La bise hivernale aimait faire siffler les feuilles de vos gardiens, arbres dont l'âge restaient un mystère. Immensément grands, sculptés et creusés par vos mains pour dessiner à votre image un futur protecteur, perché au dessus du passé et d'une vie fuyarde. Animaux incompris, vous dormiez dans le bois avec leur grincement comme berceuse. Chaque jour écrivait une nouvelle avancée dans cette conquête de mère nature, en harmonie avec ce qu'elle avait à vous offrir. Plus d'un maître ébéniste ou charpentier avait pu faire valoir son art au sein de Jujou, et il arrivait souvent d'entendre leurs outils marteler au loin, signe de l’expansion des habitations.

Depuis peu, tu avais conclu un arrangement avec l'un d'entre eux, qui avait le mérite de ne pas trop parler. Muet de naissance mais avec des mains en or, il avait bâti en un rien de temps un perchoir secret au plus haut d'un tronc de séquoia.  Abri de fortune, presque noyé parmi ses pairs : le lieu idéal pour s'installer dans la discrétion, loin des regards trop curieux.

Du mobilier de fortune, une isolation discutable, mais il s'agissait là du début discret d'une aventure à ton image. Quelques allez-retours suffirent à achever la mise en place des prémices scientifiques que ton esprit envisageait. Un laboratoire venait de naître, aussi simple et vulgaire qu'honnête sur ses ambitions : Pas de surplus de matériel, pas de lit de convalescence.

Soudain, une branche trahit une présence externe, craquant sous le poids d'un pas, t'arrachant à tes pensées les plus intimes. Sans sortir pour autant, ta voix s'élève, destinée à porter jusqu'à l'extérieur ta véhémence :

- Qui va là ?!

Tu n'avais nulle envie de te confronter à un regard familial, qui ne comprendrait en rien tes intentions... Et encore moins celui d'un indélicat, dont les ragots pourraient nuire à ta liberté de création.

Mon perfectionnisme poussé à outrance, me susurre qu’il me faut toujours plus. Il me faut quelqu’un qui saurait m’aider à m’orienter et à viser toujours un peu mieux que ce que je sais déjà. Il me faut quelqu’un qui complète mon savoir personnel, mais qui peut également comprendre ce que je cherche à faire.

Meian. Une chuunin du village. Je ne sais pas toujours ce qu’elle peut m’apporter, mais je le saurai bien assez tôt. Elle m’a été suggérée pour ses capacités.



Si je pouvais me présenter de n’importe quelle autre façon, je trouvais celle-ci beaucoup expressive de ce que je venais faire là. Brigade d’interrogation. Je ne viens pas jouer. Annonçant mon appartenance, je viens avec un but précis. Mon rôle mis de l’avant ainsi, je signale que c’est plus qu’une visite de courtoisie.

Mon regard glisse sur son environnement. Il est comme le mien. Froid, sans fioriture. Le genre qui respecte son travail. Pas mal.



Je me suis tout de même présentée comme étant de la brigade d’interrogation. Si elle était le moindrement paranoïaque, elle pourrait s’inquiéter de ma visite, mieux valait la mettre à l’aise immédiatement. Mon ton, toujours aussi détaché, mes mots



C’est vague, mais je ne sais pas exactement ce que je fais-là moi-même, enfin, précisément ce que je fais là. Peut-être pourra-t-elle m’orienté sur mes poisons ou même sur une autre voie entièrement ?

Jour 1, et le nom de la brigade d'interrogation apparaît déjà à ta porte. Le bois te semble alors bien léger, comme sur le point de craquer sous le seul poids de la voix féminine qui se présentait. Un soupir. Un seul. Et ton attention s'élève au niveau de la femme, de l'aura invisible que tu lui imagines. Elle ne laisse aucune place à la sympathie, au hasard. Sa venue était ciblée et ton nom faisait déjà écho à ses oreilles.

Dans un silence, tu ouvres la porte, suivant instinctivement du regard l’intrusion de la gradée. Tu n'avais rien à cacher... pas encore, mais si les pensées pouvaient transparaître, alors tu serais déjà coupable. Des rumeurs devaient sûrement se propager, sur ta décadence, sur ton approche opportuniste et inédite aux arts médicaux, à cette distance qui te séparait progressivement de tes pairs.

Le regard aussi froid que l'air ambiant, tu jauges la femme dont les prunelles trouvaient mieux à faire que de soutenir le tien.  Elle analysait le lieu et ne s'en cachait point. Contrôle de rigueur ou curiosité mal placée : il était encore trop tôt pour le dire, mais sa dernière tirade eut le mérite de te faire lever un sourcil.

- Plutôt la fille de

Te replaçant automatiquement au statut qui avait régit toute ta vie jusque lors, tu ne laisses que peu de place à l'excès ou à la prétention de mieux servir l’hôpital que n'importe quel autre profil de ta famille.

- … Mais si je peux vous aider pour quoi que ce soit...

Feignant une dévotion naturelle, en réalité bien affligée d'avoir à retarder tes premières expérimentations, tu finis par inviter d'un geste large la femme à s’asseoir sur une chaise rudimentaire. Les murs deviennent alors les seuls complices de ton silence, craquant sous le vent et la torsion de leur support naturel.

Te voilà ficelée à une situation qui t'inquiète, te retarde, te pousse vers un conflit que tu n'avais pas prévu... A moins que les intentions de la Jonin divergent de ce que son grade laissait transparaître.

Elle me laisse entrer et j’en profite pour la détailler rapidement. Rien d’extraordinaire. Un peu décevant. Émanant d’elle, une légère anxiété ? ou peut-être est-ce … oui. Elle pense qu’elle est venue à mes oreilles pour un méfait x. Je me retiens de jouer un peu, la rassure d’une phrase et observe l’endroit. Elle prend ensuite la parole. Son ouverture ne me laisse pas indifférente. Ma réponse vient plus douce que je ne l’ai voulue :



Je peux bien comprendre. Vivre dans l’ombre de sa mère, n’est-ce pas ce qui a fait de moi, moi justement ? Être la fille de … Si j’avais de la sympathie en moi, elle se manifesterait aujourd’hui. Si j’en avais.

Elle accepte de partager ce qu’elle sait avec moi. J’hoche la tête en réponse et m’approche de ses outils, les observant lassement.



Je ne demande jamais d’aide, en général et lorsque je le fais, c’est Ichizô que je vais voir. Mon maître, mais je n’ai aucune envie d’avoir à faire à lui si je peux me l’épargner. D’avouer à la femme devant moi avoir besoin d’aider, s’est ouvrir la porte à une faiblesse, mais c’est une faiblesse que je vais effacer. D’où la seule raison pourquoi laquelle je l’admets à l’instant. Je viens à peine de commencer à travailler sur le corps et il a fort trop d’inconnu encore. Il me faut des poisons efficaces, des coups précis. Il me faut le canvas du corps humain imprimé dans mon esprit. Il me fallait en connaître les mécaniques pour mieux le détruire. Il fallait que je sache le reconstruire, apprendre à le plier à ma volonté.

L’interrogatoire semble suspendu dans le temps, sans réel but apparent. Chinone s’amusait surement de ce rapport d’échelle qui te plaçait en deçà de sa juridiction. Sil elle avait été aussi mauvaise que tu pouvais l’être, elle en jouerai jusqu’à la dernière minute.

- Surement, mais toutes n’ont pas de Mères.

Une prise de position qui pouvait paraître irréelle, puisque la tienne avait sa réputation : et jouissait encore d’une vie honnête et aisée. Mais les faits étaient simples : Donner naissance ne fait pas de nous une parente; on le devient, on l’honore, ou on l’ignore jusque’à la fin de ses jours. Tu te dissociais donc une fois de plus d’un clan Solaire, préférant te rallier à une lumière moins éblouissante, lunaire.

Les premiers questionnements de l’angevine (qui n’avait de l’ange que le visage) eurent raison de ta méfiance primaire. Tu ne connaissais nul interrogatoire qui commençait par « je veux » et non par « que veux-tu ». Etait-elle donc vraiment ici par intuition personnelle ? Hors du cadre réglementé et régit par le village. Ce serait curieux… Mais plausible. Sinon pourquoi se perdre dans le questionnement auprès d’une apprentie médecin, pas encore assez qualifiée pour être reconnue pour son art.

- Je ne suis pas sûre de comprendre… Vous…

La dernière prise de parole de Chinone met un terme à ton interrogation. Elle ne pouvait pas faire plus clair.. Et sa réflexion était légitime, tranchée… et presque ambitieuse.

- Mmmh

Cette fois, tes yeux la décrivent comme une marionnette dont les points vitaux s’allumaient par dizaines. `

- Je vois… Et vous désirez parfaire un art en particulier ? Car il y a tant de façon de congédier une âme vers l’autre monde… Il s’agit donc de trouver La Manière, celle qui vous correspondra au mieux.

Une oreille extermine mal réfléchie ne verrait dans cette entrevue que deux assassines qui n’avaient ni morale ni retenue: mais les experts comprendraient que la science était là un outil unique pour vaincre en dehors d’un règne de la brutalité.

Elle réussit ce que bien d’autres ne pourrons jamais dans leur vie et m’arrache l’ombre d’un sourire narquois. Elle a raison. Toutes ne sont pas des mères. Et si quelqu’un peut bien s’imaginer qu’il ait quelque chose au-delà des apparences, c’est moi. Après tout, mon art relève du mensonge et des apparences trompeuses … Peut-être a-t-elle un problème avec sa mère ?

Je ne renchéris pourtant pas. Ce n’est pas de mes affaires et honnêtement, ça ne m’intéresse pas d’essayer de jouer les héroïnes d’enfants brisés. Je laisse le sujet mourir et me concentre sur ce que je suis venue faire en premier lieu.

Elle m’offre de m’asseoir, mais je n’accepte pas immédiatement, à la place, j’expose la raison de ma présence, mon désir perfectionnement. J’attends sa réaction. Confuse. Elle ne semble pas comprendre ce que je fais réellement là et enchaîne avec une incertitude apparente. Heureusement, mes propos semblent l’éclairer et lui donner les pièces du casse-tête qui lui manque.

Elle est réceptive. Je m’assois. À sa question, je réponds d’un ton presque las.



Œuvrant dans la discrétion, œuvrant dans les ombres, mes coups se doivent aussi rapides que mortels et pour parvenir à l’efficacité parfaite, il me faut connaître le corps humain. Il fat que je déconstruise ce qui se tient devant moi, que j’en connaisse les secrets pour exceller à ce que je fais.



Je ne cherche pas qu’une façon de tuer. Je cherche à tuer, à maîtriser la mort à envoyer mon ennemi à tout coup dans l’autre monde. Je savoir où frapper pour qu’il se vide de son sang, ou même quel produit et le plus nocif pour le corps. Faire honneur à mon nom, à mon entraînement.

Une lumière s’éveille légèrement au fond de tes prunelles quand l’assassine assume pleinement la portée de ses choix. Sa curiosité morbide est surement légitime si sa lame est allouée à une cause noble: mais un petit quelque chose au fond de toi te fait douter d’une telle dévotion. Malgré tout, sa prétention précédait la réalité des choses :

- C’est bien là le problème d’une aspiration de la sorte: Toutes les morts ne fonctionnent pas. Le corps a beau être unique, l’homme se distingue toujours, et confère à ses muscles, sa mémoire, ses réflexes, des particularités qui rendent le cas d’étude impossible à généraliser.

Ton visage scrute avec attention et froideur, dans une pénombre maitrisée par tes soins.

- Croire que l’on peut tout maîtriser, c’est être bien naïf parce … Nos institutions ne prennent pas le parti de la destruction, mais l’inverse. Alors de telles vocations ne font pas l’unanimité, elles sont en marge, et pourtant, je reste persuadée, comme vous, qu’on n’atteindra le zénith de nos arts médicaux que lorsque nous nous ouvriront à une compréhension plus… instinctive de notre fonctionnement interne.

Tu maquillais tes pensées, enrobait un avis bien tranché et borderline derrière des jolis mots, des métaphores, pour ne pas trop en dire.

- Alors oui, il y aura des basiques, des incontournables, mais qui perdront la notion d’originalité ou d'unicité. Tranchez une gorge et la mort arrive dans la minute. Infusez une portion d’Aconit et le sommeil paralysera le corps, puis le coeur, puis l’âme. Mais le savoir rend la surprise caduque, et la réalité rend les opportunités plus limitées.

Croisant tes bras sur ton buste, tu continues de fixer l’étrange Jonin.

- Ce que je veux dire par là, c’est que je manque moi même de connaissances pour prétendre à vous instruire sur tout, comme vous le demandez. Qui plus est, cette requête spontanée peut me valoir des soucis d’ordre éthiques… Et je n’y compte pas.

Une vague moue te fait basculer de profil, comme si tu déclinais la demande, mais elle montrait en réalité un visage réfléchi, encore ouvert aux négociations.

- Peut-être que si je disposais d’un champ d’action plus large, de moyens techniques et… organiques, je pourrais pousser plus loin des recherches bien spécifiques pour vos propres études.

Un marché, une vulgaire proposition troquant éthique et finance; Tu aspirais bien à te servir d’elle comme elle prétendait se servir de toi.

Si l’homme en lui-même est différent, je me dois d’être en désaccord avec la première affirmation de la femme devant moi. L’homme a ses réflexes, mais de lui ouvrir la jugulaire va tout de même le tuer. De lui couper les tendons va le handicaper. Certes d’apprendre chaque façon de tuer est probablement du domaine de l’impossible, mais cela ne m’arrête pas. Je rends l’impossible possible, je suis kunoichi, c’est mon travail.

Pour tuer, il faut savoir guérir … ou est-ce l’inverse ? dans les deux cas, le tout devient intrinsèquement relier, impossible à dissocier, impossible à de faire l’un sans l’autre. Alors je ferai les deux. La mort n’aura de secret pour moi que ce qui n’a pas encore été découvert … et encore. Je ne suis pas une chercheuse, mais une perfectionniste.

Je perfectionnerai l’art qui est mien jusqu’à en être la meilleure, l’incontestable.

Je ne suis pas stupide, je comprends ce qu’elle dit. J’hoche la tête. Bien sûr, j’ai choisi à qui je m’adresse, je sais qu’elle n’est pas la plus qualifier, mais elle n’est rien. L’attention est loin d’elle pour l’instant et c’est tout ce qu’il me faut pour faire ce que je veux.

Des corps. Il lui faut des corps. Parfait je lui en fournirai.



Ma question, posé avec le naturel du monde. Je ne parle pas en code, pas lorsque je n’en ai pas besoin dans tous les cas et si elle continue de sous-entendre sans explicitement le dire, elle va finir par me tomber sur les nerfs. Je ne suis pas femme patiente et je ne fais pas de compromis.



Il faut dire que mon statut me permet un peu que le sien et si elle veut se servir de cette opportunité pour ce qu’elle est, il faudra qu’elle le comprenne. Je ne garderai pas secret ce que je vais faire avec elle. Du moins, pas à ceux qui se trouve au-dessus de moi. Je ne rends tout de même pas de compte à ce qui est sous moi dans la chaîne alimentaire.

Si elle veut de cette entente, elle n’a qu’à le dire. Je fournirai les moyens dont elle aura besoin, c’est évident. Son champ n’est pas le mien et c’est l’unique raison pourquoi je suis devant elle. Si elle est trop douillette pour oser, tant pis, je ferai par moi-même.