Sa rencontre avec Haishan était encore bien dans son esprit. Ce qu’il lui avait dit, ce qu’il ne lui avait pas dit également, ce qu’il lui avait appris, ce qu’elle avait vu, mais également ce qu’elle avait découvert d’elle-même. Jusqu’à ce moment-là, elle avait cette concept d’elle où elle trainait derrière ceux qu’elle espérait protéger, ceux qu’elle aimait. Elle avait en tête ce moment bien précis, elle ressentait la même impuissance que dans son enfance, lorsqu’on lui avait appris la mort de ses parents.

Elle avait eu l’impression de se noyer sous la pression, de ne pas répondre aux attentes… Mais Haishan lui avait appris que ce n’était pas le cas. Il l’avait forcée à se confronter elle-même et cette pensée omniprésente qui la dévorait avec chaque nouvel entraînement.

Elle était venue pour des réponses quant  à la mort de ses parents… Elle avait trouvé un allié improbable. Évidemment, elle ne voulait pas non plus déclarer à tout Seizan son nouvel affiliation. Après tout, bien que Haishan semblait un tengu de bonne foi, il était un yokai et… et ce n’était pas vraiment bien vu.

Aaaah ! Tant pis !

Si elle ne pouvait ouvertement montrer le sceau, alors elle en parlerait avec Kyoshiro. Son compagnon était non seulement son confidant, mais également la personne à qui elle ne cachait absolument rien… sauf ses émotions lorsqu’elle était déprimée, mais ça ce n’était pas important, pas pour l’instant du moins.

Elle avait récemment engagé un professeur pour lui apprendre le dialecte de Takadai no kuni et passait quelques heures par semaine à travailler son vocabulaire. La prochaine fois qu’elle voyait Haishan, elle pourrait peut-être le comprendre. Avec un peu de chance…

La samouraï arriva chez son compagnon et entra sans toquer. Il y avait déjà quelques jours qu’elle avait pris cette habitude. Pourquoi cogner ? Ils étaient pratiquement tout le temps ensemble de toute façon.



Sa voix n’était pas hésitante, mais elle n’était pas non plus aussi confiante qu’à son habitude et sa demande, plus qu’inhabituelle. Hotaru n’était pas vraiment du genre à faire dans les secrets, pourtant, d’un coup, elle voulait être discrète en ce qui concerne son projet d’ornithologie.

Kyoshiro aurait pu se satisfaire de ses récents efforts, de ses récentes évolutions et, pourtant, il se sentait toujours comme...un travail à moitié terminé. Oh il était satisfait de la puissance qu'il sentait grandir en lui, aucun doute là-dessus mais, pour un homme avec autant d'ambition que lui, que pourrait être la prochaine étape ? Il avait réussir à atteindre l'un des plus hauts rangs de la hiérarchie militaire de son pays, il était épéiste des Monts de Fer alors...que lui restait-il ? Devenir garde du corps personnel du géant des montagnes n'était pas une option, trop restreint à son goût alors...alors il allait devoir réfléchir à la direction qu'il voulait prendre.
C'était ce qui trottait dans sa tête depuis plusieurs jours, comme s'il était incapable de penser à autre chose que la direction qu'il devait prendre. Il n'aimait pas rester dans le flou, faire du sur-place. Il avait besoin d'un objectif, une direction, un but à atteindre sinon il avait l'impression d'être inutile, de prendre son temps.

C'était pour cela que, contre toute attente, Kyoshiro s'était essayé à la méditation depuis quelques jours. Oui, oui, ce n'était pas une plaisanterie. Son esprit était saturé, aussi avait-il supposé que cette méditation lui permettre de faire le ménage, afin d'y voir un peu plus clair. Alors d'accord, ce n'était pas un franc succès mais, comme tous les exercices, il savait qu'il ne s'améliorerait qu'en pratiquant. Assis au milieu de son lit, jambes croisées et tête basse, Kyoshiro fut extirpé de sa torpeur méditative lorsqu'il sentit la porte s'ouvrir, comprenant instinctivement de qui il s'agissait.
Il lui fallut quelques secondes pour remettre ses idées en place et, s'il entendit les paroles de la belle, son cerveau fut un peu plus lent à formuler une réponse. Décroisant ses jambes, il vint s'asseoir au bord du lit. Passant une main dans sa crinière immaculée, il formula doucement :



Car oui, le haut de son corps semblait dépourvu de tout vêtement. Se redressant lentement, laissant à ses jambes le temps de se rappeler du poids de son corps, Kyoshiro nota l'hésitation dans la voix de la Oomori, comprenant que quelque chose s'était passé et qu'elle voulait son avis sur le sujet. Que pourrait-il bien apporter à la table ? C'était bien ce qu'il voulait savoir, mais il faisait confiance à Hotaru pour savoir ce qu'elle faisait, en l'impliquant là-dedans. Attrapant un t-shirt noir léger, ainsi que de Sekitsui qui traînait dans un coin, le jeune homme revint à peu près préparé, s'approchant de Hotaru pour poser une main sur son épaule.



Prenant une pause, comprenant que Hotaru allait être surpris de le voir méditer, il voulut confirmer que ce n'était pas une erreur, en avançant que :

Lui demanda-t-elle le ton un rieur, alors qu’il parla de devoir se couvrir. Elle ne se gêna pas non plus d’admirer l’oeuvre d’art qu’était le corps de son partenaire, alors qu’il se mouvait dans sa demeure.

La samouraï ne se gêna pas non plus de l’observer se vêtir, bien qu’il ne mettait qu’un chandail. Après tout, elle profitait du fait qu’elle pouvait le voir, elle était rentrée que quelques temps plus tôt et tout au long se son séjour à Teito et à Takadai, il lui avait manqué… atrocément.

Heureusement, il avait acquiessé à sa demande sans poser trop de questions, n’émettant qu’une seule demande en échange : prendre à manger sur le chemin. Elle répondit par l’affirmative sans même y penser.



Dit-elle en haussant les épaules. Une pratique qu’elle s’était elle-même mise à appliquée depuis qu’elle avait perfectionner son art du sabre. Elle trouvait que ça l’ancrait plus facilement dans la réalité, lui évitait de s’éparpiller dans ses inquiétudes et ses même ses mauvaises habitudes de se répéter qu’elle ne faisait pas le poids, qu’elle ne méritait pas son titre d’épéiste des monts de fer.



Elle précisa ce qu’elle voulait dire, car elle ne le connaissait que trop bien, il trouverait une façon de faire un blague salace avec ce commentaire, sinon. Alors qu’elle marchait en direction du centre du village, elle attrapa la main de son aimé.



Commença-t-elle. Elle ne voulait pas trop donner de détails, pas en publique, mais elle voulait au moins lui expliquer un peu de quoi il retournait réellement.



Elle marqua une petite pause réfléchissant à comment expliquer ce qu’elle avait vu aux porte de Yomi no kuni … quoi qu’elle n’avait pas vraiment la confirmation que c’était les portes de Yomi no kuni, mais c’était une autre histoire, ça.



Ajouta la samouraï, l’air pensif, alors qu’elle tapotait son menton avec son index.



Et elle arrêta son histoire-là.



À comprendre que pour la suite, elle la lui partegerait dans l’intimité de la forêt ou n’importe où elle ne croirait pas être entendue.

Tous deux venaient d'horizons différents, de chemins différents, mais c'était le devoir qui avait su les rapprocher. Jamais Kyoshiro n'avait pensé pouvoir être aussi proche de quelqu'un, un jour, mais aujourd'hui il n'y avait que très peu de choses qu'il n'avouait pas à la belle. Parce qu'il savait qu'elle le comprenait, qu'elle comprenait d'où il venait et, surtout, qu'elle ne le jugeait pas pour ses tares et défauts. Toujours fourrés ensemble, il n'y avait pas grand chose qu'ils ne partageaient pas et, bientôt, l'aveugle avoua s'être essayé à la méditation, récemment. Durant sa formation on avait essayé de l'initier à cet art, mais à l'époque il était trop agité pour rester en place, plus de cinq minutes.
Il comprenait les vertus d'un tel exercice, mais il lui avait fallu plusieurs années pour arriver à apprendre à rester en place. Ainsi, quand la demoiselle lui proposa de faire de cet exercice une activité commune, Kyoshiro retint la plaisanterie qu'il avait en tête, avant d'avouer que :



Ni une, ni deux, le jeune homme s'habilla et, main dans la main, le duo s'engouffra dans les rues de la grande Seizan, Kyoshiro faisant un petit détour pour attraper deux ou trois takoyakis, histoire de se remplir un peu l'estomac. En même temps qu'il s'empiffrait, il écouta la demoiselle lui parler de son propre trajet, de sa recherche de réponses sur le devenir de ses parents. Il était curieux, oui, et quand la mention d'une plume de Tengu fut amenée sur le tapis, l'intérêt de l'aveugle fut piqué à vif.
Il fallut quelques secondes au jeune homme pour comprendre le cheminement du discours de la demoiselle. Surpris et impressionné, il demanda confirmation que :



Un petit moment de pause alors qu'il s'imaginait la scène dans la tête et, bien vite, une pointe de jalousie s'empara de lui. Impressionné par cette surprenante rencontre, il s'écria alors, sans la moindre discrétion :



Il lui fallut quelques secondes pour réaliser le volume de ses paroles, mais que pouvait-il y faire ? C'était une rencontre telle qu'on n'en voyait pratiquement pas, dans toute une vie. Le genre de rencontre que n'importe quel guerrier tuerait pour avoir, et la Oomori avait été choisie ! Souriant, on ne peut plus fier de cette nouvelle, il fut tout de même intrigué par le reste, quant aux conséquences du combat. Spécial, hein ? Curieux, il amena sa belle au delà des portes de Seizan et, au bout de quelques minutes de marche, loin des oreilles indiscrètes, il ralentit légèrement la cadence en demandant :

Quand Kyoshiro s’emporta à la mention d’un combat avec le tengu, Hotaru ne put s’empêcher de se taper un peu les bretelles et vanter son exploit. Ton fier, regard joueur, elle laissa couler les mots comme si accrochait une médaille a sa poitrine.



Elle marqua une pause, un peu embarrassée avant de reprendre une qu’elle eut râcler sa gorge maladroitement.



Encore une fois, elle se tut. Elle déviait bien trop du sujet, mais elle ne pouvait s’en empêcher. Il y avait tant à dire sur sa rencontre avec le Tengu. Elle décida de partager les dernières paroles qu’il lui avait dites avant de se séparer.



Un autre soupir. Il semblait bien qu’elle n’avait pas fini de jouer les ornithologues en herbes. Enfin… rendue là elle avait graduée d’en herbes à accomplie, mais ça aussi n’était que détail.



Elle prit sa main et la porta sous ses vêtements, plus exactement sur son bas ventre à quelques centimètres en diagonal sous son nombril. Elle traça avec l’index de son compagnon les contours des trois cercles de sa marque maudite. Trois petits cercles disposés en triangle.



Hotaru savait qu’on lui avait confié une arme en lui mettant ce sceau et ne pas savoir s’en servir l’irritait d’autant plus que si elle tenait une lame inconnue et ce n’était pas une sensation qu’elle aimait.

Si leur sens du devoir et leur passion avait su rapprocher ces deux individus, il ne fallait pas espérer qu'ils aient des parcours similaires. Ils avaient des parcours différents, des objectifs différents ainsi que des origines différentes, et c'était quelque chose qu'ils avaient tous deux en tête. Ils avaient leur fierté, leur volonté de s'améliorer et, si pour n'importe qui d'autre Kyoshiro aurait été jaloux, il ne pouvait être qu'intéressé par la rencontre qu'avait fait la demoiselle. L'aveugle savait ce que cela faisait que de se sentir à la traîne et, s'il avait une forte tendance à la jalousie, il prenait sur lui pour se faire une raison, pour se rappeler que son heure finirait elle aussi par venir. Après tout, n'avait-il pas été promu récemment ?

Il resta donc attentif, curieux et, quand la demoiselle mentionna le sabre de son adversaire, sa curiosité fut piquée à vif. Était-il un samouraï ? Un tengu pouvait-il être ? Passant sa main autour de son menton, en une pause réfléchie, le Tadake en vint à supposer que :



Mais cela restait tout de même quelque chose de terriblement intriguant. Il fut suffisamment intrigué pour écouter le reste de l'explication mais,  à la mention de l'indice qui fut laissé à la Oomori, il devait bien avouer qu'il faisait chou blanc.



Il espérait qu'elle trouvait les réponses dont elle aurait besoin, évidemment, mais c'était déjà un très bon début. Petit à petit le duo continua sa marche mais, bientôt, la belle tint à rentrer dans le vif du sujet. Si le fait de se faire attraper la main devait donner des idées à l'aveugle, ses sens le pointèrent dans une toute autre direction, alors que les bouts de ses doigts dessinaient les contours de la marque.



C'était bien la première fois qu'il entendait parler d'une telle marque et, s'il était excité, il savait qu'une telle marque n'était jamais gratuite et sans risque. Quel avait été le prix à payer ? Quelle en serait la conséquence ? Un milliard de questions tournaient dans sa tête mais, allant à l'essentiel sans couper le contact, l'aveugle demanda avec une pointe d'inquiétude :



Était-ce donc liée à ce Tengu à tout jamais ? Était-elle sous son contrôle ? Cette marque était un pouvoir selon les propos de la Oomori, mais de quel genre ? La marque était douloureuse, réagissant à la colère, mais quelle autre émotion pouvait la déclencher ? Uniquement la colère, ou toute émotion négative ? Curieux, conscient que sa belle n'en savait pas encore beaucoup sur le sujet, il essaya de rediriger la conversation dans une certaine direction. Il demanda donc :