J’ai enfin terminé de boucler cette affaire qui prenait tout mon temps depuis quelques jours et cela voulait que c’est mon jour de repos commençant dès maintenant. Je n’avais qu’un plan, trouver un bar, m’y écraser jusqu’aux première lumière du jour de demain. Est-ce sain ? Absolument pas. Est-ce que j’en ai quoi que se soit à faire ? non. Ça a toujours été ainsi. Depuis la première fois que j’ai bu, jusqu’à aujourd’hui. Étouffer mon mal être sans laisser personne en savoir quoi que ce soit. Ça au moins c’est simple.

Je fais donc me chemin jusqu’à mon bar préféré, celui où j’ai rencontré Ao cet hiver pour discuter de la brigade, mais avant d’entrer quelque chose attire mon regard. Quelqu’un. D’une stature assez massive, sans cheveux sur son crâne, clairement un moine. Si normalement je n’en ai rien à faire, son visage étranger ne me revient tout simplement pas. Pas que je puisse dire connaître tous les effectifs de Jujou, mais mon travail me faisait rencontrer nombreux visages rares étaient les membres de l’armée à Jujou que je ne reconnaissais absolument pas.

Puis, lorsqu’il bouge un peu, l’explication me vient d’un coup alors que mon regard trouve enfin son bandeau. Toge. Il n’est simplement pas d’ici.

Je biffe mes plans de mon esprit, alors qu’une autre idée se dessine dans mon esprit. Il y a bien longtemps que je n’ai vu Arihiro et la chaire reste la chaire. Elle désire bien ce qu’elle veut sans me consulter. Alors que les hommes sont tous des chiens qui se font se déroutent à moindre exposition d’un peu de peau.

Pourquoi pas ? Ça aussi ça fait exactement la même chose que de boire, avec l’avantage que je ne serais pas malade demain et comme il est d’ailleurs, je n’aurai pas à tenir de façade bien longtemps.

Mais je sais, j’ai beau me donner toutes les raisons du monde, je suis simplement malveillante. Il est moine, le genre d’homme qu’on ne touche pas et qu’on ne laisse pas nous toucher. Et le défi fait courser mon sang juste un peu plus rapidement.

Est-ce que mon raisonnement est décousu ? Incohérent avec ce que je suis et ce que je pense ? Je ne crois pas. Si l’homme me répugne, je faite de la même chaire que ces animaux et connais parfaitement ce que je désire et pourquoi. Et j’aime bien ce que je vois. Un corps musclé, agréable à l’œil et un défi, un dilemme moral.

Je ne veux pas être seule ce soir encore.

Non, ce n’est pas ça. Ce n’est pas ce que je fais de ramasser un chien errant pour un nuit, pour ne pas être seule. Quelle connerie.

Et Arihiro ? Non, lui c’était une exception.

J’aime chasser, me mettre au défi, voilà tout. Je dois simplement me prouver que je n’ai pas perdu la main à force de passer des jours derrière mon bureau à régler de la paperasse ou à gérer des enfants qui ne connaissent rien au vrai monde …

Et puis, mon terrain de chasse favoris, les fruits défendus, les esprits plus purs, ou du moins qui se disent plus purs que les autres.

Je n’hésite pas, alors que j’écarte juste un tout petit peu plus l’avant de mon kimono exposant le haut de ma poitrine. Alors qu’il est de dos à moi, je pince un peu mes joues, les forçant à se rougir – ça donne toujours un air un peu plus innocent d’avoir l’air embarrassée – et sans plus attendre, je franchis la distance entre nous.



Je lui souris, me montrant aussi douce que possible. J’ai l’habitude de ce genre de routine, ça fait littéralement parti de mon travail. Puis ma main vient effleurer son avant-bras, avant des retrouver sa place à mes côtés.



Je marque une courte pause, plaçant un doigt contre mes lèvres, l’air pensive avant d’ajouter :



Je plante mon regard directement dans le sien, me donnant un air un peu coquet, mais je ne l’exagère pas. Mon but n’est tout de même pas de passer pour une prostituée …

Le centre-ville. 

Véritable centre nevralgique de Jujou no Sato, tout comme ses analogues des autres régions pour celles-ci. L'endroit semblait toujours mu par une cacophonie sans ordre. 

Et pourtant, au milieu du brouahaha et du chaos, il y avait comme toujours un flux. 

Les hommes lorsqu'ils se rassemblent ont toujours tendance, inconsciemment, à agir comme une seule entité, un seul courant, comme les particules d'eau d'une rivière, l'air d'une brise et les feuilles qu'elle porte, le chakra qui afflue dans le corps de chaque individu. Il y avait là une leçon pour celui qui prenait le temps d'observer, une leçon sur le monde laissé par les dieux.

Genno ne prenait pas vraiment le temps de penser à ceux-là, peut-être étrangement pour un moine, mais il ne pouvait s'empêcher de voir le flux des choses et de l'admirer. Peut-être était-ce parce qu'il ne s'y sentait pas chez lui, comme un point noir, immobile au milieu de ce courant d'inombrables êtres aux buts qui, de loin du moins, semblent si certains.

Pourtant, pour une fois, il n'était pas le seul qui sortait d'ordinaire de la foule.

Une femme venait de l'approcher, naviguant au même rythme que la mer, pourtant une impression singulière le frappa lorsqu'il tourna la tête en sa direction, comme si elle ne faisait que suivre son flux sans en faire partie. Sûrement une impression pour le moine encore jeune pour creuser trop profondément ce genre de ressentis. 

Son visage aux traits fins avait tout pour plaire. Son corps aussi si Genno s'aventurait à l'explorer du regard mais ses enseignements avaient su réprimer ce genre d'instincts. Non, c'est autre chose que ses formes qui attisaient sa curiosité. Du moins, pour l'instant.



Son ton de voix semblait innocent au possible, la douceur clairement lisible dans ses gestes jusqu'à ce qu'elle vienne effleurer son avant-bras, le plus bref des instants. Sa peau était douce, il remarquait brièvement malgré lui.
Son titre l'interpella lorsqu'elle se présentait à lui. Une Jonin hein. Peut-être était-là par courtoisie pour son village ? Il y avait clairement un certain charme dans ses manières mais le moine irait il réellement jusqu'à supposer qu'une telle femme s'intéresse ainsi à lui à leur première rencontre ? 



Oui, il y avait une certaine force qu'il semblait sentir en elle malgré ses manières douces et délicates mais ce n'est pas ce contraste là qui le frappait le plus.

C'était celui qui venait de son regard, plongé dans le sien, presque hypnotique alors qu'elle l'accompagnait d'un air coquet. Tout de quoi charmer et pourtant, il avait un étrange ressenti...

Comme si l'émotion qui animait vraisemblablement son corps n'atteignait pas ses yeux. 

Peut-être était-ce naturel chez les shinobis -elle n'avait pas l'air d'une samurai, encore moins d'une moine..-. Peut-être se trompait-il. Après tout, il était encore inexpérimenté et avait bien des choses à apprendre.



La main frottant sa nuque, il répondait du mieux qu'il pouvait, luttant contre les nerfs amenés par cette rencontre soudaine et les charmes de la demoiselle qui le laissaient quelque peu désarmé.

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Ce sourire mystérieux lui n'a rien de surfait ou de factice. Elle était toute aussi mystérieuse qu'elle le laisse entendre. Peut-être pas pour les raisons escomptées mais l'effet lui était le même, s'il ne s'en retrouve pas d'autant plus envoûtant.


La phrase le fait sourire et il faut dire que lui-même se demande bien de quelle façon il devrait voir la chose. La seconde lui crie la partie rationnelle de son cerveau mais pourtant une partie de lui ne peut se détacher de l'idée que le jeu en vaut la chandelle. 

Sûrement une idée stupide animée par égo et désir. Pourtant il n'est pas connu pour céder à ces deux passions donc peut-être qu'il y a là quelque chose de plus, de véridique. 

Il ne peut s'empêcher de sourire lorsqu'il la voit se détendre. Un sourire moins courtois, plus honnête. Quelque chose change très légèrement dans la présence qu'elle dégage. La voilà plus calme, peut-être un peu plus à l'aise. 

Le masque revient très vite cependant. Pas celui de l'innocence mais celui de la séductrice. Un masque peut-être plus ancré mais un masque malgré tout. Du moins c'est l'impression que le moine en a.  Elle se lèche les lèvres et soutient son regard, ce qu'il suit sans mal. C'est toujours dans ses yeux qu'il regarde, comme s'il cherchait à y voir son âme. Pouvait-elle le sentir elle aussi ? Il n'en avait aucune idée.


La voilà. La vraie femme. Ou du moins celle qu'elle considère l'être. Toute son aura change alors qu'elle se glisse sur le même banc que lui.

Il avait bel et bien trouvé ce qu'il cherchait dans son regard. Du moins pour l'instant. Entrevu quelque chose là-dedans qui avait piqué son intérêt.

Voulait-il une tentatrice ? Pas exactement. Il avait apprécié la femme innocente qu'il avait rencontré au début. Mais bien sûr, il était moine. Un moine qui craquerait sous les avances d'une femme était une chose, mais quel serviteur des dieux irait succomber à ses désirs au point de corrompre de lui-même une innocente.

Bien sûr, il y avait aussi le fait qu'il avait su voir derrière ce masque. Aussi parfait soit-il, le Sohei avait longtemps appris à voir au-delà des formes, sentir cet élusif rythme intérieur, ce flux que chaque chose semble prendre lorsqu'elle est en accord avec sa propre nature.

On dit que le Chakra lui-même est la fusion de deux énergies, dont une énergie spirituelle. Peut-être est-ce là ce qu'il parvient à vaguement ressentir.

Ou peut-être pas, après tout il ne s'agit pas d'une compétence apprise à l'entraînement, juste une manière de fois le monde pour celui dont les enseignements lui permettent de se détacher du matériel et de voir ce qui se cache entre les choses.

Ses doigts se saisissent de la coupelle et il laisse le liquide se frayer son passage brûlant dans sa gorge. Intérieurement il récite l'un des Cinq Préceptes : "Ne pas s'enfoncer dans la brume de la tromperie". C'est le code qui interdit normalement au moine de boire. Son but est explicité dans l'explication qu'en font les textes: Rejeter les situation qui peuvent perturber l'esprit ou confondre la raison.

En apparence, tout portait à croire que Genno était dans une situation qui laisserait n'importe qui l'esprit perturbé et la raison confondue.

Il reposait la coupelle vide. Le but du précepte était clair et ce n'est pas une coupelle d'alcool qui allait suffire à le rendre ivre.

La serveur arrive alors, le détail de son geste trahissant l'intérieur de sa pensée tout comme le regard accusateur qui lui échappe discrètement en direction de la shinobi.

Cette dernière semble au contraire totalement l'ignorer, son attention au contraire dirigé sur le Sohei. Il remarque la sensation sur sa jambe et comprend alors le jeu qu'elle initie. Il hausse brièvement les sourcils, l'air faussement accusateur avant de se retourner vers la serveuse. Il restait courtois et acquiesçait brièvement lorsqu'elle déposait les plats pour la remercier, faisant de son mieux pour ne pas réagir extérieurement à ce qui se passe sous la table.

Le regard de la serveur se retrouve également posé sur lui et pendant un instant alors qu'elle dépose un plat devant lui, elle rencontre ses yeux et il peut y voir quelque chose d'autre que du dédain, une sorte d'étrange plaidoyer. Comme si elle tentait de le prévenir du danger, de l'implorer du regard de rebrousser chemin et de fuir cette corruption de son innocence.

L'innocente et la tentatrice. L'une et l'autre tentant de capturer son attention. Les deux masques portés par la femme aux cheveux d'or assise à ses côtés.

Laquelle des deux natures attirait donc le Sohei ? Sûrement les deux d'une façon ou d'une autre, il n'était après tout qu'un homme.

Pourtant, il vit en cet instant, quelque chose dans le regard de la jeune femme, quelque chose de sincère, une inquiétude honnête qui toucha son cœur et il s'en retrouva reconnaissant.
Alors pendant cet instant, aussi bref soit-il, il prit le temps de lui accorder son attention. Ses paupières se fermèrent presque entièrement et un sourire reconnaissant se dessina sur son visage, illuminé par les fenêtres du restaurant alors qu'il s'inclinait légèrement en avançant le buste.


Elle s'arrête un instant confuse par ce qu'elle voit.

Non pas en surface bien sûr. En surface, il semble simplement la remercier pour le plat qu'elle vient de poser à sa table. Mais au-delà, ce qu'elle perçoit presque instinctivement, elle n'arrive pas à le réconcilier avec la situation présente. Voilà un homme avec une coupelle de saké d'une part et une femme d'une autre. Et pourtant, en cet instant, il semble la figure parfaite du moine.

Quelque chose dans ce simple acte de gratitude exprimé avec une sincérité se ressent comme étant impossible pour quelqu'un qui aurait compromis ses principes.

S'il y avait quelconque souillure inhérente à l'homme cachée dans celui-là, il semblerait qu'il n'était pas si prêt à la révéler que les circonstances le laisseraient entendre.


La serveuse s'éloignait rapidement. Il pouvait la voir quelque peu rassurée malgré la confusion mais toujours aussi terrifiée de la femme face à lui. Il retournait d'ailleurs son attention vers elle alors que son pied remontait le long de sa jambe et s'attardait maintenant sur son mollet, son regard à peine plus insistant, mais suffisamment pour qu'il le comprenne.

Elle s'arrête, le temps d'une coupelle de saké qu'elle avale d'une traite et il plisse les paupières. Ce n'est sûrement pas assez pour la mettre dans un quelconque état mais il ne peut s'empêcher de se demander si elle n'essaye pas de se donner du courage -les dieux savent à quel point lui en avait besoin- ou de s'embrumer l'esprit autant que possible. "La brume de la tromperie" comme l'appelle le Précepte. Que cherche-t-elle à se cacher à elle-même dans cette fameuse brume ?


Il rigole poliment à cette admission.

L’air qu’il m’envoie lorsque mon pied commence à danser sur sa jambe est répondu d’un petit sourire provocateur. S’il tente de rester de marbre alors que nous ne sommes plus seuls, sa réaction initiale me laisse voir que ce n’est qu’apparence. Je remarque le regard de la serveuse qui est répondu par … un remercîment ? Je suis certaine que ce ne sont pas les plats qui ont provoqué les mots de mon compagnon du moment.

Je suis confuse, mais préfère ne pas réagir à ce commentaire. Je garde mon masque intact et garde la confusion qui nait en moi en mon sein. Ce n’est pas important après tout. Lorsque je lui admets n’être point une femme patiente, il rigole.



Cette fois-ci, c’est mon regard qui balaie son corps sans scrupule. Ses épaules et son torse avant de revenir sur son visage, un air plus que satisfait au visage.

Je me penche, ensuite, au-dessus de la table, lui donnant une vue parfaite sur ma poitrine, alors qu’un doigt vient se poser sous son menton pour relever un tout petit peu son regard, l’incitant à regarder mon visage. Je lèche lentement mes lèvres avant de mimer : un seul.

Puis je me recule, sort bien plus de ryos que nécessaire pour payer et le met directement sur la table. J’attrape la bouteille de saké d’une main et enroule mon bras autour du sien alors que je le guide à l’extérieur. À peine sortis, je me vois cependant hésiter un instant, mais seulement un instant.

J’attire Genno contre moi, le guidant aisément sur les plateformes. Mon pas est confiant, contrairement à la petite voix qui crie quelque chose dans mon esprit. Non, faire demi-tour. N’importe où mais pas là. Mais je suis moi et j’ai depuis longtemps appris à ignorer cette voix qui se prend pour ma conscience. Rapidement, nous atteignons les quartiers résidentiels et je bifurque sur un chemin descendant qui de plus en plus se montre étroit.

Il ne faut que quelques minutes de plus pour atteindre une petite maison. L’endroit est modeste, sans aucune fioriture … ou même quoi que ce soit lui donnant un cachet personnel. Alors que je me tiens sur le pas de la porte, je lance regard à Genno, au bras de qui je suis toujours pendue.

Je ne suis pas seule.

Et depuis quand est-ce que ça m’importe ? C’est probablement à cause de ce qu’Ao m’a fait. Oui. Tout est sa faute. Si je suis là aujourd’hui, c’est à cause de lui et d’Arihiro qui a disparu. Non, Arihiro n’a jamais même mis le pied ici …

Mais je ne suis pas seule. Cette pensée ne veut pas me quitter. Et je la hais d’autant plus, car je ne peux rien faire pour l’empêcher. Plus maintenant. Plus depuis cet hiver.

Finalement, mon bras quitte celui de Genno pour prendre une clé dans ma manche. Sans plus attendre, je déverrouille la porte et invite le moine à l’intérieur.



Ma demeure est à mon image impersonnelle. La seule chose détonnant d’un environnement austère sont les pilules militaires et leurs ingrédients traînant sur la plupart des surfaces. Je suis très rarement chez moi de toute façon … et on le sent bien. Aucun miroir, aucune surface réfléchissante non plus n’est en vue, celle que je possédais, je les ai déjà toutes détruites il y a bien longtemps.

Je me glisse dans la cuisine pour attraper des coupelles que je pose sur la table avant de m’assoir moi-même sur l’un des coussins de la table basse.



L’endroit que j’indique est directement à côté de moi. Je ne crois pas pouvoir être plus clair. Je remplis donc les deux coupelles que je viens de poser sur la table.