Another Path

Winter Soldier

La sérénité du Temple de la Lune dissimulait en ce jour une fébrilité inhabituelle, issue de l’intérêt particulier de l’un de ses plus récents fidèles envers, ce qu’il espérait être le salut du monstre qu’il appelait ennui. Le monastère accueillait en ce jour une nouvelle recrue en son sein et le plus jeune de ses prêtres avait été dépêché pour préparer son accueil, à son plus grand plaisir.

Le jeune Fumeiryu Hikari avait rejoint les rangs de Toge un peu plus d’une année auparavant, comme on aurait pu s’y attendre. Né avec la bénédiction de la lune inscrite à même son corps, il avait été rapidement associé aux  secrets de la nuit et de son guide argent en raison des tons monochromes de son physique. Le Temple de Tsukuyomi avait ainsi paru une évidence à ses maîtres du Haut Temple et au principal intéressé pour poursuivre sa profession ecclésiastique. Toutefois, jamais ce dernier n’aurait cru que la vie de prêtre pouvait être aussi paisible (pour ne pas dire ennuyante).

Habitué aux escapades mystiques de son apprentissage, Hikari n’avait jamais réellement imaginer en quoi consistait réellement le quotidien de sa profession. Et quelle ne fut pas sa surprise quand on lui demanda de demeurer dans le salle de prière principale, en attente de quelques ouailles perdues venues quêter la sagesse de l’ordre religieux dont il incarnait désormais la figure. Certes, il aimait à faire de nouvelles rencontres, à décortiquer les vécus, pour déceler les beautés et les malheurs de l’humanité, mais après plus d’un an à supporter les âmes en peine venues converser avec leurs ancêtres, l’Apôtre des Opposés avait hâte de trouver un nouveau sujet d’intérêt.

Alors, quand on lui avait annoncé qu’une nouvelle prêtresse se joignait au Temple de la Lune, le bonheur du Moine-Guerrier fut double. Il gagnait ainsi une compagne pour le désennuyer lors des longues journées à entretenir le monastère perdu dans la forêt dense de Toge. Et, plus important encore toutefois, il ne serait plus le cadet du Temple et donc il aurait (l’espérait-il) plus de liberté.  

Désigné comme hôte et guide de la nouvelle prêtresse, on l’avait avisé qu’il devrait faire preuve d’un décorum et d’un accueil irréprochable à son égard. Intrigué par cet intérêt particulier pour une aussi jeune recrue, le jeune Moine avait questionné ses mentors qui lui avait appris qu’elle était fille et héritière d’un clan noble de Toge. Un sujet d’intrigue et de questionnement pour celui issu des quartier populaires du village des épines.

Dès l’aube, impatient et excité par l’idée de rencontrer celle qui avait renié son héritage pour la piété du Temple, Hikari s’était installé dans le petit salon du Temple, destiné aux initiés uniquement et où Sugimoto Yuriko avait été convoquée. Assis noblement sur un tatami disposé aux côtés de l’effigie du dieu lunaire, Hikari attendait noblement dans une posture méditative la venue de la louve de Toge, simplement habillé d’un kimono de la couleur de la nuit mais finement paré de fils d’argent pour rappeler la lumière céleste.

La composure dont il avait été capable de faire preuve s’évanouit cependant instantanément lorsque les portes s’ouvrirent pour révéler l’Héritière. Les deux bras en l’air dans un mouvement gracieusement comique, les manches de son ample kimono révélant la blancheur de ses membres filiformes, un grand sourire d’une chaleur glaciale perchée sur les lèvres, le Moine du Clair-Obscur accueillit Yuriko d’une grande exclamation soulignée par l’explosion d’un tube de confettis.



L’accueil aux tons grotesques combiné à la grâce altière du spectre de lune laissait planer une étrange confusion, un sentiment incongru de contraste dont il revenait à la noble venue d’identifier. Le Moine déjà debout, il l’accueillait désormais de ce sourire aux yeux plissés, trop perceptible pour être faux, mais trop accentué pour être vrai. Au moins, pouvait-elle être certaine qu’il était excité par son arrivée.



Les introductions faites, le démon de la lune la guida d’un geste de la main pour qu’elle s’installe sur l’un des tatami avant de s’assoir à ses côtés pour engager la conversation. Une invitation difficilement refusable à ce stade-ci.



Visiblement, le Moine n’était pas gêné par cette question d’autant plus personnelle, pas plus qu’il ne cherchait véritablement son pardon, mais au moins était-il rafraichissant d’être en présence d’une personne à la curiosité affirmée.

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Étranger aux normes et appréhensions sociales, Hikari ne souligna pas, ou ne s’intéressa pas, à la stupéfaction de sa comparse ou le contraste entre sa révérence courtoise vis-à-vis du spectacle auquel il s’était adonné pour l’accueillir. Les deux Moines contrastaient en tout et pour tout. Le premier sculpté des éclats du clair de lune et la seconde couronnée d’un pan de la nuit, leur physique opposés mais complémentaires offerts à titre d’offrande à la divinité lunaire.

Le sol de la salle de prière désormais souillée par quelques poussières multicolores, le Moine siégeait avec prestance aux côtés de l’effigie lunaire comme si rien n’avait pu perturber la quiétude du Temple de Tsukyiomi, rapidement accompagné par la nouvelle prêtresse se prêtant également au jeu d’un calme serein et tempéré.

L’un comme l’autre étaient empreints d’une stature référenciée et leurs mouvements exultaient une grâce cérémonielle souvent associée à leur ordre. Pourtant, il demeurait une différence notable accentuée par le contraste de leur apparence. L’héritière du clan Suigimoto faisait montre d’une grâce aux accents tirés de la noblesse étrangère à la grâce légère de son comparse, flottant sur le monde comme un spectre friand d’y toucher.



L’intérêt piqué au vif, le regard d’un bleu spectral se fit plus perçant et le haut de son corps s’avança de manière imperceptible, visiblement intéressé. Le spectre de la lune avait toujours respecté les préceptes de sa religion, plus par nonchalance que par conformisme, mais il avait toujours eu peu d’attachement pour de telles valeurs absolues et s’intéressait à leur rejection.

L’Apôtre du Vide était allé jusqu’à ignorer les commentaires plus fervents de la Prêtresse sur sa piété et sa pratique religieuse, pourtant souvent le sujet de prédilection des prêtres pour culpabiliser leurs fidèles. Au contraire, lorsque l’ex-shinobi s’excusa du faible nombre de ses visites en ces lieux, son senior soupira de manière marquée en roulant des yeux avec un certain comique.



Hikari avait communiqué son soulagement d’un ton exalté alors que son corps se détendait à la seule perspective de voir ses tâches moniales allégées. À se demander si ce jeune Moine accueillait véritablement une condisciple, un autre esprit fervent au service de la lune, ou la voyait plutôt comme une porte de sortie pour se défaire du fardeau de la prêtrise…

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Peu enclin à se soucier des sentiments d’autrui et des siens, l’Apôtre céleste ne remarqua en rien l’inconfort suscité par ses questions. Au contraire, il demeurait attentif, captivé, par les paroles de l’ex-shinobi. Visiblement demeuré sur sa faim, Hikari laissait s’écouler le silence inconfortable entre eux, sans en réaliser la lourdeur, dans l’attente simplement de propos plus détaillés.

L’esprit peu rassasié, il s’apprêtait à surenchérir, mais se fit discipline pour calmer sa curiosité désoeuvrée. Le Haut Prêtre du Temple de la Lune l’avait mis en garde contre ses questions qu’il trouvait trop intrusives, soulignant que la nouvelle venue venait trouver une autre vie et non se complaire dans le passé.

“Ne soyez pas aussi humble. Votre entrée au service de Tsukuyomi est un en soi un acte de dévouement envers autrui.” déclara-t-il d’un ton un peu plus solennel.

Le visage impassible, toujours un sourire incompris sur le visage, il se plaisait à déclarer quelques banalités issues des sagesses conférées par les enseignements reçus au Haut Temple de la Création. Ses professeurs n’avaient jamais su s’ils s’appropriaient leurs enseignements ou s’ils s’en moquaient de quelques imitations. L’important était toutefois qu’il continuait à prêcher la bonne parole, aussi sincère puisse-t-elle être. Le plus souvent, il s’agissait plutôt pour Hikari d’un moyen de se sortir de quelques situations délicates.

“Laissons-les donc venir en temps et lieu, en attendant nous pourrons ainsi mieux faire connaissance.” répondit le prêtre à l’aspect lunaire.

Les questions plus intéressantes pouvaient attendre quelque temps après tout. Ils seraient condisciples certainement pour des années, alors il lui serait loisible de creuser d’avantage le passé de la ténébreuse. Pour l’instant, le principal était de s’assurer d’accueillir la belle de sorte à ce qu’elle partage son ennui et, espérait-il, son désennui finalement.



À ne pas y manquer, celle-ci semblait déjà disposée à l’aider dans ces tâches, à son plus grand soulagement.

Visiblement ravi de la réponse, la figure lunaire se leva avec grâce pour s’approcher de l’ancienne shinobi et passer sous son bras son propre bras dans un signe de camaraderie, un sourire complaisant sur le visage.

“Ohh, mais ne vous inquiétez pas, je ne compte pas décharger tout mon fardeau sur le vôtre. Je suis simplement heureux de pouvoir le partager plutôt que de l’affronter en solitaire.” menti-t-il de bonne foi.

Bras dessus, bras dessous, le Moine du Clair-Obscur pointa de son autre main dans la direction d’une porte coulissante à l’opposé de la pièce avant de l’enjoindre à l’accompagner dans cette direction.

“Continuous notre conversation en direction des jardins. Mine de rien, je dois tout de même vous faire visiter votre nouveau foyer.”

Malheureusement pour Yuriko venue chercher la tranquilité dans ce lieu de piété, elle ne pourrait certainement pas se défaire de la présence de son hôte de la journée. Et, visiblement, pas plus lors des prochaines années. Ils étaient condamnés dans leur caractère opposé à continuer cette danse tout juste amorcée dans l’espoir d’y trouver une chorégraphie harmonieuse.

“Je dois vous avouer Yuriko-chan que je suis à peine votre aîné dans ce Temple. Je ne suis arrivé qu’il y a quelques mois, directement du Haut Temple de la Création. Je suis toutefois originaire de la région, alors n’hésitez pas si vous désirez connaître les meilleurs endroits pour aller prendre un verre ou un mochi.”

Leur danse continuait alors qu’ils dépassaient la salle de prière, laissée dans un état qui ferait sûrement sourciller les plus vieux prêtres du Temple, pour traverser la porte coulissante donnant sur le jardin intérieur. L’éphèbe offrant une information sur lui en échange de quelques détails sur la vie de la nouvelle venue, par échanges de bons procédés.