Les choses avançaient doucement mais sûrement, pour le jeune homme. Il avait suffisamment de commandes pour occuper ses journées, suffisamment d'énergie pour remplir ses soirées et, en plus de cela, certains de ses confrères étaient rentrés dans sa vie, sans qu'il n'y soit préparé. Dabi, Honoka, Hotaru, Maho, Ryo et son chef d'équipe. Cela commençait à en faire, des noms, à retenir ! Mais bon, peut-être était-ce temps de sortir de son trou et de les accepter, plutôt que de tout rejeter en bloc, comme le gamin qu'il était jadis ? Aujourd'hui il était en train de finir une commande, un katana comme il en faisait beaucoup d'autres, à longueur de journée. Les flammes crépitaient, les étincelles volaient dans la pièce à chaque coup de marteau : c'était définitivement une bonne journée. Il était tellement concentré sur sa tâche en cours, comme à son habitude, qu'il ne remarqua même pas la présence de l'homme qui pénétra dans sa forge, avec une discrétion rarement vue chez un autre être humain.



Kyoshiro était toujours sur ses gardes, sauf quand il était dévoué à son art, comme en cet instant. C'était probablement le seul moment où il ne faisait attention à rien d'autre, dans les alentours. Raison pour laquelle, lorsque cette voix grave brisa l'équilibre de ce lieu, le coup de marteau du colosse changea brusquement de trajectoire, venant s'écraser sur l'enclume, à quelques centimètres des doigts du jeune homme, ce dernier sentant brusquement son cœur battre à tout rompre. Lâchant brusquement la pince qui tenait la lame chauffée, il s'écria alors :



Il avait entendu la voix mais, évidemment, n'avait pas eu le temps de comprendre les paroles lancées à son attention. Ainsi, curieux, le colosse s'écarta de l'enclume, son marteau toujours dans sa main gauche, avant de se tourner vers le messager qui lui faisait à présence, face. D'ordinaire le Tadake aurait fait une blague, sur le fait de ne pas avoir vu rentrer cet inconnu, mais l'énergie qui émanait de lui, le chakra que le senseur pouvait ressentir, lui faisait comprendre que ce n'était pas un touriste qui s'était trompé de chemin. Il était puissant, très puissant, et ce seul constat capta toute l'attention de Kyoshiro, ce qui n'était pas une mince affaire. L'anbu se redressa, pour répéter une nouvelle fois, sur un ton froid et dénué d'émotion, la raison de sa présence, au cœur de la montagne.



Kyoshiro s'était attendu à ce qu'on lui assigne une mission ou toute autre chose du genre mais, à la mention du nom du Kage du village, du seul homme qui avait le pouvoir de reconnaître sa force, le Tadake resta interdit et, de surpris, lâcha son marteau qui vint s'écraser à côté de ses pieds. Kyoshiro se fichait pas mal des autres et de leurs opinions à son sujet. Il visait le sommet, le sommet pour qu'on reconnaisse sa valeur et, dans la hiérarchie de ce puissant village, le Kage était l'alpha du troupeau. Pourquoi cette convocation ? Devait-il s'attendre à une réprimande, pour quelque action que ce soit ? Déjà les questions se bousculaient dans la tête du jeune homme, si bien qu'il ne parvint qu'à balbutier un :



Lui qui trouvait toujours les mots, lui qui avait une beaucoup trop grand bouche, en restait interdit face au fait que le Kage, l'alpha, s'intéresse à son cas, d'une façon ou d'une autre. Commençant à se débarasser de son tablier, essayer de masquer le stress croissant dans sa poitrine, il répondit alors à l'anbu :




Le Mont Atlas...ces escaliers étaient interminables et, durant son ascension, le colosse fit de son possible pour chasser les questions qui tourbillonnaient, dans sa tête, jusqu'à ce qu'il soit finalement en fasse de son supérieur. Kyoshiro était grand et bien bâti mais, face au seigneur Udezuku, il avait surtout l'air d'un enfant maigrelet. Cette stature, cette puissance...face à lui, Kyoshiro ne put que poser le genou à terre, impressionné au-delà de tout mot, jusqu'à ce que la voix de l'homme ne soit porté à ses oreilles. Si le simple fait d'être appelé par son prénom, par le Kage, était suffisamment impressionnant pour réchauffer le cœur de l'aveugle et le remplir d'une énergie nouvelle, la proposition qui lui fut faite le laissa sans voix. Il aurait pu se lever et bomber le torse, faire une blague sur le temps qu'il avait fallu au Kage pour reconnaître son talent mais, au lieu de cela, face à cette opportunité qui lui était donné, Kyoshiro ne trouva pas les mots.
Il avait toujours voulu être reconnu par l'homme en face de lui. Reconnu pour sa ténacité, son zèle, ses talents et, bien sûr, pour un sabreur, l'obtention d'une arme démoniaque était le signe ultime de reconnaissance.Il avait toujours rêvé de cet instant, imaginé ce que cela ferait d'entendre ces mots et, maintenant qu'il y était, tout ce qu'il pouvait ressentir était une immense humilité, et une gratitude sans borne. Il était simple de se vanter, de se donner des objectifs plus grands que soi mais, le jour où ceux-ci passaient de rêve à la réalité, personne n'était jamais vraiment prêt. L'aveugle ne l'était pas en tout cas, et cela se voyait car il resta là, la tête baissée pendant quelques secondes, avant de parvenir finalement à trouver les mots :



Dire merci n'était pas dans ses habitudes mais, face à une telle offre, ne pas faire une exception aurait été une insulte, autant envers lui qu'envers le géant face à lui. Peut-être ne se sentait-il pas prêt mais c'était en train d'arriver, il devait l'accepter. Quand la main du géant se posa sur son épaule, l'aveugle se sentit encore plus minuscule qu'il l'était déjà mais il se fit violence, contenant son immense excitation à l'idée de suivre son supérieur, son maître, là où les épées étaient gardées. Prenant une profonde respiration, Kyoshiro suivit son maître jusque dans le cœur de la montagne et, quand il pénétra dans la pièce lourdement blindée, il n'eut aucun mal à sentir l'énergie émanant des armes, juste devant lui.
Comme un enfant le matin de noël, il fit de son mieux pour ne pas trépigner sur place jusque ce que, enfin le géant ne lui donne le choix. Il s'était attendu à ce qu'on lui assigne une arme, d'office, mais choisir entre trois armes ? Non mais décidément, depuis quand était-il aussi chanceux ? Se fendant d'un immense sourire, venant éclairer son visage, le jeune homme passa une main sur son visage, pour commencer à retirer son bandeau, avant de lancer au géant :



Allez, ce n'était vraiment pas le moment de se foirer. Il devait faire le bon choix, car il n'y aurait pas de retour en arrière. En un rien de temps, le colosse retira son bandeau, posant ses orbites lactées sur le mur devant lui, là om étaient alignées les trois armes entre lesquelles il devrait faire son choix. Il s'avança et resta là, un instant, respirant pour calmer son stress avant, finalement, de levant les bras en avant, pour faire courir ses doigts sur les trois armes afin de les deviner, les dessiner, les sentir.



Doucement, précautionneusement, le jeune homme s'avança face au mur, où ces lames d'exception étaient alignées. D'entre eux elles avaient une forme similaire et longiligne et, si elles devaient contenir un pouvoir impression, le colosse se stoppa sur la troisième lame. Il ne voyait pas vraiment à quoi elle ressemblait mais, au toucher, le colosse pouvait aisément sentir les jointures entre les différentes parties de la lame. Cette seule idée le fit sourire car, en un instant, il comprit qu'il avait affaire à une rare création, une de celles que certains experts appelaient une épée serpent. Il en avait entendu parler, mais jamais encore il n'en avait caressé une, du bout des doigts, si bien qu'il pouvait sentir d'ici le pouvoir qu'elle renfermait.
Il ne s'arrêterait pas en si bon chemin. Il en voudrait d'autres, beaucoup d'autres mais, pour un début, cette lame lui conviendrait parfait. Un sourire jusqu'aux oreilles, Kyoshiro fit volte-face, pointant du doigt l'épée serpentine, avant de demander à son maître :

Toute la vie du jeune homme ne s'était déroulé que pour atteindre un seul but, un seul objectif et c'était la reconnaissance de son talent, en dépit de sa différence évidente. Il avait été méprisé, haït, abandonné mais il avait puisé dans le vide de son cœur pour y trouver une force sans nulle autre pareil. Alors oui il pouvait paraître arrogant et trop sûr de lui pour son propre bien, mais c'était parce qu'il était fatigué de marcher en baissant la tête, fatigué de devoir être ou paraître ce qu'on attendait de lui. Il voulait plus, beaucoup plus et, aujourd'hui, son seigneur et maître lui donnait cette opportunité. Il savait que ce jour arriverait mais il s'était pas attendu à ce que cela soit aujourd'hui, alors qu'il n'était qu'un chuunin, ce qui expliquait sa surprise lorsqu'il fut enfin face au géant des montagnes.
Ce dernier le remercia, pointant du doigt sa différence qui était un avantage, avant de lui demander de regarder au fond de lui, pour trouver les réponses à ses questions. Digne ? Il n'avait pas pensé l'être, pas encore en tout cas mais, si le géant l'avait fait venir à lui pour lui prouver le contraire, alors le Tadake s'en référerait à son jugement, et lui ferait confiance sur ce point. C'était le mieux qu'il puisse faire, pour le moment, alors qu'il laissait ses doigts parcourir les trois armes, pour choisir celle qui serait sa compagne de route, sur son chemin vers la grandeur.

Le colosse privé de lumière s'arrêta sur une lame serpentine, avant que le géant ne la lui remette entre ses mains, pour qu'il puisse enfin s'habituer à son poids, à sa forme, en dévoilant son nom. Sekitsui, vertèbre, un nom simple qui convenait parfaitement à cette lame, mais qui possédait une lourde histoire, car Kyoshiro n'était pas son premier manieur. Rangeant la lame dans son fourreau, le Tadake écouta alors son seigneur lui parler de cette lame, ayant appartenu aux plus puissants bretteurs de ce village et, surtout, l'un d'eux qui parvint à devenir Maître Épéiste. Maître épéiste...voilà un titre qui faisait écho au désir d'ambition du jeune homme, jusqu'à ce qu'il apprenne que son maître en personne n'était nul autre que le géniteur du chef de son équipe, le père du cavalier d'argent.



Face à cette révélation, le poids d'une nouvelle responsabilité vint s'écraser sur les épaules solides du colosse. Pourquoi ? Parce que cette lame n'était pas juste la sienne, elle avait une histoire et, à présent, c'était au tour du colosse aveugle de la porte avec lui, dans chaque combat. Une pointe de doute vint alors se loger au fond du crâne du jeune homme car, même s'il ne connaissait que peu Hikaru, il se demandait s'il allait être à la hauteur du père de son chef. Devrait-il lui cacher cette révélation, pour attendre le moment opportun, ou aller le voir directement ? Non, il ne se sentait pas prêt, pas encore en tout cas.



Relevant la tête, comme s'il voulait croiser le regard du géant de ses orbites lactées, le colosse prit une profonde inspiration, raffermissant sa poigne sur le manche de sa nouvelle arme, sa nouvelle équipière, ce fut avec assurance qu'il vocalisa, pour la première fois, le nouveau but qui était le sien.



Se vanter auprès du commun des mortels était une chose mais, aujourd'hui, Kyoshiro venait d'avertir son seigneur que son ascension ne faisait que commencer. Tadake Kyoshiro, Maître Épéiste : cela sonnait plutôt bien.