« La vache, ça chauffe dur ici, après normal on est en plein désert. Enfin quoi que, pourquoi la nuit il fait hyper froid si on est dans un désert ? Qui a décidé de passer d'un extrême à l'autre comme ça sans en informer quelqu'un ? Non non non, finalement la vraie question, c'est, qui as choisi de vivre dans un endroit avec un climat aussi bizarre ? Non vraiment faudra que je pose la question au Kage un jour quand même, il doit bien y avoir une raison. »

Oui, j'étais en pleine réflexion existentielle remettant en cause tout le système de climat d'un pays entier alors que je commençais à rentrer dans le quartier résidentiel. Vous savez c'est pas facile d'être tellement intelligent que votre esprit ne cesse de se poser ce genre de question. Si, si, intelligent j'ai dit. Bon, le seul bémol dans tout ça, c'est que j'avais complètement oublié la véritable raison de ma présence ici. La dure vérité d'un esprit génial.

Vêtu d'un long kimono azuré à motif étoilé, je passais çà et là dans les rues, esquivant les badauds un peu pressé, regardant les amants fuir les fesses à l'air le domicile de leur maîtresse avant que le mari aimant ne rentre de sa nuit alcoolisée et se rende compte qu'un homme dort dans son lit. Certains hommes hâtaient le pas, visiblement leur nuit ayant été trop longue, ou trop courte pour arriver à temps au travail. J'aimais beaucoup ce quartier du village. Animé par la vie elle-même et tout un tas d'animation qui abreuvait mon esprit d'idées farfelues. L'Homme dans toute sa splendeur, candide et naïf, travailleur et feignant, arrogant et respectueux, le cœur même des opposés qui nous unissent et nous attire.

Un ivrogne vint finir sa course chaloupée au niveau de mes pieds, l'entièreté de sa consommation de la veille terminant en une flaque jaune sur le bout d'une de mes chaussures. Beeeerk. L'odeur vint caresser mes purs naseaux, avant que ma main se mette à cacher ma bouche et mon nez, pour éviter un mon tour de commencer ce cycle du "tu vomis, je vomis."

« Franchement, c'est vraiment pas cool d'avoir vomi sur mes pompes. Tu te rends compte du temps que je prends tous les matins à les lustrer, les laver, leur faire un petit câlin et les embrasser langoureusement ? Non, bien sûr que tu te rends pas compte, toi tu dois avoir une relation pourrie avec tes chaussures, c'est pour ça qu'elles ne te retiennent pas quand tu tombes. Tu sais que tu vas me devoir quelque chose. »

Je venais attraper l'alcoolisé par le col, encore à moitié endormi et n'ayant certainement pas entendu ce que je venais de lui dire. Le remettant droit sur ses pieds, je venais lui caresser les joues de deux petites gifles. Une sur chaque côté, histoire qu'il arbore un joli teint rougeâtre. Ses yeux s'ouvrant à moi, il semblait complètement désorienté, son regard commençant déjà à s'excuser. Mais il en fallait plus pour avoir sali mes chaussures.

« Danse. »

Mon regard devint bien plus sérieux, s'accrochant à celui de l'ivrogne. D'un air complètement désemparé et son état encore dans les effluves de ses excès de la veille, l'homme s'exécuta. Une bonne partie de la ruelle du quartier s'arrêta un instant, regardant et rigolant à la vue du spectacle pitoyable auquel ils assistaient. Un petit cercle commença à se former autour de moi et de mon nouvel ami, le danseur alcoolisé. Faut dire, il se donnait à fond le bougre, il devait vraiment encore être ivre pour se bouger de la sorte. Beau petit déhanché cela dit. Et c'est dans cette confusion complètement absurde de bon matin, qu'un visage familier semblait s'approcher.

La scène était incroyable. Mon nouveau danseur de compagnie tapait ses meilleurs pas de danse chaloupé au milieu de la ruelle, tandis que j'applaudissais en rythme sous les cris de joie des badauds. On connaissait le poing ivre en art martial, mais croyez-moi bien que le danseur ivre est tout aussi impressionnant et imprévisible, et je dois dire, terriblement efficace. Je commençais presque à avoir envie de taper du pied avec lui.

C'est à ce moment précis qu'une petite tête blonde entra dans mon champ de vision. Je commençais à me gratter le menton d'un air perplexe. Je suis sûr de l'avoir déjà vu quelque part."Ken-chan" Hmmmmmmmmmmmmmmm.... Oh mais quel con. Bien sûr que je le connais, il est dans mon équipe, la plus belle de toutes les équipes. Celle qui brave tempête et brasier, celle qu'on envoie chasser le mal à la racine, celle qu'on acclame et qu'on adule comme des adolescents devant une star de Kabuki. C'est fou d'être tête en l'air à ce point. Mais comme je vous ai dit plus haut, c'est le quotidien des génies, réprimer les souvenirs primaires pour s'intéresser à ceux au-delà des cieux. Oui, je dis n'importe quoi, c'est possible.

En tout cas, il ne fallu qu'un instant à mon acolyte pour rentrer dans le cercle. Je le reconnaissais bien là, aimant la vie, optimiste au possible et ne laissant jamais quelqu'un dans la panade. Bon, ce quelqu'un avait quand même vomi sur mes précieuses et délicates chaussures.  Arf. Tant pis, ça faisait déjà de bonnes minutes qu'il dansait, il fallait faire rentrer le Maestro !

« Content de te voir Kiseki-kun ! J'espère que mon petit cours de danse improvisé te plaît ! J'y ai réfléchi toute la nuit et je me suis dit que ça serait une bonne idée d'animer un peu le village avec mes chorégraphies endiablées ! Bon, certes, il a vomi sur mes chaussures, mais c'est qu'un détail, c'est un bon élève, tu trouves pas ? »

Je venais rejoindre mon compatriote blondinet au milieu du cercle, l'ivrogne commençant à fatiguer, ses jambes vinrent céder sous l'effort. Il s'écroula au sol, alors que ses ronflements venaient bercer nos pas.

« Messieurs ! Mesdames ! N'ayez pas peur ! Que tout le monde chasse sa timidité, veuillez rejoindre le cercle et bienvenue au magnifique spectacle de Kiseki et Kenta ! Double K ! Ici pas de jugements que de la danse, du fun et du déhanché ! Tous avec nous ! »

Oui, je me suis peut-être un peu enflammé. Je ne savais pas du tout si la mayonnaise allait prendre, mais vous connaissez votre Kenta, j'avais gardé une carte sous la manche. D'un mudra je venais faire apparaître une copie de moi à nos côtés. Moi et mon clone étions prêts à dégainer nos pas de danse, en espérant que les habitants nous rejoignent. Je pris quelque pas d'élan, mon clone prêt à m'accueillir.

« C'est parti ! »

Kenta et son clone :

Je prenais quelques pas d'élan, m'élançant vers la copie de moi-même qui vint me propulser en l'air, ses mains posés sur mes hanches. Je venais ouvrir les bras au monde, je virevoltais au-dessus de sa tête comme si je volais à travers les cieux tel un faucon pèlerin. Le vent caressait ma face, des larmes de joie venaient emplir mes yeux, les gouttelettes quittant mes joues et scintillant au soleil comme de véritables étoiles. Je survolais le monde de ma grâce et de ma légèreté, c'était donc ça le paradis. Et alors que je venais ouvrir les yeux, pour admirer la foule en délire m'acclamant de toute part, scandant mon nom, les hommes déchirant leur t-shirt et les femmes me lançant leurs sous-vêtements...... Personne. Plus rien. Tout le monde avait fini par se barrer. Même mon acolyte de toujours avait fini par s'asseoir avec l'ivrogne un peu plus loin. Je me retrouvais donc seul au milieu de la rue, mon clone me portant dans ses bras. La honte.

Hmmhmm. Je venais faire disparaître la copie, me dépoussiérant légèrement et effaçant les larmes de mes joies sur mes joues, je venais me rapprocher de la petite tête blonde et de l'ivrogne qui ronflait comme un bien heureux.

« Merci Kiseki-kun. Je dois dire que tes pas m'ont impressionné, je te pensais pas aussi doué que ça. Mais bon, t'as vu ce village d'ingrats, on fait tous pour les divertir, pour les sortir de leur ennui mortel et eux ils se barrent. Bon, je suis sûr qu'ils ont des étoiles plein les yeux et qu'ils parleront de cette prestation à leurs enfants et petits-enfants pendant de nombreuses générations, mais quand même, ils auraient au moins pu applaudir un coup. »

Je pris place à leurs côtés, l'ivrogne nous séparant. Kiseki se préoccupait de ce dernier, je le reconnaissais bien là. Toujours avenant, gentil et attentionné, envers n'importe qui. Je crois que c'était pour cette raison que c'était une des seules personnes dans ce village avec qui je pouvais m'entendre. Non pas car j'avais un problème avec les autres, mais plutôt que les autres avaient un problème avec mon caractère et ma légère folie, qui, on le rappel, relève du génie et non pas d'un problème mental hein. Il était une des seules personnes qui m'acceptait tel quel, sans réellement se soucier de mon comportement. Je pouvais le considérer comme un ami, pour sûr.

« Oh tu sais, des ivrognes on en croise tout le temps par ici, les gens auront oubliés dès demain, et vu son état d'alcoolémie, il y a de fortes chances qu'il est oublié aussi sa soirée. Mes chaussures, elles, s'en souviendront toutes leur vie, les pauvres petites. Mais tu as raison, j'ai peut-être poussé le bouchon un peu loin. En tout cas, merci de m'avoir accompagné Kiseki-kun ! Qu'est-ce que tu faisais dans le coin d'ailleurs ? T'as besoin que je t'accompagne quelque part ? Une mission, un entraînement ? Une course, une chasse ? Ou alors.. Un rendez-vous galant avec une des petites beautés du village ? »

Je venais accompagner ma dernière phrase d'un léger clin d'œil pour mon partenaire. Grr. Quel bourreau des cœurs celui-là, je vous jure.

Mon regard restait bloqué un instant sur celui de mon blondinet de compagnie. Il venait vraiment de comprendre et d'admettre ma relation particulière avec mes chaussures ? Il était donc l'élu qui avais compris que l'amour fusionnel entre deux êtres sensiblement différent pouvait exister ? Était-ce un mirage dû à la montée de chaleur de ma danse endiablée, où avais-je devant moi mon meilleur ami ? Mes yeux se remplirent de larmes d'un seul coup, avant que ces dernières ne viennent perler le long de mon visage angélique, terminant leur course vaporisée par le contact du sol chaud. Mes bras s'ouvrirent lentement, et je vins me jeter au cou de mon acolyte, fondant en larmes dans ses bras.

« Kisekiiiiii-kuuuuuun ! Ouiiiiiinn Tu me comprends ! Toi, mon ami de toujours, tu comprends ma relation avec mes petites chaussures si fidèles ! Ouiiiiin Tu es vraiment le meilleur ami que j'ai jamais eu ! Tu es si compréhensif, si gentil ! Je serais à ton service jusqu'à la fin de mes jours ! Ouiiiin. »

Oui bon, vous commencez à me connaître, j'ai une légère tendance à l'exagération. Mais comprenez bien, quand on as passé le gros de sa vie à être rejeté pour ses lubies ou son caractère un peu trop haut en couleur, que quelqu'un vous regardent droit dans les yeux sans jugement, en comprenant vos pensées, c'est la plus belle chose qui pouvait m'arriver.

Alors que je me relevais, séchant mes larmes avec ma main droite et essuyant la morve qui jaillissait de mon nez avec ma manche gauche, je reprenais peu à peu mon sérieux. Enfin, un sérieux toutes proportions gardées, on parle de moi quand même là.

« J'avais presque oublié que tu étais prêtre Kiseki-kun. Mais cela dit, ça te va bien. Un garçon aussi gentil et attentionné que toi, tu mérites bien que tous les kamis te portent en triomphe jusqu'au bout de tes rêves. Et si j'étais Amaterasu, je t'aurais déjà... Oulah., désolé Kiseki, je crois que j'étais au bord du blasphème. J'ai un peu de mal avec toutes ces histoires de Dieu et de religions. Tu crois que tu pourrais m'en apprendre un peu plus ? »

Je plongeais mon regard dans celui de la petite tête blonde. C'était une question on ne peut plus sérieuse. Il était mon ami, et je voulais partager ses centres d'intérêts, c'est important pour entretenir une bonne relation.

« Et puis à la base, j'étais parti pour frapper à la porte du Sakyuukage pour lui demander de baisser un peu la température du village. Mais après réflexion, je crois que c'est une idée de merde. »

C'était marrant cette facilité avec laquelle nous pouvions discuter ensemble, Kiseki et moi, les doubles K. J'avais plutôt l'habitude qu'on souffle à la moindre de mes allocutions farfelues, qu'on me repousse ou qu'on invente une excuse tordue pour me fausser compagnie. C'était rassurant et me procurais une bonne bouffée d'oxygène de pouvoir discuter ainsi, sans jugements, avec pour seul rythme le rire et la camaraderie.

Visiblement, j'avais visé juste en orientant la discussion sur la religion, mon acolyte étant dévoué aux kamis et à Amaterasu. Il faut dire que je n'étais pas un adepte de ce genre de pratique, mais ce n'était pas pour cela que je ne croyais pas aux divinités. Il y avait forcément une ou plusieurs entités supérieures qui avaient créé ce monde, le chakra, les paysages fabuleux et les yokais. Il était difficile pour moi de croire que tout cela venait simplement d'un pur hasard. Je n'avais simplement pas le temps, ni l'esprit assez concentré pour penser à tout cela.

« Tu sais, j'admire les gens comme toi qui consacrent leur vie aux kamis. Sans vous, peut-être qu'ils auraient déjà fait tomber les étoiles sur nos têtes pour les avoir délaissés. Vous êtes peut-être ceux qui nous sauvent de l'enfer ou de la fin du monde. On devrais tous vous remercier pour ça, alors merci Kiseki-kun, de me permettre de continuer à vivre ma vie, même si je blasphème quasiment tous les jours. Désormais, je prierais de temps en temps pour m'excuser. »

Je me stoppai un instant. Une question me taraudait l'esprit. C'était bien beau de vouloir prier ou s'adresser aux divinités, mais...

« Dis-moi Kiseki. Comment on est censé s'adresser aux dieux ? On doit dire monsieur, madame, ou alors Tout Puissant. Ou alors on peut s'adresser à eux comme des amis ? Genre "hey salut mon pote Izanagi, t'as passé une bonne journée là-haut ? Pas trop de vent ?" Je t'avoue que j'ai un doute sur comment formuler une prière. »

Le blondinet continuait la discussion en proposant de parler de n'importe quel culte qui pourrait m'intéresser. Mon visage se crispa un instant, mon sourire me quittant un instant. Il y avait bien un culte qui m'intéressait, pas dans le sens de vouloir le rejoindre, mais plutôt dans celui de trouver ses partisans, afin de comprendre le pourquoi de ce qui a bouleversé ma vie.

« Je suis désolé Kiseki-kun, je ne peux m'empêcher de penser à un culte en particulier. Loin de moi l'idée d'être intéressé par sa pratique, mais j'ai une sorte de rancœur, voir de haine profonde pour un dieu en particulier. Il m'as séparé de la seule personne au monde qui m'aimait réellement, la seule femme qui me comprenait, qui m'écoutais et qui m'admirais pour ce que je suis et non pour ce que les autres voulaient que je sois : ma maman. »

Mes yeux devenaient humides, avec cette fois des larmes bien plus sincères que les précédentes, mon visage scrutant l'horizon comme perdu dans mes pensées les plus sombres. Cette nuit-là, cet homme aux cheveux de feu et son partenaire, le gnome à cagoule. Jamais je ne pourrais enlever leurs visages de mon esprit.

« S'il te plaît, Kiseki. Parle-moi de Jashin et ses adorateurs. »

Finalement, contrairement à ce que tout le monde pouvait me laisser penser, je n'étais peut-être pas aussi fou que ça. Le fait de discuter avec mon camarade et d'avoir réussi à le toucher par des paroles sincères, sortant de mon petit cœur, montrait que j'étais encore socialement apte à me faire des amis. Finalement, être entouré de bonnes personnes qui savent nous comprendre et qu'on sait comprendre en retour, c'est peut-être la plus belle des choses dans ce monde si perturbé. À la suite des remerciements de mon acolyte, je venais lui adresser un sourire sincère, ainsi qu'une petite tape sur l'épaule en guise de franche camaraderie. Je ne savais pas vraiment comment agir dans ce genre de situation, étant plutôt habitué au mépris et à la moquerie.

« D'accord, donc si je comprends bien, je dois m'adresser à eux comme si c'était les anciens du village ou encore le Sakyuukage. Après tout, c'est logique, c'est quand même des divinités, peu de chance qu'ils me répondent comme si on avait élevé les vers des sables ensemble. Quoique, après tout, c'est eux qui m'ont créés, ils devraient s'adresser à moi comme à un fils. Oh. Bonne idée, je m'adresserais à eux comme à mes parents, en mettant les formes bien sûr. Merci Kiseki-kun, je comprends mieux maintenant. »

Pas sûr que c'était le message que voulait me délivrer la petite tête blonde. Mais bon, on change pas un cerveau déjanté en quelques phrases. J'avais au moins compris que le plus important était le respect des kamis et de la hiérarchie. Ils étaient au-dessus de moi, au-dessus de tout, il était normal de s'adresser à eux comme tel.

La camaraderie et les conseils religieux s'effacèrent un instant de mon esprit lorsque le sujet tant attendu arriva sur la table. Le blondinet était en capacité de me répondre sur l'origine de Jashin et de ses adorateurs. J'en apprenais déjà plus que ce que je savais. Il faut dire qu'à part des bouquins de médecine ou d'analyse des cadavres en tout genre, j'avais quelques peines à m'intéresser à d'autres ouvrages, et surtout, resté concentré suffisamment longtemps pour en comprendre le sens.

« Merci Kiseki-kun. Pour être tout à fait honnête avec toi, il se peut que ma mère soit retenue captive quelque part, ou simplement déjà sacrifiée par ses adorateurs. Leur foutu monde n'existera jamais, il est simplement l'œuvre d'un démon qui manipule les esprits des plus faibles pour leur faire croire en la grandeur du sacrifice. Je les déteste à un point... »

Mon visage se crispa et mes poings se serrèrent sous l'émotion et la haine.

« C'est notre devoir Kiseki. En tant que Sakyuujin, défenseurs de ses habitants et adorateurs de la paix. C'est notre devoir de les exterminer, de les mettre hors d'état de nuire et de leur faire regretter leurs méfaits. C'est le chemin que je vais arpenter à tes côtés, celui de la protection et la purification. »

Des mots durs, sonnant bizarrement au creux de mes lèvres habitués aux boutades ou autre sortie farfelue. C'était véritablement le seul sujet qui me mettait en rogne, sur lequel je pouvais vriller un instant. Pour l'instant, mes capacités sur le terrain n'étaient pas suffisantes pour me frotter à une armée de dégénéré, mais avec de l'aide et des amis, rien n'était impossible.

Mon homologue Chuunin semblait véritablement apprécier la direction qu'avait prise cette discussion. Le voir sourire suffisait largement à illuminer mon sourire un instant malgré les pensées troubles qui avaient gagné mon esprit. Avoir un ami, c'était sûrement la première fois que cela m'arrivait. Et je dois dire que parler de religion m'intéressait plus que je n'y pensais. Pas forcément pour devenir un prêtre ou un fervent croyant, mais pour comprendre le monde qui m'entoure et les fanatiques qui détruisent le monde, il était important d'en connaître toutes les facettes, que ce soit du côté scientifique auquel je vouais ma vie, ou du côté divin, d'un pan du monde que l'on ne voit pas.

« Et bien, pour le peu que je connais les divinités, je dois dire qu'Ukemochi, le dieu créateur de la flore, de la faune et de la nourriture m'intrigue. J'aimerais bien lui demander pourquoi avoir créé des monstres dans ce pays si paisible d'apparence. C'est vrai quoi, pourquoi il aurait pas pu juste laissé les chevaux, les moutons, les chiens, les chats, les écureuils, les cochons, non fallait que monsieur se disent « Tiens si je créais des vers des sables de plusieurs mètres de long capable de dévorer un humain d'un clin d'oeil ? » C'est pas cool. »

Je semblais perdu dans mes pensées à pensant à Ukemochi et aux enfants à qui il avait donné vie. Mais une intervention du blondinet me fit revenir sur terre, mes yeux grands écarquillés vers le sol. Je n'avais jamais pensé à cette possibilité, celle que ma mère est rejointe les rangs de Jashin. Non, non non, impossible que ça soit le cas, elle était beaucoup trop douce et aimante pour faire partie de ses fanatiques religieux. Une larme coula sur ma joue alors que je me tournais en direction de mon interlocuteur.

« Non Kiseki. Ma mère n'aurait jamais rejoint leurs rangs. Pas de son plein gré. Si c'est le cas, ils lui ont lavé le cerveau, ou ont développé cette maladie de fanatisme dans son cerveau. Si elle fait partie de leur mouvement, c'est que son âme est d'ores et déjà morte depuis un moment, elle n'est plus qu'un réceptacle de chair haine au service d'une divinité machiavélique. »

Mon poing droit frappa le petit morceau de bois nous servant de banc. Il était inconcevable pour moi de penser que ma mère les avaient rejoint après le massacre. C'était triste à dire, mais je préférais qu'elle soit morte ce jour-là.

Puis, d'une seconde intervention, le blondinet me fit reprendre espoir. Il avait raison, il ne fallait pas nous laisser abattre ! Nous devions être de ceux qui luttent contre le Mal, par tous les moyens possibles, conventionnels ou non. Je me levais d'un bond, le doigt en direction de l'avenir, les cheveux au vent, comme si l'entièreté du village allait écouter mon discours. Alors que nous n'étions que deux.

« L'alliance de la science et de la religion va mettre fin à ces horreurs ! Toi et moi, Kenta et Kiseki, double K, nous allons supprimer le vice de la surface du monde ! Tu as raison, nous devons commencer par le village de Sakyuu, qui deviendra le bastion de la guerre contre les forces du mal et la gangrène qu'est Jashin ! Yaaaaaaaaah ! »