Tu sentais, peu à peu, que ta mort approchait doucement. Il n’était pas question pour toi de courber l’échine. Ton coéquipier, lui, salua la divine créature comme il se doit. Un silence, survint, puis un bruit rauque venant de la cage thoracique du géant. Les secondes te paraissaient comme des minutes, les minutes comme des heures. Le temps était comme arrêté, comme si le rendez-vous avec la faucheuse approchait, tu le sentais. Et puis survint la libération, au son de la voix du gobelin. Il avait l’air d’avoir entendu tes paroles et surtout compris le message derrière. Puis, l’ogre reprit derrière lui, en te parlant à toi directement. Pour lui, tu avais accepté tes principes et ta mort, c’était le cas. Tu savais que la mort était une étape, finale ou non, de la vie d’un homme. Alors pourquoi dénigrer ses principes pour tenter de l’esquiver ?

« Mon nom, enfin celui qu’on m’a donné, est Gouka. Je ne sais pas si c’est celui de ma famille ou non. » Dis-tu d’une voix grave et pesante. « Mon prénom est Ryuuza, mais vous pouvez m’appeler Ryu. Comme vous voulez. »

Tu avais repris pour répondre à l’immense créature. Elle demanda son nom à ton coéquipier du jour aussi. Puis elle se releva et tapa de son Kanabo au sol. Rien qu’en frappant le sol doucement de son arme, tu pouvais aisément sentir sa force. Sa taille imposante te surplombait totalement, tu devais lever la tête pour tenter ne serait-ce que croiser son regard. On pouvait aisément dire que le pire était passé. Pour le moment en tout cas. La créature se présenta comme étant un Oni, puis le gobelin repris derrière lui pour préciser que ce n’est pas un simple Oni, mais qu’il était le véritable. S’en suivit une discussion un peu cocasse entre les deux. L’Oni se décrivit comme l’ancien chef de tout ses semblables. Pour le gobelin, il l’était encore. Une scène surréaliste survint alors, le gobelin s’énerva et enchaina les phrases pour faire comprendre qu’il s’était passé quelque chose pour qu’aujourd’hui il ne soit plus le « véritable ». Pour le gobelin, c’était une décision prise par l’Oni. Une sorte de sacrifice pour le bien de son peuple. Tout de suite, ton cerveau compris. L’Oni ne t’avait pas tué car tu avais refusé de t’agenouiller et maintenant, tu apprenais qu’il avait sûrement sacrifier son rang et sa renommée pour sauver les siens. A n’en pas douter, cette créature avait du cœur et une grande partie d’humanité. Un sourire vint alors se dessiner sur ton visage. Tu comprenais mieux que quiconque la douleur d’avoir à sacrifier tout ce que tu avais pour simplement permettre au plus grand nombre de profiter de sa vie. Tu n’avais pas mis ta vie sur la balance, simplement, pour sauver un village de la famine ?

Tu ne pris pas part à cette conversation. Elle était entre eux, tu n’allais pas donner ton avis. Même si au fond, ton sourire en disait long sur ce que tu pensais des deux créatures. Après tout, l’un t’avait sauvé de gobelin et l’autre t’avait autorisé à ne pas t’agenouillé. C’est qu’ils avaient, au fond, une véritable part de charité. Les histoires que tout le monde racontaient était fausses après tout. Toutes ces créatures n’étaient pas mauvaises. C’était comme mettre tous les humains dans le même panier, il y en avait des bons et des mauvais, impossible de tous les considérer de la même façon. Malgré ça, tes jambes te faisaient souffrir. Le combat auparavant avait été rude et tu avais besoin de repos. À la fin de la tirade de l’Oni sur le fait de vous raconter son histoire et celui de son espèce, tu te mis en mouvement dans la direction de la paroi rocheuse située sur ta droite. Une fois arrivé devant, tu t’assis en tailleur, posant tes mains sur tes genoux avant de prendre la parole pour briser le silence créer par ton mouvement.


« Je suis redevable envers Grold pour nous avoir sauver la vie tout à l’heure » Dis-tu d’une voix sérieuse. « Et même si je ne l’étais pas, le fait de m’avoir épargné alors que je ne me suis pas agenouillé, me donne envie d’en savoir plus sur vous Anax. ». Dis-tu avant de reprendre directement. « Comme dit précédemment, j’accepterai les conséquences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Je ne partirai pas ».

Dis-tu en regardant l’Oni droit dans les yeux. Les dés étaient jetés, que le sort vous soit favorable.

Je suis Akashiki. Quand à mon nom, je l'ai abandonné en même temps que j'ai quitté ma famille. Si vous devez en utiliser un, vous pouvez m'appeler Zero Akashiki.

Tout en répondant, le samurai réfléchissait. Le dialogue qui venait d'avoir eu lieu entre l'oni et le gobelin albinos, Grold, avait été riche en révélations. Alors comme ça, Anax était l'ancien chef de tous les onis. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Et pour commencer, combien pouvait-il y avoir d'onis ? Akashiki n'en avait jamais entendu parler que dans les légendes, et il venait de rencontrer son premier représentant de cette espèce mythique. Et puisqu'il y avait un chef, existait-il une société d'onis ? Mais où se cachaient-ils ? Comment une race assez nombreuse pour former une société pouvait rester cachée si longtemps qu'elle en acquière un statut légendaire ? Et puisque les onis étaient des yokais de grande puissance, est-ce que cela ne faisait pas d'Anax l'ancien chef de tous les yokais ?

Qui plus est, l'oni gigantesque avait apparemment perdu son statut. Et volontairement en plus, d'après la réaction de Grold.  Cette information aussi laissait la porte ouverte à de nombreuses questions. Est-ce que ça voulait dire qu'il y avait des conflits d'intérêts chez les onis ? Est-ce que c'était une méthode de succession ? Avait-il été victime d'un coup d'état ? Ça avait dû être un événement particulièrement catastrophique pour que l'ancien chef de tous les onis se retrouve seul, abandonné avec, apparemment, uniquement Grold pour le soutenir. D'autant plus qu'Anax semblait être particulièrement puissant, sa petite démonstration avec son Kanabo en était la preuve. Y en avait-il d'autres comme lui d'ailleurs ?

Autant de questions qui ne trouveraient certainement pas de réponse immédiatement. Il valait mieux attendre et écouter.

Akashiki fit un pas en arrière pour s'adosser contre la paroi de la caverne et croisa les bras en attendant la réponse de la créature.

Anax souria légèrement. Vos paroles lui avaient plus au plus haut point. Il n’y avait rien d’autre à ajouter. Aujourd’hui, soit ce sera le début d’un duo légendaire d’Onogoro, soit vous alliez mourir dans cette grotte. Le regard déterminé, tu attendais. Jusqu’au moment où la pression chakratique présente dans la grotte s’accentua. Tu te mis directement à transpirer, tu ne te sentais pas bien du tout, même respirer t’étais devenu impossible. Une aura blanchâtre de chakra pure se dégagea de l’Oni. Ton instinct de survie te criait de t’en aller, de partir aussi loin que tu le pouvais avant de périr ici. Malgré ça, il t’était impossible de bouger. Trop tard pour changer d’avis, trop tard pour écouter sa raison. Ta décision avait été prise et impossible de revenir en arrière. Et puis Grold lui cria de se contrôler. Parce qu’il était possible pour lui de contrôler une si grande puissance chakratique ? La réponse apparue quelques secondes après, son aura disparue en enveloppant seulement ses poings. La pression chakratique diminua aussi, te laissant la possibilité de respirer. Malgré ça, ton regard ne laissait transparaitre aucune crainte. Si intérieurement tu étais complétement apeuré, extérieurement, tu ne montrais rien. Anax reprit la parole et vous prévient une dernière fois. D’après lui, cette puissance n’était pas faite pour les humains. De plus, toujours d’après lui, vous alliez devoir faire face à la mort et en ressortir vivant. Avant même que tu ne puisses réfléchir aux conséquences de ce qu’il venait de dire, l’oni apparu devant vous, très rapidement, et vous frappa dans l’estomac. Ton corps tout entier fut propulser extrêmement fort dans les parois rocheuses de la grotte. Il n’y avait rien à faire, rien à penser. La douleur était beaucoup trop forte pour que tu puisses rester éveiller. Tu étais trop faible pour survivre ? Si c’était le cas, tu ne méritais pas cette puissance, donc la mort était une bonne chose.


« T’en a mis du temps à arriver Ryuuza ». Dit-il.

Mais qui parlait ? Tu n’en avais aucune idée, tes yeux étaient encore fermés. Puis d’un coup, la douleur disparue, comme si tu n’avais plus rien, tu ne sentais plus rien. Tu ouvrais peu à peu les yeux, laissant tes iris caresser l’environnement avoisinant. Tout était … Vide. Tu étais debout, pieds dans l’eau, dans un endroit complétement vide. Il n’y avait rien, même pas de vent.  Tu ne comprenais pas ce qui était en train de t’arriver. Était-ce la mort ? C’était donc ça le purgatoire ?

« Non. Ici, c’est mon territoire » Redis la voix de tout à l’heure. Tes yeux se dirigèrent directement dans sa direction et là, tu fus stupéfait.


Tu avais en face de toi une version de toi-même. Il y avait des différences, comme sa peau noire, ses yeux rouges ainsi que le chakra noir qui se dégageait de son torse. Malgré ça, il te ressemblait totalement, même visage, même gabarit, même corps et musculature. Tu te demandas alors qui était cet homme en face de toi ? Puis il répondit directement, alors que tu n’avais pas user de ta voix. Comme si il pouvait lire dans tes pensées.

« Je suis toi. Ton corps, c’est le mien. Tes pensées, sont les miennes. Ta force, c’est la mienne. Et aujourd’hui, ta mort sera ma renaissance ».

Une fois fini, l’homme t’attaqua directement avec un coup de poing dans l’estomac qui t’envoya quelques mètres derrières. Tu ne comprenais pas ce qu’il se passait, tu ne savais pas où tu étais, mais ce qui était sûr, c’était que cette chose en face de toi ne te voulait pas grand-chose de bien. Tout ceci te rappela la vision que tu avais eu, cette autre chose qui dépeça devant toi une créature pour en prendre son apparence. C’était ça que tu avais en face de toi ? Un polymorphe ?

« Non, non, non, non, non ! Voilà pourquoi tu dois mourir Ryuuza, parce que tu n’es qu’un imbécile ! Je veux comprendre ceci, je veux comprendre cela. Les humains doivent être considérer de la même façon, les Yokais pareil, seule la pureté du cœur est importante pour toi, car c’est grâce à cette variable que tu juges les gens qui t’entourent. » Dit-il avant de reprendre rapidement. « FOUTAISE !!! Ton cœur est aussi noir que le reste des gens bordel !! ALORS CRÈVE !!! »

Dit-il avant de te foncer dessus pour t’attaquer de nouveau. Tu n’avais pas compris pourquoi il te voulait du mal, mais tu savais au fond de toi que si tu ne faisais rien, il allait complétement t’annihiler. Tu bougeas donc instinctivement, un petit décalage vers la gauche, pour esquiver son coup de poing et riposter avec une droite puissante. Malgré ça, c’est comme si cette chose lisait encore une fois dans tes pensées et elle esquiver ce mouvement avec une facilité déconcertante.

« TU NE PEUX PAS ME BATTRE RYUUZA !! JE SUIS LE VERITABLE EMPEREUR DE CE ROYAUME !! » Cria-t-il avant de reprendre la parole. « Je sais ce que tu vas faire avant que tu le fasses, car nous partageons les mêmes pensées. Me battre, reviendrait à te battre toi-même et c’est impossible. Meurs donc dans l’indifférence la plus totale des gens pour qui tu te bats, car eux, ne te connaissent pas, ne te respectent pas et pire encore, ne veulent rien avoir à faire avec toi. Tu n’es qu’un lâche qui a fuis son village parce que tu étais trop faible pour entrer dans l’armée ».

Dit-il avant d’attaquer une fois de plus. Cette fois-ci, tu stoppas son poing rapidement, mais tu reçu un coup de pied surpuissant dans l’estomac qui te fit chuter à genou de douleur.

« Reste par terre Ryuuza. Tu n’as rien, car tu n’as rien mérité. Tu n’es rien, car personne ne veut de toi. Même tes parents t’ont abandonné devant les portes du village de Seizan alors que tu n’étais qu’un nourrisson. » Dit-il avant que tu ne prennes la parole à ton tour. « FERME LA ORDURE !!!!! »

Puissant sur tes appuis, tu poussas sur tes jambes pour lui assener un coup de poing au niveau du menton. Directement après, un deuxième coup de poing vint s’abattre sur son visage, puis un troisième, puis un quatrième, puis un cinquième. Il n’y avait plus rien dans ton esprit, plus aucune réflexion, seul le désir de le voir mourir et fermer sa grande gueule te faisais bouger. Tu continuas à frapper, pendant de longues minutes. Le temps passait, le corps de ton adversaire se transforma doucement en pierre, puis en poussière. Malgré ça, tu ne t’arrêtais pas. Tu étais comme posséder par la colère. Les mots qu’il t’avait dit, c’était trop pour toi. On disait que les mots faisaient beaucoup plus mal que les coups, en voilà une bonne démonstration. L’eau qui t’entourait devenait complétement rouge, ton sang s’y mélangeant. En effet, tes poings étaient complétement déchirer par ta frénésie. Puis tu t’arrêtas net et te releva. Debout, tu faisais face à l’immensité de vide qui t’entourait.

« Senseï, j’ai enfin compris ce que vous vouliez m’apprendre depuis le début. Malheureusement, dans ce monde, c’est se nourrir ou servir de nourriture aux autres. Seul le plus fort à ce choix à faire hein. ». Dis-tu avant de fermer les yeux et de tomber sur le dos, complétement inerte.

Tu te réveil dans la grotte. Difficilement, tu ouvres les yeux. La douleur était intense, tu avais sans doute des os cassés un peu près partout dans le corps. Ton regard se porta directement sur Anax. Tu étais au bord de la mort, mais un sourire pouvait se voir sur ton visage. Manger ou être manger, c’est ce que tu venais d’apprendre. Te sortant difficilement du trou dans lequel l’Oni t’avait encastré, tu chutas au sol, dans l’incapacité complète de te relevé. Tu devais pourtant le faire. Puisant dans tes dernières ressources, tu mis longtemps avant de te relever. La douleur était horrible, à chaque geste, c’était comme si on te plantait des épées dans tout le corps. Une fois debout, tu le regardais droit dans les yeux.

« T’as …que … ça … en … réserve ? » Dis-tu difficilement avant de cracher une grande quantité de sang au sol et de tomber à genou. Le sourire, lui, ne t’avait quand même pas quitté.

Spoiler:

Le coup avait été d'une rapidité et d'une violence inimaginables. Akashiki fut projeté en arrière contre la paroi de la caverne. Le choc suffit à fendre la pierre, puis il s'écroula face contre terre sur le sol. L'inconscience s'empara miséricordieusement de lui, lui épargnant les vagues de douleur qui l'écrasaient. Dans ses derniers instants de clarté, au-delà de la souffrance lancinante, il remarqua qu'autre chose parcourait son corps. Le chakra considérable du coup de l'oni s'était transmis à son être et l'emplissait maintenant. Il le sentait déjà faire son effet sur son organisme. Quels effets ? Il n'eut pas le temps d'y penser plus longtemps. Un voile noir tomba sur ses yeux, et il sombra dans l'inconscience.


Akashiki toussa violemment. Il avait dû avaler de l'eau, qui lui brûlait maintenant la gorge et les poumons. Il ouvrit les yeux, et se retrouva étendu à plat ventre dans dix centimètres d'eau. Il se leva, toussa encore quelques fois et examina son environnement. Autour de lui s'étendait une sorte de mare peu profonde, à perte de vue. Ce qui ne voulait pas dire grand-chose, car un épais brouillard gris recouvrait tout et empêchait de voir à plus d'une dizaine de mètres. Le silence était si total que le rônin pouvait entendre battre son cœur. Pas un souffle de vent, pas un seul cri d'oiseau ne venait briser le calme. Il ne faisait pas particulièrement chaud, et pourtant il y avait une sorte de lourdeur dans l'air, comme si l'atmosphère était plus épaisse, comme pendant une de ces canicules qui sévissaient parfois en été dans la région de Teito.


Murmura-t-il tout bas pour lui-même. Comme si le brouillard l'avait entendu, des volutes de brume s'écartèrent devant lui, comme si elles avaient une volonté propre. Elles révélèrent au loin un grand arbre sombre qui s'élevait haut dans le ciel. Ses branches étaient dépourvues de feuilles, et il semblait mort depuis longtemps. N'ayant pas grand-chose d'autre à faire, Akashiki s'avança vers lui.
Alors qu'il s'approchait, il commença à distinguer un peu mieux la scène au pied du tronc. L'arbre s'élevait sur une sorte de petite butte de terre de quelques dizaines de centimètres de haut, large d'une vingtaine de mètres. Sur tout ce terrain gisaient des dizaines de cadavres portant des uniformes de soldats. Ils portaient tous de profondes marques de sabre, de toute évidence il s'agissait de la cause de leur mort. Assis dos contre le tronc, la tête baissée, se trouvait un samouraï en armure. Il avait planté son katana dans la terre à côté de lui, et il semblait se reposer. Son armure portait les marques de l'armée de Teito, et elle était couverte d'éclaboussures écarlates. Sa silhouette était étrangement terne et indistincte, comme si ses couleurs étaient passées et que les yeux d'Akashiki n'arrivaient pas à rendre son image nette. À l'approche du rônin, le samouraï se leva lentement et lui adressa la parole en murmurant. Bien qu'ils fussent encore séparés d'une dizaine de mètres, Akashiki l'entendit distinctement. Sa voix était profonde et rauque, comme provenant d'un autre monde.



Le rônin continua d'avancer lentement tout en posant la main sur la garde de son katana.





À ces mots, le mystérieux samouraï releva la tête et fixa son regard sur celui d'Akashiki. Celui-ci hoqueta de surprise. Sous le casque, c'était son propre visage qui le contemplait. Un visage dur, au regard cruel, qui lui souriait froidement. L'étranger poursuivit.


Tout en parlant, il avait saisi la garde de son katana et le souleva pour le mettre en position de garde. De l'autre, il dégaina sans un bruit le wakizashi qu'il portait à la ceinture.


Tout en criant les derniers mots, il se précipita soudain sur Akashiki, ses deux lames pointées sur lui Sa vitesse était surnaturelle, mais le rônin s'y attendait. Passé le choc de la découverte du visage de son adversaire, il leva son propre katana et se mit en position de garde. Au dernier moment cependant, au lieu d'encaisser la totalité du choc, il fit un rapide pas sur le côté tout en faisait glisser sa lame le long de la trajectoire de son adversaire. À la vitesse où il arrivait, il n'aurait pas le temps d'éviter ce mouvement. Mais, réagissant à une vitesse surnaturelle, presque instantanément, son adversaire écarta sa lame avec son wakizashi tout en lui portant un coup de son sabre. Akashiki eut à peine le temps de se remettre de sa surprise et d'esquiver mais il sentit une brûlure froide sur son flanc gauche. La lame de son adversaire avait ripé sur ses côtes. Un liquide chaud réchauffa immédiatement le côté d'Akashiki. Sans se donner la peine de réfléchir, il se retourna tout en faisant tournoyer sa lame afin de profiter de son mouvement. Mais l'autre avait déjà interposé son wakizashi et contre-attaquait sans lui laisser le temps de souffler. Le rônin bondit en arrière pour se dégager, évitant de justesse la lame qui déchira le devant de sa tunique, puis il repassa immédiatement à l'attaque, tenant son katana en position basse sur sa droite. C'était une feinte qu'il avait souvent utilisée dans l'armée. Au dernier moment, il allait passer sa lame soit à gauche, soit plus haut sur la droite, afin de prendre l'adversaire par surprise. Si le mouvement était exécuté correctement, il n'aurait pas le temps de réagir. Son alter ego attendait sa charge, ses lames en position de garde basse à droite. À l'ultime seconde, Akashiki fit passer sa propre lame à gauche et la fit remonter en diagonal, tout en s'écartant légèrement afin d'éviter un possible contre. Le mouvement était parfaitement exécuté, c'était imparable. Et pourtant un tintement métallique résonna lorsque leurs deux lames se rencontrèrent. L'instant d'après, le wakisashi transperça son flanc droit, cette-fois ci sous les côtes. Le rônin grogna alors que la courte lame tranchait ses chairs avant de ressortir dans une gerbe de sang, et il s'écarta rapidement.

Son cerveau réfléchissait à toute vitesse. À aucun moment il n'avait pu prendre le dessus. Son adversaire semblait anticiper tous ses mouvements. Akashiki avait bâti toute sa science du combat sur l'efficacité, la rapidité et l'élégance du mouvement. Il avait affiné tous ses coups à la perfection, afin que le combat ne dure qu'une ou deux passes, voire qu'il se termine en une seule. En général, si le combat se prolongeait, c'est qu'il n'était pas à son avantage. Mais sa maîtrise était telle que cela n'était arrivé que lorsque les conditions de départ étaient déjà largement à son désavantage.

Sauf cette fois. Cette fois-ci, il était complètement désarmé. Non seulement son adversaire était plus fort et plus rapide, mais il l'était de façon surnaturelle. D'expérience, Akashiki savait qu'il n'était pas possible qu'un guerrier normal puisse réagir à ses mouvements avec une telle rapidité. Il expérimenta un sentiment qu'il n'avait vécu que dans les pires situations, une espèce de terreur profonde, primale, une peur non seulement de mourir, mais de voir arriver la fin tout en sachant qu'on ne peut strictement rien faire pour l'éviter. Quoi qu'il tente, son adversaire le contrerait. C'était inutile.

C'était comme s'il lisait dans ses pensées…

Comme s'il lisait dans ses pensées !


Et il chargea sauvagement, toutes lames dehors. Le rônin se remit en position de garde, serrant les dents pour soutenir le choc et pour supporter la douleur lancinante qui rayonnait depuis son côté droit. Il tenta de se souvenir des leçons de méditation qu'il avait reçues étant enfant, leçons qu'il avait oubliées pendant longtemps, trop longtemps. La douleur et la peur rendaient cet effort inhumain.

Alors que le mystérieux samurai lui portait un coup, il ferma les yeux et expira profondément. Son esprit se vida. Le train fou de ses pensées s'arrêta. Pendant un instant qui sembla durer une éternité, le monde s'arrêta. Il ressenti une sérénité totale et une félicité comme il n'en avait jamais ressentie. Puis il se décala légèrement et ouvrit sa garde. Le monde reprit son rythme normal. Son adversaire s'abattit sur lui comme une avalanche. Sa lame pénétra dans l'abdomen d'Akashiki, juste sous les côtes, et le transperça de part en part, ressortant dans son dos entre les omoplates. Un instant, les deux combattants eurent l'air de deux amis longtemps séparés se retrouvant dans une embrassade. Puis ils s'effondrèrent tous deux sur leurs genoux. À bout de souffle, le rônin trouva encore la force de s'adresser à son double.


Le katana d'Akashiki perforait le cœur du samouraï inconnu, ressortant dans le dos entre deux côtes.



La silhouette de l'inconnu se troubla encore un peu plus, puis dans un soupir, elle se dispersa dans l'air comme un tourbillon de poussière. Akashiki se retrouva seul. Sa tête retomba sur sa poitrine. Il avait de la difficulté à respirer. Il sembla vaciller un instant, puis s'effondra doucement sur le sol au milieu des autres cadavres, avant que les ténèbres ne s'emparent de son esprit.



Il revint à lui sur le sol froid et rugueux de la caverne. Un rocher pointu lui meurtrissait le côté. Akashiki accueillit avec gratitude ce froid et cet inconfort. Ils lui rappelaient qu'il était en vie. Tout son corps lui faisait mal, il devait avoir de nombreuses fractures. Péniblement, il roula sur le dos en grognant et lutta pour reprendre son souffle. Il vit non loin de lui son compagnon de fortune, Ryuuza, qu'il connaissait depuis quelques heures à peine, et pourtant il avait déjà partagé plus avec lui qu'avec d'autres en plusieurs années. Il se relevait déjà péniblement, incertain sur ses pieds, et cracha quelques mots de défis à l'oni tout en souriant. Décidément, rien ne pouvait l'abattre. Akashiki se dit qu'il valait mieux rester couché encore un moment. À son tour, un grand sourire lui éclaira le visage.