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Tenma Ojin
# L'art résilient [Kazumasa] Ven 27 Mai - 23:39
L'art résilient
Kazumasa & Ojin
Chevaux, canassons, étalons, tant de termes pour désigner une seule espèce: l’emblème du clan Tenma. Des êtres aussi gracieux que puissants, que seuls les plus forts sont capables de dominer. Au sein du clan, même les femmes montent et les enfants apprennent à chevaucher au plus jeune âge aux côtés de leurs parents. Rare exception: Ojin, lequel n’est jamais vu au dos d’une quelconque bête. D’abord traumatisé enfant par la vision d’un cheval ayant assommé l’un de ses oncles d’un simple coup de sabot, Ojin ne prit jamais la peine d’essayer de monter. La perte de sa mère peu après fut simplement l’ultime clou venant sceller le cercueil de ses certitudes: monter à cheval n’était point fait pour lui.
D’abord craintif, Ojin avait au moins pu apprendre à approcher d’un cheval sans frémir. Pour ce qui était de passer sur leur dos en revanche, ce n’était pas la peine d’y penser. Pas même ses cousins, s’agisse t-il de Kazumasa ou d’Hisao, n’étaient parvenus à lui apprendre ce qui relevait pourtant du rudimentaire chez les Tenma. Qu’importe, beaucoup en étaient venus à l’accepter, le reste à l’ignorer. Il y avait bien assez de parias parmi les Tenma pour lui permettre de se faire une place confortable au sein du clan malgré son manque. A commencer par le second fils de Daigoro.
“ Et toi mon gars ? T’aimerais bien monter sur des humains ? J’crois pas. “
Quelques verres enquillés, Ojin s’était penché par-dessus l’enclos des bêtes pour s’adresser à un étalon semblant le regarder avec curiosité. Avachi sur le fil retenant son poids, le borgne semblait vouloir, de son seul œil, déceler la moindre once d’intelligence dans le regard de l’animal. Seraient-ils aussi sensibles qu’eux, humains ? Ou ne triomphaient-ils que par la force ?
“ Bon allez, goûte un peu. “
Dit-il, tendant sa chope de bière au canasson qui commença par renifler de ses gros naseaux, trempant finalement son épaisse langue dans le verre, dont il renversa le contenu à moitié sur le sol. Qu’importe, au moins avait-il pu goûter au saint nectar de la vérité.
Mais à peine eut-il temps de se réjouir qu’il vit arriver l’aîné du clan, sans savoir s’il l’avait vu faire ou non. Qu’importe. Décidant de prendre l’air de rien, il tira une bouffée sur son kiseru tout en prenant quelques pas de distance avec la clôture. Avec un peu de malchance, son têtu de cousin lui proposerait encore de monter. Chose qu’il s’apprêta d'ores et déjà à refuser alors que sa silhouette continuait d’approcher, confirmant à chaque pas qu’il venait bel et bien pour lui.
“ Salut. “
Dit-il simplement, exhalant la fumée par les lèvres.
Tenma Kazumasa
Chuunin de Seizan
![L'art résilient [Kazumasa] 53bc0639933aad375e807c13f342f34ed402c46c](https://64.media.tumblr.com/a90deba7412a403d3a79aa38b1197566/2f7dd2c51562fbf2-55/s540x810/53bc0639933aad375e807c13f342f34ed402c46c.gif)
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Lun 30 Mai - 22:42
805, hiver, début de soirée
« Dis, tu veux monter ? »
Il marchait droit dedans. Kazumasa n'était pas connu pour son imprévisibilité. Type simple et franc, il ne laissait jamais ses pensées trop se tortiller avant d'agir ; sa spontanéité, il y tenait. Encore que là, il brillait surtout par son inaptitude à accepter le refus et l'abandon de ses pairs. L'héritier le savait, que son très cher cousin éborgné était incapable de diriger la moindre de leurs bêtes. Il ne pouvait cependant se résoudre à le laisser ainsi lésé.
S'il était capable de murmurer à l'oreille des femmelettes, il devrait pouvoir reproduire le prodige avec leurs montures. C'était là le raisonnement de Kazumasa, qui n'y songeait pas sans une pointe de jalousie.
« Je sais, je sais... dit-il en prenant la choppe des mains d'Ojin. En plus, t'as un coup dans le nez... mais sait-on jamais ! Peut-être que te saouler la gueule te permettra de décoincer le balais que t'as dans le cul, dès lors qu'il s'agit d'enfourcher la bête, surenchérit-il avec une pointe de provocation. »
Le colosse finit la chope, ou ce qu'il en restait, d'une traite. Pour sûr, il n'avait pas vu le cheval y tremper le museau, c'était désormais une certitude. Tirant une drôle de ganache, il lança le contenant derrière lui pour s'en débarrasser.
Kazumasa ne débattit pas longtemps de la marche à suivre. Il aurait adoré faire monter l'olibrius qui lui servait de cousin à cru, mais n'avait pas envie de finir avec une blessure de la bête sur la conscience. Qu'Ojin tombe ne lui importait finalement que très peu, puisque c'était ainsi qu'il avait lui-même appris. À la dure, sous l'étroite surveillance de Daigoro et de ses oncles. Puis, de toute façon, il s'attendait à assister à de belles chutes, avec ou sans étriers.
Les destriers Fuchigoma étaient dociles, mais particulièrement vigoureux. Il fallait être un cavalier particulièrement accompli pour prétendre les monter sans accrocs ; un ultime trait de la fierté des Tenma, qui faisaient pourtant partie des principaux fournisseurs de l'armée impériale. Il fallait se mettre à leur niveau pour prétendre profiter de leur savoir-faire ancestral, c'était un minimum.
L'animal sellé et bridé, Kazumasa revint auprès d'Ojin, de l'autre côté de la barrière cette fois-ci. D'une main, il lui tendait la bride, toujours paré de son énorme sourire.
« Allez, enfourche. Si tu tiens cinq minutes, je te paie la prochaine tournée, à toi et à ton amie du moment. »
La pomme était hissée ; au cochon de la poursuivre, désormais.
« Dis, tu veux monter ? »
Il marchait droit dedans. Kazumasa n'était pas connu pour son imprévisibilité. Type simple et franc, il ne laissait jamais ses pensées trop se tortiller avant d'agir ; sa spontanéité, il y tenait. Encore que là, il brillait surtout par son inaptitude à accepter le refus et l'abandon de ses pairs. L'héritier le savait, que son très cher cousin éborgné était incapable de diriger la moindre de leurs bêtes. Il ne pouvait cependant se résoudre à le laisser ainsi lésé.
S'il était capable de murmurer à l'oreille des femmelettes, il devrait pouvoir reproduire le prodige avec leurs montures. C'était là le raisonnement de Kazumasa, qui n'y songeait pas sans une pointe de jalousie.
« Je sais, je sais... dit-il en prenant la choppe des mains d'Ojin. En plus, t'as un coup dans le nez... mais sait-on jamais ! Peut-être que te saouler la gueule te permettra de décoincer le balais que t'as dans le cul, dès lors qu'il s'agit d'enfourcher la bête, surenchérit-il avec une pointe de provocation. »
Le colosse finit la chope, ou ce qu'il en restait, d'une traite. Pour sûr, il n'avait pas vu le cheval y tremper le museau, c'était désormais une certitude. Tirant une drôle de ganache, il lança le contenant derrière lui pour s'en débarrasser.
Kazumasa ne débattit pas longtemps de la marche à suivre. Il aurait adoré faire monter l'olibrius qui lui servait de cousin à cru, mais n'avait pas envie de finir avec une blessure de la bête sur la conscience. Qu'Ojin tombe ne lui importait finalement que très peu, puisque c'était ainsi qu'il avait lui-même appris. À la dure, sous l'étroite surveillance de Daigoro et de ses oncles. Puis, de toute façon, il s'attendait à assister à de belles chutes, avec ou sans étriers.
Les destriers Fuchigoma étaient dociles, mais particulièrement vigoureux. Il fallait être un cavalier particulièrement accompli pour prétendre les monter sans accrocs ; un ultime trait de la fierté des Tenma, qui faisaient pourtant partie des principaux fournisseurs de l'armée impériale. Il fallait se mettre à leur niveau pour prétendre profiter de leur savoir-faire ancestral, c'était un minimum.
L'animal sellé et bridé, Kazumasa revint auprès d'Ojin, de l'autre côté de la barrière cette fois-ci. D'une main, il lui tendait la bride, toujours paré de son énorme sourire.
« Allez, enfourche. Si tu tiens cinq minutes, je te paie la prochaine tournée, à toi et à ton amie du moment. »
La pomme était hissée ; au cochon de la poursuivre, désormais.
Tenma Ojin
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Mar 31 Mai - 13:55
L'art résilient
Kazumasa & Ojin
Quelle énorme, incroyable, inattendue et innovante surprise. Son zampeye de cousin lui proposait de monter, pour la millième fois sans doute. Comme si le voir tomber dans le purin l’amusait, histoire de lui rappeler qui serait très prochainement le chef du clan. Hors de question de se ridiculiser une fois de plus, même devant celui qui était son frère de coeur.
“ J’ai pas de coup dans le nez. M’as-tu pris pour une femmelette périssant au premier verre ? “
Certes, ce n’était pas son premier. Mais que pouvait-il en savoir de toute manière ? Ojin n’était pas du genre facilement déchiffrable, même pour ses plus proches fréquentations.
“ Et puis c’est mort. Plutôt chevaucher dix femmes qu’un cheval, ce truc va me tuer dès que je vais passer la barrière. “
Dit-il en toisant de son œil valide la bestiole pour l’instant calme depuis l’autre côté de la clôture. Ce genre de bestioles, bien que carnivores, savaient se montrer têtues et violentes lorsque la situation n’allait pas dans leur sens. C’était en partie pourquoi les dresser ne représentait pas une mince affaire, et pourquoi Ojin en était incapable malgré son caractère fort.
Plaçant à nouveau son kiseru en bouche, il en inhala le tabac sans lâcher son cousin des yeux. Comptait-il vraiment l’y forcer ou le convaincre ? D’aucun saurait pourtant que c’était la peine perdue, car-
“ J’accepte. “
Une tournée offerte, voilà l’une des choses capables de le faire ployer. Lui et un bon paquet de Tenma d’ailleurs, ces derniers ayant une relation particulière avec la boisson. Malgré son inaptitude à monter, Ojin restait un Tenma pur souche et gardait tout le reste, ou presque, de leurs caractéristiques… notamment leur intrépidité qu’il ne tarda pas à dévoiler.
Preuve d’une certaine agilité et de la force de ses jambes, Ojin sauta d’une traite au dos de l’animal, sans aide ni préparation, pour atterrir sur le dos ferme du bestiau. Ce dernier, s’agitant de ce choc soudain, commença à cabrer, forçant le borgne à s’agripper à la première chose à portée de ses mains: son crin.
“ Du calme bord- “
Courant en ligne droite, le canasson fit un virage violent, projetant Ojin de son dos, qui effectua une petite pirouette lui permettant de se retourner en l’air pour atterrir sur ses jambes malgré ce fiasco.
“ J’te l’ai dit, ces bestioles me détestent ! “
Dit-il, tâtonnant son torse et sa tête pour s’assurer qu’il n’avait rien.
Tenma Kazumasa
Chuunin de Seizan
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Dim 12 Juin - 8:14
805, hiver, début de soirée
Comme d'accoutumée, Ojin n'avait l'esprit tourné que vers la gent féminine. Pensait-il vraiment avoir le choix entre monter son cheval, ou dix demoiselles ? Dans le monde de Kazumasa l'aimant à merdes, c'était impensable. Même pas enviable, pour dire à quel point l'idée lui était saugrenue. Sa mine se fit miroir de ses pensées, affichant un rictus oscillant entre incompréhension et révulsion. On parlait d'un homme qui, depuis presque quarante ans, était bercé par les hennissements, sentait l'odeur du purin du soir au matin, après tout ; d'avoir dix femmes à ses trousses le terrifierait plus que cela ne le flatterait.
Évidemment, la proposition de l'aîné fit mouche. C'était prévisible, aussi prévisible que son obstination systématique à vouloir guider son cousin perdu vers la noble voie des cavaliers.
Aussi prévisible que l'échec cuisant qui s'en suivit. Dès l'instant où Kazumasa vit Ojin sauter sur le dos de la bête sans ménagement, il devina l'issue de sa tentative ; infructueuse au mieux, regrettable au pire. Le destrier l'envoya balader à l'issue d'une course folle et d'un virage sec. Assez sec pour, probablement, rompre le cou d'un cavalier lambda qui n'aurait pas manqué de chuter au vu de la violence du mouvement de rejet.
« Putain, c'est prodigieux. »
Voilà ce qu'il avait à dire, à répondre à la protestation de son cousin dont il venait de s'approcher, sans oublier d'empoigner des rennes du canasson en passant. De son autre main, il caressait la tête de la bête, pour l'apaiser.
« Je crois que j'comprends pourquoi elles te détestent, ouais. Tu fais ça aux dix femmes aussi ? Leur sauter dessus comme un sauvage ? s'esclaffa-t-il, riant grassement à sa propre analogie. T'es vraiment qu'un bourrin ! »
Kazumasa s'approcha de la selle de l'animal, plus particulièrement de la petite sacoche qui y était attachée. Il en tira une brosse dure, qu'il utilisa pour brosser la robe du destrier effarouché. L'effet, subtil, était pourtant concret ; l'animal s'adoucissait, sa respiration se régularisait.
« Toi qui aimes tant la séduction, t'es pas sans savoir qu'on commence en douceur. Dis toi que c'est l'étape préliminaire : tu dois brosser l'animal, te familiariser avec lui, expliqua-t-il, pince-sans-rire. Et même quand ce sera fait, va falloir apprendre à marcher avant d'vouloir courir. Lui sauter dessus comme ça, c'est un truc qu'on évite de faire même quand on est à l'aise, bougre de galapiat. »
Il était clair que les destriers Fuchigoma étaient excessivement robustes. Hauts, larges, musclés ; ils étaient parfois plus dangereux que leurs cavaliers eux-mêmes lors d'une charge. Pourtant, il convenait de les ménager, de les traiter avec respect. Les guerriers Tenma partageaient un trait avec leurs bêtes : ils étaient particulièrement robustes.
« Hisao lui-même ne peut pas se permettre de leur sauter dessus si facilement, et tu connais son aisance à monter. Au-delà de les brusquer, on risque aussi de les blesser, ajouta-t-il, bien plus sérieux. »
Il était clair que Kazumasa tenait à ses montures. Son sang de Tenma lui interdisait de prendre son lien avec les destriers à la légère. Il espérait, malgré son ton blagueur de tantôt, inculquer ce respect à Ojin, dont il ne doutait pas de la bonne volonté.
D'une main, il jeta la brosse à son cousin, avant de se reculer pour lui libérer la voie.
« Allez, tu l'brosses. Ensuite, tu grimpes calmement, en te servant des étriers, et tu prends les rênes fermement. Puis surtout, tu serres pas les jambes, sinon il va partir. Essaie déjà de tenir dessus, droit, sans te faire éconduire comme le dernier des flairants. »
L'héritier se hissa sur la barrière de l'enclos, s'y asseyant à l'écart. C'était à son cousin de tirer son plan avec le destrier, tout seul. Leurs bêtes étaient bien dressées, s'il s'y prenait comme indiqué, il n'aurait pas besoin qu'on lui tienne la main ; puis, cela faisait partie du deal. Kazumasa n'allait pas se séparer de ses ryōs si facilement, après tout... et il n'avait pas encore vu Ojin se recouvrir de purin ce jour-là, à son grand dam.
Comme d'accoutumée, Ojin n'avait l'esprit tourné que vers la gent féminine. Pensait-il vraiment avoir le choix entre monter son cheval, ou dix demoiselles ? Dans le monde de Kazumasa l'aimant à merdes, c'était impensable. Même pas enviable, pour dire à quel point l'idée lui était saugrenue. Sa mine se fit miroir de ses pensées, affichant un rictus oscillant entre incompréhension et révulsion. On parlait d'un homme qui, depuis presque quarante ans, était bercé par les hennissements, sentait l'odeur du purin du soir au matin, après tout ; d'avoir dix femmes à ses trousses le terrifierait plus que cela ne le flatterait.
Évidemment, la proposition de l'aîné fit mouche. C'était prévisible, aussi prévisible que son obstination systématique à vouloir guider son cousin perdu vers la noble voie des cavaliers.
Aussi prévisible que l'échec cuisant qui s'en suivit. Dès l'instant où Kazumasa vit Ojin sauter sur le dos de la bête sans ménagement, il devina l'issue de sa tentative ; infructueuse au mieux, regrettable au pire. Le destrier l'envoya balader à l'issue d'une course folle et d'un virage sec. Assez sec pour, probablement, rompre le cou d'un cavalier lambda qui n'aurait pas manqué de chuter au vu de la violence du mouvement de rejet.
« Putain, c'est prodigieux. »
Voilà ce qu'il avait à dire, à répondre à la protestation de son cousin dont il venait de s'approcher, sans oublier d'empoigner des rennes du canasson en passant. De son autre main, il caressait la tête de la bête, pour l'apaiser.
« Je crois que j'comprends pourquoi elles te détestent, ouais. Tu fais ça aux dix femmes aussi ? Leur sauter dessus comme un sauvage ? s'esclaffa-t-il, riant grassement à sa propre analogie. T'es vraiment qu'un bourrin ! »
Kazumasa s'approcha de la selle de l'animal, plus particulièrement de la petite sacoche qui y était attachée. Il en tira une brosse dure, qu'il utilisa pour brosser la robe du destrier effarouché. L'effet, subtil, était pourtant concret ; l'animal s'adoucissait, sa respiration se régularisait.
« Toi qui aimes tant la séduction, t'es pas sans savoir qu'on commence en douceur. Dis toi que c'est l'étape préliminaire : tu dois brosser l'animal, te familiariser avec lui, expliqua-t-il, pince-sans-rire. Et même quand ce sera fait, va falloir apprendre à marcher avant d'vouloir courir. Lui sauter dessus comme ça, c'est un truc qu'on évite de faire même quand on est à l'aise, bougre de galapiat. »
Il était clair que les destriers Fuchigoma étaient excessivement robustes. Hauts, larges, musclés ; ils étaient parfois plus dangereux que leurs cavaliers eux-mêmes lors d'une charge. Pourtant, il convenait de les ménager, de les traiter avec respect. Les guerriers Tenma partageaient un trait avec leurs bêtes : ils étaient particulièrement robustes.
« Hisao lui-même ne peut pas se permettre de leur sauter dessus si facilement, et tu connais son aisance à monter. Au-delà de les brusquer, on risque aussi de les blesser, ajouta-t-il, bien plus sérieux. »
Il était clair que Kazumasa tenait à ses montures. Son sang de Tenma lui interdisait de prendre son lien avec les destriers à la légère. Il espérait, malgré son ton blagueur de tantôt, inculquer ce respect à Ojin, dont il ne doutait pas de la bonne volonté.
D'une main, il jeta la brosse à son cousin, avant de se reculer pour lui libérer la voie.
« Allez, tu l'brosses. Ensuite, tu grimpes calmement, en te servant des étriers, et tu prends les rênes fermement. Puis surtout, tu serres pas les jambes, sinon il va partir. Essaie déjà de tenir dessus, droit, sans te faire éconduire comme le dernier des flairants. »
L'héritier se hissa sur la barrière de l'enclos, s'y asseyant à l'écart. C'était à son cousin de tirer son plan avec le destrier, tout seul. Leurs bêtes étaient bien dressées, s'il s'y prenait comme indiqué, il n'aurait pas besoin qu'on lui tienne la main ; puis, cela faisait partie du deal. Kazumasa n'allait pas se séparer de ses ryōs si facilement, après tout... et il n'avait pas encore vu Ojin se recouvrir de purin ce jour-là, à son grand dam.
Tenma Ojin
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Dim 12 Juin - 12:29
L'art résilient
Kazumasa & Ojin
Exaspéré, le borgne se massait l'arête du nez avec consternation. Les femmes étaient tellement plus simples à comprendre. D’une part parce qu’elles parlaient, d’une autre pour la facilité qu’il avait à lire en elles. Tout le contraire des canassons, qu’il ne parvenait pas à comprendre malgré la simplicité apparente de la manœuvre. Du moins c’était ce que renvoyait Kazumasa, lequel était parvenu à calmer le cheval en un rien de temps.
“ Qui sait ? Dix femmes, c’est dix besoins différents. “
Se contenta t-il de répondre, saisissant son kiseru qu’il alluma d’une gerbe de flammes sorties tout droit d’entre ses lèvres. Fumer, voilà un bon moyen de se détendre un peu.
Observant son grand frère de cœur brosser l’animal, il eut un rictus en se disant qu’il restait assurément plus habile avec les bêtes qu’avec les femmes. Peut-être devrait-il lui apprendre deux ou trois choses un de ces jours.
“ Et comment je fais ça ? En l’invitant à dîner autour d’une botte de foin ? “
Quelle perte de temps. Lorsqu’il tentait de séduire une femme, Ojin savait que ses efforts seraient récompensés. A quoi bon amadouer un canasson ? Monter n’a rien d’extraordinaire, Ojin sait déjà se déplacer tout seul. Un cheval peut-il monter dans les arbres ? Pas à sa connaissance.
Il croisa les bras, pensif. Hisao savait sans doute monter de par sa douceur naturelle. Ojin, lui, s’avérait bien plus revêche… et indélicat. Du moins lorsqu’il n’avait rien à gagner.
“ Blesser ce tas de muscles ? Il fait plus du triple de mon poids. “
Commenta t-il, Ojin s’étant toujours dit qu’il fallait être ferme avec les chevaux. Sans aller jusqu’à les battre, pourquoi les ménager ? Ces bestioles sont censées faire la guerre à leurs côtés, essuyer les tirs ennemis et charger dans le tas. Encore heureux qu’ils puissent résister à un saut sur le dos.
“ Brosser ? Putain… “
Saisissant la brosse en vol, il s’approcha de l’animal en grognant, presque humilié par cette tâche bien peu honorable à son goût. S’il savait respecter les coutumes de ce clan qu’il affectionnait tant, Ojin préférait toujours éviter de mettre les mains dans les endroits odorants.
Brossant l’animal moins d’une minute, le jeune homme s’impatienta, grimpant sur le canasson d’une manière plus douce cette fois. Un pied dans l’étrier, une main sur le pommeau pour éviter de tomber, Ojin vint enfin poser le séant sur le dos de l’équidé, triomphant.
“ C’était facile en faaaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiii- “
Seul détail: le borgne avait serré les jambes pour s'assurer de sa stabilité. Le voilà reparti pour un tour.
Tenma Kazumasa
Chuunin de Seizan
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Dim 12 Juin - 13:48
805, hiver, début de soirée
Cette fois, c'est la bonne, songea Kazumasa. Pas parce qu'Ojin avait suivi ses instructions, ça non, mais bien parce qu'il avait ignoré la plus importante. C'était la bonne, l'ultime occasion de le voir choir dans la merde et la gadoue pour son plus grand plaisir.
C'est donc avec l'intention d'avoir son divertissement de la journée que l'aîné resta mutique, cloué à la barricade comme un énième piquet pour observer en toute quiétude le tour de manège que faisait subir le cheval à son malheureux cousin. En cet instant précis, il regrettait amèrement de ne pas avoir ramené sa propre boisson pour profiter de la représentation. La bière d'Ojin lui avait laissé un arrière goût désagréable en bouche. Déjà qu'il n'aimait pas trop ça, à la base.
De longues secondes s'écoulèrent, et Kazumasa fut forcé de constater que l'olibrius ne s'écroulait guère. Le cheval n'en faisait évidemment qu'à sa tête, mais n'était pas lancé au galop, donc n'avait que peu de chances de faire vaciller son bien maladroit cavalier. Une vision qui fit relativiser l'aîné sur ce qu'il désirait vraiment, au fond : voir Ojin , ou le voir vaincre ce blocage qui faisait de lui le seul Tenma incapable de monter ?
Il s'avéra qu'il voulait un peu des deux. Idéalement, l'un, puis l'autre ; mais il était bien rare que la vie ne cède à ses désirs, alors il ne se formalisa pas.
Résigné, le géant se laissa tomber de la barricade, et coupa la trajectoire du massif destrier. La main levée, il regardait la bête droit dans les yeux, et exprimait sous les yeux de son cousin une fermeté qu'il était rare de le voir invoquer. Le cheval ralentit progressivement, jusqu'à totalement s'arrêter au moment où sa tête entra en contact avec la paume de la main de l'héritier. En s'agitant un peu, il frotta de lui-même son chanfrein contre la main de son maître, qui accepta de le caresser.
« Desserre tes jambes, qu'il reparte pas au moment où je m'écarte, invectiva Kazumasa. »
Ses traits s'adoucirent, retrouvant leur gaieté habituelle alors qu'il relevait les yeux vers Ojin.
« Tiens toi bien droit quand tu montes, c'est important. Tes oreilles, tes épaules, ton cul et tes chevilles doivent former une ligne, avec tes jambes légèrement fléchies. Normalement, vu la hauteur des étriers, ça devrait être confortable pour toi, commenta l'aîné, qui s'affairait à vérifier la bride du canasson. Serrer les jambes et te relâcher va le faire aller au pas, c'est pour ça qu'il est parti dès que t'es monté. »
Longeant le destrier, Kazumasa s'approcha du cavalier en herbe, et ramassa les rênes qu'il n'avait même pas daigné saisir en montant.
« Avant même de parler de le diriger, tu n'aurais même pas pu l'arrêter sans tenir les rênes. T'empoignes ça et tu tires pas, dit-il en les lui confiant. Il faut toujours les tenir, même au moment de monter, sinon il risque de partir pendant que t'es à moitié dessus. »
Le géant recula lentement, ses yeux longeant la silhouette de son petit frère d'une autre mère pour évaluer sa posture. Ce n'était guère parfait, mais désormais qu'il avait conscience des règles de base, il n'aurait qu'à lui dire de corriger sa posture pour qu'il s'exécute.
« Je veux que tu fasses une ligne droite, jusqu'à la barrière, et que tu l'arrêtes avant de l'atteindre. Donc, tu le fais avancer comme je t'ai dit, puis tu le fais s'arrêter. Pour ça, tu remontes les mains, tu serres les rênes sans les tirer, et tu te raidis. Et surtout, attends pas le dernier moment pour lui demander de ralentir. Tu dois prendre le coup, donc il prendra du temps à reconnaître l'aide. Ce sera un bon début si t'y parviens tout seul, conclut Kazumasa. »
Puis il s'écarta à nouveau. Il était conscient d'en demander beaucoup ; la plupart des mouvements qu'il indiquait à Ojin étaient loin d'être instinctifs pour quiconque ne montait pas. Ils étaient devenus naturels pour l'aîné, qui n'y pensait plus vraiment ; un niveau de maîtrise qu'il ne pensait pas voir à l'oeuvre aujourd'hui.
« Et décolles jamais ton bassin de la selle... sinon... »
Le début des ennuis. Autant le prévenir, puisque s'il le faisait par mégarde, il finirait cette fois par être désarçonné pour de bon.
Cette fois, c'est la bonne, songea Kazumasa. Pas parce qu'Ojin avait suivi ses instructions, ça non, mais bien parce qu'il avait ignoré la plus importante. C'était la bonne, l'ultime occasion de le voir choir dans la merde et la gadoue pour son plus grand plaisir.
C'est donc avec l'intention d'avoir son divertissement de la journée que l'aîné resta mutique, cloué à la barricade comme un énième piquet pour observer en toute quiétude le tour de manège que faisait subir le cheval à son malheureux cousin. En cet instant précis, il regrettait amèrement de ne pas avoir ramené sa propre boisson pour profiter de la représentation. La bière d'Ojin lui avait laissé un arrière goût désagréable en bouche. Déjà qu'il n'aimait pas trop ça, à la base.
De longues secondes s'écoulèrent, et Kazumasa fut forcé de constater que l'olibrius ne s'écroulait guère. Le cheval n'en faisait évidemment qu'à sa tête, mais n'était pas lancé au galop, donc n'avait que peu de chances de faire vaciller son bien maladroit cavalier. Une vision qui fit relativiser l'aîné sur ce qu'il désirait vraiment, au fond : voir Ojin , ou le voir vaincre ce blocage qui faisait de lui le seul Tenma incapable de monter ?
Il s'avéra qu'il voulait un peu des deux. Idéalement, l'un, puis l'autre ; mais il était bien rare que la vie ne cède à ses désirs, alors il ne se formalisa pas.
Résigné, le géant se laissa tomber de la barricade, et coupa la trajectoire du massif destrier. La main levée, il regardait la bête droit dans les yeux, et exprimait sous les yeux de son cousin une fermeté qu'il était rare de le voir invoquer. Le cheval ralentit progressivement, jusqu'à totalement s'arrêter au moment où sa tête entra en contact avec la paume de la main de l'héritier. En s'agitant un peu, il frotta de lui-même son chanfrein contre la main de son maître, qui accepta de le caresser.
« Desserre tes jambes, qu'il reparte pas au moment où je m'écarte, invectiva Kazumasa. »
Ses traits s'adoucirent, retrouvant leur gaieté habituelle alors qu'il relevait les yeux vers Ojin.
« Tiens toi bien droit quand tu montes, c'est important. Tes oreilles, tes épaules, ton cul et tes chevilles doivent former une ligne, avec tes jambes légèrement fléchies. Normalement, vu la hauteur des étriers, ça devrait être confortable pour toi, commenta l'aîné, qui s'affairait à vérifier la bride du canasson. Serrer les jambes et te relâcher va le faire aller au pas, c'est pour ça qu'il est parti dès que t'es monté. »
Longeant le destrier, Kazumasa s'approcha du cavalier en herbe, et ramassa les rênes qu'il n'avait même pas daigné saisir en montant.
« Avant même de parler de le diriger, tu n'aurais même pas pu l'arrêter sans tenir les rênes. T'empoignes ça et tu tires pas, dit-il en les lui confiant. Il faut toujours les tenir, même au moment de monter, sinon il risque de partir pendant que t'es à moitié dessus. »
Le géant recula lentement, ses yeux longeant la silhouette de son petit frère d'une autre mère pour évaluer sa posture. Ce n'était guère parfait, mais désormais qu'il avait conscience des règles de base, il n'aurait qu'à lui dire de corriger sa posture pour qu'il s'exécute.
« Je veux que tu fasses une ligne droite, jusqu'à la barrière, et que tu l'arrêtes avant de l'atteindre. Donc, tu le fais avancer comme je t'ai dit, puis tu le fais s'arrêter. Pour ça, tu remontes les mains, tu serres les rênes sans les tirer, et tu te raidis. Et surtout, attends pas le dernier moment pour lui demander de ralentir. Tu dois prendre le coup, donc il prendra du temps à reconnaître l'aide. Ce sera un bon début si t'y parviens tout seul, conclut Kazumasa. »
Puis il s'écarta à nouveau. Il était conscient d'en demander beaucoup ; la plupart des mouvements qu'il indiquait à Ojin étaient loin d'être instinctifs pour quiconque ne montait pas. Ils étaient devenus naturels pour l'aîné, qui n'y pensait plus vraiment ; un niveau de maîtrise qu'il ne pensait pas voir à l'oeuvre aujourd'hui.
« Et décolles jamais ton bassin de la selle... sinon... »
Le début des ennuis. Autant le prévenir, puisque s'il le faisait par mégarde, il finirait cette fois par être désarçonné pour de bon.
Tenma Ojin
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Dim 12 Juin - 14:58
L'art résilient
Kazumasa & Ojin
Aussi nul, incapable et ignorant était-il lorsqu’il s’agissait de monter, il était impossible de trainer Ojin dans la boue. Trop vif, alerte et rapide pour se laisser avoir, le borgne retombait toujours sur ses pattes tel un chat. Inutile donc de se frotter les mains trop vite: n’était pas encore né le canasson qui parviendrait à l’enduire de purin, foi de Tenma Ojin.
Tenant bon, il vint saisir le licol pour éviter d’être renversé en arrière. Parvenant à se stabiliser, le jeune homme se dit même qu’il parvenait finalement à monter, si l’on oubliait le fait qu’il ne dirigeait pas le moins du monde sa monture. Après tout, si le cheval connaît la destination… pas besoin de le guider, si ?
Kazumasa s’interpose. Une fois de plus, c’est d’une facilité déconcertante qu’il parvient à arrêter la monture, à tel point qu’il semble exercer un pouvoir particulier sur ces animaux. L’héritier porte bien son nom.
“ C’est incroyable comme ils t’obéissent. “
Resserrant les jambes sous les conseils de son aîné, Ojin se tint prêt à, peut-être, fournir un peu plus d’efforts. Formant une ligne de son corps saillant, il se pencha légèrement pour adopter une position plus aérodynamique, récupérant les rênes tendus par l’héritier.
“ Ok, ok, deux secondes tu me donnes trop d’infos. “
Dit-il en tentant de rassembler tout ce qu’il venait de lui imbriquer dans la tête. Former une ligne, jambes fléchies, tenir les rênes. Voilà qui serait même plus simple que tout ce qu’il a dû apprendre, retenir et pratiquer dans le cadre du maniement du katana. A la différence qu’un certain événement de son passé constituait un blocage qu’il n’avait pas pour le kenjutsu.
“ Ok, j’y vais. “
Sans vraiment avoir pris la peine d’écouter son frère jusqu’au bout, il intime au cheval d’avancer en ligne droite, tenant fermement les rênes comme s’ils allaient l’empêcher de tomber. Voyant la grange approcher, le jeune homme commence à intenter un arrêt, tirant doucement sur les rênes… tout en levant les fesses. Perdant l’équilibre, le borgne se rattrape comme il le peut au crin de la bête, qui repart de plus belle en direction de la grange.
A cette hauteur et au vu de la grande taille d’Ojin, c’est le plafond qui lui arrive droit dans la tête, le brun encaissant la charpente de bois de plein fouet dans un bruit sourd avant de tomber au sol… du moins c’est ce qu’il semblerait. Car si un tel choc aurait pu tuer même le plus costaud des cavaliers, Ojin n’est pas un Tenma pour rien.
“ Bordel, ce canasson a voulu m’occire ! “
Se plaint-il, une simple bosse sur le front alors qu’il parvient à se rattraper in-extremis à la clôture pour ne pas s’étaler dans la fange.
Tenma Kazumasa
Chuunin de Seizan
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Dim 12 Juin - 16:28
805, hiver, début de soirée
Les lourds pas du colosse retournèrent la terre alors qu'il fonçait vers la grange où avait eu lieu l'accident. Au pas de course, il couvrit la distance en quelques instants, et... dépassa Ojin sans même lui adresser un regard. Il ne s'arrêta qu'après avoir rattrapé le cheval, qu'il s'affaira à calmer pendant quelques instants, écoutant sans réagir la complainte de son cousin.
L'oeil inaverti pourrait croire que Kazumasa s'inquiétait plus de l'état du canasson que de celui de son cousin. Ce qui n'était pas fondamentalement faux, mais qui manquait de précision ; l'héritier n'avait pas besoin de s'inquiéter pour Ojin. Il l'avait bien vu retomber sur ses pattes, et savait à quel point il pouvait avoir la tête dure. Peut-être pas aussi dure que la sienne, mais au moins aussi dure que celle du Tenma moyen, ce qui représentait déjà quelque chose d'exceptionnel.
« On va s'arrêter là pour aujourd'hui, déclara Kazumasa, après avoir lancé un coup d'oeil en arrière vers son cousin. C'est déjà un bon début, considérant d'où on part. »
Conformément à sa décision, il commença à débarrasser le destrier de son équipement avec grand soin. Le verdict était tombé : la séance était abrégée, et Ojin n'avait évidemment pas tenu cinq minutes, si l'on omettait le temps que le colosse avait passé à calmer lui-même sa monture. Déception ? Peut-être pas.
« Pas de cinq minutes, pas de tournée avec tes belles, asséna-t-il, amusé. Par contre, j'ai ici un lot de consolation pour toi : tu vas boire de la réserve de notre bon vieux rhum, avec moi. Faut que je débarrasse ma gueule du goût de ta bière à deux sous. »
Sans se soucier de la réponse, puisqu'il s'imposait très clairement, Kazumasa guida la bête jusqu'aux écuries en sifflotant gaiement. Après avoir rangé l'équipement et conduit le canasson, il fit signe à Ojin de le suivre. Il connaissait de toute façon le chemin ; les cuisines de la grande cantine clanique, à quelques minutes des écuries, et leur merveilleux cellier.
En arrivant, ils furent accueillis par un gaillard du clan, qui comprit en un regard ce qu'il allait se passer. Clin d'oeil, petit signe de tête, et l'homme se faufila dans les cuisines en faisant signe au duo d'attendre. Tirant deux tabourets au-dehors de la bâtisse, face au soleil qui glissait lentement sous l'horizon, Kazumasa s'installa en lâchant un râle de soulagement.
« Il est allé tirer deux bouteilles de la réserve. La deuxième, c'est la prime de risque, puisque c'est lui qui portera le chapeau si l'intendance se rend compte de nos emprunts, débita l'aîné, qui s'étirait, ses articulations craquant furieusement à chaque mouvement. Avec le Ganjitsu qui arrive, ils n'aiment pas qu'on siphonne le rhum... mais deux bouteilles incognito, ça devrait faire de mal à personne. »
Sur ces mots, le troisième Tenma jaillit des cuisines, se faufilant sur la pointe des pieds avec une habileté qui trahissait une forme d'expérience à ce genre d'exercice. Après avoir confié l'une des bouteilles et deux grands verres à Kazumasa et Ojin, il fila comme le vent en direction des habitations sans un regard en arrière. Au loin, on pût distinguer les silhouettes d'une femme et d'un homme en ruunpe, qui lui faisaient signe avant de s'éclipser au détour d'une ruelle.
Profitant de l'accalmie, le colosse servit deux généreux verres, puis brandit le sien vers son cousin pour trinquer.
« À nos femmes, à nos chevaux... »
Les lourds pas du colosse retournèrent la terre alors qu'il fonçait vers la grange où avait eu lieu l'accident. Au pas de course, il couvrit la distance en quelques instants, et... dépassa Ojin sans même lui adresser un regard. Il ne s'arrêta qu'après avoir rattrapé le cheval, qu'il s'affaira à calmer pendant quelques instants, écoutant sans réagir la complainte de son cousin.
L'oeil inaverti pourrait croire que Kazumasa s'inquiétait plus de l'état du canasson que de celui de son cousin. Ce qui n'était pas fondamentalement faux, mais qui manquait de précision ; l'héritier n'avait pas besoin de s'inquiéter pour Ojin. Il l'avait bien vu retomber sur ses pattes, et savait à quel point il pouvait avoir la tête dure. Peut-être pas aussi dure que la sienne, mais au moins aussi dure que celle du Tenma moyen, ce qui représentait déjà quelque chose d'exceptionnel.
« On va s'arrêter là pour aujourd'hui, déclara Kazumasa, après avoir lancé un coup d'oeil en arrière vers son cousin. C'est déjà un bon début, considérant d'où on part. »
Conformément à sa décision, il commença à débarrasser le destrier de son équipement avec grand soin. Le verdict était tombé : la séance était abrégée, et Ojin n'avait évidemment pas tenu cinq minutes, si l'on omettait le temps que le colosse avait passé à calmer lui-même sa monture. Déception ? Peut-être pas.
« Pas de cinq minutes, pas de tournée avec tes belles, asséna-t-il, amusé. Par contre, j'ai ici un lot de consolation pour toi : tu vas boire de la réserve de notre bon vieux rhum, avec moi. Faut que je débarrasse ma gueule du goût de ta bière à deux sous. »
Sans se soucier de la réponse, puisqu'il s'imposait très clairement, Kazumasa guida la bête jusqu'aux écuries en sifflotant gaiement. Après avoir rangé l'équipement et conduit le canasson, il fit signe à Ojin de le suivre. Il connaissait de toute façon le chemin ; les cuisines de la grande cantine clanique, à quelques minutes des écuries, et leur merveilleux cellier.
En arrivant, ils furent accueillis par un gaillard du clan, qui comprit en un regard ce qu'il allait se passer. Clin d'oeil, petit signe de tête, et l'homme se faufila dans les cuisines en faisant signe au duo d'attendre. Tirant deux tabourets au-dehors de la bâtisse, face au soleil qui glissait lentement sous l'horizon, Kazumasa s'installa en lâchant un râle de soulagement.
« Il est allé tirer deux bouteilles de la réserve. La deuxième, c'est la prime de risque, puisque c'est lui qui portera le chapeau si l'intendance se rend compte de nos emprunts, débita l'aîné, qui s'étirait, ses articulations craquant furieusement à chaque mouvement. Avec le Ganjitsu qui arrive, ils n'aiment pas qu'on siphonne le rhum... mais deux bouteilles incognito, ça devrait faire de mal à personne. »
Sur ces mots, le troisième Tenma jaillit des cuisines, se faufilant sur la pointe des pieds avec une habileté qui trahissait une forme d'expérience à ce genre d'exercice. Après avoir confié l'une des bouteilles et deux grands verres à Kazumasa et Ojin, il fila comme le vent en direction des habitations sans un regard en arrière. Au loin, on pût distinguer les silhouettes d'une femme et d'un homme en ruunpe, qui lui faisaient signe avant de s'éclipser au détour d'une ruelle.
Profitant de l'accalmie, le colosse servit deux généreux verres, puis brandit le sien vers son cousin pour trinquer.
« À nos femmes, à nos chevaux... »
Tenma Ojin
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Dim 12 Juin - 16:52
L'art résilient
Kazumasa & Ojin
Il se frotta la tête, puis le front, constatant la présence d’une petite, minuscule et insignifiante bosse. Décidément, il avait beau ne pas être sorti de la même mère, Ojin était bien le fils du frère de Daigoro. Kenshiro, l’homme aux cents batailles, un colosse de deux mètres quinze dont le destrier lui-même était une force de la nature. Un colosse disparu dans la nature peu avant sa femme, peut-être toujours en vie quelque part… qui avait eu le temps d’enfanter Ojin. Si son fils s’avérait plus fin que lui, son caractère et sa résilience tenaient bel et bien de lui. Pour ce qui était du reste, le borgne avait emprunté à sa mère.
“ Et moi ? On vient pas vérifier si je suis blessé ? “
Dit-il, faussement vexé, Kazumasa étant bien au courant de la résistance de son frère. Petit déjà, le jeune garçon était passé sous les sabots d’un troupeau de vaches appartenant au voisin. Plus de peur que de mal, car aussi étonnant que cela leur parut à l’époque, le garçon en était ressorti indemne. Pareil pour cette fois ou, perdu lors d’un jeu en montagne, il avait passé toute une nuit dans le froid glacial de la neige, retrouvant finalement le chemin jusqu’au village au lendemain, certes frigorifié mais toujours en forme. Ojin était ainsi: connu pour être increvable, intombable, toujours prêt à aller de l’avant depuis qu’il était en âge de tenir sur ses deux jambes. Chose qu’il avait commencé à faire prématurément d’ailleurs, aux alentours de ses six mois. Comme si, depuis sa venue au monde, le jeune homme s’était promis à de grandes choses.
“ Tu te souviens du coup de pelle de Seikyuu dans la tête ? “
Dit-il avec un rire franc alors qu’il s’extirpait de l’enclos pour rejoindre l’autre côté de la clôture. Pas de beuverie avec les filles ? Pas grave, l’héritier lui proposait presque mieux… une beuverie entre frères. Et pas des moindres, un rhum directement issu de leurs caves.
Suivant le barbu, il le rejoignit dans le cellier en gratifiant son homologue Tenma d’une poignée de main virile. Posant le séant sur le tabouret en bois sans doute taillé à la main, Ojin sortit son kiseru qu’il porta à ses lèvres une nouvelle fois. Que serait un Tenma sans fumée ?
“ Qu’est-ce qu’on s’en fout de toute manière. C’est toi le prochain chef du clan. “
Dit-il sans s’inquiéter de ce qui pourrait leur arriver. Ojin avait l’habitude de se faire tirer les bretelles par ses proches, turbulent et têtu comme il était. Un vrai chien fou, incontrôlable et déraisonnable lorsqu’il décidait de s’y mettre. Seule sa mère parvenait encore, à l’époque, à lui faire entendre raison.
“ Tenez les gars. “
Lança le troisième Tenma, servant le duo avant de disparaître aussitôt. Enfin seuls. Levant son verre conjointement à son frère, il apporta un épilogue à sa célébration, phrase bien connue du clan.
“ Et à ceux qui les montent ! “
Trinquant, il s’enquilla une première gorgée, puis une seconde avant de poser le verre sur le bar en bois sans toutefois le relâcher. Un Tenma abandonnant sa liqueur n’est pas un véritable Tenma.
“ Alors, on a des vues sur une fille ces temps-ci ? “
Demanda t-il, un petit sourire narquois en coin. Il serait temps, à son âge son père était déjà marié et papa d’un garçon.
Tenma Kazumasa
Chuunin de Seizan
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Lun 13 Juin - 13:40
805, hiver, début de soirée
« C'est aussi ma responsabilité de chef de m'assurer qu'on fait pas n'importe quoi de nos réserves. Si au moins on le produisait ici, ça poserait moins de problèmes, commenta Kazumasa, après avoir trinqué. »
Même là, le devoir planait comme un nuage chargé sur les songes de l'héritier. Comme pour chasser ces idées usantes, il s'offrit une bonne lampée de leur rhum clanique. L'effet fut immédiat : la fraîcheur l'envahissait, à lui en déboucher le pif. C'était bien plus digne d'un Tenma que ce qu'avait l'habitude de boire le grand gaillard, qui appréciait en temps normal les boissons plus légères, plus douces.
Un contraste frappant avec l'air bourru du personnage, qui avait très littéralement des goûts de femme. En parlant de femmes, la question qui fâchait systématiquement venait de tomber. L'écho régulier et litanique d'un des rares devoirs que Kazumasa n'avait guère honorés.
« Des vues ? Je suis plus miraud que toi, le borgne, lorsqu'il s'agit d'avoir des vues, ricana amèrement le géant. Tu vas pas t'y mettre, bordel de merde... »
Nouvelle gorgée. Quinte de toux ; comme si la question elle-même l'avait carrément rendu malade.
« La dernière a essayé de me saouler pour me faire signer le mariage le soir-même. Malheureusement pour elle, elle a sous-estimé ma légendaire résistance, et s'est impatientée. »
Las, Kazumasa dégagea de l'intérieur de son ruunpe sa pipe et sa boîte à tabac. Contrairement à son cousin, il ne pût l'allumer par magie, et dût se résoudre à l'emploi d'une bonne vieille allumette et d'un tasse-braise. L'outil, ouvragé par l'héritier lui-même, était d'ailleurs pourvu d'une extrémité plate et d'une pointe métallique. Idéale pour chasser les importuns qui voudraient l'empêcher d'apprécier son tabac.
Profitant du silence, l'aîné prit quelques bonnes bouffées, le regard perdu dans les braises qui s'allumaient et s'évanouissaient au rythme de ses inspirations. Cette fois, c'était bon ; on avait bien affaire à une réunion fraternelle de Tenma : la fumée régnait sur les lieux, et l'alcool n'était pas bien loin.
« Son frère, probablement posté là pour la surveiller, s'est amené dès qu'il m'a vu refuser en lui riant au nez. Lui n'en a plus, de nez, glissa Kazumasa, sur un ton sérieux qui tirait même sur le sinistre. »
Le bougre n'était pas violent. S'il en était venu à éclater un pif sous ses phalanges, c'est qu'il omettait pas mal de détails peu savoureux. Par soucis de ne pas exciter le sang chaud d'Ojin, sans doute, procédait-il ainsi. Il n'avait pas besoin d'intimider plus avant le fameux frère ; d'être confronté à la colère du tranquille Kazumasa était déjà un châtiment suffisant pour le punir, lui et toute sa famille, d'avoir essayé de rouler l'héritier des Tenma.
« Donc non, j'ai aucune vue. Pour changer. Je te préviens d'avance : tu ne m'apprendras rien sur ces viles créatures, si c'était là ton idée de vengeance pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure ! asséna l'aîné, qui s'échauffait gentiment, sans perdre son sourire. »
« C'est aussi ma responsabilité de chef de m'assurer qu'on fait pas n'importe quoi de nos réserves. Si au moins on le produisait ici, ça poserait moins de problèmes, commenta Kazumasa, après avoir trinqué. »
Même là, le devoir planait comme un nuage chargé sur les songes de l'héritier. Comme pour chasser ces idées usantes, il s'offrit une bonne lampée de leur rhum clanique. L'effet fut immédiat : la fraîcheur l'envahissait, à lui en déboucher le pif. C'était bien plus digne d'un Tenma que ce qu'avait l'habitude de boire le grand gaillard, qui appréciait en temps normal les boissons plus légères, plus douces.
Un contraste frappant avec l'air bourru du personnage, qui avait très littéralement des goûts de femme. En parlant de femmes, la question qui fâchait systématiquement venait de tomber. L'écho régulier et litanique d'un des rares devoirs que Kazumasa n'avait guère honorés.
« Des vues ? Je suis plus miraud que toi, le borgne, lorsqu'il s'agit d'avoir des vues, ricana amèrement le géant. Tu vas pas t'y mettre, bordel de merde... »
Nouvelle gorgée. Quinte de toux ; comme si la question elle-même l'avait carrément rendu malade.
« La dernière a essayé de me saouler pour me faire signer le mariage le soir-même. Malheureusement pour elle, elle a sous-estimé ma légendaire résistance, et s'est impatientée. »
Las, Kazumasa dégagea de l'intérieur de son ruunpe sa pipe et sa boîte à tabac. Contrairement à son cousin, il ne pût l'allumer par magie, et dût se résoudre à l'emploi d'une bonne vieille allumette et d'un tasse-braise. L'outil, ouvragé par l'héritier lui-même, était d'ailleurs pourvu d'une extrémité plate et d'une pointe métallique. Idéale pour chasser les importuns qui voudraient l'empêcher d'apprécier son tabac.
Profitant du silence, l'aîné prit quelques bonnes bouffées, le regard perdu dans les braises qui s'allumaient et s'évanouissaient au rythme de ses inspirations. Cette fois, c'était bon ; on avait bien affaire à une réunion fraternelle de Tenma : la fumée régnait sur les lieux, et l'alcool n'était pas bien loin.
« Son frère, probablement posté là pour la surveiller, s'est amené dès qu'il m'a vu refuser en lui riant au nez. Lui n'en a plus, de nez, glissa Kazumasa, sur un ton sérieux qui tirait même sur le sinistre. »
Le bougre n'était pas violent. S'il en était venu à éclater un pif sous ses phalanges, c'est qu'il omettait pas mal de détails peu savoureux. Par soucis de ne pas exciter le sang chaud d'Ojin, sans doute, procédait-il ainsi. Il n'avait pas besoin d'intimider plus avant le fameux frère ; d'être confronté à la colère du tranquille Kazumasa était déjà un châtiment suffisant pour le punir, lui et toute sa famille, d'avoir essayé de rouler l'héritier des Tenma.
« Donc non, j'ai aucune vue. Pour changer. Je te préviens d'avance : tu ne m'apprendras rien sur ces viles créatures, si c'était là ton idée de vengeance pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure ! asséna l'aîné, qui s'échauffait gentiment, sans perdre son sourire. »
Tenma Ojin
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Lun 13 Juin - 14:57
L'art résilient
Kazumasa & Ojin
Il renifla le verre, retroussant le nez dans une mine circonspecte. L’odeur semblait lui convenir, lui qui préférait évidemment les alcools forts, de quoi retirer la peinture d’un mur ou déboucher les canalisations. Loin d’être aussi costaud, ce rhum avait au moins le mérite d’être goutu, Ojin laissant la liqueur lui couler le long de l’oesophage tout en écoutant les jérémiades de son aîné.
En somme, la réponse était non. Un éternel et recrudescent non. Mais qui allait bien pouvoir assurer la descendance du clan en premier ? Hisao, le petit frère ? Ce ne serait pas digne d’une famille fonctionnelle. Peut-être allait-ce être Ojin au final, qui était en voie de conclure sérieusement avec une femme.
“ Le mariage dès le premier soir hein ? T’as ptet plus de succès que je le pensais. A moins que ce soit juste une arnaque. “
Tirant une bouffée sur son kiseru, taillé lui aussi de sa main, il fit tourner l’alcool dans son verre, pensif. Le mariage, voilà un contrat bien effrayant auquel Ojin restait toujours réticent. S’il n’était pas certain de le rester une fois qu’il estimerait avoir trouvé la bonne, le fait de s’enfermer dans une relation de manière officielle et exclusive ne lui faisait pas vraiment envie.
“ Hmm… C’était qui ? “
Demanda t-il en l’entendant parler du frère, laissant planer le mystère sur ses intentions. Un poing dans la gueule n’était pas suffisant pour laver l’honneur des Tenma. Si l’on avait voulu les rouler, l’affront devait se laver dans le sang. Un sang épais et visqueux.
“ Enfin, non je comptais pas me venger. T’es déjà une cause perdue. “
Dit-il en riant, manifestement peu impacté. L’occasion lui viendrait en temps voulu, Ojin n’en doutait pas. Le clan avait bien d’autres impératifs avant de penser au repeuplement. Sa génération actuelle était promise à de grandes choses, le borgne pouvait le sentir en lui.
“ Le clan doit trouver un moyen de se faire une place plus importante au sein de la cité. “
Nouvelle bouffée sur son kiseru. Ojin était on ne peut plus sérieux, amenant le sujet de but en blanc sans crier gare.
Tenma Kazumasa
Chuunin de Seizan
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Mar 14 Juin - 13:01
805, hiver, début de soirée
L'aîné se riait des piques de son gringalet de cousin, gaiement. Il avait l'habitude d'encaisser, après tout ; il lui fallait mériter sa réputation d'increvable, d'objet à l'inertie absolue. Les joutes verbales étaient une habitude, entre les membres de la présente génération dorée des Tenma. C'était ainsi qu'ils s'endurcissaient, et cela leur convenait bien, quoi que puissent en dire les timorés qui oseraient porter un jugement sur la méthode des antiques cavaliers.
En dépit du changement abrupt d'ambiance imposé par la déclaration impromptue d'Ojin, l'héritier conserva ses airs légers, son ton guilleret. Il observait, silencieusement d'abord, ce fossé qui le séparait de ce frère de coeur : celui de l'ambition. S'il en avait, il ne pouvait se targuer de viser aussi haut que cet orphelin que sa fratrie avait pratiquement adopté.
« Je nous trouve plutôt bien installés, commenta d'abord le modéré Kazumasa. Seizan préfère nos montures et nos écuries. »
Une conséquence directe de l'ampleur de leurs installations, et de leur savoir-faire ancestral ; la concurrence ne pouvait pas dûment espérer pouvoir faire face à un clan qui faisait de l'élevage de destriers sa vocation depuis des temps immémoriaux. Le clan n'avait probablement jamais été aussi stable que sous Daigoro, sa poigne de fer y jouant pour beaucoup.
Kazumasa n'aspirait qu'à faire pérenniser ce que son paternel avait amorcé, lorsqu'il était question du clan et de sa gestion. C'était aussi simple que cela, bien qu'il ait ses propres rêves de grandeur, quoiqu'autrement plus personnels.
« Tu pensais à quelque chose en particulier ? Je vois mal ce que nous pourrions faire de plus, honnêtement, en dehors de nos faits d'armes personnels... qui ne dépendent que de nous, en tant qu'individus, poursuivit l'aîné. »
Une bonne gorgée de rhum, droit dans la gargante. La fraîcheur qui l'envahit à nouveau le fit frissonner ; ou était-ce simplement le froid qui s'installait, là où le soleil se faisait de plus en plus discret ?
« Le clan doit trouver un moyen de se faire une place plus importante au sein de la cité... une notion de devoir, donc, souleva finalement Kazumasa. Pourquoi cet impératif ? »
Dans la tranquillité de l'aîné, on devinait -pour cette ultime question- un zeste de fermeté. Les affaires du clan le touchaient tout particulièrement, c'était connu, et attendu du fils aîné de Daigoro, leur chef. C'était dans les moments où l'avenir des Tenma était évoqués que la facette plus rugueuse, plus patriarcale de Kazumasa se dévoilait. La lubie de son cousin, si elle était loin de l'inquiéter, avait piqué son intérêt ; comme l'enfant s'attirait l'attention de son père, en s'exposant à la rudesse du monde et de ses dangers.
L'aîné se riait des piques de son gringalet de cousin, gaiement. Il avait l'habitude d'encaisser, après tout ; il lui fallait mériter sa réputation d'increvable, d'objet à l'inertie absolue. Les joutes verbales étaient une habitude, entre les membres de la présente génération dorée des Tenma. C'était ainsi qu'ils s'endurcissaient, et cela leur convenait bien, quoi que puissent en dire les timorés qui oseraient porter un jugement sur la méthode des antiques cavaliers.
En dépit du changement abrupt d'ambiance imposé par la déclaration impromptue d'Ojin, l'héritier conserva ses airs légers, son ton guilleret. Il observait, silencieusement d'abord, ce fossé qui le séparait de ce frère de coeur : celui de l'ambition. S'il en avait, il ne pouvait se targuer de viser aussi haut que cet orphelin que sa fratrie avait pratiquement adopté.
« Je nous trouve plutôt bien installés, commenta d'abord le modéré Kazumasa. Seizan préfère nos montures et nos écuries. »
Une conséquence directe de l'ampleur de leurs installations, et de leur savoir-faire ancestral ; la concurrence ne pouvait pas dûment espérer pouvoir faire face à un clan qui faisait de l'élevage de destriers sa vocation depuis des temps immémoriaux. Le clan n'avait probablement jamais été aussi stable que sous Daigoro, sa poigne de fer y jouant pour beaucoup.
Kazumasa n'aspirait qu'à faire pérenniser ce que son paternel avait amorcé, lorsqu'il était question du clan et de sa gestion. C'était aussi simple que cela, bien qu'il ait ses propres rêves de grandeur, quoiqu'autrement plus personnels.
« Tu pensais à quelque chose en particulier ? Je vois mal ce que nous pourrions faire de plus, honnêtement, en dehors de nos faits d'armes personnels... qui ne dépendent que de nous, en tant qu'individus, poursuivit l'aîné. »
Une bonne gorgée de rhum, droit dans la gargante. La fraîcheur qui l'envahit à nouveau le fit frissonner ; ou était-ce simplement le froid qui s'installait, là où le soleil se faisait de plus en plus discret ?
« Le clan doit trouver un moyen de se faire une place plus importante au sein de la cité... une notion de devoir, donc, souleva finalement Kazumasa. Pourquoi cet impératif ? »
Dans la tranquillité de l'aîné, on devinait -pour cette ultime question- un zeste de fermeté. Les affaires du clan le touchaient tout particulièrement, c'était connu, et attendu du fils aîné de Daigoro, leur chef. C'était dans les moments où l'avenir des Tenma était évoqués que la facette plus rugueuse, plus patriarcale de Kazumasa se dévoilait. La lubie de son cousin, si elle était loin de l'inquiéter, avait piqué son intérêt ; comme l'enfant s'attirait l'attention de son père, en s'exposant à la rudesse du monde et de ses dangers.
Tenma Ojin
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Mar 14 Juin - 13:23
L'art résilient
Kazumasa & Ojin
Il tambourina sur ses cuisses. L’ambition, voilà bien le seul trait de caractère qui le définissait de manière constante. Une ambition débordante, brûlante, ravageuse et parfois trop envahissante pour ses pairs. Ojin détestait se sentir inférieur ou insignifiant. Pour lui, la vie ne valait la peine d’être vécue que pour les plus grands, les rois, empereurs, dirigeants et autres êtres surplombant le reste de l’humanité. Ceux dont l’on s’inspirait, ceux dont la façonnée était façonnée à leur image, ceux dont les moindres gestes avaient le pouvoir de changer la face du monde… et des gens.
Ainsi, si le clan Tenma jouissait d’une bonne réputation dû à leur noble art et la qualité de leurs montures, Ojin n’en était point satisfait. S’il comptait bien sûr, à terme, tracer sa propre route, évoluer aux côtés de ses frères de cœur lui donnait plus envie pour l’instant. Quoi de mieux, une fois au sommet, que d’être accompagné de ses pairs, ceux l’ayant accompagné depuis l’aube de ses jours jusqu’au crépuscule de sa fin ? Régner seul ne finissait jamais de la bonne manière.
“ Pour ceux qui ne nous traitent pas de paysans, aimants à crottin et autres besogneurs de chevaux oui. “
Commenta t-il, le clan Tenma ayant malgré tout quelques détraqueurs. De simples idiots incultes, mais qui n’oseraient même pas ne serait-ce que penser à les rabaisser s’il était au pouvoir. S’il le pouvait, Ojin ferait taire tous ceux dont la tête ne lui revenait pas.
Ainsi, lorsqu’il lui en laissa l’occasion, Ojin se mit à penser. Penser à ce que pourrait faire un clan dont l’élevage étrait le fer de lance, pour s’élever plus haut qu’il ne l’était déjà. Retournez le problème dans tous les sens: un cheval est un cheval, il n’y a que ce que l’on en fait qui puisse changer de face.
“ Nous devrions fournir des chevaux à l’empereur. Que toutes les têtes d’Onogoro reconnaissent notre valeur. Nous devrions chevaucher des kirin, peut-être même étendre nos pratiques. Pourquoi ne pas monter des tigres ? Capturer des yokai ? Voilà qui ajouterait plusieurs cordes à notre arc. “
Expliqua-t-il, avide de succès. La dernière question de l’aîné fut plus simple à fournir en réponse. Pourquoi cet impératif ? Ojin y pensait depuis des années déjà. Le borgne savait ce qu’il voulait et pourquoi.
“ N’aurais-tu pas envie d’être reconnu de tous ? Acclamé par la foule ? Que ton nom soit scandé par toutes les lèvres, que nos décisions influent sur le monde ? Pourquoi se couvrir d’humilité. Tout le monde, d’une manière ou d’une autre, veut agir sur son prochain. Laisser sa marque sur le monde et son nom traverser les époques. Si nous ne pouvons le faire en personne, laissons notre descendance faire vivre nos souvenirs pour nous. “
Scandait-il, passionné. Ojin avait une vision claire de ses ambitions.
Tenma Kazumasa
Chuunin de Seizan
# Re: L'art résilient [Kazumasa] Dim 19 Juin - 23:09
805, hiver, début de soirée
« Fournir des chevaux à l'empereur, c'est ce que nous faisions déjà jadis. C'est un choix conscient de nos ancêtres que d'avoir choisi de s'installer à Seizan et d'y concentrer les efforts du clan, commença Kazumasa, marquant d'abord son désaccord. »
Pour ce qui suivit, l'aîné se contenta de simplement secouer la tête. Chevaucher des Kirins, c'était bien beau, et il serait le dernier à le nier ; mais il était tout bonnement déraisonnable d'espérer démocratiser la domestication des yokais à tout un chacun.
« Les Kaminotsukai existent, et se lier à l'un d'entre eux exige déjà une certaine maîtrise ; je ne vois pas un monde où il serait possible de domestiquer des hordes de yokais entières, d'en faire des élevages comme nous le faisons avec nos destriers pour les fournir au plus grand nombre. Le rhum te monte certainement déjà à la tête... commenta l'héritier, qui fit volontairement l'impasse sur l'idée des tigres qui était d'autant plus saugrenue. »
Et d'ardeurs, Ojin redoubla, sans se miner de la mesure de celui qui taquinait la bouteille avec lui. C'était comme s'ils vivaient dans deux mondes distincts, que l'endroit où ils se rejoignaient formait le point de jonction entre deux réalités antinomiques où ils coexistaient paisiblement pour échanger. Le sang qui coulait dans leurs veines était sensiblement le même, mais leurs visions s'opposaient l'une à l'autre, se confrontaient sans étincelles.
La flamme d'Ojin rongeait, et l'océan de Kazumasa reposait, calme et limpide. Un statu quo qui avait, jusqu'à ce jour, permis de maintenir une forme d'équilibre au sein de la possible génération dorée des Tenma.
Pourtant, jamais l'équilibre n'avait été aussi précaire qu'en cet instant. Peut-être était-ce dû à l'alcool, à l'impatience, mais l'océan du colosse avait doucement commencé à s'agiter...
« Reconnu de tous... »
Il le voulait. C'était égoïste, à ses yeux, ce qui expliquait le mal qu'il avait à accepter son ambition.
« C'est... grand, trouva-t-il à dire, comme s'il manquait de mots, ce qui était très rare. Ta passion t'honore, petit cousin. »
Le poing du plus menu des géants seizanjins se serra, éclatant son verre dans sa paume, sans même qu'il ne s'en rende compte. Son regard électrique s'attarda sur le sang qui commençait à perler au creux de sa paume, à l'orée des petites cicatrices causées par le verre qui l'avait entaillé. Le sérum vital érubescent captiva son attention ; on pût dire qu'il vit, l'espace d'un instant, rouge.
« Tu sais quoi ? Je vais m'arranger. Commençons par Seizan, conclut Kazumasa, en se hissant lentement jusqu'au sommet de sa stature, debout aux côtés de son cousin et de leur bouteille empruntée. Je vais en toucher deux mots à Daigoro, il devrait être content de me voir prendre ce genre d'initiative, ce vieux loup. »
Et sans un mot, il s'en alla, laissant à Ojin le soin de finir cette soirée écourtée seul. Dans la terre meuble, les semelles de l'héritier creusèrent de profondes empreintes ; le chemin d'une déterminé retrouvée, l'orée d'un sentier qu'il s'apprêtait à creuser à la force de ses mains pour ses pairs, à destination d'une grandeur qui n'avait que trop tardé à auréoler ceux qui s'affairaient au service de l'Empire depuis si longtemps.
« Fournir des chevaux à l'empereur, c'est ce que nous faisions déjà jadis. C'est un choix conscient de nos ancêtres que d'avoir choisi de s'installer à Seizan et d'y concentrer les efforts du clan, commença Kazumasa, marquant d'abord son désaccord. »
Pour ce qui suivit, l'aîné se contenta de simplement secouer la tête. Chevaucher des Kirins, c'était bien beau, et il serait le dernier à le nier ; mais il était tout bonnement déraisonnable d'espérer démocratiser la domestication des yokais à tout un chacun.
« Les Kaminotsukai existent, et se lier à l'un d'entre eux exige déjà une certaine maîtrise ; je ne vois pas un monde où il serait possible de domestiquer des hordes de yokais entières, d'en faire des élevages comme nous le faisons avec nos destriers pour les fournir au plus grand nombre. Le rhum te monte certainement déjà à la tête... commenta l'héritier, qui fit volontairement l'impasse sur l'idée des tigres qui était d'autant plus saugrenue. »
Et d'ardeurs, Ojin redoubla, sans se miner de la mesure de celui qui taquinait la bouteille avec lui. C'était comme s'ils vivaient dans deux mondes distincts, que l'endroit où ils se rejoignaient formait le point de jonction entre deux réalités antinomiques où ils coexistaient paisiblement pour échanger. Le sang qui coulait dans leurs veines était sensiblement le même, mais leurs visions s'opposaient l'une à l'autre, se confrontaient sans étincelles.
La flamme d'Ojin rongeait, et l'océan de Kazumasa reposait, calme et limpide. Un statu quo qui avait, jusqu'à ce jour, permis de maintenir une forme d'équilibre au sein de la possible génération dorée des Tenma.
Pourtant, jamais l'équilibre n'avait été aussi précaire qu'en cet instant. Peut-être était-ce dû à l'alcool, à l'impatience, mais l'océan du colosse avait doucement commencé à s'agiter...
« Reconnu de tous... »
Il le voulait. C'était égoïste, à ses yeux, ce qui expliquait le mal qu'il avait à accepter son ambition.
« C'est... grand, trouva-t-il à dire, comme s'il manquait de mots, ce qui était très rare. Ta passion t'honore, petit cousin. »
Le poing du plus menu des géants seizanjins se serra, éclatant son verre dans sa paume, sans même qu'il ne s'en rende compte. Son regard électrique s'attarda sur le sang qui commençait à perler au creux de sa paume, à l'orée des petites cicatrices causées par le verre qui l'avait entaillé. Le sérum vital érubescent captiva son attention ; on pût dire qu'il vit, l'espace d'un instant, rouge.
« Tu sais quoi ? Je vais m'arranger. Commençons par Seizan, conclut Kazumasa, en se hissant lentement jusqu'au sommet de sa stature, debout aux côtés de son cousin et de leur bouteille empruntée. Je vais en toucher deux mots à Daigoro, il devrait être content de me voir prendre ce genre d'initiative, ce vieux loup. »
Et sans un mot, il s'en alla, laissant à Ojin le soin de finir cette soirée écourtée seul. Dans la terre meuble, les semelles de l'héritier creusèrent de profondes empreintes ; le chemin d'une déterminé retrouvée, l'orée d'un sentier qu'il s'apprêtait à creuser à la force de ses mains pour ses pairs, à destination d'une grandeur qui n'avait que trop tardé à auréoler ceux qui s'affairaient au service de l'Empire depuis si longtemps.
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