La réunion des Kages était festive mais Yuri n’avait pas le cœur à la fête. Elle en partie relativement tôt pour fouiner dans les environs. Elle cherchait des pistes pour retrouver son frère, son ami dont elle n’avait pas encore eu connaissance du décès, et l’existence d’un homme-poisson parmi les humains. Mais elle ne trouva qu’une seule réponse : la mort d’Akari. Cette nouvelle perturba tant la jeune fille qu’elle loupa l’embranchement pour rentrer à Sakyuu et continua tout droit en direction de l’Ouest.

C’est au niveau de Kuma no Kuni que Yuri, perdue dans ses pensées, se trompa de route. Elle avait pris un peu d’avance sur les autres membres du village pour rentrer et, de ce fait, personne ne corrigea sa trajectoire. A Tsume no kuni, pensant être plus haut, elle prit sur sa droite. Que ne fut pas sa surprise de se retrouver dans une zone verdoyante en lieu et place du désert qu’elle se devait de traverser pour rentrer. C’est ainsi qu’elle se retrouva à Daichi no Kuni. A l’embranchement elle hésita un long moment.

Yuri avait le choix de retrouver le chemin en direction de Sakyuu pour rentrer et retrouver les éternels quolibets. Se voir reprocher son entêtement à retrouver son frère, son amitié avec le traître ou encore ses étourderies. Ou alors, elle avait là, à portée de pas, la source de certains ingrédients utilisés par son frère pour élaborer ses poisons et antidotes. Elle se disait que, s’il n’était pas dans les parages, certaines personnes auraient pu l’apercevoir. La seconde possibilité était si tentante. Et elle avait quelques jours d’avances avant de rentrer au village. Non… La décision n’était pas si compliqué à prendre. Elle fit un pas en direction de la forêt de pins et de chêne qui se dressait à quelques lieux d’elle avant de faire demie tour se faisant la morale tout seule sur ce qui est raisonnable ou non. A la bifurcation, elle s’arrêta de nouveau et échangea avec sa conscience, et à voix haute, les arguments pour et contre ce détour. Au nombre d’arguments en faveur du détour, la raison de Yuri dû céder. La jeune fille pris donc la direction de la forêt.

En cheminant entre les arbres, elle tenta de se souvenir de ce qu’elle avait lu dans le carnet de son frère.

-        L'essence de térébenthine est un mélange comprenant en particulier des composés terpéniques, des acides et des alcools. Ce liquide est insoluble dans l'eau, dans l'alcool absolu et dans l'éther, cependant il est légèrement soluble dans un mélange eau-alcool. C'est un produit sensible à la lumière et au soleil, toxique et hautement inflammable. La réaction de l'essence de térébenthine avec de l'acide nitrique est violente, le mélange étant hypergolique. C'est-à-dire auto-inflammable.

Récita-t-elle en passant devant un pin dont on pouvait extraire cette substance avant d’ajouter.

-        Très pratique pour enflammer à partir d’une marionnette.

En passant devant des chênes, elle s’arrêta un moment pour les scruter sur toutes les coutures. Se souvenant que ces arbres se retrouvaient souvent la proie de différents champignons plus ou moins comestibles. Quand on ne les connait pas bien, mieux vaut s’abstenir.

Ses pas la menèrent aux portes du village de Toge. Cela tombait bien, car la nuit n’allait pas tarder à tomber. Elle demanda donc asile. Une fois les formalités d’entrée et de logement réglé, elle put profiter pleinement du village. C’est donc dans la zone la plus mouvementé qu’elle commença sa visite : le quartier marchand. Après avoir regardé bon nombre d’étale sans faire d’achat, elle s’arrêta devant une bâtisse. Elle gardait les éventuels achats pour le lendemain. Le théâtre était cette bâtisse qui attira son attention. Etait-ce les mêmes que l’on trouvait à Sakyuu ? Avec des marionnettes ? Elle sentit son cœur battre la chamade. Son esprit s’embrouillait. Ses pensées fusaient sans vraiment se matérialiser. Elle avait l’impression de se trouver dans du coton. Il y avait une chance qu’il se trouve ici. Son frère. Tremblante, elle avança d’un pas sans regarder qui venait sur ses côtés ou dans son dos. Elle avait l’impression de toucher au but.

Elle savait que cela allait être un choc…

…Oui…

…Un choc…

Trop absorbée par le bâtiment qui portait le nom de théâtre, Yuri n’avait pas prêté attention aux personnes autour d’elle et se retrouva bousculé. Le choc avait été si violent qu’elle avait été projeter en avant. Heureusement elle restait un ninja qui ne manquait pas d’habileté et se rattrapa en effectuant une roulade. En se relevant, elle attrapa des kunai qu’elle positionna devant elle. Elle était prête à en découdre le cas échéant.

Mais l’homme, dans son attitude, n’avait absolument pas l’air agressif. Bien au contraire. Son regard était même plutôt doux. La jeune fille dû lever la tête pour voir cet homme à la carrure imposante. Car elle n’était pas très grande comparé à cet homme qui avait presque deux fois son âge. En plus d’être grand. Il était vieux. Non pas que cela la dérange particulièrement. Au contraire. Des adultes capables d’encadrer des genins comme elle, il en fallait. Mais elle nota que ce n’était pas une personne de sa tranche d’âge. Elle resta un moment accrocher à son regard, les gestes suspendus. Comme si le temps s’était soudainement arrêter pour ces deux personnes qui venaient tout juste de se rencontrer. Les yeux rouges de l’homme étaient si envoutant que Yuri ne pouvait en décrocher son regard. Captive par la douceur de ces yeux qu’elle n’aurait jamais pu deviner au premier abord, elle perdit toute combativité. D’autant plus que ce n’était ni le lieu, ni le moment de se battre. Se bras se décontractèrent et retombèrent le long de son corps.

Ce n’est que lorsque qu’il regarda le sol que la jeune fille retrouva un peu ses esprits. Elle n’avait croisé son regard que quelques secondes, tout au plus, et pourtant le temps lui avait paru bien plus long. Encore troublé par cet étrange échange, elle regarda aussi le sol. Cherchant quelque chose qui aurait pu tomber.

-        Vous avez perdu quelque chose ?

En cherchant, elle évitait de regarder à nouveau cet homme qui, pour une raison qu’elle ignorait, la troublait. Seulement, il s’excusa. Simplement, humblement, il s’excusa. Elle plaça se mains, grande ouvertes, paume vers l’inconnu, mais néanmoins ninja de ce village, et les agita légèrement.

-        Ce… Ce n’est rien… Vraiment ! J’é…J’étais dans la lune.

Ignorant alors qu’un temple dédier à l’astre existait ici. Mais elle ne put faire autrement que regarder à nouveau l’homme. Et comme il n’était pas poli de ne pas regarder son interlocuteur dans les yeux, elle replongea dans cette mer rouge.

-        Je vais bien. Je n’ai que quelques égratignures… Vraiment… Ce chat aurait eu plus de mal…

Et vu la force de l’homme, elle n’avait aucun doute sur les dégâts qu’il aurait pu causer à ce pauvre animal. Elle s’épousseta les jambes, quelle avait nues, pour montrer que ce n’était rien décrochant sont regard de l’homme. Elle avait effectivement quelques éraflures superficielles. Pas de sang, rien de plus que quelques minuscules bouts de peau qui se détachaient. Les risques du métier. Elle finit par épousseter également son short, le réajustant au passage pour être plus présentable. Elle allait lui dire au revoir et retourner à sa flânerie quand quelque chose fit « tilt » dans son esprit. Il lui proposait son aide ? Il voulait l’aider ? Elle ? Depuis quand n’avait-elle pas eu ce genre de proposition ? Son esprit mis automatiquement l’image de son ami défunt. Celui que tous qualifiaient de traitre mais dont elle refusait de l’admettre. Elle chassa cette image et cette pensée en rejetant sa tresse dans son dos et regarda le géant en évitant son regard envoutant. Cette fois, elle ne semblait plus particulièrement intimidée, mais intéressée.

-        Je cherche un marionnettiste ! … Et… Euh… un homme poisson… Enfin… Pas ensemble… Séparément…

Elle n’avait pu s’empêcher de replonger dans ce regard rouge et pénétrant qu’elle si mis à bafouiller et perdre de sa superbe.

Yuri en avait oublié la présence des armes dans ses mains. Quelle bourde venait-elle encore de faire. Elle les lui avait même agités sous le nez en lui assurant qu’elle n’avait rien. Elle s’en rendit compte quand il en parla.

-             Oups… Pardon… Voilà voilà. L’incident est clos.

Elle rangea les armes aussi vite qu’il lui fallut pour les sortir quelques instant plus tôt. Elle l’écouta attentivement et répéta doucement son nom, comme pour l’enregistrer.

-             Kamisuki Ryujin… Enchantée ! Je m’appelle Yuri… Yuri Neko, genin de Sakyuu.

Elle lui tendit la main pour le saluer mais la retira en remarquant le regard sévère de son interlocuteur. Bon d’accord, elle était plutôt vive et agissait souvent de manière inconsidéré. D’ailleurs, c’est pour ça que les villageois préfèrent quand elle est en mission hors du village. Elle avait, peut-être, accepté trop vite, et de manière trop enjouée, l’aide de cet homme. Et parler trop ouvertement de ses recherches. Elle le comprit quand il lui proposa de s’éloigner de la grande rue.

-             Mes papiers son en règles. Je vous assure. J’étais à la réunion des Kages et je me suis faite surprendre par la nuit…

Aïe, encore raté. Plus elle se justifiait et plus elle s’emblait suspecte, même à ses propres yeux. Mais elle ne pouvait pas dire qu’elle espérait trouver son frère ici parce qu’il était un expert dans les poisons et autres artefacts naturels possible de glisser dans une marionnette de combat ninja ? Ce serait beaucoup plus suspect. Et puis il demanderait des preuves. Comme le carnet de notes de son frère. Qu’elle n’avait pas sur elle par ailleurs. C’était un coup à avoir de gros ennuis. Elle l’avait caché dans un endroit sûr avec les autres affaires sensibles de son frère. Au cas où les villageois décident de débarrasser sa maison en son absence pour l’obliger à vivre à la caserne. Elle avait encore besoin de ce lui. Tous ses souvenirs n’étaient pas revenus.

Elle suivit Kamisuki non sans jeter un regard profondément triste sur le théâtre. Elle était persuadée qu’elle passait à côté d’une opportunité qui ne se manifestera pas de si tôt. Yuri sentit son cœur se briser à cette pensée. Mais entre une quête personnelle et une quête qui vise à sauver la paix dans le monde, le choix n’était pas compliquer. Elle se souvenait de la puissance des deux princes se battants sur la plage. Ils étaient encore jeunes, et blessés. Imaginer toute une armée de tels individus face aux humains ? C’était courir à l’anéantissement. Il fallait donc trouver une solution pacifique.

-             Kami…

Un petit diminutif ne fait pas de mal, et puis c’est plus facile à retenir et plus rapide à prononcer.

-             Je recherche un homme poisson vivant parmi les humains depuis plusieurs années. Une guerre contre ce peuple est sur le point d’éclater. En retrouvant cet individu, nous auront une chance de préserver la paix. Ça vaut vraiment le coup de tenter de vivre en harmonie avec eux. Ils ne sont pas méchants ! Juste… Blessés, affamés…

Elle essayait de convaincre ce ninja par tous les moyens. Me peu qu’elle avait tenté de convaincre dans son village l’avaient traité de la même manière que lorsqu’elle affirmait que son frère était encore en vie. Alors si là, elle avait la chance d’avoir un allié, et de taille. Elle n’allait pas le laisser filer.

-             Tu vas m’aider, hein ? Tu as promis de m’aider ! tu vas quand-même pas revenir sur ta promesse ? S’il te plait Kamiiiiiiii !

Elle lui sautillait tout autour en marchant pour s’éloigner de la rue passante. Une véritable petite puce qui ne faisait pas attention à ce qui pouvait arriver des autres rues ou boutique et risquant une seconde collision. Bref, un fléau ambulant pour qui aspirait au calme.

Yuri se retrouva immobilisée par les grandes mains de Ryujin après l’avoir percuté. Après, lui, c’était elle à l’origine de la collision. Elle releva la tête pour croiser à nouveau son regard rouge et sévère en se pinçant les lèvres. Elle était allée trop loin. Une fois de plus.

-        Bien… Ryujin…

Même si Ryu lui irait bien aussi… Mais elle avait compris que l’homme ne voulait pas de diminutif. Et puis, surtout, comme tous les autres, il ne la croyait pas.

-        Excusez-moi… Ce n’était qu’un rêve un peu trop réaliste. J’ai tendance à les confondre avec la réalité…

Elle détourna le regard tristement et fixa alors le sol. Pour une fois son mensonge sonnait juste. Un peu trop même. Car elle parvenait presque à se convaincre elle-même qu’elle était en plein délire. Au point même qu’elle remettait la survie de son frère en cause. C’est vrai après tout, quelle preuve concrète avait-elle de sa survie ? Et s’il était en vie, il avait peut-être disparu volontairement ? En y repensant, elle était incapable de se souvenir ce qu’il s’était passé ce jour-là.

Ryu revint sur cette seconde recherche justement. Oui, Ryu. C’est ainsi qu’elle le nommera en son for intérieur. Bien sûr, pour lui parler, elle n’écorchera plus son nom. Elle avait bien trop peur de froisser cet homme. Pourtant, elle ne saurait dire pourquoi, mais elle ne se sentait pas si mal en sa présence. Ses mains diffusaient une douce chaleur. La jeune fille sentait qu’il n’avait pas l’habitude d’être si doux, et en appréciait d’autant plus l’effort. Etait-ce parce qu’elle était jeune ? Etrangère au village ? Ou simplement elle ? Elle restera tout de même sur la réserve cette fois. Elle releva la tête vers lui quand il la lâcha. Elle était beaucoup plus calme et mesurer. De tout façon, elle n’attendait plus rien.

-        Oui… Un marionnettiste…

Elle le remerciait silencieusement de ne pas l’avoir envoyé chercher dans son propre village. Village même de l’essence de cet art. Et devait bien reconnaitre la perspicacité d’un homme d’expérience. Elle n’allait pas chercher un individu qu’elle pouvait trouver facilement.

-        Il s’agit d’un homme. Il est…

Elle s’arrêta net. Elle ne savait pas comment le décrire. Elle se souvenait vaguement de sa présence. Mais le reste, un mystère. Elle n’avait plus les images. Elle ne se souvenait pas avoir vu de photo chez elle, et le villageois ne lui avaient jamais donné le prénom de son frère. Comme si tout tendait à l’effacer.

Prise de panique, elle regarda Ryu un moment avant de reprendre la parole.

-        Je ne mens pas. Ryujin croyez-moi. Je ne me souviens plus très bien de lui. Mais je peux vous dire que c’est un très bon marionnettiste. Et… Je pensais qu’il était peut-être dans votre théâtre…

Mais elle se rendait compte que chercher quelqu’un dont le souvenir nous échappe est une hérésie. Autant poursuivre une chimère. C’est peut-être le cas. Son frère n’était peut-être qu’une chimère à présent. La jeune fille secoua la tête comme pour chasser cela. Non. Elle était certaine que tout était vrai. Si on ne voulait pas la croire, ce n’était pas sa faute à elle mais à l’esprit trop étriqué des adultes. La preuve était qu’elle n’était pas seule à rencontrer ce prince des mers. Il y avait aussi Yui. Et elle l’avait reconnu lors de la fête de Jujou.

Yuri soutenait toujours le regard de Ryu. Son visage était déterminé. Elle ne céderait pas devant lui. Elle savait qu’elle ne mentait pas même si ses propos n’étaient pas des plus cohérents pour une personne normalement constituée.

Au moins, pendant qu’il cherchait à comprendre la situation, il ne pousserait pas le vice à savoir comment elle avait pu se tromper de route à ce point. A moins qu’il ne décide de faire un véritable interrogatoire.

Yuri se décomposa à la réponse de Ryu. Elle s’était fait de faux espoirs avec ce théâtre. Elle le sentait bien. Elle se doutait qu’à la porte d’entrée personne ne pourrait la renseigner. Elle avait déjà posé un peu de question, et aucun Neko n’était passé avant elle ses derniers mois, ni de marionnettiste sans nom. Il aurait très bien pu entrer sous une fausse identité. Ce qui remettait tout en cause. Alors quand le géant mentionna qu’il n’avait jamais vu un manipulateur de fil au village, la jeune fille se sentit complètement désespérée. Elle manqua même de s’écrouler. Il lui fallut un effort surhumain pour se maintenir debout face à cet homme.

Ce n’est que lorsque Ryujin l’invita à le suivre devant le théâtre qu’elle se ressaisit. Profitant que l’homme lui tournait le dos, elle chassa les larmes naissantes aux coins de ses yeux avec ses mains. Il avait raison, elle ne devait pas se laisser abattre. Comme l’homme était bien plus grand qu’elle, Yuri devait presque courir pour le rattraper et suivre son pas. Si bien que lorsqu’il s’arrêta, elle ne put faire autrement qu’arrêter sa course en se cognant à son dos.

-          Gr-grand…

Bafouilla-t-elle, collée au dos de Ryu. Pendant un instant, au contact de ce dos grand et musclé, elle se cru quelques années plus tôt, quand elle était petite. Elle vivait seule avec son frère qui l’élevait après le décès de leurs parents. Elle n’avait aucun souvenir de ses derniers. Et dans leur petite maison, il n’y avait pas non plus de photos d’eux. En y réfléchissant, tout cela aurait pu être un pur mensonge. Pas d’image, que de vagues hôtels mortuaires dans un coin du salon. Que des souvenirs, éléments fugace pour se rappeler l’existence de quelques personnes. Et si tout cela n’était que pure invention ? Si rien de tout cela n’était vrai ? Pourtant, les autres habitants de Sakyuu avaient mentionné l’existence de ce frère. Alors non, tout n’était pas pure invention.

Yuri restant quelques instant la tête appuyée contre le dos du géant, et les mains agrippées à son vêtement, telle une enfant. Elle avait peur de découvrir que son frère n’était pas passé par ici. Que ferait-elle si ce n’était pas le cas ? Mais que ferait-elle s’il était venu ici ? Dans tous les cas, ses recherches s’arrêteraient là, car elle devrait rentrer au village. Au final, elle n’avait rien à perdre, si ce n’était de passer pour une illuminée auprès de cet homme. De toute façon, après cette soirée, elle ne pensait pas qu’elle le reverrait. Finalement, ce qu’il pensait d’elle n’avait aucune importance.

Elle prit une profonde inspiration et, ignorant toutes les inquiétudes qu’il pourrait bien avoir, se redressa vivement pour lui faire face avec toute l’énergie qui lui était propre. Sa tresse se balançait derrière elle au grés de ses sautillements joyeux.

-          Je ne veux pas te déranger trop longtemps Ryu.

Oui, le retour des diminutifs. Après tout, elle pensait bien ne jamais le revoir après cela. Alors à quoi bon s’embêter avec des noms à rallonge ? Elle avait retrouvé le sourire et l’énergie dont elle avait déjà fait preuve, comme si de rien n’était. Elle passait aussi facilement et rapidement d’un extrême à l’autre qu’on pouvait se demander si elle était normale. Quel état était forcé ? Etait-elle véritablement sincère ?

-          Nous demanderons à l’accueil du théâtre. Nous serons rapidement fixés comme ça.

Et sans attendre le géant, elle bondit devant les portes du bâtiment. Sa motivation avait de quoi donner le tournis.

 

A l’accueil, elle apprit que, effectivement, ils avaient eu plusieurs marionnettistes itinérantes dans leur théâtre. Mais ils n’avaient toujours eu que leurs noms d’artistes qui n’était pas noté aux registres des portes. Chacun d’eux n’était pas resté plus de quelques jours. Ce théâtre n’était pas adapté à leur art. Yuri leur demanda quand même la liste de ces artistes avant de rejoindre Ryujin. Elle agita la liste sous ses yeux, contente, comme si elle avait trouvé le gros lot de la chasse au trésor.

-          Ce ne sont que leur nom d’artistes, mais c’est déjà ça.

Elle semblait quand même un peu déçue de ne pas avoir plus d’information. Mais elle savait qu’elle devait être patiente. Seulement, la patience n’était pas une de ses qualités premières.

La jeune fille gardait le sourire. Elle préférait rester optimiste plutôt que de se lamenter. Ou du moins en public. Ses larmes, elle les gardait pour les moments où elle se trouvait seule. Elle avait compris qu’il n’était pas bon de montrer ses faiblesses aux autres. Ou alors, juste à ses amis proches. Et en parlant d’amis… Une ombre passa assombrir le visage de Yuri le temps de quelques secondes. Elle avait eu une pensée fugace pour son ami mort dans des Circonstances plutôt douteuse. Là aussi, elle se promis de rétablir son honneur. Que lui aussi ait droit à une sépulture dans le village.

Mais elle était contente et reconnaissante envers géant qu’il ne cherche pas à détruire ses espoirs. Ils étaient déjà très minces à présent, presque chimériques. Leur destruction lui briserait le cœur. Non. Elle avait déjà le cœur brisé et plus un seul espoir. Elle mentait aux autres en gardant cet espoir pour se mentir à elle-même. Elle le savait et se le répétait chaque soir. Mais chaque matin, elle se persuadait que l’espoir était, là et qu’elle se rapprochait de la solution de jour en jour. Elle se disait qu’elle ne pouvait pas abandonner. Pour elle, pour son ami, pour ce monde qu’elle voulait sauver même si elle en était souvent rejetée par ses semblables. Pour tous ceux qui lui ont transmis de l’amour et ceux qui en ont tant besoin et tant à donner. Pour tous ces espoirs, passés, présents et à venir. Pour un avenir radieux pour tous, humains et yokais, pour ce prince qui lui avait demandé de l’aide. Pour tout cela, elle ne devait absolument rien lâcher et deviendrait plus forte. Son frère lui avait appris à voir la bonté et l’amour dans chaque chose et chaque être vivant. C’est pourquoi elle n’avait pas pu concevoir que ce prince des mers lui ait mentit. Elle savait aussi que lorsqu’elle l’aurait aidé, il l’aiderait en retour. Du moins dans la mesure de ses capacités. Une entraide. Non, elle était convaincue qu’une amitié était née sur cette plage ce jour-là. Tout cela pour dire que l’espoir ressortait bien plus grand dans les gestes, et attitude de la jeune fille. C’est ainsi qu’elle répondit au gardien des portes, certes en repos.

-             Ils sont rares ici. Mais, j’ai fort à penser que celui que je cherche est passé par là. Mais il est aussi possible qu’il ne se soit pas produit ici… C’est un marionnettiste un peu spécial.

Elle lui adressa un clin d’œil complice. Par ce geste, elle lui signalait qu’elle savait qu’il pourrait ne pas figurer sur cette liste, mais que ça ne voulait pas dire qu’il n’était pas passé ici. Et pour le coté spécial, elle laisserait œuvrer la curiosité de Ryujin. Du moins s’il était assez curieux pour vouloir en savoir plus. D’autant qu’il parlait de l’inviter au restaurant. Il aurait donc le loisir de l’interroger à ce moment. Ou du moins, avait-il compris qu’elle voulait y aller. Yuri réfléchit un moment puis compris le quiproquo. C’était quand elle avait manqué d’appeler le géant « grand frère ». Grand => rant => restaurant. Ça collait en tout cas. Elle mit la main dans ses poches pour en sortir une bourse qui semblait pratiquement vide. Elle avait tout juste de quoi acheter de la nourriture pour le retour. Car la route dans le désert se faisait longue et sans ravitaillement.

-             C’est que… je comptais manger léger. Mais si tu insistes !

Ça faisait quelques jours qu’elle limitait ses repas pour économiser la nourriture durant le trajet et ne serait pas contre un vrai repas.

-             Alors à titre exceptionnel, j’accepte l’invitation ! Mais je te préviens qu’il te faudra l’accord de mon frère pour les autres rendez-vous !

C’était de là, pure taquinerie, faisant fi de la différence d’âge de 14 ans tout de même. Mais elle le dit sur un ton tellement sérieux malgré le petit sourire sur son visage légèrement penché. Un index levé, comme pour rappeler une consigne fondamentale, venait accentuer le côté sérieux, qu’il en devenait difficile de savoir si ce qu’elle disait était du lard ou du cochon. Quoi qu’il en soit, cette phrase laissait sous-entendre, aux passants, qu’il se passait quelque chose entre le géant et la gamine.

Notons quand même qu’elle indique qui faille demander l’autorisation à son frère et non à ses parents.

Yuri fut surprise par la réflexion de Ryu. Cela se vit sur son visage étonné avant qu’elle n’affiche à nouveau un large sourire.

-          La vie est bien plus agréable ainsi. Il faut savoir trouver tout ce qui peut rendre heureux dans chaque chose. Il est si facile d’être brisé, et si difficile de garder espoir dans l’avenir. En s’efforçant de voir le bien et de se faire plaisir, on répand le bonheur autour de nous. Bien sûr, il ne faut pas que ce soit un plaisir égoïste.

Lui explique-t-elle en marchant à ses côtés. Ainsi, elle lui faisait part de sa philosophie positive. Elle avait bien remarqué, que depuis leur rencontre, le géant n’avait pas décroché un seul sourire. Mais la demoiselle ne perdait pas espoir. Elle s’était donné pour objectif de le faire sourire durant leur soirée. Et elle ferait tout pour y parvenir.

Bien évidemment, en parlant et marchant, elle regardait un coup le géant, un coup la route qu’ils empruntaient, rendant sa démarche plutôt maladroite qu’elle dû s’appuyer plusieurs fois contre le bras du géant pour ne pas chavirer, ou lors de changements de direction. Si bien que des regards étranges fusaient des passants. Se demandaient-ils si le géant n’avait pas franchi la limite ou si la gamine était plutôt gonflée d’agir ainsi avec lui ? Peut-être les deux. Mais ce duo ne passait pas inaperçu dans la rue.

Dans le restaurant, la jeune fille regardait tout d’un air émerveillé, mais un peu intimidé tout de même. A force de regarder autour d’elle, elle dû tendre le bras pour s’accrocher aux vêtement du gardien pour ne pas le perdre. Des murmures s’élevèrent alors de quelques tables dont les convives regardaient l’étrange duo évoluer entre les tables. Mais la demoiselle n’en avait rien à secouer. Depuis longtemps maintenant elle ne faisait plus attention aux murmures qui n’étaient que pure médisances.

-          Woua… C’est beau ici…

Elle renifla les fumets qui s’échappaient des assiettes déjà servit et qui se répandaient dans toute la salle. Son estomac en gargouilla en réponse. Car à force de limiter ses rations, elle avait fini par ne pas manger à sa faim lors de ses derniers repas.

-          Ça sent bon !!! Merci Ryu, tu es vraiment gentil !

Yuri s’installa rapidement sur sa chaise pour ne pas bloquer le passage du serveur qui finit par s’arrêter à leur table. Il s’en était fallu de peu, lorsqu’elle lâcha enfin le vêtement du gardien de porte, qu’elle ne l’embrasse pour le remercier. Mais elle se retint de ce geste un peu trop démonstratif. Elle se contenta de s’installer sagement sur sa chaise. Si elle se fichait des rumeurs qui pouvaient circuler sur elle, surtout dans un village où elle ne remettra, a priori, jamais les pieds, elle avait conscience que pour l’homme c’était différent. Même si elle ne le reverrait sans doute pas, Yuri ne voulait pas lui causer trop de préjudice.

-          Heu… Je ne sais pas… Ryu, je te laisse décider pour l’apéritif…

Puis elle se cacha derrière la carte pour regarder le menu. Elle était quand même un peu gênée de la situation qui les mettait vraiment dans une ambiance de rendez-vous.

Yuri éplucha la carte. Il y avait beaucoup de plats à base de cerf. Un animal qu’elle n’avait, pour le moment, vu que sur des parchemins. Mais il était logique de trouver de la viande de cerf dans un établissement qui s’appelait le cerf doré.

-          Je pense que … Je vais gouter du cerf… Mais comment me le conseil-tu ? En pavé, et ragoût ? Comment est-il le meilleur ?

Yuri fit la moue en le voyant commander une simple carafe d’eau. Elle ne s’attendait pas du tout à cela. Sans doute la prenait-il pour une enfant. Au vu de l’âge de Ryujin, il était impensable qu’il ne boive pas une goutte d’alcool. D’autant plus qu’il semblait être un homme qui aime ce genre de boisson. Non pas à s’en rendre ivre, mais à le déguster. C’était du moins comme cela qu’elle le voyait : responsable et maître de lui-même. Etrangement, cette analyse de l’homme lui rappelait un autre homme : son frère. Etait-ce pour cela qu’elle avait manqué de l’appeler de la sorte tout à l’heure ou qu’elle avait accepté si facilement l’aide et l’invitation ? Possible. Mais c’était aussi dans le caractère de la jeune fille que de voir le bon côté des choses. Elle n’était pas du genre à s’apitoyer sur elle trop longtemps. Non, c’était donner raison aux personnes qui voulaient la rabaisser. Et garder le sourire et l’énergie, gardé l’espoir en toute situation, était leur montrer qu’ils n’avaient aucun impact sur elle. C’était parfois difficile, mais nécessaire pour ne pas sombrer dans le désespoir.

-          Pourquoi ne prends-tu pas d’alcool ? J’ai l’âge d’en boire aussi ! Et je ne prends pas la route ce soir.

Elle lui adressa un sourire malicieux espérant malgré tout que son mensonge passe inaperçu. Car elle n’avait pas tout à fait l’âge de consommer de l’alcool. Mais après tout, qui pourrait lui reprocher d’en boire une goutte en compagnie d’un homme ? Elle n’avait personne à qui rendre des comptes. Faisant taire le creux qu’elle avait à la place du cœur en se souvenant que personne ne pourrait la réprimander, la jeune fille commença manger les tartines mises à disposition tout en écoutant la commande du géant. Elle en écarquilla les yeux tant son appétit l’a surpris. Elle ignorait même que l’ours pu se manger. Mais il était vrai qu’en dehors de Sakyuu, elle ne connaissait pas grand-chose.

-          Je vais rester sur le Cerf… Je vais le prendre en pavé. Et… Woua !!!!!

Elle écarquilla les yeux de plus belle. Elle ne croyait pas ce qu’elle lisait sur la carte. C’était presque trop beau, un rêve. Elle n’avait jamais vu cela. Il faut dire qu’elle n’avait jamais eu les moyens de s’offrir le restaurant, du moins pas comme celui-ci. D’ordinaire, il s’agissait plus d’échoppe vendant quelques brochettes où autres nourritures à manger sur le pouce. Tout était très bon, ce n’était pas la question, mais c’était la seule nourriture toute prête à portée de bourse. Le choc de la nouvelle passé, elle baissa la carte pour regarder le serveur. Elle avait des étoiles dans les yeux et un grand sourire.

-          Et des légumes… Tout pleins de légumes.

Lorsque l’apéritif fut terminé les assiettes furent apportées et Yuri gouta son assiette. La viande était très bonne et les légumes la laissèrent presque sans voix.

-          C’est le goût des légumes frais ? Woua !!!! Merci Ryu ! C’est délicieux. Les légumes ne poussent pas dans le désert. Alors ceux que l’on trouve au village ne sont pas si frais… Et puis, avec une solde de genin, les légumes les plus frais sont hors de prix…

Si le géant se souvenait de la petite plaisanterie de la gamine sur le rendez-vous, il noterait une petite incohérence de ses propos. Elle avait parlé de son frère et maintenant elle avouait n’avoir que sa solde pour vivre. Hors, si elle avait une famille, elle devrait ne pas avoir trop à se soucier de l’argent.

Yuri n’avait pas oublié pour autant cette distance qu’il y avait entre elle et le géant.

-          Ryujin…

Oui, finit le petit surnom, du moins pour le moment. La jeune fille devenait sérieuse.

-          Tu as tout ce qu’on peut rêver ici… Pourquoi semble-tu si malheureux ?

Elle le fixait, guettant la moindre de ses réactions. Elle voulait comprendre ce qui ne plaisait pas au géant.

À la réponse du géant, Yuri ne put s'empêcher de gonfler les joues. De quel droit remettait-il en cause ses propos concernant son âge ? Même si elle devait avouer qu'il avait vu juste. Mais cela elle ne voulut pas l’admettre. Elle ne prononça aucun mot. Pourquoi agissait-elle ainsi ? Cela avait été instinctif. Comme si son corps avait agit tout seul, un instinct qu'elle avait acquis durant son enfance. L'explication du géant qui suivit vis-à-vis de l'alcool fit écho dans son cœur et un souvenir remonta.



Yuri plus jeune s'approchait de la table où  quelques plats de fête étaient disposés. Rien de bien onéreux, c'était juste mieux présenté. Et puis, le plus important était d'être ensemble, en famille. Certes, leur famille ne comprenait qu'eux deux, mais cela était suffisant. Elle se souvenait de ce sentiment de bonheur intense qui l'envahissait. Et alors que son frère servait une eau coloré dans les verres, elle posa la question.

- Tu ne bois pas d'alcool ? Les adultes en boivent pour les grandes occasions...

La main de son frère c'était alors posée sur la tête de la jeune fille et une voix douce et souriante répondit.

- L'alcool à meilleur goût quand on le partage. Je t'apprendrai cela quand tu sera plus grande.

Elle prit une inspiration pour répondre mais un doigt se posa sur ses lèvres accompagné de l'explication suivante :

- On réfléchit avant de protester. Ça évite de dire des bêtises...

Yuri avait alors les joues gonflées, retenant sa respiration au lieu de parler.

- Hé !! Respire quand même !!!

La fillette ouvrit donc la bouche en dégonflant ses joues et tout deux partirent en éclats de rires.



A ce souvenir, un mince sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille relâchant doucement l'air accumulé dans ses joues. Elle avait, malgré elle fermé les yeux. Elle sentit une douche chaleur envelopper son cœur. Elle posa une main dessus dans l'espoir de la garder encore un peu. Dans ces souvenir elle n'avait pas vu son frère,  juste ses mains et sa voix. Et encore, sa voix était sans doute faussée par le temps. Yuri n'avait que ces faibles souvenirs d'instants pour se raccrocher à sa famille. Souvenirs incomplets car l'image n'était toujours pas là.

- L'alcool à meilleur goût quand on le partage...

Répéta-t-elle d'une voix presque éteinte. Elle serra les dents en pensant que son frère avait faillit à sa promesse de le lui montrer alors qu'une larme roula sur sa joue. Elle ne savait pas si c'était une larme de peine ou de rage. Mais la chaleur qu'elle avait ressenti quelque instants semblait s'être transformée en couteau et s'acharnait à vouloir lui arracher le cœur.

Se ressaisissant quasi immédiatement, Yuri balaya cette larme d'un revers de main.

- C'est ce qu'on m'a dit en tout cas.

En une phrase, elle avouait, malgré elle, qu'elle n'avait jamais bu d'alcool.

Concernant l'explication du prix des légumes, elle n'en doutait pas une seconde. Elle avait juste fait part de sa surprise et de son contentement. Mais vraiment, cet homme avait le dont pour transformer le moindre bonheur en une chose terne et sans intérêt.

- Tout ! Ton comportement. Tes paroles. Tu ne semble pas avoir d'émotion. Tu es sûr d'être humain ? On dirait que tu t'empêche de rêver. Tu ne sourit même pas ! C'est comme...

Elle marqua un temps d'arrêt pour chercher ses mots et ternir un peu son visage. Elle avait l'impression de revoir la tristesse de son ami. Celui dont elle avait appris la mort quelques jours plus tôt.

-comme si tu étais mort.

Et voilà, une autre condition pour boire de l’alcool. Décidément les adultes n’avaient que des prétextes pour ne pas faire les choses. Pourquoi ne pas dire la vérité tout simplement ? Soit qu’ils n’en avaient pas envie ou pas les moyens ? Cette dernière excuse était plus pour son frère. Bien sûr que Ryujin avait tout simplement dit qu’il n’en avait pas envie. Mais la demoiselle était de mauvaise foi face à ce géant qui, décidément, semblait prendre un malin à la contredire sauf sur un point. Il affirmait l’impression que Yuri avait de lui. Il se disait mort. Elle en fut choquée. Choquée au point de ne plus trouver ses mots. Elle ne put que l’écouter exposer sa théorie tandis que des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues. Certes, elle avait été coquées par les paroles. Mais surtout peinée. Elle ne comprenait pas comment on pouvait accepter d’être enfermer à ce point dans son propre corps en s’interdisant tout plaisirs. Etait-ce lié à ses fonctions dans l’armée ? lié à son rang ? Au deux ? Ou simplement à son passé ? Elle aurait aimé en savoir plus sur cet homme qui, malgré son côté strict, semblait avoir un cœur d’or. Mais elle ne pouvait pas restée accrochée à ses basques.

La jeune fille était surtout triste pour lui.

-        C’est…. C’est ton choix que de rester malheureux… Saches juste que… Le bonheur n’empêche pas de mener à bien ses missions. C’est même le contraire. Il permet d’avoir quelque chose à défendre… A protéger… Et pousse à revenir vivant… Te sacrifier sans connaitre ce sentiment… Je trouve cela bien trop triste…

Sanglota-t-elle. Elle renifla et s’essuya les joues tout en terminant son plat.

-        C’était très bon. Merci. Mais je n’ai plus faim.

Elle se leva de sa chaise de manière un peu maladroite. Elle manqua même de vaciller mais elle se rattrapa au dossier. Elle évita de regarder Ryujin dans les yeux. Du moins pour l’instant. Avant de sortir, elle détacha l’étole qui lui servait de ceinture pour la passer sur ses bras nus. La nuit était tombée et, évidemment, il ferait frais dehors. Enfin, elle regarda le géant. Les yeux de Yuri étaient encore noyés de larmes.

-        J’ai été très heureuse de te rencontrer… Je te souhaite de trouver le bonheur malgré tout. Et… Même si je sais que tu n’en feras rien… Si tu viens à Sakyuu, je… Je te servirais de guide…

La jeune fille se disait qu’elle ne le reverrait sans doute jamais. Mais elle espérait que les quelques larmes qu’elle avait versées pour lui serait en mesure de commencer le dégèle de son cœur.

 

Sortant du restaurant, la jeune fille regagna son hôtel pour la nuit. Elle avait passé une bonne partie de la nuit à pleurer. Pleurer sur le sort de son ami Akari, sur le choix de vie du géant Ryu, et sur les faibles indices qu’elle avait pu trouver. Le lendemain matin, elle fit quelques courses, principalement de quoi se sustenter durant la traversée du désert. Puis elle quitta le village caché pour reprendre sa route. Direction Sakyuu. En franchissant les portes, elle ne put s’empêcher d’avoir une pensée pour celui qui lui avait offert son repas la veille au soir. Elle joignit les mains contre sa poitrine et murmura.

-        Je prie pour qu’un jour tu comprenne l’importance que ta vie a pour les autres.

Elle ne put s’empêcher de penser que si Akari avait su cela plus tôt, il aurait fait en sorte de revenir vivant. Essuyant une dernière fois ses larmes, elle avança sur le chemin du retour.