'ordre dans ses esprits, il s'approcha à nouveau de ses outils, pour commencer à se remettre au travers, doucement, avant de s'excuser d'un :



Décidément, il fallait qu'il apprenne à réfléchir avant de parler, un peu plus souvent.

Lorsque son compagnon exprima être le meilleur choix entre rester à la maison ou être en sa présence, la femme samouraï ne put qu’acquiescer. Ce n’était que bien trop vrai après tout. Ces frères aimaient se foutre de sa gueule et ils avaient maintenant une raison en or. Jamais ils ne l’avaient vu porter autant d’intérêt à un homme et donc, ils ne pouvaient se retenir de le lui faire savoir. Piques et farces de mauvais goûts pleuvait depuis la dernière visite du forgeron.



Pourquoi s’attarder sur ça alors qu’elle pouvait simplement flirter sans honte ? Un petit sourire arrogant passa sur ses lèvres alors qu’elle lui répondait :



Lorsqu’ils rentrèrent de nouveau dans la forge et qu’ils furent à l’abris du froid, Kyoshiro lui demanda s’il pouvait voir la blessure. Bien sûr, elle se doutait qu’il ne la verrait pas, mais il voulait avoir le cœur net sur l’étendue de dégâts, il lui semblait bien. Mais il se répondit lui-même.

Hotaru lança un regard autour d’elle avant de voir l’autre pièce. Et l’idée la frappa. Peut-être n’était-ce pas la meilleure de toute les idées, mais ça ferait l’affaire, car elle voulait effacer l’ombre du doute qu’elle avait entendue dans la voix du jeune homme.



Elle attrapa sa main et l’entraîna à sa suite dans l’autre pièce, celle ou il entreposait ses créations, présentant son dos.





Évidemment, avec le pensement, elle se doutait qu’il ne puisse réellement sentir la blessure. D’ailleurs le pansement était plutôt grand pour sa blessure, ça donnait l’impression que c’était bien plus grave que ce ne l’était en réalité. L’entail était certes longue d’une quinzaine de centimètre, mais elle n’était pas profonde, pas assez pour causer des dégâts sévères ou permanant de toute façon. Certes, ça allait laisser une cicatrice, mais c’était bien la seule chose qu’elle en garderait sur le long terme.

Pour lui permettre d’avoir accès, elle remonta un peu le bas de son chandail, mais abandonna assez rapidement. C’était exactement le genre de mouvement qui faisait le plus mal. Elle inspira bruyamment, retenant un râlement.

C’était déjà assez pathétique de se blesser de cette façon, elle ne voulait pas avoir l’air encore plus ridicule.

Et puis … toute cette situation … Ce n’était pas comme si elle n’avait aucune idée de ce qu’elle faisait. Ils étaient seuls dans une pièce et elle … Certes elle était blessée, certes, ça faisait mal, mais elle ne pouvait pas prétendre ne pas avoir d’arrière-pensée. Elle en était consciente et bien sûr il y avait cette petite pointe de honte, cette petite voix dans son esprit qui lui susurrait qu’elle prenait avantage de la situation.

Kyoshiro n'avait jamais été attiré par personne, jusqu'à présent. Oh certes il était un homme dans la fleur de l'âge, avec les besoins qui allaient avec, mais il ne prêtait simplement pas assez d'intérêt à la gente féminine, ou à ses congénères de manière générale, pour se prêter au petit jeu de flirt qui était son quotidien, désormais, depuis que Hotaru était entrée dans sa vie. Pourquoi elle? Parce qu'elle n'était pas aussi vide de substance et insignifiante que les autres, pas aussi plate, mais aussi superficielle ou niaise que toutes celles qui avaient croisées la route du colosse. Si cela avait été le cas, elle aurait traité l'aveugle comme toutes les autres l'avaient fait, avec un mélange de curiosité et de pitié, mais non, sa relation à l'enfant de l'hiver était bien différente.
Ils jouaient. S'amusant à pousser l'autre, à le provoquer, sans pour autant qui ils étaient, car il était sans doute bien simple de perdre son individualité dans une relation naissante, comme celle-ci. Ils n'étaient plus des enfants, peut-être ne l'avaient jamais été, ce qui expliquait pourquoi ils se permettaient ces petits jeux, en sachant très bien ce que cela signifiait et dans quoi ils s'embarquaient. Certes ils étaient des guerriers, des soldats, des individus liés par le devoir, mais ce n'était pas un crime que de se reposer sur une personne, plus que les autres. Ce n'était pas un crime de s'ouvrir à quelqu'un...en tout cas c'était ce que le Tadake essayait de se convaincre, tous les jours, depuis que la Oomori était entrée dans sa vie.

Il comprenait la situation de Hotaru, le fait qu'elle ait eu à élever ses frères, comme seul repère maternel. Certes il était amusé de voir leur relation parfois épineuse, de l'entendre dire à quel point ses frères étaient casses-pieds, alors que lui n'aurait jamais pareille relation avec le frère ou la sœur qu'il ne connaître jamais. C'était ainsi, il avait fait son choix, mais ne put s'empêcher de réagir d'un :



Il ne savait pas s'il était bien foutu ou pas, puisque le concept de la beauté était différent pour un aveugle et un voyant, mais il faisait confiance à la demoiselle pour savoir ce qui était agréable à regarder. Ce n'était pas comme si elle souhaitait s'arrêter à simplement regarder, de toute façon.
Une fois de retour à la forge, lorsque la demoiselle mentionna la blessure dans son dos, un accident d'entraînement comme il pouvait souvent en arrivant lorsqu'on n'était pas concentré, le jeune homme agit d'instinct, demandant – sans réfléchir – s'il pouvait constater l'étendue des dégâts, avant de réaliser que ce n'était ni le lieu, ni le moment pour un tel...examen. Hotaru ne semblait pas s'en formaliser, proposant au jeune homme d'aller dans l'arrière-boutique, là où matériaux et armes étaient entreposés, afin de s'offrir un peu plus d'intimité, pour la bonne marche de cet examen.

En prévision, le jeune homme avait passé ses mains non loin du feu, pour les réchauffer suite à sa petite visite dans la neige. Il resta là, devinant que la demoiselle essayait de soulever une partie de ses vêtements, devinant également par le grommellement qui suivit que ce genre de mouvement n'était pas sans mal, pour celle qui était encore en convalescence. Qu'à cela ne tienne, l'aveugle allait prendre les choses en mains. Littéralement.



On pourrait croire qu'il était brûlant, à force de passer autant de temps dans la forge, mais ce n'était pas le cas. Il avait toujours eu le sang chaud, le temps n'y avait rien changé. Il invita donc la demoiselle à s'installer, s’asseoir sur un tabouret, et le colosse en fit de même, s'asseyant juste derrière elle. Lentement, délicatement, le jeune homme souleva une partie du chandail de la demoiselle, d'une main, et de la droite il commença à parcourir la peau de son dos, du bout de ses doigts brûlant, jusqu'à repérer la texture de ce qu'il pensait être un bandage.
C'était tentant d'aller plus loin et de profiter de la situation, il ne pouvait pas dire le contraire. La demoiselle devant déjà y penser aussi, d'une certaine façon. Ainsi, posant le dos de sa main de chaque côté de la plaie, délicatement, sa chaleur se diffusant dans le corps de la demoiselle, l'aveugle commenta alors :



Voulait-il aller plus loin, et tirer avantage de la situation ? Évidemment que oui, son corps tout entier lui crier de le faire, mais était-ce sage, compte tenu de la blessure de la demoiselle ? Rien n'était moins sûr. Aussi attendait-il son feu vert, d'une certaine façon.

Avec Kyoshiro, c’était aussi simple que cela. C’était naturel, c’était … presque instinctif. Flirter, échanger de plaisanteries, des piques et même de la tendresse. La réponse de l’aveugle ne l’étonna même pas lorsqu’il lui dit qu’elle pouvait rester et regarder autant qu’elle le désirait. Mais, même s’il n’y avait plus de surprise, cela n’empêcha pas que ça restait tout de même satisfaisant à entendre. Puis, une fois de retour dans les murs la forge, Kyoshiro lui demanda s’il pouvait voir la blessure en question.

Il n’en avait pas fallu bien plus que cela pour que l’esprit de la jeune femme ne s’aventure vers l’un des recoins qu’elle n’avait que rarement explorer. Elle avait entraîné à sa suite son compagnon et lorsqu’elle échoua à remonter correctement le bas de son chandail pour en exposer les bandages, il se porta volontaire.

Alors qu’il s’éxécutait, il laissa ses doigts glisser sur sa peau et un frisson parcouru son échine, laissant derrière le passage des doigts abimés par le travail de son équipier. Elle soupira, espérant garder pour elle se qui prenait tranquillement (plutôt avidement) place dans son esprit. Ce n’était vraiment pas le temps pour ça. Pourtant, c’était si tentant.



Il y avait quelque chose, même dans son tempérament qui rendait ça logique. Il avait un tempérament chaud, impulsif … Il lui rappelait les flammes avec lesquelles il forgeait, qu’il contrôlait à sa guise. Alors qu’il ait les mains chaudes … ça lui allait dans un sens. Mais peut-être n’était-ce que les fabulations d’une jeune femme transie à l’esprit bien trop imaginatif.

Le commentaire de Kyoshiro sur le travail du médecin lui arracha un sourire et un petit rire alors qu’elle ne put se retenir de lui répondre :



Et même s’il avait fini d’inspecter, elle ne bougea pas. Elle n’osait pas. Sa tête lui disait que rien de tout ça n’était sage, qu’elle ne devait pas se laisser tenter davantage. Elle n’était pas de nature impulsive en général, mais … Était-ce même à ce point ? Après tout, ce n’était clairement pas la première fois qu’elle y pensait. C’était si facile de se perdre dans ce genre de moment … Mais ce n’était pas sage. Elle était blessée pardis. Elle peinait à se traîner ou à bouger. Et pourtant … c’était si alléchant.

Rien de tout ça n’était sage. Mais Hotaru n’était pas connue pour l’être de toute façon.

Elle se tourna un tout petit peu, posant son regard directement sur le bandeau de l’aveugle, tendant une main vers son visage.

Il serait plus sage de parler de ce qu’ils attendaient l’un de l’autre, d’établir clairement quelle était cette relation qu’ils entrainaient et nourrissaient … mais ce n’était plus le moment, pas pour Hotaru du moins.

Elle termina de se retourner sur le tabouret pour faire face à Kyoshiro et d’une petite pression de la main derrière sa nuque, elle lui indiqua de se rapprocher d’elle.

Kyoshiro était né pendant le mois le plus enneigé, froid et glacial de l'année. Il avait les cheveux couleur de neige, et les yeux plus vides et glacés qu'aucun autre homme vivant. Il serait donc logique de supposait qu'il serait distant et glacial, dans chaque aspect de sa vie, mais rien n'aurait su être plus éloigné de la vérité. Il avait été surnommé l'enfant de l'hiver, par ses parents mais, s'il avait pu choisir un surnom, le dragon de l'hiver aurait sans doute été bien plus approprié. Pourquoi ? Parce que le feu qui brûlait en lui étaient de ceux que personne ne pourrait jamais espérer éteindre ou dompter. Ce n'était pas pour rien que sa première affinité était celle du feu et que, avec le temps, il avait souhaité manier le feu pour donner vie aux meilleurs instruments de mort du monde. Le feu était ce qui définissait sa personne autant que son tempérament, et cela semblait convenir parfaitement à la demoiselle, qui n'avait pas peur d'un petit peu de chaleur.
Jusqu'où pourrait-elle aller ? Là était toute la question, celle qu'ils n'avaient pas encore pris le temps de se poser, jusqu'à présent. Peut-être était-ce parce qu'ils savaient ce qu'ils faisaient, ou parce qu'ils aimaient l'aspect flou et jeu de leur relation, mais les deux n'avaient pas encore de discussion claire quant à ce qui était en train de se passer, ici, entre eux. Devraient-ils le faire ? Probablement, oui, mais pour l'heure l'aveugle était plus occuper à deviner la blessure de la demoiselle, du bout de ses doigts brûlants.

C'était une blessure bête, évidemment, mais quel guerrier pouvait se vanter de ne pas en avoir ? Quel guerrier pouvait-il qu'il ne s'était jamais entraîné au-delà du raisonnable, au point que son manque de concentration ne résulte en une stupide blessure ? Nombreuses étaient les fois où l'aveugle s'était écrasé à terre, la tête la première, parce que ses jambes ne répondaient tout simplement plus, aussi était-il très mal placé pour se moquer de la demoiselle.
Il aimait le petit jeu qui se mettait en place entre les deux, mais il devait bien avouer que son esprit dérivait bien trop facilement à son goût. Se se lançait sur ce terrain-là il ne pourrait pas s'arrêter, il ne voudrait pas s'arrêter, et la demoiselle ne l'aidait clairement pas sur ce terrain là. Lorsqu'elle s'approcha de lui, lorsqu'il sentait son corps frissonner alors que la main de Hotaru se posait tout contre sa nuque, il lui souffla alors :



C'était un avertissement, une mise en garde, mais également un rappel que, même s'il ne pouvait pas la voir, à la sentir ainsi tout proche de lui il était frappé d'une certitude : il la voulait. Ainsi, lentement, il suivit le mouvement et posa sa main gauche contre la taille de la demoiselle, avant de se rapprocher pour que leurs lèvres ne se rejoignent enfin, en ce lieu où personne ne viendrait les interrompre. Pendant ces quelques secondes le temps s'arrêter, alors que sens sens partaient dans toutes les directions, jusqu'à ce qu'ils ne s'écartent l'un de l'autre, pour reprendre leur souffle.
Était-ce vraiment ce qu'elle voulait, le pousser au-delà de la limite du raisonnable ? A peu près sûr que c'était le cas, le jeune homme passa une main sur son visage, pour en retirer le bandeau couvrant ses yeux, posant ses prunelles sublimement lactées sur la demoiselle, maintenant cette proximité évidente, avant de lui demander :

Lorsqu’il approcha son visage du sien, il l’avertit qu’il ne voudrait pas s’arrêter si elle l’encourageait. Mais Hotaru n’avait aucune envie de faire preuve de tempérance non plus. Et puis, ce n’était pas sa première blessure, la douleur ça ne lui faisait pas peur. Un instant de doute traversa son esprit, mais aussitôt que les lèvres de son compagnon vinrent se poser sur les sienne, cela n’avait plus aucune importance.

Dans la pénombre de l’endroit, elle ne voyait pas grand-chose, mais voir n’était plus si important. Il l’avait embrassée comme à sa demande silencieuse et elle avait répondu avec la même fougue. La main qui reposait sur sa nuque se saisit de ses cheveux, ses doigts caressant son cuir chevelu. Il était plus grand et la position était inconfortable, mais elle ignora l’élancement dans son dos alors qu’elle s’accrochait à Koyshiro avec avidité.