Il n’est pas encore midi, je passe une petite visite au centre hospitalier conifère avant d’aller revisiter les locaux de la brigade d’interrogation. À l’accueil, je viens remettre un paquet joliment emballé; le visage que je croise me déplait, mais ça ne me fera pas changer d’idée. La même femme que la dernière fois, que j’ai failli insulter sans ménagement.

"Et tu n’as pas peur de sembler un tantinet excessif?"

Absolument pas.

La soirée d’hier s’est passée exactement comme je l’imaginais; j’ai mangé un bon repas avec ma mère, le reste de la famille n’a même pas osé se montrer. Depuis ma… décision, dira-t-on, il ne cesse d’y avoir des tensions. Le Secret n’a jamais été ainsi compromis, pourtant j’argumente qu’il n’a jamais autant été en sécurité…

Dans tous les cas, la perspective ne change rien à ce qui s’est passé. Au final, on s’est retrouvé encore une fois avec trop de restants pour savoir quoi en faire. J’ai passé le reste de la soirée à ruminer, à me calmer en repensant à la splendide rencontre qu’il m’a été donné de faire, puis…

Je dépose le repas sur le comptoir.

«Je voudrais m’excuser pour mon comportement lors de ma dernière visite. J’aimerais remettre ceci au docteur Kenichi, mais je n’ai pas beaucoup de temps et je ne souhaite pas l’importuner; pensez-vous qu’il est possible de lui donner un peu plus tard? C’est un repas.» Copieux; du riz assaisonné, du poisson grillé, des légumes cuits salés, un peu de potage… il n’y a pas que ça, mais c’est un bon début de repas. Nous sommes plusieurs à la maison et nous avons tous des goûts différents; c’est une façon de s’arranger que d’avoir multiples plats d’accompagnement. Autant il me fait plaisir de lui remettre, autant je jubile a avoir pu me venger ainsi du comportement des miens; s’ils n’étaient pas là pour manger, tant pis.

Avec le paquet, je laisse un mot; «N’oublie pas de prendre une pause pour manger; tu ne peux pas passer une journée l’estomac vide. Je viendrai te voir plus tard, ou tu peux passer me voir à la brigade si tu veux, je dois arranger mon nouveau bureau.» S’il ne peut pas prendre soin de lui-même, je m’en occuperai.