C'était le grand jour, le soleil commençait doucement son ascension vers les cieux, éclairant de son petit minois les ruelles, pour l'instant, bien endormie du quartier marchand. J'étais déjà sur le qui-vive, depuis de longues heures maintenant. Pour cause, c'était le jour de l'ouverture de l'Échoppe du Souvenir. Mais si vous savez, cette échoppe où je vends des souvenirs de défunts pour les proches de la famille : sculpture en bois à l'effigie du défunt, cible à l'image de l'assassin, bracelet avec dents du cadavre, collier ou broche avec l'œil du cadavre ou encore du savon à l'odeur de sueur du damné. J'avais tout prévu. Je sais, c'est une idée de génie qui permettra à tous les petits habitants ayant perdu un proche de venir se procurer des souvenirs. Tout le monde me remerciera plus tard.

« Bon, la vieille ! J'ai fini d'installer mon côté sur le présentoir en bois, je te laisse t'occuper de l'ouverture et tout le tintouin, viens me chercher uniquement si le Sakyuukage rentre dans cette pièce ok ? Merci ma bonne dame, tu auras le droit à des papouilles ce soir pour te remercier ! »

Oui, bon, j'avais pas vraiment acheté ma propre boutique, mais j'avais décidé de squatter celle de la vieille octogénaire du coin de la rue qui vendait des bonbons aussi durs que des cailloux. J'ai dû me sacrifier quelque peu pour arriver à mes fins, vous savez que c'est pas facile de convaincre une vieille gâteuse à l'appétit sexuel débordant. Humhum. Bref. Je vous passe les détails, on était arrivé à un accord de principe et d'échanges de bons procédés c'est tout ce qui m'importait. Mais je vous jure qu'elle est encore bien énergique pour son âge. Bref. Pardon, j'arrête.

« Mesdames, Messieurs, Damoiseaux et Demoiselles, permettez moi de me présenter ! Kokoro Kenta, Chuunin du village de Sakyuu, soldat de l'armée du pays, conteur d'histoire, amant réputé, médecin de garde et colocataire de grande qualité ! Je suis heureux de vous faire assister à l'inauguration de l'Échoppe du Souvenir ! Pour l'ouverture, tous les accessoires concernant la mort d'un enfant sont en promotion ! Et pour un objet acheté, une souris empaillée offerte ! »

Oui, je sais, j'ai la fibre commerçante, c'est dans mes gênes. Bon, j'avais fait tout ce discours devant les quelques marchands qui ouvraient leurs boutiques dans la même rue que moi. Mais peu importait, je n'avais pas vraiment de temps à perdre, et l'envie d'attendre le moindre petit client. Après tout, la vieille fougueuse était là pour ça.

Non, de mon côté, c'était plutôt du côté de l'arrière-boutique tout se passait. Dissimulée derrière un faux mur, à l'ouverture scellée par un cadenas dont la clé ne quittait pas mon cou, l'arrière-boutique ou plutôt, la véritable Échoppe du Souvenir ouvrait ses portes.

Une ambiance légèrement glaçant, voir lugubre, des lumières tamisées manquant de s'éteindre à chaque instant. Une température tranchant nettement avec la chaleur de la rue environnante, croquant l'échine au moindre pas dans son enceinte. D'un côté, entreposés sur des armoires bancales le long d'un mur, différents types de bocaux, entreposant tout un tas d'entrailles maintenus en état par mon chakra. Au fond de la pièce, un lit de fortune et de nombreuses piles de bouquins, jonchant le sol, les feuilles dégoulinant parfois de leur étui. Au milieu, une table, semblable à la conception d'un lit d'hôpital légèrement surélevé pour être à ma hauteur. Sur le côté de la table, tout un tas d'instruments médicaux, parfaitement propre et soigneusement rangés. De l'autre côté de la pièce, d'autres armoires, contenant cette fois tout un tas de recherches non abouties ou en cours.

« ♫ La mort c'est pas cool, la mort c'est pas bien, mais c'est toujours Kenta qui en prend soin. C'est nul d'être mort, c'est un peu ennuyant, les kamis doivent être un peu coincés, mais je suis là pour les amuser. ♪ »

Oui, bon, on dirait clairement un fou à lier, je sais. Mais vous savez très bien que je suis tout à fait normal. Peut-être mise à part mes quelques coups de génie lorsque j'entre dans une auberge, mais désolé, j'aime trop embêter les alcooliques notoires du quartier. Oui, ma chanson est complètement pourrie, j'avais déjà fait preuve de meilleures inspirations, mais j'avais du mal à réfléchir dans ce froid.

Le froid, il était obligatoire, bien que mon chakra préservait les quelques cadavres d'animaux entreposés çà et là, une chaleur trop soutenue aurait engendré une odeur nauséabonde. Figurez-vous que je suis sensible aux odeurs. Et puis bon, pour la clientèle de l'autre côté du mur, ça aurait foutu en l'air mon business.

J'étais heureux. Grand sourire aux lèvres, les yeux scintillants de bonheur, scalpel en main, cadavre de chat ouvert en deux et les entrailles dégoulinant sur la table d'opération. Oui, c'était mon petit plaisir à moi. Mais je vous arrête de suite, je ne suis pas un psychopathe ! Non, je suis un scientifique, si je m'adonne à la dissection d'animaux ou autre, c'est dans le but d'avancer dans la compréhension du monde qui m'entoure. J'ai besoin de découvrir le potentiel de chaque espèce, de chaque personne, de chaque yokai. Je veux connaître les secrets de la création et des capacités de chacun. Il est là, mon but, mon projet de vie, découvrir les secrets des espèces, les kamis nous ayant rassembler dans le même monde, je dois comprendre pourquoi. Et cela passe par l'étude, et qui dit étude, dit se salir les mains ! Et oui, tous les projets et les découvertes ne se sont pas passés en restant assis tranquillement dans un fauteuil à se palucher l'asticot. Bref.

L'Échoppe du Souvenir ouvre ses portes aujourd'hui, soyez les bienvenus.