Une petite maisonnette, simple, discrète. Du genre à parfaitement se fondre dans le décors. L’architecture à la fois brute et raffinée. Le bois, se mêlant au toit, de tuiles sombres décoré. Du regard, tu suis la courbe écarlate des détails embellissant le porche avant de le déposer sur cette petite pancarte de bois vert, dont les caractères, gracieusement rédigé, indiquait le nom du propriétaire des lieux : Lee Yen.

Le trouver n’avait pas été difficile. Celui considéré comme le bras droit du Seizankage était en un sens un peu comme une célébrité pour tout les experts en arts martiaux et sans doute encore plus auprès de ceux souhaitant devenir des soldats de légende. Un homme droit dans ses bottes, à ce qu’on disait. Pourtant, tes dernières découvertes indiquaient une vérité bien plus nuancée. Peignaient le portrait d’un homme qui, pour le bien commun, avait peut-être participer à de plus complexes manigances.

Des questions, tu voudrais lui en poser des tonnes. Beaucoup trop sans doute. Pour mieux comprendre. Éclairer un peu ton esprit, montant diverses théories avec le peu d’informations que tu possédais. Sur l’ancien et l’actuel Seizankage qui, au fond, ne semblait pas réellement exister sur le papier. Un fait qui posait alors une réelle et surtout, terriblement importante question : Qui était à la tête du village ? Qui était cet homme qui se faisait connaître sous le nom d’Udezuku Heizen ? Tu voulais croire. Croire au fait que cet homme n’était pas mauvais. Que derrière tout ça, une histoire complexe se trouvait. Une histoire qui éclaircirait les conditions de la mort de l’ancien chef de Seizan au profit de l’actuel. Parce sa mort n’a pas été une perte pour le village alors, tu ne peux que penser que cela a été fait dans le but d’arrêter sa folie destructrice. Celle-ci même qui a emporté ton oncle, ton grand-père et bien d’autres.

Mais tes questions, tu vas devoir les maquiller. Doucement, tâtonner. Chercher à en apprendre plus sur Heizen, sans attirer trop l’attention. Du moins, le temps d’y voir plus clair. De savoir sur quel pied danser dans un monde où le moindre faux pas pourrait entraîner d’horribles conséquences, sur toi, mais pas seulement. Des risques, tu en prends, régulièrement et tu sais. Tu sais qu’à chacune de ses décisions, tu n’es pas la seule à mettre quelque chose sur la ligne. Avec toi, tu entraines ta famille. Sa réputation. Son avenir. Et bon sang, qu’est-ce que ça fout la pression quand même.

Mais tu dois savoir. Te battre au nom de la vérité. Parce que c'est ce qui te pousse à avancer, un plus plus chaque jour.

Enfin, ton poing tape contre la porte. Tes phalanges résonnent contre le bois, indiquant ta présence à quiconque se trouverait à l’intérieur, Lee Yen, ou autre. Une mélodie sourde suivie de ta voix, calme, détendue, bien plus que ton esprit. Un sourire aux lèvres. Le regard alerte, curieux, avec une pointe de fausse innocence.

« Lee-sama, est-ce que vous êtes là ? Je suis Kara Saki, du clan Kara. Excusez-moi de vous déranger mais j’aimerais vous poser quelques questions pour l’écriture d’un livre sur l’histoire du village. »

Un Kara qui écrit un livre, c’était la meilleure excuse pour poser des questions. Combien des tiens, dénués de Chakra, étaient devenus des érudits, laissant derrière eux de précieux ouvrages remplissant aujourd’hui ta bibliothèque ? Beaucoup. Trop pour les compter. Assez pour que tu sois crédible. Qu’on t’ouvre la porte, sans trop de méfiance.

Tu les sens résonner sous tes pieds, ces pas lourds qui font trembler le sol, annonçant l’arrivée d’une personne. Qui ? Lee Yen ? Peut-être. Sa carrure, typique de Seizan, colle à la lourdeur des vibrations qui secouent le porche, à un rythme régulier. Quelques secondes s'écoulent. Les pas se rapprochent et finalement, la porte de bois s'ouvre, dévoilant une personne dont l'identité ne t'es pas totalement inconnue, bien qu'il ne soit pas celui que tu étais venue voir. Il fallait bien avouer qu’il te tenait à cœur de toujours te tenir au courant des personnes les plus importantes et prometteuses du village. Alors, l’élève du bras droit du Seizankage avait au moins de quoi faire apparaître son nom sur ta petite liste.

En tête à tête avec son torse dénudé, couvert de cicatrice et de sueur, il te fallut relever le menton pour croiser son regard, posé sur toi. Un petit silence, alors que vous vous observiez l'un l'autre, sans un mot ni même un geste. Et c'est lui qui s'exprima en premier, après ces quelques secondes presque figées dans le temps. Une voix calme, des paroles polies et une invitation à entrer que tu ne refuses bien évidemment pas. Hochant la tête en réponse, tu lui emboitas le pas sans hésitation aucune, remontant alors le long d’un couloir puis d’une grande pièce digne d’un salon. Tu y découvris alors ce grand jardin, au sol abimé, presque creusé à divers endroit. Les éclats de roche, les marques de pas, les fissurent. Comme un champ de bataille entre quatre jolis murs. Un lieu témoin d’une force non-négligeable, qui expliquait sans doute la raison pour laquelle la demeure de Lee Yen était en retrait des autres.

Et il était là, ce fameux Lee Yen. Sa silhouette sombre. Les deux éclats de rubis te fixant. Cette force, brute, pure, qui se répand tout autour et affaiblis tes jambes sans que tu puisses y faire quoi que ce soit. Ton visage reste de marbre, oui, mais tu te dois de ne plus avancer, au risque de t’écrouler. Il est monstrueusement puissant. Le doute n’a pas la moindre place. Lui faire face, c’est comme être la proie d’un monstre face auquel on est totalement impuissant. Comme une main glacée qui sert ta gorge et s’amuse à te rappeler que d’une seconde à l’autre, tout peur s’arrêter pour toi. Fin de la partie.

Et puis plus rien. Un gros soulagement qui t’envahit alors que tu sens de nouveau l’air emplir tes poumons librement pour ensuite laisser un long soupire de soulagement passer entre tes lèvres, discrètement.

Bon sang, cet homme était une véritable force de la nature.

De tes iris colorées, tu détaillais avec attention son corps, sculpté par des milliers d’heures d’entrainement et de combat. Les cicatrices, roulant sur ses muscles, racontaient une histoire dure, comme tout Shinobi. Un corps taillé par la roche de Seizan et la dureté de ce monde où l’on voit ce que l’on aime mourir. Où l’entrainement devient le seul facteur qui peut nous sauver de la mort, cruelle et froide. Impartiale.

Sa voix résonne. Grave, ferme, sans être menaçante. Elle te rappelle un peu celle du Seizankage. Et dans un sens, ça te rassure. Surtout après cette démonstration de force. Sans te faire prier, tu prends place élégamment sur le siège qui t’es proposé, hochant la tête pour te présenter au maitre Taijutsu.

« Merci de me recevoir. Je suis Kara Saki, Jonin de Seizan et cheffe du clan Kara. »

Ton statut militaire valait plus que tes origines, mais s’il te demandait ton identité, tu ne voulais pas en cacher des aspects, au risque que cela ne te revienne en pleine tête plus tard, à la manière d’un boomerang.

« Je fais des recherches sur l’histoire du village pour mon clan. Je cherche actuellement à dresser un portrait le plus juste possible du Seizankage ... Vous êtes son bras droit et avez fait partie de la même équipe, c’est ça ? Seriez-vous d’accord pour m’en parler ? »

Pourquoi t’aiderait-il hein ? Il ne te devait rien, et n’avait sans doute rien à y gagner. Heureusement, tu avais un argument à apporter. Un sourire paisible sur les lèvres, le regard planté dans celui de ton interlocuteur, comme si de rien n'était, tu ajoutas.


« Je voudrais que les générations futures puissent voir à quel point Udezuku Heizen a apporté au village et qu’elles puissent prendre exemple sur son histoire. »

Motiver les futures troupes et surtout, donner le bon exemple, était toujours une préoccupation, qu’importe l’endroit et l’époque. Tu espérais juste que cela motive l’homme à te donner quelques réponses et qui sait, quelques importantes informations.

L’homme était impressionnant. Ce calme caractéristique d’un homme ayant une expérience l’ayant forgé, durement, brutalement. Son regard, ferme, plongé dans le tien et ce petit sourire détendu. Il savait. Et il faisait comme s’il ne savait pas pourtant, te posant des questions, plein de curiosité, sans même t’y laisser répondre. Non, ce qu’il voulait, c’est savoir comment toi, tu réagirais à ses questions. La réponse ? Tu ne semblas pas te sentir menacée. Le visage calme, ton sourire ornant tes lèvres, comme si rien ne pouvait t‘atteindre. Au fond ? Ouh, des questions par milliers. Comment t’avait-il repéré en une seule seconde ? Tes propos étaient logiques, sans réels danger. Et pourtant, il t’a choppé la main dans le sac. Il n’est pas en colère. Juste curieux. Pense-t-il que tu l’as sous-estimé ? C’est le contraire. Tu savais à quel genre d’homme tu avais à faire. Mais tes coups étaient limités pour te renseigner.

Il le savait, ça aussi. Toute la confiance que le Seizankage avait placé en toi te donnait aussi plus de visibilité et ton surnom trahissait là où tu te débrouillais si bien : la recherche. Fouiner là où les gens oublie toujours de fouiner. Tout remettre en question, même si la réponse ne peut ne pas te plaire. Parce que c’est ça au fond, la quête de vérité. La réalité n’était jamais noire ou blanche. Non, elle était tout en nuance. Pleines de couleurs. Dans ta quête, tu ne recevrais pas d’aide. Et ça, c’est ce qui t’avait poussé à en arriver à ce petit stratagème. À user de ce sourire paisible et innocent, avec cette pointe de curiosité, qui fait baisser la garde à tant de personnes. Ton jeune âge a toujours joué en ta faveur. Sous-estimée, c’était parfois plus facile de soutirer sans en avoir l’air quelques informations précieuses. Pour gérer une équipe plus âgée par contre ... C’était toujours plus compliqué. Encore une fois, ni bien, ni mal, juste des nuances. Mais sur Lee Yen, ça ne prenait pas. Il était trop malin, trop expérimenté pour se laisser avoir comme ça, et sa confiance dans les choix de son Kage renforçait cette capacité à ne pas se laisser avoir par ce joli minois qu’était le tien.

Un fait qui te fit rire, doucement, alors que tu ne détournais pas le regard de celui de ton supérieur. Tu n'étais pas intimidée dans cet échange. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas d’envie de tuer de la part de l’homme. Non. Il était amusé. Curieux. C’est tout. S’il avait voulu t’éliminer, tu serais déjà en miette, comme la roche au milieu de son jardin.

« Vous conviendrez que le plan n’était pas une si mauvaise idée, n’est-ce pas ? »

Jouer de ta position dans un clan d’érudits pour justifier tes recherches poussées, c’était un bon mouvement sur le plateau de shogi de ta vie. Pour lui, c’était de la fourberie. Et dans un sens, ce n’était pas totalement faux. Mais parfois, il fallait agir ainsi. Parce que la force brute et la franchise pouvait signer un arrêt de mort en terrain inconnu. Tu admirais le Seizankage pour son honnêteté. Ses valeurs. Et tu savais aussi qu’il ne vous disait pas tout. Pour le village, sans doute, mais ses secrets ne faisaient pas de lui quelqu’un de fourbe. Le bras droit du géant te posa néanmoins une question : Dans quel camps étais tu ?



Une question qui te fit sourire, doucement, le regard légèrement amusé. Parce que ça, c’était une question où tu n’avais aucun doute. C’était sans doute l’un des rares éléments de ta vie que tu considérais comme certain. Un sentiment agréable d’appartenance. Une envie de protéger cet endroit qui t’avais vu grandir. Ces paysages que tu avais exploré maintes fois avec ton père. Avec ta mère. Tu étais une Seizanjin, jusqu'aux bouts des ongles.


« Je vous sous-estimerais encore si je répondais à cette question. Vous savez très bien dans quel camps je suis et pourquoi j’ai agi comme ça. »

Tu étais prête à mourir pour le village. C’était clair. Même aujourd’hui, tu avais pris ce risque pour lui. Tu aurais pu être éliminée. Rétrogradée. Tout ça pour avoir osé enquêter sur le kage. C’était un pari que tu avais pris et finalement, tu t’en sortais bien, avec une dernière déclaration de Lee Yen : Heizen était quelqu’un de bien. Sans un mot, tu te levas, saluant poliment l’homme d’un geste de tête avant de te diriger vers la sortie. Un, deux, trois pas, et tu te stoppas pour te retourner une dernière fois.

« Je sais. Mais ... Mon père disait que la vraie sagesse était de savoir remettre en question ses propres certitudes. Ce sont les valeurs qui m’ont été enseigné et je les suis fidèlement. Parce que je suis Shikisha, Jonin de Seizan, fille de Tatsuo et Nanaka Kara, cheffe du clan Kara et que j’aime ce village comme s’il s’agissait de ma propre famille.»

Reprenant ta route d’un pas calme, tu disparus, ne laissant derrière toi que l’image de ta silhouette s’éloignant. Tu ... étais bien la fille de Tatsuo Kara. Parfois, c’était comme voir revenir d’entre les morts le dragon du clan Kara. Les mêmes traits. Les mimiques. Cette étincelle dans ces iris colorées si perturbantes.



Tu étais la fière fille de ton père, il n’y avait pas de doute. Et tu avais une mission à continuer. Une mission qui t’emmènerait tout en haut du mont Atlas pour une rencontre au sommet.