Quelque chose vient craquer sous la dent d'un voyageur, quelqu'un venu de loin, de très loin, peut-être même de l'autre bout du monde. Il profite de quelques instants de calme pour se ressourcer. L'individu est assis sur une branche, il regarde le ciel, rêveur. Sa voix d'une tonalité grave vient briser le silence.



Il recrache un bout d'écorce et décide de descendre de son perchoir. Un bond et le voilà par terre. Il renifle l'air. Le parfum du doux miel des plaines fleuries parvient jusqu'à ses narines. L'espace d'un instant, il se demande s'il ne devrait pas faire un tour au Village de Hana, un village humain situé non loin d'ici.

@Tsubaki Ruka s'est vue poser un lapin par un indépendant qu'elle devait rejoindre au Village de Hana. Les Montagnes Vertes de Mitsu no Kuni ne sont pas très loin et pour une raison ou une autre, elle décide de s'y rendre. Peut-être entreprend-t-elle juste de rentrer chez elle en passant par un autre chemin, peut être s'est-elle vue attribuer une mission, à moins qu'elle souhaite juste profiter de la nature. Ces chaines de montagnes proches de la côte sont belles et fertiles. Il y fait bon. En se promenant, la femme peut entendre bourdonner les abeilles, elle entend également le vent soulever le feuillage des arbres. Divers parfums fleuris s'entremêlent.

Alors que l'Oinin avance tranquillement, quelque chose vient interrompre sa progression. Avant qu'elle ne le remarque, la jeune femme a déclenchée un piège en marchant dessus. En une fraction de seconde, un sceau s'est formé sous ses pieds avant de relâcher un souffle de vent suffisamment fort pour la propulser à plusieurs mètres de haut.



Le souffle de vent est assez fort pour attirer l'attention du voyageur qui ne se situe pas loin du piège. Ses ailes battent d'un coup sec et le voilà qui prend son envol. Il ne lui faut que quelques instants pour  se poser sur une branche en contre-haut de l'endroit où a été apposé le sceau. Son regard balaie la zone avant de se poser sur Ruka.



La créature rétracte ses ailes et se laisse tomber par terre avant de s'approcher de la Jujoujin tout en rongeant un os de ses grandes dents acérées. Malgré sa peau rouge, ses grandes ailes, son nez allongé, ses grandes oreilles, ses dents acérées et ses griffes, le voyageur semble civilisé ou du moins suffisamment pour apprécier le confort des vêtements humains et pour avoir la faculté de parler le langage humain.

Le grand Yokai jette l'os qu'il rongeait encore il y a quelques instants. Il semble sourire mais ses dents acérées ne rendent pas cette expression très rassurante. Ses doigts griffus s'agitent comme s'il ressentait le besoin d'agripper ou de palper quelque chose, ce qui n'est certainement pas pour rassurer la pauvre Jujoujin. Cependant, ses bras ballants semblent indiquer qu'il ne ressent pas l'envie de se battre, à moins qu'il soit particulièrement confiant quant à sa capacité d'éliminer l'humaine s'il en ressentait l'envie.

Il observe Ruka se relever et se penche légèrement vers elle pour la renifler. Il mesure au moins une vingtaine de centimètres de plus que la kunoichi. Il reste silencieux pendant un moment, tournant autour de la jeune femme pour l'observer sous toutes les coutures pendant que celle-ci balbutie un début de réponse.



Telles sont les premières paroles que prononce le Yokai en riant, suivant les propos de la pauvre Jujoujin. Mais quel est le sens de ce rire ? Quel est le sens de ces mots ? Il tend le bras vers le bandeau de la femme avec l'intention de s'en emparer.



La créature ailée ne dit rien sur le caractère réducteur des paroles de son interlocutrice, il ne tente pas non plus de la rassurer lorsqu'elle s'excuse. Il semble ailleurs. Il semble au-dessus de cela peut-être ? Malgré cela, il mentionne rapidement le langage de son espèce, en réponse aux interrogations de Ruka peut-être, ce qui pourrait potentiellement trahir des intentions pacifistes. Mais, il recommande tout de même à la jeune femme de tenter de rectifier la façon dont elle s'exprime.



Les cheveux blancs, la barbe et les traits du visage de ce monstre semble indiquer qu'il est vieux. Mais vieux comment ? Les Yokais ont-ils la même longévité que les humains ? Et pourquoi une telle obsession sur la domination de la région ? Le Yokai s'accroupit et plante l'un de ses longs doigts rouges dans le sol, le remuant dans la terre avant de le porter à sa bouche.

Le Yokai porte une main à son menton, dans un geste troublant tant il est humain, puis il hoche la tête en entendant la réponse de son interlocutrice, s'imprégnant de ces quelques maigres informations. Il est difficile de deviner ce que peut penser cette créature, ses expressions semblent limitées. Il semble posséder plusieurs variations de sourire -toutes assez intimidantes à partir du moment où il montre ses dents- ainsi qu'une expression plus neutre mais rien qui ne semble immédiatement indiquer de la colère. Est-ce que ce Yokai serait à même de cacher ses émotions ?



L'étrange créature ailée hoche la tête, autorisant la jeune femme à fouiller son sac. Il ne semble pas inquiet, il se redresse et l'observe juste en silence. Son sourire s'étire  et ses ailes se mettent à frétiller lorsqu'elle annonce lui laisser l'honneur de prendre la première gorgée. Le Yokai s'empare de la bouteille qu'il renifle avant de laisser un souffle qui semble être de satisfaction lui échapper. Il sort une coupe rouge -qui semble de qualité- et se sert. Il se pose ensuite sur un rocher, invitant d'un geste de la main l'humaine à le rejoindre. Et finalement, il goûte l'hydromel. Il n'hésite pas un instant à boire.



Le Tengu sort une seconde coupe d'un pan de son vêtement, il l'observe quelques instants avant d'adresser un regard à Ruka. Il semble réfléchir.



L'étrange créature tend la seconde coupe à Ruka après l'avoir observé pendant un moment comme s'il y avait quelque chose de particulier avec ce récipient cependant la Jujoujin peut l'inspecter sous toutes les coutures sans remarquer quoique ce soit d'anormal. En tous cas, le Yokai semble bien plus loquace depuis que la jeune femme a corrigé sa façon de s'exprimer.

Le Yokai semble un peu confus lorsque son interlocutrice parle des terres infertiles qui ne semblent pas être sous le joug de l'empereur et qu'elle avoue ne pas savoir si des Yokais se sont imposés comme maîtres des lieux. Il hoche cependant la tête, avec une certaine fierté quand elle dit que le peuple Tengu mérite mieux que des désolées. Il ne poursuit pas la discussion avec de nouvelles questions et profite de l'arrivée de la bouteille pour partir sur de nouvelles bases. Un rire s'échappe des lèvres de Shétóu. Ruka a décidément du cran et cela n'est pas pour déplaire à la créature qui répond simplement.



Il va sans dire que le Tengu apprécie la réflexion de la femme qui trahit son intelligence et le réalisme de ses idées, il ne pourrait nier l'intérêt -voire l'amour- qu'il peut éprouver pour la chasse. Mais plus que cela, elle a dit ne pas détester la créature et son espèce. Tout humain ne dirait pas cela, ce qui donne une valeur supplémentaire à la Jujoujin. La jeune femme a de nobles intentions, Shétóu les ressent clairement et par respect pour son interlocutrice, décide de taire certaines idées de son clan. Il sait à quel point les humains peuvent être fragiles. Il verse de l'hydromel dans la coupe de Ruka, tout en continuant à l'écouter.



Une guerre ? Mais une guerre contre qui ou quoi ? Ruka n'a pas entendu de rumeurs sur une quelconque guerre ou conquête. Le Yokai fait craquer son cou une première fois puis une seconde. Il se sert une seconde coupe d'hydromel dont il savoure le doux parfum.



Pour une raison ou une autre, la créature aux dents acérées semble s'intéresser à Ruka. Il boit une gorgée d'hydromel mais surveille la descente de sa coupe et de sa bouteille comme s'il craignait en venir à bout.

Une lueur étrange , presque inquiétante, se dessine dans les yeux du Yokai. Il est attentif aux mots de la Jujoujin, il voit quelque chose en elle et en sa défunte mère. Les mots tradition et chant semblent lui plaire, ses ailes se remettant à frétiller. La mère de Ruka semble avoir été une femme douce et savante, pieuse. Sa mentalité, proche de celle de certains Togejin ou même du culte Edeniste, appelle à la cohabitation et au respect de la nature. Si un Yokai devait venir à collaborer avec des humains, sans doute aimerait-il tomber sur une personne de ce profil là.



La créature ne précise pas ce qu'elle trouve dommage. S'agit-il de la perte d'une femme de  vertu ? Ou bien du fait qu'elle n'ait pu transmettre l'importance des traditions à sa progéniture ? Peut-être qu'il y a un peu des deux.

Un son à mi-chemin entre le soupir et le grognement s'échappe des lèvre du Tengu. Aurait-il été agacé par les mots de la kunoichi, probablement trop curieuse pour son propre bien ? Ses émotions restent difficiles à déceler. Mais en tous cas, il ne fait pas de geste qui pourrait indiquer qu'il s'apprête à initier un combat -ou une exécution selon comment on se place-.



Un rire inquiétant s'échappe désormais des lèvres de Shétóu qui semble véritablement haïr de tout son coeur les Oni. Ses griffes acérées se resserrent sur la bouteille d'hydromel laissant des marques profondes.



Le Yokai rapproche son visage de celui de Ruka, il veut observer la jeune femme de près. L'expression sur sa face, rouge, a totalement changé. Si la jeune femme pouvait penser que la créature était incapable d'exprimer de la colère ou du dégoût, elle se trompait. Le visage de  Shétóu n'est plus que rage.

Le Tengu se redresse, un sourire de satisfaction se dessine sur ses lèvres. Il n'aurait pas pu tomber sur une humains plus adéquate. Elle le comprend et semble compatir à sa souffrance pour la simple et bonne raison qu'elle a une histoire similaire. Elle ne sait pas tout sur l'histoire de son interlocuteur et de son clan, c'est une évidence, mais malgré cela elle partage un lien invisible avec la créature. Elle veut se venger. Mais en a-t-elle seulement la force ? La coupe de la jeune femme vient se heurter à la bouteille que tient Shétóu. Il attrape le poignet de la Jujoujin, la forçant à baisser le bras.



L'ennemi des Oni marque une pause, plongeant son regard dans celui de son interlocutrice. Une idée a germé dans son esprit. Celle de passer un marché avec la jeune femme. Il peut lui offrir la puissance contre des informations et quelques potentiels petits services.



Le Tengu semble sûr de lui, comme s'il avait des statistiques. Mais, s'il a des statistiques, cela signifie que de nombreux humains ont dû servir de cobayes et que certains possèdent déjà un sceau maudit. A vrai dire, ce ne serait pas le premier sceau maudit qu'il attribue -ou du moins tente d'attribuer- à quelqu'un. Il a déjà vu des humains s'effondrer, incapable de tenir debout à cause d'une violente fièvre et d'un puissant mal de tête puis, qui l'esprit confus sont finalement tombés inconscients. Certains ont rouverts les yeux, d'autres non. Shétóu lâche la main de son interlocutrice.



Le Yokai n'est pas tout à fait du genre à faire cette proposition à tous les humains qui passent. Mais, il voit bien les points communs qu'il partage avec Ruka et la bonne volonté de celle-ci, sa neutralité sur les Yokais ou même le respect qu'elle peut leur adresser via ces chants que sa mère lui a transmis. Il s'entaille la main. Son sang coule désormais sur la terre fertile de Mitsu no Kuni. Si la jeune femme accepte, ce sera sa coupe qui accueillera quelques précieuses gouttes de sang auxquelles il mélangera son chakra, suivant la tradition.

Shétóu  apprécie le cran de la jeune femme. Tous les humains n'oseraient pas parler aussi mal des Oni et s'opposer à eux de la sorte.   La créature jubile, ravi de voir qu'elle n'a pas peur de la mort. A peine le mélange est-il prêt que la femme se saisit de la coupe et en boit le contenu d'une traite. Les effets initiaux de la concoction se font bientôt sentir et la brave tend sa coupe au Tengu avant de se retourner et d'être envahie par la douleur tandis que le Yokai pose les coupes et la bouteille par terre puis s'approche d'elle, la retenant au moment où elle perd connaissance avant de l'allonger sur le sol.

Les yeux de la bête se lève vers le ciel bleu et le soleil qui brille encore fort. Ruka devrait être entrée dans son monde intérieur, la suite ne dépend que d'elle. Le voyageur ailé n'a plus qu'à attendre qu'elle se réveille, à condition que celle-ci ne perde pas son combat intérieur. Il attend un moment à côté d'elle observant ses expressions faciales puis, lorsqu'il commence à se lasser, il prend son envol pour aller chasser. Lorsqu'il revient, cela fait déjà trois heures que la Jujoujin est inconsciente. Il allume un feu et commence à faire griller le sanglier qu'il a attrapé.

Ce n'est que lorsque ses crocs arrachent la chair qui enveloppe une patte du gibier qu'un mouvement survient du côté de Ruka. Les yeux de Shétóu se posent sur la silhouette de la femme, visiblement encore confuse.



Bien que le Tengu n'en montre rien, il semble déçu. Il avait placé beaucoup d'espoir en cette petite qui a apparemment échouée. Evidemment, c'est déjà une bonne chose de survivre  à cette expérience, ce ne sont pas tous les humains qui en sont capables mais il attendait mieux d'elle. Son espèce est exigeante, les siens n'aiment pas les faibles. Un autre Tengu aurait pu achever la Jujoujin pour un tel échec, par chance Shétóu est différent. Il considère que tout le monde a droit à l'erreur même lui.



En général, il n'y a pas de deuxième chance, les siens n'en sont pas partisans. Mais pour cette humaine, pour le potentiel qu'il perçoit en elle, il est prêt à faire un effort.

Le sourire du Yokai s'élargit lorsque la jeune femme dit vouloir saisir cette seconde chance et qu'elle avoue ne pas aimer la défaite. C'est exactement ce qu'il attend d'une humaine qu'il a lui-même choisi. Le fait d'avoir quelques os brisés ne semble pas lui faire peur, elle a intériorisé la dangerosité du monde et les efforts nécessaires pour survivre et surtout, pour devenir plus fort. Ruka fin prête, Shétóu fonce vers elle et lui porte un puissant coup de paume, empli de chakra. Il sent des côtes casser sous le coup. Et, la Jujoujin ne tarde pas à s'effondrer. Le Tengu la rattrape cependant avant que son corps ne vienne rencontrer le sol et l'allonge par terre.



Le temps s'écoule différemment dans l'inconscient de la jeune femme t dans la réalité. Ce qui peut sembler une seconde dans son esprit est en réalité plusieurs longues minutes pour le voyageur ailé. Mais il se montre patient, il connait le processus et le temps qu'il peut prendre. Il espère juste que cette fois, il n'aura pas gaspillé son chakra que ce fichu sceau va apparaître sur le corps de l'humaine.

Lorsque celle-ci ouvre finalement les yeux, il fait nuit noire. Les seules sources de lumières sont la lune, le feu et les yeux scintillants du Tengu. Shétóu ne semble pas exprimer la moindre empathie envers la Jujoujin en souffrance, cependant un sourire de satisfaction se dessine sur ses lèvres lorsqu'il aperçoit finalement le sceau et que sa "championne" dit avoir réussi.



Le Yokai jette une bourse remplie de pièces à côté de Ruka tout en se relevant, comme s'il venait de jeter un caillou ou un autre objet sans importance. Voûté, le Tengu fait craquer sa nuque deux-trois fois et secoue ses ailes.



Shétóu marque une courte pause avant de se retourner et de prendre son envol, se stabilisant dans les airs quelques mètres au-dessus de la femme.



Après avoir prononcé ces mots, la créature disparait dans la nuit, aussi vive qu'une étoile filante. Que restera-t-il de cette rencontre le lendemain matin ? Deviendrait-elle un simple songe aux yeux de la Jujoujin ?