Servant encore une fois le bon vouloir des dirigeants, Konomi avait accompagné ses deux amis en mission. Simplement, ils avaient ramené à bon port une belle âme de Toge jusqu’à la province du plateau. Assez loin du temple et de ses logements, Koko se montrait plus vivace et enthousiaste, voire particulièrement guillerette.

Suivant sa rencontre avec l'autre prêtresse et le monsieur, la petite savait agrémenter leur voyage de beaucoup d’histoires et ne s’est pas privée pour discuter. C’est bien connu; Konomi est d’ordinaire silencieuse et fait peu de vagues quand elle se trouve au temble de la Lune, sans doute par respect pour les lieux. Autrement, une fois à l’extérieur, elle se montre très curieuse et parle beaucoup.

Si bien que sitôt le moine remarqué, l’Élue partait vers lui. «Oui!» L’enfant veut bien prendre un peu de temps pour accompagner l’homme dans son moment de paix, mais en l’approchant, elle fait quand même l’effort de lui parler un peu.

Qui sait, peut-être qu’il aurait besoin de quelque chose ou qu’il y avait une raison à sa présence au milieu de la plaine enneigée. Souriant, elle s’avance en saluant tout bas l’homme, pour éviter de le faire sursauter. «Monsieur…» Se penchant pour que l’inconnu puisse mieux aperçevoir son visage, elle le salue de la main; «bonjour!»

Curieuse, elle lui demande alors «c’est très beau ici, mais pourquoi prier dans le froid comme ça? Vous avez froid? J’ai de quoi couvrir!» Autant dire que Konomi était très prévoyante; elle gardait sur elle dans ses affaires de quoi servir de couverture au cas où il fallait dormir dans les bois – parfois les trajets sont longs et on ne peut pas toujours trouver une auberge accueillante. Si le monsieur avait froid, il lui ferait plaisir de lui laisser.

Autrement, elle étendra son objet sur la neige pour que ses amis puissent mieux s’y installer, invitant tout le monde à s’installer dessus. «Est-ce qu’on peut prier avec vous un peu? On s’arrête pour prendre une pause...»

«…!» Une façon bien spéciale d’inviter l’Élue à s’asseoir; impressionnée, elle se souvient très bien d’une autre capable de faire ce genre de chose. La Matronne, l’Aspect, sait employer aussi ce don venant de la nature; Konomi finit par plier les genoux et s’installer avec le moine en silence.

L’homme parle en secrets et subtilités, si bien que la petite n’a pas claire idée du message qu’on essaie de lui transmettre. Sa tête est malgré tout hochée, l’enfant promettant silencieusement de méditer sur ces paroles.

Elle comprend par contre que l’inconnu veut partager avec eux une foi plus libre, loin des enseignements du temple; il souhaite que les trois camarades prennent une minute seulement pour être. Koko peut bien faire ça; sa Déesse est avant tout dans son coeur, pas forcément dans les pages et les rouleaux de sa famille. Sortant distraitement son pendentif de sous les pans de son vêtement, la jeune moniale ferme les yeux et le pose d’une main sur son coeur.

L’autre main vient se poser par dessus la première, et les lèvres de l’enfant commencent à se mouvoir sans que le son ne s’échappe. Guidée par la Lune tel une étoile du nord, laisse tes pieds caresser la terre. Apprécie la nature qui t’est offerte, danse avec elle jusqu’à l’union. Quand ta place sera trouvée, tu rejoindras la terre et resteras à jamais racines, tronc et feuilles. Un chemin, un corps et des souvenirs qui s’envoleront par le vent, glissant sous les harpes du temps.

Ses mains viennent se poser doucement sur ses cuisses. Elle inspire silencieusement, puis expire par la bouche. L’enfant est prête à apprendre, l’esprit tranquille et bercé par l’aura qui s’efforce à l’ancrer au sol pour que ses racines s’accrochent.

Enfouie dans cet esprit pur, capable de voir la beauté de l’être dont la rencontre venait d’être faite, Konomi n’avait aucunement envie de briser ce moment, ou de le salir en faisant plus que ce que l’on demandait. Si elle trouvait que les deux hommes parlaient bizarrement, elle n’en fit pas un cas…

Jusqu’à ce qu’on lui fasse comprendre qu’il lui faudrait dévoiler les maigres forces qu’elle possède. L’espace d’un instant, la petite pense à maudire le fait qu’elle ait manqué à ses séances d’entraînement, étant donné qu’elle sait que ses capacités ne sont pas les plus développées.

Simplement, pour l’Élue, la force n’est pas quelque chose qui compte. C’est un mal nécessaire, mais un mal quand même; un outil qui peut vite mener au malheur et aux blessures de soi-même et d’autrui. Incertaine, elle tentera quand même un petit quelque chose.

Rien de trop grand, rien d’extravagant.

… Bon. Peut-être un peu.

Elle choisit de se lancer d’abord, qu’il soit plus facile pour ses amis de montrer des capacités plus impressionnantes qui pourraient attirer pour eux les bonnes grâces du monsieur. «Que l’eau, douce comme une caresse, se laisse guider par l’humeur de la Lune. Que sa bienveillance s’étende et qu’il lui soit rendue la joie qu’elle propage. Oashisu no Kokoro…» Le Coeur de l’Oasis.

Ses mains finissent par se délier après avoir filés quelques mudras, et Konomi finit par se lever en observant autour d’elle la végétation, le grand arbre qui se cache dans l’âme de l’homme.

Puis, quelques mouvements; un début de danse que sa famille a bien voulue partager avec elle dans ses premières années d’apprentissage. En tournant doucement sur elle-même, Konomi voit que l’eau se met à danser aussi, comme si elle sortait de la terre et tenait à accompagner la jeune enfant. Tendant les bras, elle laisse son énergie se déployer; l’eau pâle et scintillante fait de même, caressant tendrement ceux qui étaient restés assis… ou arrosant doucement leurs pieds.

Spoiler:

Koko-chan ne saurait mieux faire; elle espérait seulement que cette démonstration puisse être admirée comme il se doit, et que les bienfaits de cette eau soit remarqué sans qu’elle ait à trop en dire. Konomi est une petite fille qui fait normalement des petites choses, ce n'est pas elle qui ait l'habitude d'offrir ce genre de spectacle aux autres... ainsi, elle s'excuse en expliquant que «je ne veux pas mal faire… si j'empêche mes amis de montrer aussi, ça ne serait pas gentil...»

Compétences utilisées:

Résumé:

Regarder ses camarades montrer leurs propres couleurs était pour la petite bien plus amusant que de danser pour eux; la vague de joie lui était donc rendue, comme il était dit. Observer les fleurs voler et s’imprégner de la férocité de sa partenaire amenait Konomi à joyeusement taper des mains, s’asseyant à nouveau au sol. «…!»

Fine apothicaire, elle n’ose pas poser ses doigts sur les fleurs qui voguent lentement près d’elle. Cette démonstration serait, selon les dires de sa famille, essentielle au bonheur; un partage nécessaire du bien que l’un peut apporter au monde. De la même façon, Koko s’inspire du discours de Kenzan – peut-être un peu trop long, certainement complexe – pour se donner une idée de la force dont parlait le moine quelque temps auparavant.

Elle y retrouve un être cherchant simplement à vouloir laisser une marque en ce monde. Incertaine de comprendre toute la profondeur du monsieur, l’Élue reste malgré tout surprise par sa sensibilité. Depuis qu’elle avait quitté le Hameau, l’envoyée des dunes eut la chance de découvrir ce qu’est l’homme, et même si la plupart se montre encore effrayants, force est de constater qu’ils peuvent se montrer savants. «…»

Puis, l’inconnu vint à parler.

Ses paroles frappaient à la porte du coeur de la petite fille. Une beauté que Konomi n’avait encore jamais réalisée, qu’elle ne se connaissait pas. Elune, sa déesse, chante de vie et de renouveau, du constant mouvement… Elle comprend ce que le monsieur attend, et ce qu’il lui fallait découvrir. «L’éveil...»

Sa famille l’avait envoyée découvrir le monde, s’outiller pour mieux comprendre la terre qu’elle protège. Ainsi, Konomi eut a vivre à travers l’arriver des saisons, leur départ et leur retour, les accueillant comme des amis amenant avec eux leur lot de surprise. Son passé, et celui des siens par la même occasion, ne peut pas changer mais peut perdre toute son influence; la preuve étant que les hommes ne sont pas si mauvais que les femmes de sa tribu ne le laissaient croire. À force de grandir, elle pourra voir ces différences avec son passer et se frayer un chemin à travers les impasses de la vie. Elle n’est encore qu’une petite pousse, comme tous les autres; elle grandira, entourée de ceux qu’elle apprendra à aimer.

Si au début elle cherchait quelque chose à répondre, elle se rendit compte que ça ne vallait pas la peine. Qu’elle continue sur sa lancée, que son coeur reste ouvert au monde, et un jour l’éveil viendra à elle.

Tout naturellement.

Elle choisit donc de rester assise, méditant sur son parcours et sur la superbe rencontre qu'elle venait de faire, celle qui lui avait permise de réaliser la beauté de sa situation, et la chance qui vient avec. Une infinie gratitude vient alléger son coeur et faire rayonner son sourire. «J'apprends... je comprends. Merci.»