Les rumeurs vont vite, au sein du village. Les murmures, entre les petites commères du dimanche, répandent tout les racontars comme une trainée de poudre. Assez pour que le moindre petit conflit finisse par remonter jusqu’aux oreilles des plus hautes sphères. Assez pour déclencher une mission. Cette mission qui avait fini par te tomber sur le coin du nez, toi qui devais rester dans les alentours de Seizan, en raison de ta dernière discussion avec le big boss des montagnes bleues. Tu tournais en rond, ces derniers temps, d’être tenue loin de tout ce qui se passait en Onogoro, alors toutes ces petites missions te permettaient de t’occuper l’esprit.

Le pas régulier, le regard porté droit devant, tu marchais en direction du temple de fer. Face à toi, se dessinaient les larges colonnes écarlates et les toits vert de jade, dans toute sa grandeur, imposante et solide. À chaque fois que tu venais ici, tu sentais toute cette aura solennelle qui se dégageait de l’endroit. L’endroit même où la statue de ta divinité familiale se dressait, fièrement, souvent ignorée, et pourtant si importante, encore plus à tes yeux.

Nostalgique, tu te revoyais, enfant, accompagnée de tes parents, venir présenter tes respects à la divinité de la sagesse guerrière, dans vos beaux kimono assortis. La main caleuse de ton père d’un côté, et de l’autre, celle si douce de ta chère mère. Le parfum de l’encens, que tu sentais imprégner les lieux, te replongeait dans ces souvenirs d’une époque bien lointaine. Une agréable nostalgie, dans laquelle tu aurais bien voulu te complaire, encore un peu, si une voix, ferme et colérique, n’avait pas résonné dans l’enceinte sacrée du temple.

« Maasaki ! Revient ici tout de suite ! Tu dois nettoyer la cours et suivre ton entraînement, comme tous ici ! Un moine ne peut pas passer son temps à aller draguer ou je ne sais quoi ... ! »

Ah. C’était sans doute lui, la fameux moine rebelle. Celui au cœur des rumeurs, qui faisait tourner en bourrique la kisan des lieux, Takiko. Au moins, tu n’aurais pas à le chercher bien longtemps. Tu avais à peine passer le seuil du temple que tu tombais sur le jeune homme, la vingtaine commencée, qui se dirigeais droit dans ta direction, bien décidée à sortir d’ici pour vaquer à ses occupations personnelles, loin de son programme de moine.

Un soupire passant la barrière de tes lèvres, hochant poliment la tête par politesse, pour saluer la religieuse, tu te décidas alors à intervenir. Après tout, tu étais là pour aider. Et tu n'étais pas du genre à repartir sans accomplir ta mission.

« Bonjour Takiko-san, vous êtes toujours aussi radieuse ! On m’a dit que vous aviez besoin d’un coups de main. Permettez-moi de m’y mettre dès maintenant. Je sens que j’ai du travail. »

D’une main, tu attrapas le col du fuyard qui passait à l’instant à tes côtés pour le stopper dans son élan, lui arrachant par la même occasion un petit son, ridicule, de surprise. Un son qui te fit légèrement sourire, alors que tu ne portais même pas ton regard sur lui, bien plus intéressée par la jolie dévote.

« Je vous le rends dans la journée, promis. Il sera certainement plus disposé à suivre les consignes. »

L’homme toujours au bout de ta poigne, tu la saluas dans un aurevoir temporaire, avant de tourner les talons et d’entraîner ta victime avec toi, comme s’il s’agissait d’un bagage à main, le laissant sautiller en te suivant pour conserver un tant soit peu d’équilibre.

« Eh ! T’es qui ??! Tu m’emmènes où ??! »

Se débattant, tirant comme il le pouvait de ses maigres bras, il réitéra sa question.

« Mais bon sang tu m’veux quoi !!? »

Du coin de l’œil, tu lui jetas un regard, calme, souriante, presque douce, bien plus que la manière dont tu le forçais à te suivre.

« Kara Saki. Jonin de Seizan. On m’a demandé de te faire un petit cours particulier, alors j’espère que tu es prêt. »

Bouche bée, c’est ainsi qu’il était resté, entre le fait d’absorber l’information et la vue du beau visage qui le menaçait de passer un sale quart d’heure. De grands yeux opales, brillants, reflétant le paysage dans leur surface et décorés d’un élégant trait rouge. De longs cheveux blancs, immaculé, comme une floppée de neige chutant le long de ton dos, s’entremêlant dans une danse. Des traits fins, comme taillé dans les roches de Seizan. Tu avais de quoi faire tourner des têtes. Et encore plus d’un charmeur de première comme le moine. À peine avait-il réalisé cela, que son attitude avait changé, drastiquement.

« Oh mais avec toi beauté, j’irais partout et je ferais tout ce que tu veux ~ »

Ah. Et bien voilà. Tu avais une idée bien plus claire de comment le faire rentrer dans le rang. Ça allait te faciliter les choses. Mais avant de passer à cette étape, il fallait le sortir de sa zone de confort. Le secouer un peu.

Gardant cette douce expression sur ton minois, jouant de tes charmes, tu n’hésitas pas une seconde à jouer sur le double sens possible.

« Tu vas regretter d’avoir dit ça ~ »


« Quatre-vingt-quatre, Quatre-vingt-cinq, Quatre-vingt-six ... »

Essoufflé, couvert de transpiration des pieds à la tête et en plein soleil, le pauvre petit moine rebelle enchaînait comme il pouvait les pompes que tu lui avais ordonné de faire. Pourquoi suivait-il tes ordres ? Oh, et bien, disons qu’à force de se prendre des coups, il avait fini par estimer que se plier à tes directives était la meilleure chose à faire. Les bosses sur son crâne était néanmoins la preuve qu’à quel point il pouvait se montrer têtu.

« Allez, plus que dix. Même les tout jeunes genin sont capables de ça. Mets y ton cœur Masaaki. »

Un grognement insatisfait s’échappant de sa gorge, épuisé, les nerfs à vifs, il ne put s’empêcher de rembarrer la belle qui l’avait mené en bateau pour l’emmener jusqu’ici, en pleine nature, loin de tout et surtout, loin du chemin pour le village, pour enchaîner les exercistes plus sadiques les uns que les autres.

« C’est débile comme exercistes ! Si j’ai voulu devenir moine, c’est pas pour faire du sport ! »

Il était à point. C’était le moment de sortir le coups final. Celui dont l’idée t’était venue alors qu’il tentait de te draguer, un peu plus tôt.

« Et donc, c’est avec cette mentalité que tu comptes séduire ? Tu t’es trompé d’endroit pour ça, je ne le crains ... Mais c’est beau aussi, un vœu de chasteté. »

Cette simple pensée l’acheva. Sous le poids de son corps, ses bras craquèrent et il s’écroula dans la poussière, dans un « Quoi ??! » étouffé par sa chute. Une vision qui te fait rouler des yeux, alors que tu passais une main dans ta chevelure, d’un geste fluide.

« Et bien oui, tu es à Seizan ici. Entre la forte concentration de soldats, les forgerons, et tout nos experts martiaux, tout le monde prends assez soin de son corps. C’est un symbole de santé, de sérieux et même de beauté ici. Et pour l’instant ... »

Le scannant de haut en bain, tu mimas une petite grimace pour ajouter d’un ton condamnant.

« Tu es clairement en bas de la chaine alimentaire. Tu devrais donc rester célibataire. Et assez longtemps à mon avis. »

Crash. C'est le son de son égo que tu viens d'écraser sans pitié.

Tu ne pouvais pas changer sa vision de l’exercice et du combat en un jour. Par contre, tu pouvais lui trouver une nouvelle source de motivation. Quelque chose pour lequel il montrait de l’intérêt. Et visiblement, entre ce que la Kisan avait hurlé à ton arrivée, et sa manière de réagir en te voyant, charmer était quelque chose qui lui plaisait. Peut-être un restant de sa vie précédente, hors des ordres religieux ?

« V-Vraiment .... ? »

Demanda-t-il, tout hésitant, comme un enfant à qui l’on apprenait une grande vérité. D’un geste, tu contractas ton biceps pour lui montrer. Le muscle, loin d’être à la hauteur de tes homologues spécialisés au corps à corps, présentait néanmoins un joli galbe.

« Vraiment. Tu veux que je te prouve à quel point on est sérieux ici ? Je pensais que tu avais déjà eu un bon échantillon de ma force mais si ça te permet de réaliser ... »

« Non, non, non !! C’est bon, je te crois ! J’ai compris alors garde ton poing loin de mon joli visage ! »

Roulé en boule, protégeant son bien le plus précieux, il te fit éclater de rire et cette fois, au lieu de jouer à la dure, tu refis place à ta version plus douce. Celle qui sonnait comme un ange, après la manière dont tu l’avais torturé pendant de longues heures.

« Tu veux t’adapter à ta nouvelle vie ici ? Joue le jeu à fond. Tu verras, ta popularité va grimper en flèche, tes ennuis avec la Kisan s’envoleront. Et puis, à mon prochain passage, tu seras prêt à affronter l’entraînement ! »

Intrigué, il redressa le nez bien rapidement, entre peur et curiosité.

« Prochain passage ... ? »

T’approchant, l’aidant à se relever, tu répondis d’un clin d’œil et d’un baiser, envoyer d’une main.

« Je dois bien venir voir tes progrès, pas vrai ~ ? »

Rougissant, surpris d’un intérêt soudain, après la dureté que tu avais montré au cours des dernières heures, le moine tomba dans le panneau comme un lapin de trois semaines, hochant vivement la tête, bien déterminé désormais à te montrer ses avancées, lorsque tu reviendrais au temple. Un « objectif » plus précis, une limite, qui le forcerait à rester dans le droit chemin et à se concentrer correctement sur son entraînement.

« Mais attention, je serais intransigeante. Tu as intérêt à tout donner. »

« Tu verras ! Je serais encore plus charmant que maintenant ! »

C’était si facile de le motiver, d’un petit sourire. Après l’avoir épuisé, tout semblait angélique, comme une bénédiction pour lui. D’un geste, tu lui fis signe de te suivre. Il était temps de rentrer, et de montrer à la religieuse ce qu’un peu de psychologie pouvait faire à un soldat récalcitrant. L’approche du bâton et de la carotte, c’était un bon classique. Et puis, en bonus, peut-être accepterait-elle de t’accompagner boire une tasse de thé.

Quoi ? Toi aussi, tu aimes charmer. Plus qu’on ne le pense ~