Il y avait encore peu, la fête du grand Hanami avait battu son plein dans la région, des festivités qui avaient fait le bonheur de nombreuses personnes, des croyants aux curieux. Certains firent fortunes, d'autres y perdirent quelques ryos. Il y en eut même quelques bénis, des édénistes, curieux dévots qui n'avaient d'yeux que pour une déesse unique dont la poésie s'était associée aux arbres de la région de Daichi no kuni : les cerisiers. Quand bien même Yuriko était une prêtresse de la lune, vestale de Tsukuyomi, sa nostalgie et son besoin d'ailleurs l'avait conduite à se perdre dans le village de Sakura. Les rencontres y avaient été étonnantes, tantôt chaleureuse, tantôt énigmatique.

Pourtant, depuis peu, comme beaucoup d'hommes et de femmes du pays, quelque chose semblait... avoir changé. La Sugimoto connaissait bien les lieux, elle avait aimé autrefois s'y promener en compagnie de feu son fiancé. Il lui avait même demandé sa main de manière effrontée dans les paysages saisissants des cerisiers en fleur. Mais malgré le deuil, malgré l'amertume, l'atmosphère lui était tout de même apparue différente. Cependant, la jeune femme était incapable d'y mettre des mots pour décrire son sentiment. Ce n'était qu'une impression, tel un changement de saison. C'était là, sans que l'on s'en rendit compte.

Ce ne fut que bien plus tard, bien après la fête de Hanami, que des rapports au sujet de disparitions inquiétantes arrivèrent aux oreilles des autorités. On ne paraissait guère distinguer de points communs entre les "victimes", elles semblaient être de castes sociales multiples. Elles avaient juste disparu.

Naturellement, il était question de dépêcher un soldat de Toge pour enquêter, et ce fut Yuriko qui se lança dans cette affaire. Les seules indications qui lui furent fournies étaient que dans chacun des cas, on avait relevé la présence d'une énigmatique brume, d'apparitions et même d'un mystérieux cheval. La première pensée de la prêtresse fut de naturellement imaginer l'utilisation de technique illusoire. Mais dans quel but ?

* De larges plaines, un horizon dégagé, une brume épaisse et aucun corps retrouvé... me faudrait-il être moi-même un appât pour comprendre ?  *

La chunin se rendit, comme il lui fût demandé, à Daichi no kuni, précisément dans un lieu où l'on aurait reporté avoir aperçu les étranges manifestations. Lorsque la Mère-Louve arriva, un voile obscur s'était abattu comme si la nuit venait de tomber. Le vent charriait dans son souffle le parfum des arbres et à ses pieds, une brume épaisse. Là, alors qu'une étrange sensation la saisit, elle crut bon de faire appel à l'une de ses fidèles camarades. Yuriko effectua quelques mudras, et invoqua ce qui lui valait son surnom, et fit apparaître à ses côtés Komugi ( Kuchiyose ► C2 Dompteur ).

" Vous avez besoin de moi, Yuriko-sama ? "

Une jeune louve au pelage couleur de blé agita alors son museau. Yuriko flatta immédiatement sa tête d'une caresse bienveillante et emplie de gratitude.

Description Komugi:

" Oui, mon amie. Je pense que nous sommes observées...  Garde tes sens en alerte. "

Komugi dressa ses oreilles et se tint prête à protéger sa maîtresse si cela s'avérait nécessaire.

Laissant retomber le silence, Yuriko marchait aux côtés de sa compagne au cœur de la brume épaisse, la méfiance aux bords de ses poings et le regard qui scrutait tout ce qu'elle pouvait avoir à portée dans le champ du visible de son attention. Que cela fut à gauche ou à droite, nulle route ne se dessinait et lui donnait l'impression d'être prisonnière d'un étrange songe. Désirant se fier aux sens lupins de Komugi, la louve se mit à humer l'air à la recherche de quoi que se fût d'étrange.

" Yuriko-sama... je sens... je sens comme une odeur de sang... mais... mais je ne sais pas exactement ce que s'est...  "

" Du sang, dis-tu ?   "

La Sugimoto se mit à froncer des sourcils.

" Un piège ?  S'il s'agit d'une illusion pour y perdre les âmes qui entrent dans ce territoire, je n'ose imaginer ni la puissance de ce que nous poursuivons, ni le sort réservé aux disparus. "

" Vous pensez qu'ils sont morts, Yuriko-sama ?  "

La chunin laissa échapper un soupir un peu vaincu par la situation.

" Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien, mon amie. Tâchons de poursuivre la piste que tu as sentie, mais préparons-nous à tout. "

La jeune femme, n'ayant encore aucune idée de ce qu'elle affrontait, ne préférait pas s'avancer en conjoncture. Elle se laissa alors guider par sa louve, la suivant de près dans un chemin qui lui parut sans fin. Tout son environnement lui semblait changeant autour d'elle, les formes, les couleurs. La brume laissait apparaître des images comme des fumeroles transformistes, la poussant à se demander s'il s'agissait simplement de son imagination, de son inconscient ou bel et bien la réalité qui se muait sous ses yeux. Voulait-on lui faire voir quelque chose ? Voulait-on lui faire perdre l'esprit ? Elle ne saurait dire, mais elle ne manqua pas de mal placer ses pieds, eux qui pourtant étaient si sûrs. Mais il apparaissait évident que ce n'était guère le moment le plus propice pour se blesser bêtement, alors elle avançant encore et toujours.

Le temps s'écoulait comme celui d'un sablier. Sans soleil et sans étoile, Yuriko était incapable de mesurer les heures. Son unique certitude était de n'avoir aucun choix que d'avancer, jusqu'à' ce qu'enfin, un changement fut notable. La brume ne s'étoffait plus, elle se dissolvait un peu pour ne laisser qu'un fin voile rose orangé.

" Komugi... devant nous... reste auprès de moi, silencieusement pour le moment. Toutefois, reste en alerte. "

Laissant ses mains en apparence comme pour montrer qu'elle ne représentait aucun danger, la togejin s'approcha petit à petit vers des silhouettes humaines. Une, deux, trois... jusqu'à atteindre un nombre s'approchant de la liste des disparus. Étaient-ils tous ici ? Feraient-elles bientôt partie de cette liste à son tour ? Son regard se posa sur les malheureux, certains étaient épuisés par la faim, deux autres étaient mutilés.

" Messieurs, mesdames... pardonnez-moi... j'ai été surprise par la brume, et nous semblons victimes du même sort. Est-ce que l'un d'entre vous serait capable de me dire où nous sommes ?  "

Les yeux céruléens de Yuriko s'approchèrent des blessés.

" Vous me paraissez gravement blessés... avez-vous été attaqués ici ? Par un homme ou une créature ? "

Il était évident que quelque chose clochait et elle devait trouver une façon d'aider chacun de ses pauvres gens. La chunin regardait tout autour d'eux, portant son attention sur les cerisiers. Il lui paraissait être les seuls éléments constants de ce paysage. Est-ce que cela pouvait avoir un lieu avec le Hanami et leur déesse ?

L'arrivée de Yuriko auprès du groupe perdu semblait diviser la foule. Si certains se sentirent soulagés, il était possible de noter l'inquiétude et la méfiance dans le regard des autres. Le spectacle était d'ailleurs assez désolant, surtout pour la prêtresse qui ne pouvait nier être sincèrement inquiète pour chacun d'entre eux. Ils étaient nombreux, beaucoup était affaibli, pourrait-elle les sauver tous ?

Ce fut alors naturellement qu'elle quémanda quelques réponses auprès d'eux. Ils regardèrent en chien de faïence, avant qu'une noble jeune femme se permit de prendre la parole, comme si elle était coutumière de ce fait. À son allure, il était aisé de noter que cette dernière était issue d'un haut rang social, et peut-être que cela faciliterait l'échange.

" Veuillez m'excuser. Je ne me suis pas présentée. Je me nomme Sugimoto Yuriko, prêtresse de Tsukuyomi, envoyée par Toge pour vous retrouver. "

La chunin salua alors humblement chacun d'entre eux, avec déférence, comme pour essayer de les apaiser un peu. Ce fut alors qu'elle posa sa main sur la tête de sa louve, marquant ainsi qu'elle n'était pas un danger.

" Voici, Komugi. Ma compagne. Son flair m'a permis de vous retrouver. "

La louve émit alors une sorte d'aboiement, non sans un peu de fierté à la manière dont elle se tenait. Elle cherchait à faire oublier la crainte, car elle ne voulait ne l'inspirer qu'à ceux qui s'en prendraient à sa maîtresse légitime.
Yuriko prêta toute son attention à la demoiselle qui avait accepté de lui parler, et quand elle expliqua qu'une créature avait attaqué certains d'entre eux, mais c'était subitement arrêté lorsqu'ils s'étaient tous retrouvés ici, cela ne manqua pas de l'intriguer.

" Vous n'avez plus subi d'attaque depuis que vous êtes ici ? Peut-être êtes-vous trop nombreux pour elle ou bien..."

Le regard de Yuriko se posa sur le cerisier. Tout le groupe était ressemblé à ses pieds. La protection de la fameuse déesse du Hanami ? Cela aurait été étonnant, d'autant que nombreux étaient ces arbres dans cette région. Mais la surprise fut plus grande encore quand on lui donna une description : un cheval avec une corne unique. Cela fit immédiatement réagir un jeune homme. La prêtresse porta son attention sur lui.

" Je suppose, jeune homme, que vous ne faites pas partie de ceux qui ont croisé la créature, n'est-ce pas ? Mais vous semblez bien au fait des légendes. Mais il n'avait jamais été reporté que cet animal se soit montré agressif ou responsable de la moindre attaque... Où est donc le vrai et le faux ? "

Les yeux de Yuriko se posèrent sur la jeune noble aussi vite qu'elle eut fini son discours.

" Rassurez-vous cependant, je ne mets pas en doute vos paroles. Mais j'aurais besoin d'avoir plus d'informations. J'aimerais connaître le point commun entre ceux qui se sont fait attaquer : étiez-vous armés ? Hommes ou femmes ? Aviez-vous de la nourriture ou quelque chose de particulier sur vous ? Étiez-vous seul ? Si... le kirin supposé est responsable, il serait bon de comprendre ce qui aurait pu attirer son animosité. "

Quand bien même la chunin devait protéger les civils, elle avait aussi là une opportunité invraisemblable d'en apprendre un peu plus sur un yokaï aussi mythique que le Kirin, s'il s'agissait bel et bien de l'une de ses apparitions. Était-ce lui qui créait la brume ? Si oui, pourquoi ? Voulait-il protéger les civils de quelques choses ou bien leur reprochait-il une faute ?

" Il me faudrait également savoir la manière dont il vous aurait attaqué. Est-ce sous forme de ruade ? Avec sa corne ? Vous a-t-il chassé en vous poursuivant ? "

Si la chunin souhaitait "provoquer" une rencontre, elle devait se parer.

" N'oubliez pas que si les mythes rapportent que la vue d'un kirin pourrait être de mauvais augures, cela signifie que ceux qui l'on aperçut, on put répandre cette légende. Nous allons faire en sorte que chacun d'entre vous puisse retrouver ces proches. Tel est mon devoir. "

Le regard bienveillant de la prêtresse chercha à apaiser du mieux qu'elle pouvait, leur offrant un espoir face à l'incertitude.

Komugi se tenait toujours sagement aux côtés de sa maîtresse, quand bien même cette dernière tenta de rassurer ses congénères sur le sujet. Cependant, sa nature de prêtresse semblait davantage diviser les opinions... ce qu'elle comprenait tout à fait. Ils étaient effrayés, ils voulaient être ramenés chez eux. Ils avaient sans doute espéré que les autorités envoyassent un soldat qui, au moins, en avait l'air.

En attendant, Yuriko continuait ses investigations afin de rassembler le plus d'élément possible. Ce que la jeune noble lui rapporta lui semblait intéressant, mais le triste détail qu'elle confia en observant les plus faibles d'entre eux n'étaient pas pour la rassurer, d'autant que l'homme qui avait parlé des légendes se montra plus honnête et cru.

" Je vois. "

Le ton de Yuriko marquait la gravité de ces révélations, mais elle se refusa d'être dans le jugement.

" Je comprends que la faim puisse amener à de telles... terribles pensées, mais maintenant que je suis présente, nous allons faire en sorte de ne pas arriver à des extrémités pareilles. "

Cherchant à atténuer la culpabilité de la jeune noble, mais aussi tempérer la colère légitime du vagabond, elle finit par reporter son attention sur lui.

" Il se pourrait que cela soit uniquement une coïncidence, bien que la violence de la malchance de votre ami laisse naturellement perplexe. Il est aisé d'imaginer qu'il puisse s'agir d'un châtiment, mais qu'aurait-il fait pour mériter autant ? Ne nous précipitons pas en conjoncture. Ne faisons pas de cette créature un coupable parfait. Peut-être y a-t-il autre chose, mais nous ne sommes visiblement pas en mesure de le comprendre encore. "

Finalement, la jeune noble rassembla à nouveau son courage pour répondre à toutes les autres questions de la chunin.

" Voilà un étrange comportement... On dirait que cette créature essaie de protéger quelque chose, ou bien cherchait-elle à vous écarter ? Je suppose qu'avec cette brume, vous ne savez dans quelle direction, elle vous aurait surpris ?  "

Les yeux de Yuriko regardèrent en tous sens, et il fallait se rendre à l'évidence, elle devait tenter de croiser cet animal ou bien comprendre ce qui avait fait naître cette brume. Sans cela, il était impossible de retrouver le bon chemin. Les plus faibles et les blessés ne supporteraient pas de faire des pas supplémentaires ou de tourner en rond.

" Il faut que je vois moi-même ce qu'il en est. Komugi ? Tu vas rester avec eux. Protège ces gens pendant que j'essaie de voir si quelqu'un d'autres est perdu ici ou bien si je peux déterminer la cause véritable du problème.  J'espère faire vite et si tu ne me vois pas revenir... fie-toi à ton flair mon amie. "

Yuriko flatta la tête de sa louve, porta un dernier regard vers le groupe épuisé.

" Restez ensemble. Ne faites rien d'inconsidéré avant mon retour. Ma louve veillera sur vous. "

La jeune femme les salua avant de s'élancer à nouveau dans la brume. Si elle avait bien compris, la créature n'attaquait pas tant que l'on ne s'approchait pas trop. Mais peut-être pouvait-elle résoudre le mystère de leur situation et pour cela, elle devait la trouver.

Bien que la prêtresse semblait demeurer de marbre, le visage empreint d'une mystérieuse sérénité, elle n'en écoutait pas moins les deux jeunes gens qui avaient accepté de répondre à ses questions, sans distinction de caste et leur montrant le respect dû à chacun.

" Je vous remercie infiniment tous les deux pour votre aide.  Je pense que chacune de vos réflexions vont m'être d'une grande aide. En attendant, veuillez m'excuser de m'en remettre une nouvelle fois à votre sagesse. Komugi veillera sur vous. "

Yuriko les salua, avant de prendre route, mais en ayant en tête les dernières paroles de la jeune femme. N'avait-elle pas dit "un autre monde" ? L'idée que tout le monde fut plongé dans une illusion, ou que la brume en était une, lui avait déjà effleuré l'esprit. Toutefois, elle n'avait jamais entendu parler de créatures ou même d'individus capables de produire un tel effet sur autant d'individu. Oh, bien sûr, il y avait des shinobis doués d'assez de talents pour modifier tout un environnement, mais... pouvait-on tromper autant de monde et sur une telle période de temps ? Existait-il une entité capable de maintenir une illusion en continu jusqu'à amener à mourir de faim ? Dans quel but ? Bien que la jeune femme avait quelques connaissances dans l'art du genjutsu, elle ne pouvait prétendre avoir un esprit aussi résilié qu'elle l'aurait voulu. (Résilience - C1 Pragmatique).  Voilà une chose qu'elle devrait sans nul doute travailler à l'avenir.

Mais en attendant, elle ne pouvait se fier qu'à son seul instinct, sa ténacité et ses connaissances. Bien qu'elle n'eût aucune idée de la façon de provoquer une rencontre avec le supposé Kirin, elle ne compta que sur son endurance pour marcher, marcher encore et réfléchir sans voir le temps passé. D'ailleurs, cette notion perdait tout son sens au sein de la brume chimérique… jusqu'à ce qu'une rivière se dévoila à plusieurs mètres de là.

Elles étaient là, ces créatures mystérieuses. Non seulement, elle osait à peine espérer croiser un seul de ces yokaï équins, mais ils furent au nombre de deux (Kuchiyose - C1 Observateur). Un couple ? Elle ne saurait le dire immédiatement, mais les deux chevaux présentaient des pelages distinctement opposés, et il n'y avait pas à dire, Yuriko ne se souvenait pas d'avoir déjà vu des animaux d'une si étonnante grâce.

" S'il ne s'agit là que d'une illusion, je n'aurais jamais imaginé qu'il eut été possible d'en créer une aussi fascinante... "

Une pensée pour elle-même, inconsciemment prononcée à voix haute tandis que son regard ne quittait pas ce qu'elle voyait. Était-ce réel ? D'après ce qu'elle avait pu apprendre à Toge et quelques études menées au Bureau, elle ne se souvenait pas qu'il eut été mentionné que le Kirin eut été un animal se déplaçant en groupe. Ceux qui avaient pu l'apercevoir ne parlaient que d'un seul spécimen.

Mais voilà, les Kirins ne mirent que peu de temps à se rendre compte qu'elle était là et ne tardèrent pas à la toiser. Immédiatement, ils eurent un comportement défensif, chose qui en soit n'étonna guère la prêtresse. Si parmi les précédents voyageurs perdus - ou peut-être dans le passif de ces créatures - elles avaient été attaquées par l'homme, cela n'avait rien d'étonnant.

Immédiatement, Yuriko présenta ses mains, paumes ouvertes, comme pour montrer qu'elle ne possédait rien, ni armes.

" Je ne vous ferai aucun mal. "

La togejin fit un pas à reculons, lent et calme, ne montrant aucun signe d'agressivité ou de mauvaise intension. Il fallait qu'elle montrât qu'elle n'avait rien d'hostile. Dans ce même mouvement, elle baissa alors légèrement la tête, telle une révérence, sans pour autant totalement quitter des yeux les deux chevaux.

" Je ne cherche qu'une solution pour quitter ces lieux... "

Oh, ces mots étaient surtout prononcés pour elle-même. Elle ne s'attendait pas à être comprise, mais le ton de sa voix était doux et en adéquation avec son comportement. La jeune femme ne faisait qu'espérer que sa bonne foi en les rendit pas plus... dangereux.

C'était la première fois que la jeune femme se retrouvait dans une telle situation, seule et face à deux créatures quasi enchanteresses, mais dont sa méfiance naturelle lui rappelait que l'on ne connaissait des Kirins, que leur légende... et autant dire, quasiment rien de vérifiable ou d'authentique. Leur force, leur intelligence, leur mode de vie. Yuriko était littéralement face à l'inconnue, raison pour laquelle elle ne pouvait n'adopter que la prudence et rassembler tout ce qu'elle avait de sagesse en elle.

Cela lui rappelait, avec une forme de nostalgie, sa propre rencontre avec ses camarades kaminotsukaï, mais elle avait accepté de se blesser pour défendre un vieil homme et accéder à leur confiance. En ferait-elle autant aujourd'hui ? Il fallait dire que plusieurs vies étaient en jeu. Si elle n'avait que du respect pour ces loups, elle ne pouvait oublier qu'un kirin était une créature d'une toute autre catégorie.

D'ailleurs, alors qu'elle reculait un peu pour prouver qu'elle n'était pas présente en ennemi, les deux animaux équins la toisent avant de se regarder entre eux. Pendant un instant, Yuriko se demandant qu'il n'y avait pas entre eux une conversation qu'elle n'était pas disposée à écouter jusqu'à ce qu'une voix résonna dans son esprit. Surprise, et ne le dissimulant pas, la prêtresse eut un léger sursaut.

* Du genjutsu... ainsi donc, ces créatures sont peut-être involontairement responsables de notre sort... c'est... si surprenant...  *

Une légère pensée, une superficielle réflexion, avant de tenter de parlementer face à cet ordre si vindicatif. Non que cela n'était pas de sa volonté de quitter ces lieux, mais... Et alors qu'elle s'apprêtait à répondre, voilà qu'une nouvelle affirmation frappa son esprit avec autant de puissance que la première. Ce n'était plus la surprise qui animait le visage opalin de la Sugimoto, mais l'incompréhension.

Si des milliers de questions lui traversaient l'esprit, si elle était fascinée par la visible intelligence des kirins et leur talent dont les pouvoirs n'étaient pas sans rappeler les siens - bien que pour elle, ils demeuraient bien modestes en comparaison, elle fut frappée par ce qui, en réalité, animait leur subit intérêt. Lentement et avec délicatesse, la jeune femme sortit de son sac la fameuse corne et la présenta devant elle aux deux kirins, après l'avoir déballé d'un précieux tissu qui la protégeait.

" Est-ce de cela dont vous faites allusion ? Cette corne m'a été offerte en présent par l'un des héritiers du clan Hattan. Il la nomme La corne des cavaliers de Rohan. "

Les yeux bleus de la jeune femme se posèrent avec un peu de peine sur l'artefact.

" L'homme qui me l'a offerte m'a expliqué qu'il s'agissait d'un objet familial très précieux. Il espérait que ce cadeau puisse me pousser à accepter une demande en mariage, en guise de sa bonne foi et la sincérité de ses sentiments. Malgré mon refus, et alors que je souhaitais lui rendre ce bien dont je ne pensais pas être digne de la valeur, il a insisté pour me la confier... espérant sans nul doute que je finisse par changer d'avis. "

Yuriko releva la tête en direction des deux équidés.

" Je la garde depuis, en tâchant d'y faire attention. Serait-ce... serait-ce une corne de kirin ? Appartient-elle à l'un des vôtres ? "

Si tel était le cas, devait-elle leur remettre ? Ne serait-ce pas faire offense au clan Hattan ? Mais il y avait là également une occasion d'éclaircir un peu le mystère entourant cet objet, car si ce dernier possède une quelconque utilité, elle n'avait jamais essayé d'en faire usage. Après tout, quelle cavalerie pourrait-elle appeler ? Et pour quelle raison ? Le clan Hattan ne semblait plus l'utiliser depuis des lustres.

" Pardonnez-moi si ma présence vous offense, mais cette dernière n'est pas volontaire. Je suis perdue dans les méandres de ces lieux, ainsi qu'un groupe d'hommes et de femmes présentement fragilisés. Je cherchais un moyen de partir, comme vous me l'avez ordonné, avec tous ces gens qui m'attendent par de-là de cet endroit. Je vous obéirais bien volontiers, si vous pouviez m'indiquer comment m'en aller. "

N'oubliant pas son objectif principal, c'était à dire partir, elle effectua une révérence respectueuse envers les deux yokaïs, toujours en présentant la corne. Peut-être que les kirins seraient leur salut...

Le mystère autour de cette stupéfiante rencontre semblait s'épaissir au fur et à mesure que les questionnements traversaient son esprit. Si la moniale s'employait à montrer qu'elle n'était pas une ennemie, mais bien le contraire, les deux kirins ne cessaient d'attiser sa curiosité. Elle pesait chacun des mots qu'ils employaient, un échange clair et obscur à la fois par la faute des non-dits. Toutefois, le plus remarquable, depuis l'instant de leurs échanges, avait été de constater qu'ils pouvaient adopter un langage humain, ou tout de moins s'adapter assez pour être parfaitement compris.

Toujours dans la retenue, Yuriko nota dans un coin de son esprit que viendrait sans doute un jour où elle les rencontrerait à nouveau, notamment s'ils ne récupéraient pas encore la précieuse offrande qui lui fut faite par cette mystérieuse corne évidée. Plus encore, elle crut comprendre que ces créatures n'étaient en rien agressives à l'égard des Humains, qu'elle cherchait à protéger. LE protéger avait-elle dit ? Un poulain ? Un autre kirin ? Ou peut-être un artefact ?

Quoiqu'il en fût, le kirin au pelage obsidienne finit par confirmer ce que la prêtresse redoutait.

" Prise de force avez-vous dit ? "

La prêtresse s'était finalement redressée et posa son regard sur la corne qu'elle tenait entre ses mains. Son visage semblait sincèrement animé par l'affliction.

" Vous me voyez sincèrement navrée d'entendre cela. Il me paraîtrait alors normal de la rendre à qui de droit. Mais j'aimerais comprendre ce qui a pu amener à une telle situation. Le clan qui l'avait en sa possession ne semble guère connaître l'importance de cette corne, voire peut-être même son histoire. "

Car si cela avait été le cas, aurait-il permis à l'un de ses héritiers de le lui offrir ? En attendant de connaître la réelle position des kirins vis-à-vis de l'objet, la jeune femme se contenta de la remettre dans son tissu pour la préserver et la ranger dans ses affaires.

Ce fut alors que le kirin blanc, le plus prompt à se montrer amical, expliqua que les voyageurs égarés s'étaient visiblement trop approchés de leur "territoire" nouveau. Ainsi, toute cette histoire serait un quiproquo ? S'il s'agissait bien d'un genjutsu de zone étendue, cela signifiait que les civils avaient été maintenus prisonniers par la défense des yokaïs, et toute la question serait de savoir comment faire pour qu'un tel problème ne se reproduisit pas.

" Je pense comprendre. Vous semblez avoir quelque chose de très précieux à protéger, n'est-ce pas ? Mais je pense que toute cette situation relève d'un grand malentendu.  "

La prêtresse laissa échapper un soupir.

" Il y a de nombreux hommes et femmes qui se sont trouvés prisonniers dans... ce territoire, et ce, bien malgré eux. Il semblerait que cela fasse des jours qu'ils errent et sont incapables, tout comme moi, de quitter ces lieux sans votre aide. Je vous en serais immensément reconnaissante si vous pouviez également les libérer. Je ne pense pas que ces derniers cherchaient à vous approcher, mais il se trouve que votre territoire est une région que les humains empruntent beaucoup. J'ai bien peur que cette situation puisse à nouveau se reproduire, mais il ne s'agit là que d'une méprise. "

La jeune femme leva alors les yeux pour regarder le kirin blanc.

" J'aimerais que la paix à laquelle vous aspiriez puisse être maintenue, mais je ne suis qu'une modeste prêtresse. Je n'ai malheureusement aucune influence. Toutefois, j'aimerais quand même faire quelque chose pour vous, si cela m'est possible. Peut-être pourrais-je vous aider à trouver un lieu moins fréquenté et qui répondrait à vos besoins ? "

En réalité, Yuriko se questionnait beaucoup sur leur présence ici. D'après les rapports qu'elle avait pu lire, un tel problème ne s'était jamais produit, ce qui signifiait que les kirins n'étaient dans les environs que depuis peu. Peut-être seraient-ils ainsi plus prompts à trouver un lieu nouveau pour vivre éloigner des Hommes.

Les instants où les deux kirins semblaient discuter entre eux étaient particulièrement frustrants pour la chunin, et pourtant, elle ne laissa rien paraître afin de ne pas sembler impolie. Il était évident qu'ils avaient des choses à cacher et Yuriko n'était malheureusement pas présente pour tenter de percer leur mystère, mais à ce jour, pas avec les vies qui attendaient d'être libérées depuis des jours. Il lui convenait tout à fait que ce n'était pas sa priorité, mais rien ne lui interdisait de recueillir quelques informations.

" Tuer pour sa corne ? Simplement cela ? Une telle folie pour une telle convoitise... Pourquoi en arriver à une telle extrémité...  Que pouvait-elle leur apporter ?  "

Si la corne de Kirin pouvait avoir une propriété particulière, peut-être pourrait-elle comprendre ce geste fou de la part du clan Hattan. Cependant, est-ce que leurs héritiers étaient au courant de l'infamie ? Y avait-il un secret plus sombre derrière tout cela ? Mais plus encore, si l'objet eut été si précieux, pourquoi prendre le risque de le lui confier à elle pour une raison aussi superflue qu'un mariage, mariage qu'elle avait refusé. Il y avait quelque chose qui lui apparut soudainement plus étrange derrière cette offrande étonnante... et ironiquement, ce fut le kirin au pelage noir qui en souleva le trait. Là, la jeune femme posa son regard sur lui, comme si ce dernier venait de lui transmettre ses suspicions. Et si il avait raison ?

Cependant, il ne lui était guère possible de réfléchir à cela, pas à l'instant alors que la voix de la créature résonnait dans son esprit. S'il lui était habituel d'user de ce subterfuge pour communiquer discrètement, la prêtresse commençait à comprendre le malaise que cela pouvait provoquer envers ses interlocuteurs. Toutefois, elle n'avait nul autre choix que de s'en accommoder pour l'instant, même peut-être était-ce là aussi le signe qu'il serait temps pour elle d'abandonner son vœu de silence.

Cherchant alors un compromis avec les yokaïs, la Mère-Louve tenta de trouver une solution aux problèmes que rencontraient ces créatures avec les hommes. Si l'animal sombre ne semblait guère vouloir effectuer des concessions, l'animal lumineux, lui, était plus conciliant et plus prompt à l'écouter encore un peu. D'ailleurs, il lui fit même l'honneur de s'approcher un peu, tandis que son compagnon se retira au galop.

" Je suis sincèrement navrée de la situation dans laquelle vous et les humains se retrouvent et j'espère ne pas être devenue une source de conflit avec votre... compagnon. Mais je pense aisément comprendre son point de vue, surtout si des humains ont essayé de vous chasser.  "

La prêtresse tâchait de ne prendre aucun parti et surtout de bonne foi. Si les ennemis d'hier pouvaient devenir les amis de demain, cela ne signifiait pas pour autant que toute confiance pouvait être rétabli. Loin de là.

" Concernant votre campement, je ne sais guère ce dont vous avez besoin, mais je peux vous signifier que tout au sud de ce territoire, il y a un village d'humains relativement fréquentés par les pèlerins. Ils seraient plus sages pour vous d'éviter cette zone, tout comme la grande route de l'Est qui permet de regagner les terres du milieu.  Il y a beaucoup de voyageurs qui empruntent ce bras de terre. Il existe également un grand carrefour tout au Nord de la région, un croisement de chemin où ils vous seraient difficiles de passer inaperçu.  "

Mais plus elle faisait le point, plus la jeune femme se rendait compte que le Kirin au sombre pelage avaient raison. Les humains étaient très nombreux à Daichi ou tout du moins, ils étaient nombreux à traverser.

" Si ces plaines représentent un sanctuaire pour vous, je ne saurais trop vous conseiller que de vous enfoncer un peu plus au cœur de ses terres, de vous éloigner des routes. Si les humains sont nombreux, beaucoup ne sont guère courageux. Peu d'entre eux se permettraient de s'écarter des chemins tracés. Sinon, il existe un lieu plus vallonné, écarté des routes à l'Est. Il y a une bande forestière assez dense qui bordent les côtes. Peut-être que ses arbres pourraient vous offrir une bonne protection et il ne me semble pas avoir entendu que des humains s'y soient établis. Toutefois, peut-être que des repérages vous seraient nécessaires. "

La prêtresse laissa alors échapper un léger soupir, la tâche serait finalement ardue et elle ne rendait bien compte des limites de ses pouvoirs et capacités. En tant que membre du Bureau, en tant que Togejin, il était dans sa culture d'essayer de trouver une manière harmonieuse de vivre avec les yokaïs, raison de tous ces efforts.

" Les informations que j'ai à vous offrir me semble bien maigres, mais j'espère qu'elles pourront vous être utile ou vous donnez matière à réflexion pour éviter les Hommes. Mais peut-être aussi que les croyances populaires pourraient vous servir. Certains humains pensent que votre vue était un signe de mauvais augures. Offrir une vision de vous pourrait en effrayer quelques-uns pour les chasser sans confrontation. "

Était-ce vrai ? Était-ce faux ? Peut-être cela amuserait-il le Kirin lui-même ou bien lui dévoilerait les raisons de cette énigmatique rumeur.

Le regard que lui lança le Kirin sombre à l'évocation de la corne en sa possession et de la raison de son extraction semblait éveiller la colère de ce dernier. Et à vrai dire, Yuriko se sentait tout à fait capable de comprendre cette humeur. Quand son autre camarade, le plus conciliant des deux, indiqua que ce braconnage n'était le fruit que de superstition, elle ne pouvait ne se sentir que plus mal pour eux. L'injustice d'une vie perdue pour rien. L'injustice en raison de l'ignorance.

" Je pense mieux saisir les contours de votre colère. L'aveuglement des hommes qui courent après un pouvoir... et un pouvoir dont visiblement ils ignorent tout. Quelle folie... tout cela ne relève que d'un braconnage sans gloire et une insulte pour votre espèce. "

Yuriko porta un regard empli de compassion envers les deux kirins, et curieusement, bien qu'il fût partie, elle ne comprenait que trop le ressentiment de l'équidé obscur. Mais en attendant...

" Bien que j'ai conscience que cela ne pourra jamais apaiser votre perte, ni excuser ceux de mon espèce... Veuillez tout de même accepter mes excuses pour l'infamie qui a été causée. Cela pourrait vous paraître sans valeur, mais mes mots n'en demeurent pas moins sincères. "

Sur ces paroles, la prêtresse s'abaissa dans un mouvement pénitent, avant de se redresser pour tenter, à son tour, d'éclairer le kirin blanc sur les raisons de la conservation de la corne.

" En ce qui concerne la corne, il me faut vous avouer que l'homme qui me l'a remis est resté bien peu loquace à son sujet. Mais de ce que j'ai cru comprendre, et s'ils ont compris qu'elle ne leur confèrerait aucun pouvoir, elle est devenue une corne d'appel afin de rassembler les cavaliers du clan. Je dois dire que je n'ai jamais entendu qui que ce soit l'utiliser, et je ne suis pas sûre que les héritiers des Hattan s'y sont essayés jusque-là. "

Yuriko elle-même n'avait pas osé souffler dans la corne pour en connaître le son ou bien sa portée. Elle avait toujours imaginé que cela aurait été déplacé de sa part... bien qu'elle n'en nierait pas la curiosité. En attendant, alors que les deux continuaient à échanger, la jeune femme se laissa observer sans bouger, laissant le soin au yokaï ne l'analyser, ce qui, d'un autre côté, lui permettait d'en faire de même maintenant qu'il était plus près. Il fallait dire qu'il lui était apparu remarquable, élégant, bien plus qu'un simple cheval. Il y avait une noblesse certaine derrière cette créature.

" Si vous êtes des créatures aux habitudes solitaires, je suppose que vous avez décidé de déroger à vos habitudes pour protéger... ce que vous avez à protéger, n'est-ce pas ? J'espère sincèrement que vous y parviendrez. "

Une vague de mélancolie traversa la prêtresse, se quémandant parfois si elle aurait pu y parvenir si elle avait accompagné Kaïto. Mais elle n'y avait pas été conviée, et elle n'avait jamais pu connaître l'objectif de la mission qui lui avait coûté la vie. Chassant ses lugubres pensées pour se concentrer sur le présent, la souhei fit de son mieux pour apporter sa pierre à l'édifice, cherchant une solution qui pourrait permettre à chacun de trouver son compte, mais ce fut alors que le kirin lui fit une étrange demande et ce fut avec étonnamment peu de méfiance que Yuriko tendit la main comme demandé.

Le yokaï lui remit alors délicatement l'un de ses crins blancs, sur lequel elle referma rapidement les doigts pour ne pas le laisser s'envoler. Elle ne cacha pas son étonnement, surprise d'un tel cadeau ?

" Je... Je vous remercie. Puis-je savoir que me vaut cet honneur-là ? Mais pour vous répondre, je me nomme Yuriko Sugimoto. Vous pouvez m'appeler tout simplement Yuriko si vous le désirez. "

Par habitude, la jeune femme ne put retenir un nouveau mouvement de salutation, suite à cette présentation. Mais ce n'était que pour, sans nul doute, un futur au revoir. C'était alors qu'elle se demanda si ce crin de kirin lui permettrait d'être temporairement lié à l'animal, tandis que ce dernier lui indiquait qu'il allait la guider.

" Je vous remercie pour votre aide, encore une fois. Je ne saurai oublier la dette que je vous dois. "

Sur ces mots, la prêtresse s'engagea alors sur le chemin du retour, bien que ses repaires demeuraient relativement déboussolés. Il lui fallait rapidement retrouver les civils perdus afin de les rassurer, mais surtout les aider à sortir du labyrinthe d'illusion et ainsi leur permettre de retrouver leur famille.

Le contact entre la prêtresse et le noble animal semblait avoir légèrement changé. S'il existait en premier lieu de l'appréhension, il s'avérait que le tout se soit mué en une curiosité évidente et peut-être également une forme de fascination pour deux êtres qui vivent dans des mondes si différents. Dans tous les cas, le yokaï appréciait les efforts de Yuriko et louait sa bonne volonté. Comment le savait-elle ? La différence de ton, son intuition. Le kirin se montrait plus doux dans ces mots, il alla même à s'excuser de se montrer si prudent et méfiant envers le genre humain, chose à laquelle la Sugimoto répondit bien vite.

" Ne soyez en rien navré, car je ne peux que malheureusement comprendre votre opinion, et je ne peux, hélas, ne pas le contredire. Toutefois, je peux ajouter qu'il existe des êtres humains tout aussi bien que vous m'estimez, voire plus. "

Mais encore fallait-il que le yokaï eut le temps ou la patience de les rencontrer. L'Onogoro n'était malheureusement pas une terre pavée de bonnes intentions, pas sous les directives des Hommes. Il y en aurait toujours quelques-uns pour en contrer de nouveau. En attendant, le kirin n'en restait pas moins prudent et ne s'avança en rien sur l'objet de sa protection. Ainsi, cela resterait un véritable mystère, tout comme la véritable étendue de ses capacités. L'unique chose qui venait à chagriner la jeune femme était le départ précipité du second kirin.

Comprenant alors que le crin que lui avait cédé l'animal était quelque chose de précieux, Yuriko s'en empara avec délicatesse avant d'offrir un noble salut à l'équidé. Elle ne savait ce qu'elle pourrait faire de ce présent, mais elle tâcherait de le préserver au même titre que la corne dont elle avait à présent la garde.

" C'est moi qui vous remercie pour votre aide. "

Les gratitudes passées, il était temps pour la togejin de finaliser sa mission. Maintenant qu'elle avait percé la source de tout ceci, et que le kirin allait la guider, elle n'avait nul besoin de s'inquiéter outre mesure. Ainsi, après plusieurs minutes de marches, ou peut-être une heure de plus, elle rejoignit son groupe où l'attendait sa louve. Komugi était fort heureuse de son retour, mentionnant qu'elle ne supportait plus entendre les humains se disputer. Visiblement, la jeune noble et le vagabond étaient irréconciliables et ce ne fut que par un nouveau tour de force et de calme que la prêtresse réussit à apaiser un peu les tensions. Voilà une belle image à offrir au kirin qui veillait dans l'ombre, Yuriko en avait même un peu honte. Sans rien laisser paraître toutefois, elle mentionna qu'elle pouvait guider tout le monde vers une sortie. Les plus faibles furent aidés par ceux qui étaient encore solides, et silencieusement la Souhei, dont le chemin était soufflé par l'équidé mystérieux, réussit à faire sortir tout le monde de la brume dans une vague de soulagement non dissimulé.

" Yuriko-sama ! Vous avez disparu longtemps ! J'étais très inquiète ! Comment avez-vous fait pour sortir de cette purée multicolore ?

" Nous dirons que j'ai été par une bonne étoile, mon amie. "

La louve pencha la tête sans comprendre le sous-entendu de sa maîtresse, alors que la prêtresse jeta un dernier regard en arrière. Bien qu'elle n'était assurée de rien, elle effectua une révérence en direction de la brume. Un adieu, ou peut-être un simple au revoir, mais elle n'oublierait pas cette aventure.