Dans le court laps de temps durant lequel lequel tu étais partie, rien n’avait bien changé dans le quartier habituellement dédié aux soldats. Le bruit, les voix qui s’entrechoquent, les pas soulevant la poussière, le tintements des biens, observés par les curieux, et cette foule presque étouffante qui remplissaient les rues. Un capharnaüm qui, habituellement, t’aurais immédiatement fait regretter le calme des montagnes bleues et son air frais que tu aimais tant. Mais aujourd’hui, cela représentait une véritable opportunité pour toi. En effet, clé en poche et la curiosité animant le moindre de tes gestes, tu t’étais approchée du principal chapiteau à l’intérieur duquel les gardes en charge des festivités prenaient un peu de repos, du moins, essayaient. Les esprits fatigués et embrumés, après des heures de travail au milieu du brouhaha, les pauvres malheureux semblaient faire de leurs mieux pour enterrer leurs visages dans les coussins à leur disposition et étouffer le bruit extérieur. À tel point que cela fut un jeu d’enfant de te faufiler dans l’endroit, comme si de rien n’était, d’une démarche calme et assurée, mais surtout, ton bandeau dissimulée dans tes vêtements.

Et tu savais Saki. Tu savais à quel point te laisser ainsi guider par cette dévorante envie de voir ce qu’il se passerait était une mauvaise idée. Et pourtant, malgré tout, tu as continué. D’un pas calme, se voulant le plus naturel et léger possible, tu avais rejoins le casier numéro onze et dans la serrure de celui-ci, glisser le clé.

Clic.

Un doux son à tes oreilles, alors que la petite porte s’ouvrait, te dévoilant son contenu. Du tissus, à la teinte terne et à la forme protocolaire. Une uniforme, semblable à ceux que tu avais vu sur le dos de chaque garde en service pour les festivités. La suite te vint presque naturellement, au point où ta capacité à simplement te laisser porter par ton instinct en était effrayante. Là où beaucoup auraient hésité, tu te dirigeas simplement dans la petite cabine adjacente pour enfiler le bleu de travail. Les cordages écarlates et même ton maquillage disparurent pour laisser place à un garde respectable, du moins, en apparence, te décidant même à relâcher ta longue chevelure de sa tresse pour éviter d’être trop aisément reconnue. Enfin libérée, la masse blanche était alors retombée le long de ton dos jusqu’à finir par flirter avec la courbe de tes cuisses, quelques mèches venant alors barrer ton regard.

Mais tout ces efforts ne pouvaient pas régler le problème principal de cette galère dans laquelle tu t’étais fourrée, sans même hésiter : Tu ne connaissais pas ton rôle. Oui, en restant parmi les gardes, laissant tes oreilles trainer ici et là, tu avais été capable de te faire une idée de l’organisation. Et chaque soldat avait une tâche. Une tâche dont tu ignorais la nature, pour toi, garde au casier numéro 11. Tu avais beau eu fouiller le casier, à plusieurs reprises, pas un seul document présent pour t’offrir une quelconque information.

Le pas calme, le dos bien droit, tu étais finalement sortie de ta cachette, comme si de rien n’était, l’œil vive et l’ouie affutée, à la recherche d’un quelconque indice qui te permettrait de prendre possessions de ce rôle impromptu, qui t’étais presque tombé dessus. Une recherche de courte durée, quand au loin, tu entendis un geignement, couplé de pleurs maladroits et plaintif.


« Bingo »

Pensas-tu, un instant, avant de te diriger en direction de la source de ce bruit.

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Les geignements étouffés, dont les échos avaient titillé ton oreille, te firent tourner en rond quelques petites minutes à travers les ruelles de quartiers militaires, encore bondés. Il t’avait fallu t’arrêter quelques secondes pour trouver ton chemin à travers l’endroit dont tu ne connaissais que peu de chose. Et finalement, tu l’avais trouvé. Roulé en boule, le malheureux garde que tu avais reconnu de par son uniforme s’appuyait d’une main contre le mur pour recracher le contenu de son estomac entre bile et restes alimentaires. Sa trachée laissa échapper une mélodie peu ragoutante et, à quelques mètres de lui, tu l’entendis marmonner en boucle, les jambes tremblantes et le teint aussi pâle que la neige de Seizan.

« Je veux pas y aller, je veux pas y aller, je veux pas ... »

Absorbé par l’image d’un lieu qui semblait le terroriser au point d’en vomir ses tripes, il ne te vit pas arriver et, lorsque tu glissas une main amicale dans son tos, tapotant doucement celui-ci de ta paume, il sursauta. Trop affaibli, il tenta de te regarder mais, entre son regard embrumé de larmes et les mèches qui dissimulaient ton regard, il en fut incapable, reconcentrant bien rapidement son attention sur le sol sous ses pieds, relâchant une nouvelle gerbe de son content stomacale.

« Et bien mon pote, t’as avalé quelque chose de pas frais ? Tu es capable d’aller bosser ? »

Il lui fallut un moment pour que son corps arrêter de rejeter son repas. Fatigué et nerveux, il prit une seconde pour reprendre son souffle, essuyant son front du revers de la main et, le cœur presque sorti avec le reste, décida de se confier sur son problème et la source de cette angoisse qui le dévorait alors que tu continuais gentiment à lui frotter le dos pour alléger au mieux sa nausée.

« La tâche que j’ai reçue ... J’peux pas ! C’est trop pour moi ! J’avais pourtant dit que je voulais pas de grandes responsabilités ... »

Une tâche à responsabilité ? Tiens, c’était le genre de truc qui t’allait bien et y laisser aller le pauvre homme était hors de question, vu l’état dans lequel cette simple idée l’avait plongé. De ta poche, tu sortis un mouchoir, lui prêtant pour le laisser essuyer la salive aux coins de ses lèvres gercées par l’angoisse, profitant de son état pour en savoir un peu plus sur toute cette histoire.

« Ils t’ont confié quoi pour te mettre dans un tel état mon pauvre ? Me dit pas que t’es en charge des cabinets ... »

fatigué, mais amusé, il échappa un petit rire en te rendant ton tissus que tu décidas tout de même de ranger dans ta poche et ce, malgré la salive présente sur celui-ci, préférant ne lui laisser aucun élément permettant de remonter ta piste. Il valait mieux être prudent.

« J’aurais préféré ... ! Je dois monter la garde à la porte de la réunion des Kage ... T’imagines l’angoisse ? »

« Je la vois plutôt »

Ton rire se joigna au sien alors que tu l’aidais à se redresser totalement. C’était une opportunité. Mais était-ce la bonne décision ? Allais-tu vraiment le faire ? Tu jetas un coup d’œil à ta tenue, un instant, et poussa un soupire. De toutes manières, tu étais déjà dans de beaux draps et, au fond de toi, une petite voix te murmurait qu’il fallait que tu tentes le coup. Qu’il s’agissait là d’une occasion unique, historique, que tu ne pouvais pas manquer.

« Si tu veux, on peut échanger nos rôles ? Y’a pas de stress à avoir, j’avais une petite tâche de rien du tout. J’ai perdu le papier mais c’était de la logistique au chapiteau. J’encaisse bien le stress, et il me suffit de rester sage et silencieuse, pas vrai ? »

Il hésita, une seconde, et une nouvelle envie de vomir le secoua du fond de son pauvre estomac. Il n’en fallut pas plus pour le convaincre. C’était comme si tout cela te tombait tout cuit dans le bec. À croire que le destin était de ton côté. Du moins, tant que tu ne te faisais pas repérer. Sinon, tu aurais de sacrés ennuis ...

« Ok, ok, je te laisse t’en charger ! C’est quoi ton nom copine ? »

Un petit sourire aux lèvres, dissimulée derrière ta chevelure sélénite, tu prononças calmement, comme si de rien n’était.

« Dazai. Mais on se recroisera plus tard, ok ? On a du boulot »

Il hocha la tête, vivement, une main venant se plaquer contre sa bouche tandis que l’autre écrasa le papier désignant ton nouveau rôle dans ta paume. Et ni une, ni deux, il courut, la queue entre les jambes, bien soulagé d’avoir refourgué son travail à une autre. Le papier en main, y jetant un coup d’œil, tu murmuras pour toi-même d’un ton dubitatif, le regard dans le vide.


« Leur sécurité est vraiment aussi légère que ça ... ? »

Mais tu n’avais pas le temps d’y réfléchir Saki. Le temps passait et tu ne voulais pas te faire remarquer avec un retard. Ce n’était pas ton genre en temps normal, et ça l’était encore moins dans de telles circonstances. Tu espérais juste qu’on ne te reconnaîtrait pas, ou plutôt, que le Seizankage et ton partenaire se décideraient à ne pas souligner ta présence.

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