L’écho des psaumes, porté par la brise jusqu’à ton oreille. L’air marin, portant les notes salées de cette mer qui s’offre au regard. Les flots aigue-marine et l’écume perle s’écrasant contre la plage dans une apaisante mélodie, en contraste avec l’ambiance qui s’était emparée du temple de l’eau. Angoisse, peur, et panique se mêle au parfum marin qui caractérise l’endroit. La menace d’un dieu en colère, peu satisfait des fidèles, ébranlait le cœur des plus pieux et terrorisait les plus jeunes prêtres, encore en formation. Disparitions étranges de moines et d’offrandes n’étaient pas des évènements anodins dans la maison du dieu de Susanoo, et sa rage faisait trembler encore plus. C’était pour cette raison que l’on t’avait fait descendre de la montagne pour venir ici et enquêter. Pour calmer les peurs, retrouver les moins, et surtout, rassurer les religieux en trouvant la véritable explication derrière tout ça. Un choix justifié. Tu étais celle qui aimait la logique. Décortiquer des problèmes et des énigmes jusqu’à trouver la vérité. Une curiosité que certains percevaient comme une menace, mais qu’un leader éclairé savait reconnaître comme un bon outil.

La route jusqu’au temple avait été rapide, sur le dos d’un des fiers destriers du clan Tenma, et ton arrivée avait été accueillie comme celle d’un grand sauveur aux pouvoirs magiques. Comme si ta simple présence allait régler tout les soucis, en à peine quelques secondes. Quelle erreur de la part du vieil homme qui avait été chargé de te faire visiter les lieux dès ton arrivée. Alors qu’il te faisait admirer la beauté du petit sanctuaire, il commença à te noyer sous un flot continu d’attentes plus irréalisables les unes que les autres, et surtout, bien trop basée sur la religion.


« Vous avez fait vite jeune fille, c’est bien ça ! Très bien ! Les dieux sont de nos côtés ! Vous savez, je leur avons dit à mainte reprise qu’un aussi petit sanctuaire ne ferait qu’attirer la colère de Susanoo, mais il n’écoute pas de vieux singes comme moi ! Et regardez ce qui arrive maintenant : nos moines et nos offrandes disparaissent. Heureusement, vous allez tout régler, et vous pourrez demander un plus grand sanctuaire, pas vrai mon enfant ? Pour calmer la rage divine ! »

Des paroles qui s’enchaînent vite. Trop vite pour que tu puisses l’arrêter en chemin. Ironique, alors que le vieil homme traine difficilement sa carcasse à travers le petit endroit. Et dire qu’il voudrait plus grand ... Heureusement, alors que vous arriviez au niveau de petit bâtiment servant de dortoir aux adeptes, il dû s’arrêter de parler, quelques secondes, pour ouvrir la porte. Un instant de répit que tu attrapas au vol, à la manière d’un vautour fondant sur sa proie, de peur de la voir s’échapper.

« Je suis très reconnaissante que vous me placer en si haute estime Ganko-san, mais je suis ici pour mener une enquête et jusqu’à preuve du contraire, ces actes ne sont pas d’origines divines. Je n’ai aucun pouvoir me permettant de vous faire obtenir un plus grand espace. »

Lançant un regard derrière toi, vers ce paysage à couper le souffle qu’on observait tout autour du sanctuaire aquatique, un léger sourire aux lèvres, avant d’ajouter afin d’apaiser la possible réaction de l’ancien.

« Et puis, à quoi bon avoir un immense temple quand vous avez la possibilité d’observer la beauté des créations de Susanoo tout autour de vous ? »

Tu n'avais jamais compris ce besoin viscéral d’avoir de grands temples pompeux pour honorer une divinité qui, par définition, se trouverait en toute chose qu’elle a créé. Pourquoi ne pas honorer la beauté sauvage et brute de cette nature qui s’offrait à eux chaque jour et préférer un endroit en partie fermé et étouffant ? Peut-être que certains te percevaient comme étrange de penser ainsi, mais, en échange, tu percevais les religieux comme des personnes entêtées, avec une tendance à vouloir écraser toute pensée ne serait-ce qu’un peu différente pour continuer de posséder la religion à leur manière. Mais ça, tu ne pouvais pas lui balancer en pleine tronche. Encore moins vu le regard peu convaincu, presque vexé, qu’il te lançait alors même qu’il se décalait pour te laisser entrer le dortoir où quelques moins prenaient leurs pauses. La moue dubitative, ses sourcils effeuillés froncés, il t’observa, une seconde, avant de répondre.

« On avait pourtant demandé l’intervention d’un pieux soldat ... Enfin bon, vous êtes là maintenant. »

Calmer la hâte d’un vieux moine : fait. Un nouveau talent qu’on pouvait ajouter à ta liste et qui prouvait, encore une fois, que ta vision du clergé et de ses membres les plus actifs n’était pas totalement fausse. Je dis ça, je ne dis rien. Mais malgré son insatisfaction, il devait faire avec toi. Il n’était pas difficile de deviner la réaction du Seizankage qui les moines venaient geindre de l’aide qui leur était envoyée, tout ça pour un simple refus de léchage de botte : pas très bonne. Et le religieux n'avait clairement pas envie de finir dans les mauvais dossiers du géant des montagnes.

« Vous pouvez commencer par parler aux moins qui ont prit leurs pauses, puis vous pourrez vous déplacer dans le sanctuaire. Je vous demanderais simplement de ne pas perturber les activités de notre humble travail. »

Un poli hochement de tête, alors que sur le décors, tes iris se baladaient avec curiosité. L’endroit est modeste, à l’image de leurs professions. Les religieux, de tout âge, échangent discrètement, te lancent quelques regards entre curiosité et inquiétude. D’autre, plus calme, lisent dans leurs coins, sans un bruit, comme coupés du monde. De possibles témoins, dont les paroles seraient précieuses pour faire la lumière derrière ces étranges disparitions. D’un pas calme, tu délaissas alors ton guide pour te mettre au travail, s’avançant vers un premier moine, avec toutes tes questions, et un petit carnet en main.


Les crânes chauves avaient défilé, comme des œufs dans un poulailler. Des récits, tu en avais entendu. Beaucoup tournaient autour de leurs peurs d’être rejetés par le dieu auquel ils avaient dédié leurs vies. Une peur légitime, certes, mais qui embrumait leurs esprits. Les empêchaient de faire des liens, là où l’on pouvait en faire. Alors que tu interrogeais un jeune moine, et que ton regard se laissait légèrement distraire par le rayon de soleil ricochant sur sa boule à zéro parfaitement entretenue, celui-ci te confia une information intéressante, qui t’était jusque-là inconnue.

« La dernière fois que j’ai vu Nigirioni-san, il s’occupait de faire déguerpir des enfants qui venaient fouiner au sanctuaire. J’étais pressé, alors je l’ai laissé pour aller m’occuper de mes tâches, et depuis, plus de nouvelles. C’était il y a ... deux jours. »

« Des enfants ? »

Intriguée par ce nouvel élément, tu avais relâché du regard son crâne pour te concentrer un peu plus sur ce sujet. Surpris de cet intérêt soudain, le jeune homme, dans la vingtaine, hocha doucement la tête pour confirmer ses dires.

« Oui c’est ça. Ils trainent souvent dans le coin, mais dès qu’on s’approche, ils ont tendance à prendre la fuite. »

Tes lèvres s’entrouvrent, s’apprêtent à poser de nouvelles questions, mais une voix grave t’interrompt alors que dans ton champs de vision se dessine la silhouette d’un moine plus âgé, dans la cinquantaine, l’air bougon.

« Ces gamins sont de sales garnements ! Toujours entrain de mettre le bazar ! C’est ce genre de sales gosses qui attirent la colère divine, pas notre sanctuaire, j’en suis sûr. »

Les lèvres pincées, les sourcils froncés, il fulmine, crache sa colère contre le groupe d’enfants, sous le regard embêté de son plus jeune collègue, qui s’empresse alors de nuancer son propos à tes oreilles.

« Enfin, ce sont surtout des enfants un peu perdus vous savez ! »

Les pièces du puzzle, lentement s’assemble dans ton esprit. Cliquetis mentaux d’une hypothèse qui se construit, au fil des informations.

« Et ces enfants, ils sont toujours seuls ? »

Les deux se regardent, quelques secondes, avant de se retourner vers toi et d’hocher la tête, énergiquement.

« Oui, toujours. Pourquoi ? »

Marmonnant pour toi-même, un instant, tu mettais en place le nouvel angle de tes questions. Il te fallait un peu plus pour confirmer les habitudes de ce groupe qui venait d’apparaître dans l’équation mystérieuse que l’on t’avait confiée.

« Parce que ça me donne une petite idée ... »

Les abandonnant sur place et te lançant dans le petit sanctuaire à le recherche d’autres témoins, ton fidèle petite carnet dans une main, un pinceau entre des doigts, griffonnant des notes que seule toi arriverait à lire. L’idée qui avait germé dans ton esprit ne fit que croitre à chaque personne qui répondait à tes questions et rapidement, le soleil dessina sa courbe descendante, annonçant l’arrivée de la nuit. Et alors que ta silhouette se rapprochait des dortoirs, le vieil homme qui t’avait accueilli à ton arrivée fit son apparition, comme s’il t’avait attendu.

« Alors ? Vous allez agir ou simplement parler ? Les soldats de Seizan ne sont-ils pas censés être expéditifs ? »

Cliché imprégné dans son petit cerveau. S’attendait-il à recevoir en son sanctuaire une montagne de muscle avec un sabre et prêt à fouiller les alentours de fonds en comble, sur un coup de tête ? Dommage pour lui. À la place, il avait hérité d’une instruite shinobi qui préférait simplement se servir de sa tête pour autre chose que de mettre des coups de boule. Un long et discret soupire s’échappant de tes lèvres, tu te redressas, rangeant le carnet dans ta poche avant de te tourner vers lui, un grand sourire venant dissimuler le fait qu’il commençait à te taper sérieusement sur les nerfs.

« Toute cette histoire devrait être réglée d’ici demain matin. Vous devriez aller dormir après une telle journée »

Une manière polie de lui signifier de dégager. Marmonnant dans sa barbe inexistante, il te dépassa pour entrer dans le dortoir le premier. À la place de le suivre, tu t’arrêtas, un petit sourire aux lèvres, et fit demi-tour pour tout finir de mettre en place.


Comme une ombre, tu observais, perchée en haut d’un des rares arbres du sanctuaires. Sans un bruit, patiemment, tu observais les offrandes qui avaient été disposées pour apaiser la divinité. Tu étais ainsi restée sans bouger de nombreuses heures, laissant parfois ton esprit se perdre sur les souvenirs d’un roman que tu étais entrain dévorer en ce moment, et dont la fin t’attendait encore à la maison. La jeune aventurière de ces pages arrivait elle à atteindre le ciel et à retrouver son frère ? Arrivait-elle à vaincre son ennemi, ou bien y avait-il plus ? L’étrangeté de leur relation prenait sa source dans quelque chose de plus profond. De plus compliqué qu’une simple opposition. Inconsciemment, alors que tu te remémorais le dernier chapitre que tu avais lu, tes mains mimèrent le roulement des pages.

Et puis un bruit, attirant soudainement ton attention. Le son discret de pas sur le sol lisse du sanctuaire, accompagné de murmures, à peine audible. De l’obscurité, des silhouettes apurent. Menues, courbées, et aux nombres de trois, elles s’offrirent un peu plus à la lumière sélénite qui éclairait la statue du dieu aquatique au pied de laquelle étaient disposés fruits et autres denrées alimentaires.

Bingo.

De jeunes adolescents étaient entrain de dérober l’offrande déposée par les moins. Attrapant maladroitement le plus de choses entre leurs petits bras chétifs, comme des animaux privés de nourriture pendant des jours, le trio semblaient pressés. L’un, plus nerveux que les autres, observait autour de lui, à l’affut d’une quelconque présence. Il oublia pourtant de lever les yeux, et tu passas inaperçus à ses yeux.

Tu aurais pu les arrêter à cet instant précis, mais cela ne résolvait pas l’énigme. Des moines étaient toujours portés disparus, et tu devais t’assurer d’avoir bien tout compris de la situation. Alors, tu restas à l’écart, sans un bruit, sans un geste, jusqu’à leur départ, qui sonna le tien. Le pas léger, entraîné, tu t’étais lancée à leur suite, quittant le confort du sanctuaire pour t’enfoncer dans la nature environnante. Entre terre et mer, les reliefs de Kuma No Kuni cachaient de nombreuses grottes, dissimulées par la végétation et sans doute n’aurais-tu pas trouver cette cachette si tu n’avais pas suivi les trois adolescents.

Tu les avais vu disparaître derrière cet épais buisson, qui semblait coller à même une falaise. Ce tour de passe-passe qui trahissait ainsi la présence de leur petite maison. Il était temps d’agir. Sortant de ta cachette, tu t’avanças à ton tour à travers l’arbuste, pour découvrir la grande cavité, et un spectacle que tu avais malheureusement deviné la veille. Recroquevillés dans le fond, enveloppés dans de vielles couvertures, un petit groupe de jeunes enfants. Des enfants qui voyaient en ta présence un danger immédiat. La peur dans le regard, se serrant entre eux, ils couinèrent, terrifiés, annonçant ta présence aux trois plus âgés qui venaient de faire leur retour.

Se retournant d’un bond, leur attitude changea drastiquement. Les muscles tendus, le visage entre peur et colère, tu sentis à quel point tu ne leurs inspirais pas confiance. Et pourtant, tu ne pouvais plus faire demi-tour, maintenant que tu étais entrée dans la grotte. Levant tranquillement les mains en l’air, pour prouver l’absence d’arme, tu déclaras.

« Allons, allons, du calme. Je ne suis pas ici pour vous faire du mal. »

Comme si tu pouvais les convaincre avec si peu ... Tes iris opales glissèrent à travers la pièce, et dans un coin, tu remarquas les deux moines enlevés, affaiblis, certes, mais encore bien en vie malgré les liens les retenant. C’était une bonne nouvelle pour les jeunes coupables. Une chance que toute cette histoire termine sans drame. Prenant une large inspiration, gonflant ta cage thoracique, tu ajoutas en désignant les enfants emmitouflés.

« Vous n’avez pas froid avec des couvertures si peu épaisses ? L’hiver a été rude pourtant ... Et rien qu’à vous regarder, je suis sûre que certains sont malades. »

Un grognement résonna, poussé par le plus grand du trio de voleurs. Attrapant un vieux sabre émoussé qui était jusque là déposé contre le mur de roche, il le secoua sous ton nez, te menaçant.

« La ferme ! C’est que des mensonges tout ça ! Les adultes sont des menteurs et des manipulateurs ! »


Sans sourciller, alors que tu pouvais sentir la caresse de l’air remué par la lame, tu continuas de l’observer. Ses mains abimées par la roche, et sans doute des bataille pour défendre la petite troupe d’enfants, serraient le manche de l’arme avec fermeté. Du coin de l’œil tu vis ses deux comparses se placer de part et d’autres de ta personne, pour former un cercle autour de toi. C’était bien réfléchi comme stratégie. Si tu n’avais pas été à un niveau bien supérieur. Mais pour l’instant, tu voulais éviter de te battre. Tu voulais discuter. Comprendre exactement de quoi il en retournait.

« Tu n’as pas tout à fait tort. Les adultes peuvent mentir, et certains ne pensent qu’à eux. Mais vous allez devenir des adultes un jour ... Est-ce que ça signifie que tu vas devenir comme eux ? »

Te penchant pour regarder les plus faibles en arrière, tu ajoutas, sans attendre.

« Tu as l’air malin. Assez pour comprendre que tes amis ne tiendront pas des années comme ça. Comment je dois t’appeler ? C’est plus agréable pour discu-»

« Je t’ai dit de la fermer !! Je ne laisserais personne toucher ma famille ! »

Discours de sourd. Agacés, les trois jeunes garçons se lancèrent sur toi, avec force, bien décider à te mettre k.o. De quelques pas fluides, tu esquivas tout d’abord le premier garçon venu par ta droite, et d’une tape dans le dos, tu le poussas sur son ami. Les deux s’écrasèrent lourdement au sol, dans un gémissement plaintif. La lame émoussée, maniée par le chef de la bande, te frôla de peu. Rapide, il l’était. Une forme physique cultivée par un réel besoin de survie que tu respectais. Mais qui n’était pas assez à ce jour. Usant de ta propre vitesse, tu contournas le jeune homme, dessinant de tes mains une suite de mudra, afin de soudainement frapper son bras de la paume de ta main.


Sensation étrange qui envahi son bras, le forçant à lâcher son arme, contre son gré. Une surprise qui lui fut fatale car tu en profitas pour lui asséner une balayette qui le fit lourdement tomber par terre, à son tour.

« Pas mal, mais tu as encore des progrès à faire si tu veux vraiment défendre qui que ce soit. »

Ramassant l’arme, paisiblement, tu t’apprêtas à la jeter au loin, hors de portée quand soudain, la troupe d’enfants se rua sur vous, comme une vague, se dressant comme un bouclier entre toi et l’adolescent.

« Touche pas à Oriko sale méchante ! »

« Bouuuuh ! »

« Méchante !! »

Tu étais devenue la vilaine de cette histoire ! Terrorisés à l’idée d’être victimes de tes coups, les petits bout de choux tremblaient de tout leurs membres et ce, malgré tout le courage qu’ils avaient trouvé pour s’impliquer dans ce qui était, à leurs yeux, un terrible combat. La vision fit fondre ton pauvre petite cœur, alors qu’un rire plus léger et doux échappa à la barrière de tes lèvres.

« Je fais vraiment aussi peur que ça ? Je suis désolée les enfants ! »

D’un geste, tu balanças l’arme au loin, pour démontrer ta bonne foi avant de désigner les deux moines dans le coin de la grotte.

« Vous savez, eux aussi ont des amis et de la famille qui sont inquiets pour eux. Je suppose qu’ils vous ont fait peur, mais vous ne pouvez pas réagir comme ça, ni même continuer de vivre ici. »

Le sanctuaire, marqué par l’évènement, n’accepterait sans doute pas de les accueillir. Heureusement, tu avais une idée. Un plan qui offrait un happy ending. Captant le regard des enfants les plus âgés, tu déclaras.

« Un membre de ma famille est à la tête d’un orphelinat. La vie n’y sera pas parfaite, mais on vous apprendra à lire, à écrire, vous aurez un toit et de quoi manger. En échange, je vous demande juste de laisser les moines repartir et d’arrêter de voler. Marché conclu ? »

Il y eu un instant de silence, pendant lequel Oriko sembla hésiter. Ses iris sombres rencontrèrent la lumière des tiennes. Se perdirent un instant dans la nuance des couleurs s’y trouvant puis, sur cette main que tu avais tendu en sa direction et ...


C’était à l’aube que vous aviez rejoint le sanctuaire. À tes côtés, les enfants, effrayés, avançaient en rang derrière leur chef et les deux moines encore sonnés et perdus. La tête qu’avait alors fait le vieux moine en chef avait été plus que peinte de surprise. Perdu, perturbé de ne voir aucune intervention maléfique dans cette histoire, il avait à de multiples reprises insistés pour des explications plus poussées. Et à plusieurs reprises, tu lui avais refusé. Les vols et les disparitions allaient cesser et c’était là tout l’objectif de ta venue. Des explications, tu ne lui en devais aucune, et au grand jamais tu ne voulais voir les jeunes enfants dont la vie n’avait pas été un cadeau se faire entrainer par le besoin de vengeance d’un vieil ermite perdu. Et ça, il n’avait pas aimé. Sans surprise, il aura envoyé une plainte à ce sujet, et sans surprise, tu balancerais exactement la même excuse à tes supérieurs en cas de problème.

Sourire aux lèvres, heureuse d’avoir accompli quelque chose de bien dans un travail habituellement démoralisant, tu t’étais mise en route en direction de Tsume No Kuni, une charrette attachée à ton destrier contenant tes nouveaux protégés. Une opportunité, c’est tout ce dont ils avaient besoin aujourd’hui. Un nouveau départ, où enfin, ils pourraient être de véritables enfants. Des enfants qui n’auraient besoin de penser qu’à grandir en pleine santé et apprendre, comme ça devrait être le cas pour tous.

Tu ne pouvais pas sauver tout le monde, mais tu pouvais au moins faire de ton mieux.

Cette pensée te traversa l’esprit, alors que rennes en main, tu observais l’adolescent endormi contre ton bras après des nuits à tout faire pour protéger les siens. Un bon garçon, qui avait de quoi être fier. Tapotant gentiment sa tête d’une main, tu murmuras à voix basse, doucement.

« Tout ira bien maintenant ... Promis »