­



Quelle aubaine..

Avec la soudaine averse qui avait grondé sur les terres de Seizan, le seul chemin connectant les provinces du sud directement à celles de l'ouest et à Toge no Sato. Impossible de rejoindre le village directement à moins de monter vers le nord et de faire un énorme détour par les terres du nord. L'entreprise, en plus d'être couteuse en provisions, ne ferait que prendre plus de temps au final. 

On dirait qu'il était coincé ici. 

Toujours est-il qu'il était censé trouver son guide pour l'accompagner à travers la région. La province des ours était particulièrement difficile à arpenter parmi les provinces du sud et un vieil homme expérimenté et au tempérament bien trempé l'avait aidé à travers l'endroit lors de sa première visite sur la route vers Jujou no Sato. Il avait particulièrement apprécié le sommet des montagnes où le calme lui avait permis de méditer dans une sérénité sans pareille. 

Il avait la tête légère alors. C'est la tête bien pleine de sa pérégrination vers l'est qu'il revenait maintenant le retrouver pour faire le chemin inverse. Du moins, il supposait que c'était le vieil homme qu'il devait retrouver.

Le chapeau de moine fermement ancré sur sa tête, le protégeant de la pluie torrentielle, il atteignait le village de Kaigara après quelques killomètres. C'est à son auberge qu'il pourrait retrouver son guide et enfin éventuellement reprendre la route. Du moins en théorie. Un léger regard vers le ciel lui permettait de voir que l'intempérie elle-même s'arrêterait sous peu mais cela n'empêche que les routes resteraient impossible à pratiquer avant un moment. 

Il soupira. Que les dieux peuvent parfois se montrer capricieux. Enfin, peut-être qu'il pourrait profiter de cette escale pour visiter le Mont Orochi, lieu de l'illustre bataille entre Susanoo et Orochi, son plateau, relief géographique insolite, résultant de l'épée du dieu qui aurait fendu le haut de la montagne. Méditer en son sommet ne pourrait que lui être bénéfique.

Le grincement de la porte boisée marqua son entrée dans l'auberge relativement désert, la chaleur et la sécheresse de l'intérieur lui offrant un instant de répit. Il referma la porte après s'être annoncé et pris le temps de retirer son chapeau et sa cape de voyage, au pas de la porte avant de scanner les lieux pour son guide.

­
« Genno c’est ça ? Par ici »



Son nom l'interpelle et il se tourne vers une main levée pour l'interpeler. Les vêtements trempés par l'eau qui parvint même à traverse en partie sa cape sont comme collés à sa musculature.

Il a le corps d'un homme...Mais l'expression d'un enfant. Un enfant face à une situation qu'il ne comprend pas, à cligner des yeux hébété et pour cause...

Lui qui s'attendait à rencontrer le vieil homme de la veille est maintenant nez à nez avec une jolie jeune fille.

Ou du moins, il l'est lorsqu'il traverse la pièce pour venir la rejoindre.

Enfin nez à torse. Son nez à elle, face à son torse à lui plus précisément.

Il se penche cependant pour remédier à ça, plissant les paupières pour l'observer en détail et la pointant du doigt.


La phrase sort de sa bouche avant qu'il n'arrive à l'analyser, la preuve étant son ton hésitant alors qu'il essaye de capturer chaque mot pour le jauger avant de le dire. En vain visiblement...

Il ne sait pas pourquoi il dirait une chose pareille. Bien sûr, logiquement, il comprend bien que la jeune femme est une toute autre guide, mais il associe la position à l'homme qu'il avait vu la dernière fois et...Une partie de son cerveau semble avoir décidé de s'amuser au dépend du reste.

Ou peut-être est-ce encore un coup des dieux, après la pluie qui retarde son voyage. Sont-ils en train de le punir pour avoir flirté avec l'interdit et être allé contre les préceptes de l'ordre ? Il en avait presque l'impression. Bien sûr, de son point de vue, il était resté dans les limites des cinq préceptes, même s'il s'était dangereusement approché de la transgression.

« Je suis Kara Saki, du village des montagnes bleues. Je suis en charge de vous guider dans les monts de fer, enchantée. »

...



Il se frotte la nuque, quelque peu embarrassé avant de retrouver son sérieux à temps pour sa présentation durant laquelle il s'incline.

Elle semble un peu tendue, polie et droit au but, un peu plus robotique que l'impression qu'il décèle d'elle. Il se dit en regardant ses yeux qu'elle semble pleine de vie et énergique. Mais comme beaucoup à Onogoro, il y a sûrement plus profond à creuser pour la connaître.

Non pas qu'il est là pour ça bien sûr. Il se libère de ses pensées inquisitrices en écoutant ses explications. Il est finalement plutôt content de son faux-pas précédent, sûrement que l'image du religieux force une certaine courtoisie forcée et il espère avoir pu échapper à cette image stricte, quitte à passer plutôt pour un idiot, et détendre l'atmosphère.

« La pluie est encore virulente mais dès qu’elle s’arrêtera, nous nous mettrons en route. Le terrain sera glissant et fragile mais si vous suivez mes pas, tout ira bien. On m’a dit que vous étiez moine, avez-vous besoin d’une pause supplémentaire à celle du repas pour prier ? Ou un endroit particulier auquel vous devez passer ? »


« Ce n’est pas un temple, mais les monts de fer offrent de superbes plateaux rocheux en hauteur pour méditer. »

L'embarras du moment passé, il se concentre sur la carte qu'elle pose devant ses yeux.

Elle attrape le pinceau d'un mouvement clairement maîtrisé, tout comme la ligne qu'elle trace. Aucune hésitation, aucun tremblement alors que la ligne dessine avec précision le chemin qu'ils emprunteront bientôt. Il n'y a aucun doute que ces routes n'ont aucun secret pour la jeune femme.

Il sourit et acquiesce en analysant la route brièvement. Il ne s'attarde pas tant que ça dessus, faisant confiance à l'expertise de la jeune femme.

« Nous pouvons monter par cette face des monts de fer. Il nous faudra une journée entière pour atteindre le mont Orochi. Nous dormirons à son pieds, et partirons le matin à l’aube pour remonter le long de celui-ci. Ainsi, je pourrais déterminer le trajet le plus adapté en voyant l’état de la route depuis un point en hauteur tandis que vous prendrez le temps de prier. »

Elle lui explique l'itinéraire, le trajet, les pauses, le temps à prendre. Il écoute d'une oreille et enregistre les informations mais une fois de plus, c'est sa curiosité pour les gens qui prend le dessus et il se retrouve à lever les yeux de la carte pour observer la femme elle-même, se posant milles et unes petites questions anodines. Elle est jeune, plus jeune que lui. Et pourtant, il voit une femme organisée et déterminée, avec déjà une expertise et une certaine motivation. Il l'enviait en ce sens d'une certaine manière.

Il décèle une bribe de curiosité lorsqu'elle parle de leur trajet et il sourit.

« La demande n’est pas futile. On m’a demandé de répondre à vos besoins, et la prière, au sens traditionnel du terme est importante pour vous, non ? »

"Mes besoins hein.."

Il répète d'un ton absent, son esprit encore sur son voyage à Jujou. Il secoue brièvement la tête avant de rencontrer de nouveau le regard de son interlocutrice et de répondre à sa question.

« Oui. Et aussi la vue doit certainement être spectaculaire de là-haut ! »

« Nous devons toujours attendre la fin de l’averse alors prenez le temps de manger Genno, nous n’auront pas le temps de faire de nombreuses pauses une fois en route et il serait dommage que la faim vous gâche le trajet, non ? Vous pourrez en profiter pour me poser des questions, enfin, si vous en avez. »

Le serveur s'arrête à leur table et il attend patiemment que sa jeune guide commande. Lorsqu'il se tourne vers lui, il s'approche de son oreille pour écouter sa commande.

"La même chose pour moi !"

Il dit d'un ton à se faire entendre avant de rajouter quelque chose aux oreilles du serveur. Ce dernier hoche la tête et s'en va.

Le moine se retourne vers la jeune femme pour accepter son offre de lui poser des questions.

"Mmmh. Parlez-moi de vous ! Vous avez des yeux aussi bleus que la glace mais ironiquement je vois un feu à l'intérieur. Qu'est-ce que vous faîtes aussi jeune à servir de guide à un moine par ce temps ?"

« Ma famille est originaire de Seizan depuis de nombreuses générations, ça fait partie de la formation d’apprendre à se repérer dans les montagnes. C’est un peu comme ... En fait, je ne connais pas vraiment les bases de l’entraînement monastique. »

Il écoute attentivement les explications qu’elle semble heureuse de partager avec lui. Elle semble fière de présenter ainsi sa famille et son héritage, les raisons derrière les facilités qu’elle lui disait avoir et ce quelque chose dans son ton de voix le fait sourire d’un air sincère

Finalement, il reprend un air un peu plus courtois et sociable alors qu’elle lui pose une question implicite en touchant sur son manque d’information quant à la base de l’entraînement monastique.

« Ahaha, rien d’aussi palpitant ! Beaucoup d’apprentissage, de textes religieux, de hiérarchie divine et de règles. Sans parler de la formation guerrière. »

Il explique simplement. Il y a quelque chose de…Nonchalant, peut-être dans la façon dont il mentionne les dieux et la religion. Ce n’est pas irrespectueux, loin de là, mais pas aussi empli de révérence que les mêmes concepts aux lèvres d’autres moines.

Il croit déceler quelque curiosité qui subsiste suite à ses mots. Auquel cas, il y répond en ajoutant quelques mots sur son histoire personnelle.

« Certains moins rejoignent le temple par pure conviction religieuse ou amour des dieux. Personnellement j’étais un peu jeune ! Ma famille n’avait pas de quoi nourrir une bouche en plus donc j’ai été donné au temple. Je n’ai que peu de souvenirs de ma famille et le visage de mes parents est flou, mais il y a quelque chose en vous qui s’allume quand vous parlez de la vôtre ! Ça fait plaisir à voir. »

L’enthousiasme qu’elle montre lui fait pour la première repenser à sa famille. Ils ne lui manquent pas d’ordinaire mais en voyant cet entrain, la question se pose à son esprit de savoir ce que ça ferait d’avoir vécu ça. Elle peut peut-être le voir passer brièvement dans ses traits.

Son ton reste cependant léger, et son sourire courtois continue de s’entendre à ses mots malgré leur nature plus personnelle et peut-être un peu triste, dépendant des oreilles dans lesquelles elle tombe.

Il n’en semble pas attristé lui-même ou alors il ne le montre pas.

Sa mine semble plus aggravée lorsqu’elle l’informe de l’état du vieil homme qui lui avait servi de guide.

« J’espère qu’il va bien ! »

Il exprime sincèrement.

Son faciès se détend une fois plus en un sourire facile lorsqu’elle lui demande ce qu’il fait si loin de son temps bien que dans la transition, une mine surprise flashe brièvement, ses pensées amenées de nouveau à son voyage à Jujou et à…

« Ahaha, rien d’aussi intéressant que ça, j’en ai peur, bien au contraire ! Je suis nouveau au temple donc les tâches un peu ingrates m’incombent naturellement. Je rapportais simplement un parchemin à Jujou. »

"Un petit quelque chose de spécial" avait-elle dit. L’idée l’amuse. Il s’est toujours perçu comme l’opposé de spécial, juste une personne de plus sur cette terre, fondu dans la masse de suivant le courant. Ses supérieurs agréent, il le voit parfois à leurs regards. Rien de particulièrement méchant ou mal intentionné non, il est simplement de ceux qui ne se démarquent pas.

Il croit lire dans les traits de la jeune femme une pointe d'inquiétude avant son regard ne se perde dans le vide, la carte repliée entre ses mains d'un air presque absent. Elle n'est plus là pendant l'espace d'un instant, il suppose, emportée quelque part dans ses souvenirs, des bons moment, il peut le voir, mais des moments passés, remplacés par un vide plus douloureux. Il le lit au sourire qui s'installe sur ses lèvres, un peu triste, mélancolique.

« Oui, c’étaient de bonnes personnes. J’ai de très bons souvenirs, surtout avec mon père ! C'est lui qui m'a tout appris. »

Il reste silencieux, la regarde attentivement alors qu'elle arrange une mèche argentée qui venait couvrir ses yeux. Si elle lève les yeux vers lui, il lui offre un sourire réconfortant.

« Désolée, j’ai l’impression d’avoir foutu les pieds dans le plat. Je suis parfois maladroite avec les émotions, j’espère que je n’ai pas ravivé de douloureux souvenirs »

Il se met à rire lorsqu'elle commence à s'excuser abondement, amusé par sa façon maladroite peut-être mais honnête de s'exprimer. 

« Mais non, absolument pas haha. Je vous ai dit que je n'ai pas vraiment de souvenirs de cette époque donc tout va bien, et un moine ne peut se permettre de rester accroché au passé. C'est plutôt moi qui devrait m'excuser ! »

Le moment passe lorsque la conversation tourne à son précédent guide. Son faciès se relaxe lorsqu'il apprend qu'il est en bon état et qu'il ne risque rien. L'homme avait un caractère pour sur, et il se souvenait du trajet à l'aller passé à écouter les histoires de jeunesse du vieillard qui se ventait de ses exploits et de son énergie de l'époque. Le moine s'était contenté de sourire et d'écouter, toujours heureux d'en apprendre plus sur les individus qui traversent son chemin.

C'était le cas du vieil homme, c'était le cas de sa rencontre à Jujou.. C'était aussi le cas de la jeune femme qu'il avait en face de lui à présent.

Leur serveur revient finalement avec leurs commandes lorsque leur conversation virait aux raisons de son voyage. Il se tourne un instant vers ce dernier, inclinant la tête d'un geste respectueux pour le remercier du service rendu.

« C’est peut-être mon instinct alors. J’ai toujours eu ce petit truc pour repérer les gens avec un talent. »

« Ahaha, qui sait ! Les dieux cachent en chacun de nous les ressources nécessaires pour accomplir notre destinée j'imagine. »

Il croit en ces mots. D'une certaine manière. Il n'est pas réellement sur si les dieux sont si impliqués dans la vie de tous les jours des hommes pour faire une telle chose mais il ne doute pas que d'une manière ou d'une autre chacun possède ces fameuses ressources.

La nourriture semble avoir à présent obnubilé l'attention de la jeune guide qui attaque son plat avec tout l'enthousiasme dont elle peut faire preuve. Il ne peut s'empêcher de légèrement rigoler face à tel entrain, non pas d'un rire moqueur, mais sincèrement amusé par une telle personnalité. Il prend le temps d'incliner une nouvelle fois la tête vers le serveur avant de prendre ses baguettes et d'entamer son plat, bien que de manière plus modeste.

­
Au final, une ambiance confortable semble s'installer dans la petite auberge entre le moine et son interlocutrice. Il peut la sentir, comme le courant calme d'une eau douce dont chaque vague s'harmonise. Un sourire sincère lui vient à cette sensation, content de voir sa partenaire capable de profiter d'un tel moment et de se détendre.

La pluie se calme finalement comme si elle attendait précisément ce moment, le bruit des gouttes étonamment lourdes contre les tuiles de la batisse se fait plus léger, moins régulier alors que l'averse commence peu à peu à s'amenuiser au-dessus d'eux. Aux fenêtres, malgré la buée, il peut également distinguer le rythme diminuant de l'eau qui coule. Il suppose alors qu'il sera bientôt temps de partir.

Leur repas était arrivé d'ailleurs et il ne peut s'empêcher de remarquer l'empressement de sa jeune guide pendant que lui s'y attaque de manière bien plus modeste. Il se demande un instant si son empressement était dû au temps qui se calmait mais se rend bien vite compte que la vérité est bien plus innocente : Elle avait simplement faim.

Il rigole légèrement, non pas moqueur mais bel et bien amusé par son enthousiasme. Les gens qui débordent ainsi de vie suscitaient toujours chez lui une forme d'appréciation et de respect et ce n'était pas différent dans ce cas là. Elle semblait l'avoir entendu puisqu'elle relève la tête vers lui et hors de son bol. Il s'attend à moitié à la voir lever le nez avec les joues encore gonflées.

Elle rigole et son sourire à lui s'étend presque instinctivement.





Sa réponse sincère donnée, il l'écoute maintenant exprimer sa curiosité envers son temple. Semblerait-il que ses collègues locaux soient moins indulgeants envers ceux qui ne prient pas au temple. Cette nouvelle fronce quelque peu ses traits, la croyance est après tout un rapport qui commence d'abord dans le coeur de chacun, le dogme et cet attachement aux traditions au point de rejeter ceux qui n'y addhèrent pas ne lui plaisent guère. Il suppose que ces mêmes traits peuvent se retrouver chez ses confrères de Toge.

Il ne laisse par la sévérité animer ses traits bien longtemps cependant et choisit plutôt de retrouver son sourire pour répondre à sa question, un sourire qui tourne en un léger rire lorsqu'elle ajoute être curieuse de ce qu'il avait murmuré précédemment au serveur.



Aux termes de ce nouvel échange et de la fin de leur repas, il remarquait que le bruit de l'eau ne se faisait plus entendre, le ciel maintenant dégagé révélait ses teintes orangères et violacées : La pluie s'était calmée mais le soleil commençait à se coucher. Il retrouvait donc du regard la jeune kunoichi d'un regard interrogateur, après tout c'était elle l'experte de la région et il ne pouvait que s'en remettre à son jugement.

Il acquiesce à sa réponse et se relève sans mal, posant le regard sur elle. Il y a quelque chose chez elle. Quelque chose de presque imperceptible dans sa façon de bouger, de se préparer. Sûrement qu'un autre n'y ferait même attention mais le moine qu'il était avait appris à voir au-delà de la matière, au-delà de ce qui se cache à la surface. Le monde sous ses yeux était fait de rythmes, de flux, comme des notes de musique d'un orchestre dont chaque élément, bien qu'il se croit individuel, ne fait que s'ajouter au tout pour s'harmoniser avec celui-ci ou au contraire lutter contre ce dernier.

Son rythme à elle semblait à peine discordant, comme si elle était pressée, pressée de mettre une jambe devant l'autre et ne surtout pas s'arrêter.

Peut-être était-ce une impression...Il en fit abstraction pour l'instant.




Il se relève et l'observe sceller la carte, visiblement décidée à prendre le pas dès lors. Il se contente de rassembler ses affaires et la suit vers la sortie de l'auberge, prenant le temps de courber l'échine en direction des aubergistes pour les remercier du repas. Arrivé à l'extérieur, il retourna son attention vers la femme shinobi.




Il se demande bien pourquoi de telles demandes à son égard. Il n'avait pas encore été exposé de manière trop directe à la réalité guerrière de son métier mais il savait pourtant qu'elle l'attendait bel et bien. Il pensait parfois à cet étrange statut de "soldat" qui leur avait été attribué. Était-ce vraiment leur rôle de servir de bras armé d'Onogoro alors que leur quête n'est que de se rapprocher des dieux et d'une forme de paix intérieure ? Peut-être. Après tout, peu importe ce que les plus ascétiques des moines en pensent, ils font partie de la communauté et au sens plus large, de l'espèce humaine, peut-être qu'il est de leur devoir de contribuer à celle-ci. Mais jusqu'où ? Leur devoir doit-il s'étendre jusqu'à ce qu'ils en perdent leur humanité et devienne des rouages minuscules d'une machine inhumaine, sans empathie ? N'est-ce pas l'inverse ? Les institutions ne sont-ils pas fait pour renforcer la vie des individus plutôt que de les avaler pour ses biens ? Beaucoup de questions philosophiques sans doute mieux exprimées un autre jour dans une autre discussion. Pour l'heure, il est temps de se mettre en route.

Malgré la modestie dont il a fait preuve dans sa réponse, il suit sans mal le chemin d'abord humide et sinueux, parsemé de roches. Il n'était pas dur de deviner que l'entraînement de moine était stricte, visant à développer par l'effort qui sculpte un corps endurant et capable, un état d'esprit qui épouse l'effort et ne se complait en rien, lui permettant de tenir dans les moindres retranchements sans rechigner à la tâche. Non pas que Genno avait l'air d'avoir atteint de tels retranchements, à vrai dire, il était encore en pleine forme.




En effet, il avait appris au cours de son entraînement à arpenter toute sorte de terrains et de configurations de l'espace pour pouvoir se mouvoir en combat. Et le conditionnement qu'il avait subi faisait de son corps agilité et souplesse en plus d'être endurant, mais il n'avait jamais appliqué ses attributs ou compétences à l'escalade de telles parois. Du moins pas de la façon dont la jeune femme semblait lui proposer de le faire. Il relève les bras légèrement pour lui offrir le passage lorsqu'elle vient enrouler la corde autour de ses hanches.




Il acquiesce face à ses instructions, semblant prêt à arpenter ce chemin plus direct et peut-être plus dangereux. Son regard passa rapidement sur le détour qu'il avait pris à l'allée qui durait plus longtemps. Sûrement que le vieil homme n'était plus en état de pratiquer cette route plus courte. Le moine lui s'y prêtait sans catastrophe majeure en tout cas.

Sa force brute se révélait à la force avec laquelle l'un des kunais qu'il plantait s'enfonçait dans la roche au-dessus d'eux, s'ajoutant aux restes de ses attributs. Du reste, il semblait avoir l'agilité nécessaire pour réaliser l'escalade sans grand mal malgré une petite hésitation palpable alors qu'il tentait d'exécuter les bons gestes et de suivre les instructions qui lui avaient été données tout en se coordonnant verbalement avec sa partenaire.

Il trouva l'exercice étonnamment intéressant de par la confiance qu'il demandait et cultivait entre les deux partenaires qui joignaient finalement leurs corps pour avancer d'un rythme harmonieux. Au final, il remarquait, plus ils avançaient, moins il y avait besoin de mots pour communiquer les intentions de l'un et de l'autres et ce n'est plus que la corde autour de leurs hanches qui semblait les lier. Il profite de cette harmonie pour ralentir la cadence, calmer cette anxiété qu'il avait senti chez elle tout à l'heure en l'amenant à s'accorder avec lui dans un état plus apaisé tout comme il s'accordait avec elle.

Finalement arrivés au sommet du plateau, le moine, dont on remarque le souffle encore régulier, signe d'un effort encore bien peu entamé reste tout de même immobile un instant. Il ne se reposait pas forcément mais admirait la vue qui s'étendait devant eux depuis leur nouvelle élévation, plateaux et roche à perte de vue entre lesquels le soleil, de ses derniers rayons, pointait le bout de son nez.



Il exprima simplement, le tout toujours dans un effort d'offrir un instant de répit non pas au corps mais à l'âme avant de reprendre la route.

Il continue d'observer le paysage rocailleux de Seizan qui s'étale devant lui, écoutant d'une oreille la réponse de sa partenaire face à sa remarque précédente. Il l'entend respirer l'air des montagnes et sent les liens disparaître lorsqu'elle les scelle de nouveau.


Malgré l'offre implicite proposée par le moine de prendre un chemin plus direct, le duo se retrouve malgré tout à emprunter un chemin plus escarpé qui menait bel et bien vers le Mont Orochi. Il souriait d'un air empli de gratitude face à la femme qui lui accordait ce caprice tout à fait égoïste à son sens, surtout que pour se faire, ils devaient passer par un parcours qui pouvait être éprouvant. Genno pouvait supporter sans mal cette charge bien que ses genoux commençaient à ressentir l'effort et il n'avait aucun doute que sa guide, bien plus expérimentée que lui, trouvait la traversée encore plus facile. Le geste était malgré tout apprécié de la part du Souhei.

Après quelques minutes passés dans le silence à simplement contempler un pas après l'autre, c'est la jeune femme qui finit de nouveau briser celui-ci. Il en sentit les prémisses dans sa gestuelle quelques secondes plus tôt, à la fin façon dont son regard le trouva, hésitant un instant avant de prendre la parole.

Puis lorsque sa question est posée, elle laisse à peine le temps d'une inspiration avant de venir s'expliquer. Genno la regarda instant, l'air un peu surpris de sa question bien qu'il n'en semblait pas dérangé. Il prit une nouvelle inspiration pour lui répondre mais s'arrêta soudain lorsqu'il se rendit compte que la réflexion que nécessitait cette réponse lui prendrait plus que le temps qui séparait un mot de l'autre.


Il leva les yeux au ciel, pensif, croisant les bras pour poser deux doigts à son menton. Les édénistes hein. Elle avait décidemment choisi la bonne personne à qui poser la question, sachant qu'il était l'un des rares moines à s'aventurer vers leur province. Ils semblaient au centre de bien des choses et un mystère planait décidemment toujours sur eux. Sûrement les gens étaient-ils méfiants des bonnes intentions en ces temps troubles. Toujours est-il que lorsqu'il retrouva la parole, un sourire se trouvait affichait aux lèvres de Genno.


Au final le point de vue d'un homme de foi n'a pas plu ni moins de valeur que celui de n'importe quel homme à l'esprit ouvert, du moins pas celui de Genno, en tout cas pas à ses yeux. Les dieux font partie de ses choses que l'on ressent, d'où le principe de "foi". Les moines sont censés les "voir" à travers la nature qu'ils incarnent et laissent derrière eux pour les mortels. Au final, les dieux sont bien au-dessus des soucis quotidiens de la vie, ainsi Genno préférait juger la teneur des gens qu'il rencontrait à leurs actes envers leurs prochains, plutôt qu'à leurs actes de foi. Enfin, sûrement était-il encore trop jeune pour se faire un avis plus entranché, plus ferme. Pour l'heure, il se contentait d'observer et d'apprendre du monde qui l'entourait.

Reposant son regard sur le chemin devant eux, il se contentait de poursuivre sa marche, attendant la suite de la part de son interlocutrice qui avait peut-être plus à dire sur le sujet.