Find your way home

Le vent se lève, doucement, pendant que des petits cristaux de neige tombent. Accroupi, la majorité du visage couvert par une écharpe, je restais immobile pendant plus d’une minute, à observer le gibier. Un cerf isolé, qui s’est aventuré dans cette zone à la recherche de ramille. L’hiver était là, et les animaux s’adaptent. Mais ma flèche reste la même, alors que dans un relâchement de mes doigts le projectile fuse en direction de l’animal. Un coup brutal, sous l’aisselle, droit au coeur. Un brame traverse les bois alors que le corps de la bête tombe lourdement au sol, inerte. Enfin je me redresse, et je m’approche du cerf. Il est mort du premier coup.

La flèche soigneusement retirée et remise dans mon carquois, je mets une peau d’animal épaisse sur moi avant de soulever le gibier sur mes épaules. La bête est lourde, mais rien d’insurmontable pour moi qui a dû répéter ce processus plusieurs centaines de fois tout au long de ma courte vie. Un pas lent mais sûr après l’autre, je trace un chemin avec mes traces dans la neige alors que je me dirige en direction du village. La neige continue de tomber, mais la visibilité reste dégagée. Je sens la chaleur du cerf sur mes épaules, me réchauffant pendant ma traversée de la forêt immaculée. Mais au bout d’un moment, j’aperçois une silhouette humaine au milieu des arbres.

Je fronce les sourcils, essayant de voir si je reconnais la personne. Ma mémoire n’étant pas si au point que ça, je ne connaissais pas parfaitement les habitants de Toge. Si j’avais croisé quelqu’un d’à peu près mon âge, je l’aurais retenu. Je décide de m’approcher, les mains tenant fermement les pattes du gibier pour bien le tenir en équilibre sur mes épaules. Légèrement penché vers l’avant, je regardais calmement l’inconnue et lui demander innocemment :



Sans s’en rendre compte on peut se perdre pendant une promenade, si on ne sait pas exactement où aller. Sait-elle que nous étions au moins à 2 kilomètres de la porte du village ? Cela représente une sacré balade, pour quiconque se promène dans ces bois, sans avoir de quoi chasser.

Find your way home

Son panier rempli de champignons en main, elle s’incline devant moi et m’explique sa situation. Je me détends légèrement sur mes appuis, un fin sourire crispé sur mes lèvres alors que je ne savais pas trop comment réagir à ce genre d’attitude. Père m’a expliqué le concept de politesse, avant de me relâcher pour que je puisse rejoindre la société, mais cette fille… n’était-elle pas excessive dans son approche ? Je ne sais pas si je mérite autant de courbettes, mais je racle discrètement ma gorge avant d’acquiescer de la tête.



À peine je posais un pas en avant que je la voyais s’inquiéter du cerf sur mes épaules. Pris par surprise, je reste silencieux en la regardant, les yeux grands ouverts. Puis je me rends compte qu’elle a dit vivre dans un temple, ce qui explique qu’elle n’est probablement pas familière avec la chasse… je pense ? Il y a tant de choses que je ne savais pas.



Emboitant le pas, je commençais à marcher en direction du village, me rappelant être passé par ici il y a quelques heures. Même si la neige arrive à effacer les traces derrière-nous, elle ne me fera pas perdre aussi facilement dans ces bois. Le vent soufflant entre Haruna et moi, je couvre la moitié de mon visage avec mon écharpe avant de garder au chaud ce que je pouvais, alors que le sang du gibier coulait lentement le long de l'épaisse  peau animale sur mon dos.



Au bout de plusieurs dizaines de mètres, je m’arrête un instant, tournant la tête vers elle. Elle avait des yeux étranges, mais plutôt jolis, comme des pierres précieuses. Mais j’ai la sensation d’avoir fait quelque chose de déplaisant, alors qu’elle espérait un dénouement positif pour l’animal sur mes épaules.



Chasser les animaux était quelque chose de parfaitement normal pour moi, comme en témoignait mon arc ou bien les nombreuses peaux par-dessus mes vêtements. On nous a appris à chasser par nécessité, et à ne jamais tomber dans l’abus. Après tout, vivre dans la forêt c’est une question de survie avant tout. Mais cette vie entre nos mains est fragile, et la nature peut nous l’arracher en un seul hiver rude. Suis-je le seul à penser de cette façon ?...