Jujou et ses promesses. L’évènement faisait parler de lui. Une réunion au sommet. Unique et inquiétante. Tous se déplacent en direction de la cité arboricole pour y être présents. Une chance d’entrer dans l’histoire ou du moins, de s’en approcher. D’assister de près ou de loin de ce qui s’annonçait comme un tournant dans la politique des villages militaires d’Onogoro. Tu ne faisais pas exception. Tu voulais être sûre de pouvoir agir s’il s’y passait quelque chose de dramatique. Aider à évacuer les civils ou toute autre tâche qui pouvait s’imposer par le contexte particulier qui s’installait dans l’empire. Mais pas seulement ! Oh non, il n’y avait pas que ça ! Il y avait Ao. Le bleuté t’avais laissé une forte impression lors de votre dernière rencontre et votre mission commune, au cœur de la forêt de l’étrange. Il avait cette curiosité et cette légèreté d’être qui se mariait parfaitement avec son sens des responsabilités. Un être, tout en nuance, qui t’avais offert un moment fort agréable dans les restaurants de Jujou et dont les paroles étaient restées marquées en toi, comme une nouvelle manière de voir les choses : Toi aussi, tu méritais d’être heureuse. Malgré tous ceux comptant sur toi pour gérer le clan. Parce que tu étais aussi un être vivant.

Tu avais hâte de rejoindre la cité arboricole et ton ami. Hâte de lui montrer tes progrès et ta toute récente promotion au rang de Jonin. Un évènement que tu n’avais pas anticipé et qui t’emplissait d’une certaine fierté. Il y avait de quoi. Tu étais jeune et tu avais beaucoup à apprendre. Cette promotion, c’était un symbole de confiance de la part du Seizankage. Un honneur pour toi qui admirait sa force et sa manière de gérer le village, entre fermeté et tendresse, comme un père de famille. Tu étais tellement honorée que tu avais redoublé d’effort pour être à la hauteur. Assez pour découvrir en toi cette capacité unique, rare qu’est le contrôle de la neige. Un art qui t’était encore trop étranger et que tu testais, encore et encore, dès que tu en avais l’occasion.

Ce voyage ne faisait pas exception.

Plusieurs moi plus tôt, tu avais découvert un peu par hasard une passion pour la glisse. Une drôle d’histoire avec un soldat de Sakyuu, terrorisé par une bande de bovidés et une cheville foulée qui t’avais poussé à emprunter un couvercle de bois pour descendre les superbes montagnes bleues. Une sensation que tu n’arrivais à pas effacer de ta tête depuis. Une liberté que tu avais aimée. Un premier indice de ce que le futur te réservait . Qui sait. Mais ce souvenir avait enflammé quelque chose en toi. Une motivation nouvelle. Celle de te trouver, à travers ce nouveau talent.

Enfoncée dans les hauteurs de Tsume no Kuni, en direction de Jujou, tu testais, encore et encore, différentes combinaison et ce, avec la curiosité et tout l’amusement d’un jeune enfant, t’écriant joyeusement à chaque réussite, libérée du regard d’autres personnes. C’était toujours en montagne que tu te sentais le plus à ta place. Au milieu de la roche, dans un silence apaisant. L’air frais croquant tes joues et s’infiltrant dans ta longue chevelure. Le paysage à la beauté hypnotisante ... Un ensemble de facteurs qui t’offraient la possibilité de penser hors du cadre habituel, sans honte ou hésitation.

Aujourd’hui n’était pas une exception. Alors que tu te trouvais en haut d’un des massifs rocheux, un panorama à couper le souffle à tes jolis yeux, tu souriais de toutes tes dents, une planche de bois sous le bras, les mains jointes comme lors d’une prière.

« Et c’est parti ~ »

Des mudras qui s’enchaînent à toute vitesse et un souffle, projetant une large vague de poudreuse qui, comme une avalanche, roula le long de la descente. Une vague que tu n’hésitas pas à chevaucher, jetant ta large planche de bois sous tes pieds pour te servir de support, te laissant entraîner au fil de ton jutsu en riant.


Une descente bien plus chaotique sur sur une simple neige, accumulée au fil des nuit. Plus violente, plus brutale, y rester parfaitement en équilibre représentait un défi face auquel tu voulais te dépasser. Des essais, il t’en faudra plusieurs, à n’en pas douter, pour maîtriser ce style bien particulier. Et encore une fois, c’est le même problème qui s’annonce : l’arrêt.

Alors que ta descente est bien entamée et que tu files à toute vitesse à travers la roche, tu repères au loin une lumière rougeâtre. Un signe de vie au milieu du silence. Un feu. Pile sur ta trajectoire. Et tu sais que tu ne vas pas pouvoir parfaitement esquiver. Tout ce que tu peux faire, c’est limiter la casse. À nouveau, te voilà à réaliser des mudras, aussi vite que tu peux, le regard plus perçant, concentré. Là, tu n’as pas le droit à l’erreur. Une inspiration, une expiration, et ensemble, tes mains se claquent dans un bruit sourd, invoquant face à toi un large mur de neige solide contre lequel se fracassa ta vague, t’envoyer voler par la même occasion.

«  AAAAAAAAAAAAAh ! »

Un cri surpris et effrayé à la fois, qui se fait plus sourd alors que tu retombes en même temps qu’une flopée de neige qui vient alors amortir ta chute et ce, juste en face de la personne que tu avais voulu esquiver. Cette belle dame à la chevelure argentée et aux iris rouges qui te regardent avec surprise et incompréhension alors que tu ressors la tête de ton petit nuage d’atterissage, les joues empourprées par la gêne.

« Bonsoir ? »

Quel meilleure moyen de commencer une conversation peut-il y avoir ?

« Belle soirée, pas vrai ? »

Et une envie de retourner t’enterrer dans le monticule de flocons glacés. Mais bon, cette fois, tu as un peu cherché Saki. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi même.

Tu avais le chic pour te retrouver dans des situations complètement loufoques. Surfer avec un sabreur du désert bovinophobe, te faire poursuivre par des oies ... Loin de l’image sérieuse que beaucoup t’attribuaient, tu étais aventurière. Tu aimais te lancer des défis dès que tu te retrouvais un peu seule. C’était ça, la véritable origine de toutes tes mésaventures. Aujourd’hui ne faisait pas exception et ton entraînement un peu hors norme avait pris une drôle de tournure. Une présence imprévue, un élan trop puissant, et tu avais fini par voler dans le ciel pour éviter de la blesser, chutant pour t’écraser dans un tas de poudreuse.

Elle t’a regardé étrangement, cette solitaire demoiselle. Avec ses grands yeux rouges remplis de surprise et d’une pointe de méfiance. Elle doit se demander ce qu’elle vient de voir, et cette interrogation est légitime. Le truc, c’est que tu aimerais bien sortir de la neige. Parce qu’en tombant, tu t’es fait mal aux fesses et puis, tu vas commencer à avoir froid à force de rester là-dedans.

« Une idiote qui a failli vous ensevelir, désolée pour ça. »

L’inconnue te tends une main salvatrice que tu ne tardes pas à attraper pour sortir de ton petit coussin glacial. D’ailleurs, la demoiselle te rappelle un peu la neige avec sa longue chevelure blanche et sa peau immaculée. Son petit air innocent et surtout choqué. Comme un petit lapin d’hiver.

« Ce n’est rien, je suis plus solide qu’il n’y paraît et j’ai amortie ma chute, ne vous inquiétez pas. Vous, vous n’êtes pas blessée ? »

Elle n’avait pas l’air d’avoir été touchée par le moindre flocon et c’était un soulagement ! Mais ça ne coutait rien de demander, pas vrai ? Si tu blessais quelqu’un en t’entraînant, il était de ta responsabilité d’être sûre que la victime reparte soignée. Même si tu étais loin d’être une bonne infirmière. En fait, il valait mieux que tu ne blesses personnes.

« C’est un peu compliqué, j’étais entrain de m’entraîner pour faire simple et je ne m’attendais pas à voir quelqu’un. Est-ce que vous êtes perdue ? Les gens ont facilement tendance à perdre leur chemin dans les montagnes ... »

Mais alors que tu t’inquiètes pour elle, voilà que la jeune femme se pince le bras comme pour vérifier qu’elle ne rêvait pas toute cette étrange situation. Que ton arrivée plus que remarquée n’était pas une illusion mais non, tout ça est bien réel. Et elle doit faire face à cette situation qu’elle ne comprend pas. Au moins, elle se présente à toi et ça, ça veut dire qu’elle ne te voit pas comme une menace ou autre. Plongeant tes iris opales dans celles rubis de la jeune femme, tu fis de même.

« Kara Saki, Jonin de Seizan. Enchantée. »

Une prêtresse du temps de la lune, ici, seule dans les montagnes ? C’était surprenant et ça titillait ta curiosité. Tu devais poser la question, ça te brûlait les lèvres. Époussetant tes vêtements de la poudreuse s’y étant agglomérer, tu ne tardas pas à te lancer.

« Qu’est-ce qu’une prêtresse fait ici, toute seule ? Il est plutôt rare de voir les éphèbes quitter leurs temples, non ? »

Une mission pour le Togekage ? Juste avant la réunion à Jujou ? Ou alors cela n’avait rien à voir avec tout ça. Peut-être était-elle aller rendre visite à de la famille ? Il n’était pas rare que des prêtres soient envoyés dans des temples bien loin de leurs maisons et proches.

Dire que tu n’avais rien n’était pas une vérité totale. Certes, tu n’étais pas blessée mais ton postérieur te faisait un mal de chien, bien que tu préférais faire comme si de rien n’était pour rassurer la prêtresse dont tu avais croisé la route, par hasard. Ce n’est pas comme si elle allait vérifier et compte les hématomes qui y fleuriront d’ici peu. Non, au contraire, la demoiselle semblait bien plus curieuse de comprendre comment tu t’en étais aussi bien sortie vu ta superbe cascade. Une curiosité qui t’arrache un petit gloussement, sous son regard carmin.

« On apprends vite à chuter quand on grandit dans les montagnes. »

Et tu avais eu la chance d’avoir ton yukiton pour amortir le reste. Un don que tu préférais ne pas trop ébruiter et ce, encore plus face à une soldate d’un autre village. Prêtresse et aussi militaire, Shizuka s’étonna de ta question quant à sa présence en ces lieux. Etait-ce si surprenant de se poser la question ?

« Tous les éphèbes ne sont pas soldats, comme tous les soldats ne sont pas des éphèbes. Le monde serait un peu trop ennuyeux si c’était le cas, vous ne trouvez pas ? »

Et toi, tu préférais un monde plein de surprise et de rebondissement. Un monde qui faisait bouillir ton sang et accélérer ton cœur. Un monde dans lequel demain était toujours fait d’incertitudes mais également de découvertes. Néanmoins, le moment n’était pas à ce genre de débat et rapidement, votre discussion continua avec la réponse de la demoiselle à ta question. Elle était en déplacement et rentrait désormais chez elle, mais la route était épuisante et une pause s’était avérée nécessaire.

« Même sans fatigue, je vous conseille de ne pas trop vous déplacer de nuit ici. Les hauteurs réservent quelques pièges … »

Mortels. Combien de voyageurs un peu trop enflammés et confiants avaient perdu la vie en tombant de falaise ou en chutant dans des crevasses ? Beaucoup. On retrouvait parfois même les corps, recroquevillés sur eux-mêmes, morts de froid après s’être perdu au cœur de la nuit. Que la jeune femme finisse ainsi serait un véritable drame.

D’un simple remerciement de la tête, tu pris place aux côtés du feu pour réchauffer ta peau glacée par ces heures passées à jouer dans une neige que tu avais provoquée. Tu la sentis, cette douce chaleur s’amusant à lécher tes paumes légèrement bleuie pour emplir tout le reste de ton corps, seconde après seconde. Une agréable sensation, qui fut néanmoins bien faite effacée par la voix de l’éphèbe de la lune, qui semblait bien plus mêlée à ta vie que tu ne le pensais au premier abord. Un lien invisible jusque-là, qui gagnait soudainement un intérêt tout particulier. Un nom, une mission, qui résonnèrent à tes oreilles comme le douloureux rappel d’un échec, autant que comme une occasion d’en apprendre plus. Un paradoxe émotionnel naissant en toi, entre curiosité et honte.

« Effectivement, j’étais présente à Toge le jour de l’incident … »

Ou plutôt, le jour où tu avais été totalement impuissante et où tes décisions avaient entraîné la mort d’une jeune femme innocente.

« J’ai ensuite rencontré votre collègue lors de mon interrogatoire. »

Pourquoi ne pas en préciser le nom ? Parce qu’elle savait très bien de qui tu parlais. Sinon, elle n’aurait pas évoqué le sujet de cette manière. Ce n’était pas juste une coïncidence qu’elle aborde le sujet.

« Si vous êtes là, en pleine forme, je suppose que l’Oni est mort. Pas vrai ? »

Et ça, ça ne t’arrangeait pas. Pas du tout même. Tu aurais voulu le retrouver. Echanger avec lui. Comprendre. Parce qu’il était loin de l’image générale que beaucoup avaient des yokai : il était calme, intelligent, réfléchi et pouvait communiquer. Autant de points qui justifiaient ton envie de le retrouver. S’il était mort, rien de tout ça n’était possible. Ça signifiait aussi que la prêtresse et ses acolytes n’étaient pas à prendre à la légère. Il fallait mieux rester dans leurs bons petits papiers, du moins, pour le moment.

« Raté, mais bien tenté. Je ne suis ni samourai, ni prêtresse, je suis, je suis … »

Imitant le roulement d’un tambour contre ton genou à l’aide de tes doigts, un petit sourire amusé et taquin aux lèvres, tu fis faussement monter le suspens avant de déclarer d’un ton surjoué.

« Et oui je suis une shinobi ! Enfin, pas sûre que ça veuille dire grand-chose au fond … »



Parce que oui, c’est vers ce sujet que se dirigeait votre échange. Elle, déconstruisait l’image autour des religieux, souvent perçus comme des planqués par de nombreux samourai de Seizan. Et souvent, les religieux aimaient, aux côtés de ces sabreurs, décrire les adeptes des arts ninja comme des personnes sans morale ni honneur, dénués d’émotions. Une image que tu brisais avec des petites plaisanteries, en cette fraiche nuit.

« Si je devais m’orner d’une étiquette, ce que je n’apprécie pas réellement, je préférerais utiliser le terme instruite. »

C’était ça, la vraie toi. Cette personne en quête de savoir. De réponse. De vérité. Une soif d’apprendre qui ne prenait jamais fin. Et maintenant, tu voulais savoir à ton tour quelle était la vraie Shizuka, derrière le masque de la caste.

« Et vous ? Il doit bien y avoir plus que le temple dans votre vie. »

Parce qu’on ne se limitait jamais à une chose et ça, qu’on veuille le reconnaître ou non.

Elle était curieuse, cette prêtresse. Oui, les religieux étaient aussi des soldats en Onogoro mais elle ... Tu la trouvais particulièrement sur ses gardes, derrière son sourire et ses paroles avenantes. Le mot piège à peine prononcé, elle avait interprété celui-ci comme l’implication d’autres humains, possiblement ennemis, sans envisager une autre possibilité. Hochant négativement à la question de la demoiselle, tu donnas alors un peu plus de contexte à tes paroles, afin de lui faire comprendre la situation dans laquelle elle était.

« La nature aussi peut-être vicieuse. Derrière un buisson pourrait bien vous attendre une crevasse qui vous mènerait tout droit à une mort certaine. Ces montagnes sont dangereuses quand on ne connaît pas bien le terrain, alors de nuit, le voyage est fortement déconseillé aux voyageurs. J'aimerais éviter de retrouver votre crâne au fond d'un ravin. »

Il n’était pas si rare de découvrir le cadavre d’un imprudent qui s’est écarté du chemin ou qui a osé ne pas prendre en compte ce fameux conseil. La nature était belle. Autant qu’elle était dangereuse et cruelle, à l’image d’une rose aux épines acérées. Mais l’heure n’était pas à la philosophie, alors que votre conversation avait dévié sur bien plus important à tes yeux : ce qui était arrivé à l’Oni. Cet être qui avait marqué un changement si brutal et majeur dans ta vie. Maintenant, il était mort. Cette nouvelle ... Ne t’apporta que déception. Tu aurais aimé apprendre qu’il était en vie. Ça t’aurait laissé une chance de le rencontrer à nouveau et qui sait, peut-être d’ouvrir le dialogue ? Sourcils froncés, lèvres pincées, tu restas silencieuse quelques secondes en acceptant cette nouvelle information dans le grand tableau de tes réflexions ...

« Je vois. Je suis désolée d’apprendre ça ... »

Autant la mort de leur camarade que du yokai. Aussi étrange que cela puisse paraître pour la grande majorité de l’armée, les deux décès avaient un impact fort sur toi. Ces deux vies étaient d’égales valeurs à tes yeux et tu regrettais d’avoir été si faible à l’époque. Si tu avais progressé plus vite, peut-être aurais-tu été capable d’empêcher tout ça. Mais se morfondre sur le passé n’était malheureusement d’aucune aide. Avancer, c’est tout ce qui comptait au final.

« J’aurais préféré que le sang ne coule pas dans toute cette histoire ... »

Une simple pensée, qui passa la barrière de tes lèvres, en révélant d’avantage sur la manière dont tu aimais aborder la vie, quand bien même tu ne voulais pas trop en révéler à la demoiselle que tu venais à peine de rencontrer et dont tu ne savais pas grand-chose au bout du compte. Cet échange, c’était l’occasion pour vous d’eux de vous jauger, à chaque mot, geste, regard et ce, pour vos possibles rencontres à l’avenir. Heureusement, l’ambiance reprit un peu de poil de la bête quand l’intérêt de celle-ci fut titillé par ton statut de kunoichi et ton intérêt clair pour tout ce qui se rapportait à la culture, loin de l’image habituelle qu’on se faisait des Seizanjins.

« Surprise, pas vrai ? Il existe une infinité de personnes en Onogoro. Faites attention, les préjugés pourraient vous coûter beaucoup un jour ~ »

Une simple taquinerie, mêlée au vrai et décoré d’un charmant clin d’œil. Oui, il fallait se méfier des apparences. Présumer, sans données, c’était s’offrir au fléau de l’interprétation. C’était influencer, sans le vouloir, la moindre de ses décisions en prenant en compte l’émotion, ce qui pouvait mener à bien des complexités ...

« Mais je comprends, on s’attends souvent à un sabreur quand on parle de Seizan, pas vrai ? Il faut dire qu’on est vraiment doués pour ça ~ »

Il n’y avait qu’à voir ton équipe ! Tu étais la seule non-sabreuse de votre petit quatuor, et même à travers les rangs de l’armée, tu étais une sorte de mouton à cinq jambes. C’est ce qui faisait de toi une carte maîtresse. Un élément de surprise, prêt à tout chambouler sur la table. La prêtresse, elle aussi, avait ses propres talents ! Herboriste et scientifique dans l’âme, tu découvrais que vous partagiez des pensées similaires sur certains points. Elle et toi étiez capable de percevoir les yokai d’un autre œil que celui de la peur. Remettre en question tout ce qu’on vous a appris de base, et bosser dur pour mieux comprendre semblait être une méthodologie que vous partagiez.

« Croyez-moi, vous êtes bien plus intéressante à mes yeux que ma personne. C’est rare de rencontrer des personnes qui tentent de jeter un regard objectif sur les yokai, surtout chez les religieux. Enfin je suppose que votre affiliation au temple de la lune n’est pas une coïncidence après tout ! »

Le seul dieu qui se reliait aux craintes créatures, pour les juger humblement. C’était une manière de penser intéressante, qui te donnait envie d’aller un peu enquêter de ce côté-là.

« En plus de mener des recherches au bureau d’études des Yokai, j’apprends que vous êtes herboriste. Assez compétente pour avoir votre propre affaire. Si vous pensez encore que ce n’est pas intriguant, alors je ne sais pas ce qu’il vous faut ! »

Déclaras-tu alors en riant légèrement, confortablement installée au bord du feu de camps, laissant la paume de tes mains profiter du crépitement agréable du bois sous les flammes.

« Et je m’en voudrais aussi de parler seulement de moi. Alors pourquoi pas échanger ? Une information en échange d’une autre. »

Et aussi parce que tu n’aimais pas trop révéler l’entièreté de ton jeu. C’était quelque chose de typiquement shinobi ça ! Se méfier de tous, cultiver le secret tout en recherchant la vérité.

« Je commence, bien évidement. »

Un sourire charmant aux lèvres, étirant les doux traits de ton joli visage de porcelaine tandis que tes iris opalescentes s’amusaient à détailler les moindres réactions de la prêtresse. Un regard qui en décontenançait plus d’un, tant il paraissait étrange d’être observé par tant de couleurs à la fois.

« J’aime particulièrement l’histoire et la philosophie. Je trouve que ce sont deux disciplines qu’on ne peut que lier, tant elle s’influence l’une et l’autre. C’est aussi très utile quand on doit prendre une décision difficile ... »

Parce qu’aucun choix n’est parfait, il faut savoir ce que l’on souhaite devenir et faire de son mieux en conséquence. Et tu n’avais pas trop envie de lui parler de stratégie militaire.

« Si le sujet vous intéresse, je vous conseille ‘’ Benkenmitsunikyo-ron’’ par Kashikai Kara. C’est un super ouvrage sur l’importance de l’expérience réelle du monde pour en découvrir la beauté, la subtilité, mais aussi sa part d’ombre et ce, à travers le voyage de l’auteur. Et c’est aussi mon ancêtre qui l’a écrit, il y a de cela deux cents ans. »

Un écrit qui critique la vie isolée de certains temples qui, en se coupant de tout, perde le contact avec tout ce qui les entoure. Une lecture plus qu’intéressante à tes yeux, tant elle a façonné les traditions qui ont baigné toute ton enfance.

« C’est à votre tour. Dans tout vos talents, dans quoi vous spécialisez vous ? »

Et ça, tu avais vraiment envie d’en savoir plus. Les yeux scintillants de curiosité, tu observais la guérisseuse en attente de réponse à tes questions.