Aux aurores, Yumiya, guerrière, s’était réveillée avec les mêmes attentes que la veille. Elles pouvaient très simplement se résumer en un mot : tranquillité. Malheureusement, devant ses yeux navrés se dressait l’annonciateur d’une journée épuisante. En effet, convoquée par l’armée pour une corvée, elle s’était rendue sur les lieux du rendez-vous pour discuter avec le quémandeur du jour. Et ce dernier lui avait présenté un détail si grotesque qu’il n’avait pas besoin d’expliquer la nature de ce travail. Par précaution toutefois, il était préférable que ce quinquagénaire trapu confirme toutes les inquiétudes qui écœuraient la pauvre archère. Ainsi donc, elle lâcha un premier commentaire, honnête et engagé, afin de l’inciter à rentrer dans le vif du sujet.

— C’est quoi ce machin-là ? grimaça-t-elle, dégoûtée
— Un peu de respect, jeune femme. Ce que vous avez là, c’est le costume en forme d’endive que mon père utilisait autrefois pour attirer des clients dans notre échoppe. Sa fierté l’avait poussé à défendre son produit. IL EST BEAU HEIN ?! Appuya-t-il gaiement pour souligner tout son amour pour ce légume infect.
— …

Elle était à deux doigts de réfuter sévèrement, mais s'était finalement abstenue pour éviter de futurs conflits avec sa direction. Très clairement, elle se demanda dans quel merdier elle était tombée. D’ailleurs, les explications qui suivirent ne la rassurèrent nullement. Sans surprise, la requête du marchand était de l’aider à attirer la clientèle en déambulant dans les rues avec ce costume. Bien que cette mission eût tout d’une corvée, il y avait lieu à se demander pourquoi l’armée avait concédé la réalisation de cette requête aux antipodes de leur domaine d’action. Certes, la force militaire du village tenait à garder une image chaleureuse et proche du peuple. Néanmoins, pour y parvenir, il n’était pas nécessaire de devenir une agence à tout faire, selon l’archère.

— Bref, mettez ce costume, prenez cette pancarte et SURTOUT attirez-moi des clients ! Mettez bien en évidence la pancarte pour que les gens retiennent mon adresse, HEIN ! insista-t-il plus gravement, sous-entendant presque que sa situation financière serait désastreuse, si aucun client ne venait aujourd’hui.

Parti comme il était venu, la voilà maintenant poussée dans l’une des artères principales de la ville, le tout déguisée en endive. La mission s’annonçait ardue, d’autant qu’elle n’aimait ni les lieux bondés, ni discutailler. En toute logique, Yumiya afficha une bouille terrifiante, ses mains tenant au passage la pancarte comme une brutale massue. Et sans surprise, peu l'abordèrent de front. Ce n’est clairement pas gagné…

Quand Kokusen disait non, il n'y avait pas de demi-mesure. Nanashi pouvait très bien en témoigner, lui avait eu de la chance qu'un Lieutenant passait par là pour avoir ce qu'il voulait. D'autres n'avaient pas eu cette chance. Certains avaient cru que Kokusen était instructeur, qu'il avait besoin des autres mais ils n'avaient pas encore compris qu'il préférait être seul. Vraiment seul. Au moins, le genin avait désormais quelques relations, pourrait en jouer à l'avenir si le besoin s'en faisait ressentir.

Malheureusement, on lui avait assigné à une corvée. Un truc à effectuer en duo. Kokusen n'était pas à l'heure du rendez-vous, il n'était clairement pas pressé de s'y rendre, ne comprenait pas sa corvée. Il aurait préféré tout autre chose. Lorsqu'il arriva près du restaurant, au loin, Kokusen pouvait voir un costume d'endive se dandiner devant un homme à la bedaine sévère. Et merde si c'était ça. S'approchant de l'homme alors que celle portant le costume s'était dispersée, Kokusen se présenta rapidement.

- Je suis Kokusen, je devais effectuer une corvée chez vous.
- Ah ! T'es bien à l'heure, toi hein ! T'as de la chance j'ai qu'un costume ! Mais, va retrouver ton amie et aide-là !

Petit haussement d'épaules de la part du soldat impérial. Main dans les poches, il s'avança avec nonchalance jusqu'à là où se trouver cette femme. Lorsqu'il la trouva, le garçon ne pouvait que rire intérieurement du ridicule de son accoutrement. Heureusement, il avait été en retard.

- Kokusen. Je dois t'accompagner pour cette journée enrichissante.

Lança-t-il, en premier lieu auprès de cette femme. Présentation sommaire, pas besoin de lancer tout son pedigree. Il regarda la pancarte, soupira et invita la jeune femme à le lui donner. Quitte à ne pas porter ce costume ridicule, il pouvait au moins porter la pancarte.

Après s’être si succinctement présenté, le jeune homme aurait mieux fait de la jouer discrète. Pour commencer, les retards étaient sa hantise, un comble pour cette femme flirtant trop souvent avec l’insubordination. En plus, il s’était permis un commentaire certes propre en apparence, mais dont la discrète moquerie était criminelle. Comme pour contenir une rage carnassière, ses dents se mirent subtilement à grincer entre elles. Si ce travail ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une corvée militaire, elle n’aurait pas hésité un seul instant à massacrer physiquement. Toutefois, pour toutes ces factures mensuelles à payer et ces réprimandes à éviter, l’archère concéda donc de ne pas en venir aux mains.

— Enrichissante ? s’interrogea amèrement en observant l’homme qui lui tendait les mains.

Ignorant complètement le compromis qui était proposé par Kokusen, Yumiya nourrit davantage d’amertumes lorsqu’elle constata le traitement de faveur qu’il avait reçu malgré son nonchalant retard. En effet, dans cette rue florissante où se croisait la populace de Jujou, elle était bien la seule à devoir se dandiner déguisé en endive. Son homologue ninja s’en était miraculeusement tiré. Pour la jeune femme, il y avait très clairement injustice et il était hors de question de laisser un tel crime impuni. Ainsi donc, elle colla sa face près de son partenaire du jour, puis faisant fi de tout élément extérieur, le sermonna gratuitement.

– Pour l'instant, elle n’a pas l’air de l’être pour toi, mais cela peut s'arranger.  prononça-t-elle, la voix aussi dure que le regard. Si tu veux vivre une journée aussi enrichissante que la mienne, alors je t'invite à enfiler incessamment sous peu ce costume avant que je ne te force à l’enfiler... suréleva-t-elle son propos en y ajoutant une étouffante politesse qui dénotait de son visage trop peu expressif.

Cette tension détestable entre un homme et une endive aurait pu continuer quelques temps. Seulement, un pauvre gamin qui n’avait raté aucune miette de la scène, lâcha d’inattendus sanglots devant le duo. L’âpreté s’évapora alors de la demoiselle pour donner place à une totale incompréhension. Dans ces situations, il ne fallait généralement pas compter sur elle. Pour soulager la tristesse de cet enfant, elle ne savait pas quoi faire. La pédagogie n’était pas du tout son fort et ne le serait sûrement jamais. Régler cet incident pouvait certes paraître prioritaire. Néanmoins, elle ne semblait pas non plus pressée à l’idée de le régler. "Laisser couler", tel était le plan qu'elle avait amorcé…

Comme s'il allait s'impliquer à deux cent pour cent pour une corvée, plus qu'autre chose. Kokusen n'avait pas envie de faire ce genre de travail, il avait tellement d'autres choses bien plus importantes à effectuer. Mais, cette fois-ci, le genin n'avait pas le choix et il était donc arrivé avec quelques minutes de retard. Rapidement, il rejoignit la personne qu'il devait accompagner pour cette journée. Une femme, portant un déguisement d'endive, Kokusen s'était approché pour se présenter très rapidement. Juste son identité, ça suffisait pour le moment.

La journée s'annonçait longue, très très longue. Il n'avait clairement pas envie d'être là, il préférait être ailleurs, n'importe où mais pas ici. Bon, il n'allait quand même pas la laisser faire tout le travail, proposant plutôt de prendre la pancarte plutôt que le déguisement totalement hallucinant d'endive. Kokusen ne mettrait jamais une horreur pareille.

A peine avait-il prononcé ces quelques mots, la kunoichi approchait son visage du sien. Beaucoup trop près à son goût, il pouvait en sentir son haleine. Kokusen n'appréciait pas.

- Il en est hors de question. Ca te va beaucoup mieux qu'à moi, et tente de m'y forcer… Je doute que tu fasses long feu.

Lui répondit-il. Aussi froidement que possible, mais aussi calmement. De quoi bien la faire douter de ce qu'il pouvait être capable. Et, Kokusen était capable de bien des choses. Il ne devait rien à personne. Mais, la tension fut vite désamorcée par un gamin pleurant à leurs côtés. Kokusen s'écarta légèrement de sa "partenaire", regardant le petit. Et... Il ne manquait plus que ça.

- Qu'est-ce-que t'as l'mioche ? Arrête de jacasser dans nos pattes, retourne voir tes parents.
- Mais... *snif* J'sais pas où qu'ils sont mes parents.

Bon. Kokusen tourna son regard vers sa partenaire puis vers le gamin.

- Comment veux-tu qu'on le sache nous ? Fais comme moi, grandis sans parents.

Kokusen venait de révéler une triste vérité concernant son éducation. En effet, comme tant d’autres dans ce monde déchiré par de constantes tensions, il n’avait eu la chance de grandir en compagnie de ses parents. Avec une information si dramatique divulguée, beaucoup auraient abordé le jeune tatoué avec un regard plus empathique. Malheureusement, cette révélation n’était qu’anecdotique pour Yumiya et se noyait dans les autres caractéristiques détestables de l’orphelin. Qu’importe le contexte dans lequel il s’était forgé, il était loin d’être un homme appréciable aux yeux de la critique demoiselle.

— Je n’inviterais pas la pire crapule à prendre exemple sur toi. Décocha-t-elle d’une voix tranchante, le visage pourtant placide.

Très clairement, l’archère nourrissait encore une rancune tenace, à la suite des menaces qui lui avaient été proférées plus tôt. Néanmoins, l’entrée en scène soudaine de ce petit pleurnichard l’avait aidé à retrouver son sang-froid et à s’axer sur ce qui comptait réellement. Le but de cette journée n’était effectivement pas de créer une baston, mais de dire adieu à cette ignoble corvée. Offrir un avis honnête et révélateur à Kokusen n’allait cependant pas contre cette réalité. Ainsi donc, elle continua son assaut verbal, toujours dans cette tonalité cruellement glaciale.

— S’il t’écoute, il va devenir idiot, vulgaire et irresponsable.

Il était important de rappeler que la jeune femme n’avait aucun affect particulier pour les enfants. Elle se servait simplement de celui qu’elle avait sous la main, pour corriger les manières de son interlocuteur. Preuve était qu’elle ne s’était pas accroupie pour être à hauteur de l’enfant et qu’elle le dévisageait aussi sordidement qu’un adulte. Les bras croisés, elle fut alors traversée d’une nouvelle idée impliquant davantage le pauvre bambin.

—  On a qu’à lui demander ça, tiens ! Quel est la personne la plus effrayante entre nous deux ? Demanda-t-elle à cet enfant qu’elle agressait de sa voix intrusive.

L’enfant pleurait toujours, mais paraissait avoir enregistré la question. De toute manière, sa réponse devait tomber rapidement sous peine de goûter à des reproches injustement sévères. Yumiya attendait avec impatience ce verdict qui lui semblait d’une évidence flagrance. Seulement, quelques secondes plus tard, tomba une réponse inattendue : Chaque main du gamin pointant l'un des deux déchets que les instances militaires de Jujou peinaient tant à faire rentrer dans le droit chemin.

—  Eh ? Réagit-elle les yeux s’écarquillant gravement face à ce résultat surprenant. Pour ne pas se voiler la face, elle tenta de rebondir aussitôt avec des accusations qu'elle ne pouvait décemment prouver. Franchement, influencer un misérable enfant, tu fais peine à voir... Balança-t-elle dans un ton autant calme qu'agressif, à son interlocuteur.

Ce devait être une manigance parfaite, acquise dès ses prémices, pourtant, un parfum d'échec planait. Et pour cause, la pauvre n'était une sainte à côté de son interlocuteur, sans parler du fait qu'elle se coltinait un costume affreusement moche d’endive et qu'elle ne semblait plus y faire attention.

Bien heureusement, le pleurnichard était arrivé… Il aurait été malheureux de voir deux soldats impériaux se castagner en plein centre-ville. Oh, c'était une fille ? Kokusen se fichai totalement de ce genre de détail, il n'en faisait clairement pas la distinction et elle voulait l'égalité des sexes, il le lui offrait. Enfin, alors qu'il venait de lui dire qu'il doutait qu'elle fasse long feu contre lui, un gamin s'était approché d'eux, les larmes aux yeux. Visiblement, il avait perdu ses parents et le genin fut froid lorsqu'il lui annonça de faire comme lui, à savoir vivre en tant qu'orphelin. Lui n'avait pas pleuré lorsque ses parents avaient disparus, il s'était tout simplement débrouillé. Comme tout le monde l'aurait fait.

Bon, sa partenaire ne semblait pas d'accord mais qui pouvait l'être ? Kokusen était ce qu'il était, il n'avait jamais annoncé être quelqu'un de bien. Il ne l'était pas, ne le serait très probablement jamais. Et, finalement, sans vraiment chercher les parents du petit, sa partenaire demandait au gamin qui était la personne la plus effrayante des deux. Sans attendre, le gamin, à l'aide de ses deux mains, venait à désigner les deux genins qui lui faisait face, provoquant le rire de Kokusen. Ca venait du cœur celui-là!

- Ca fait peur d'être comme toi, hein… Tu devrais sérieusement consulter.

Il hausas les épaules, puis retourna son regard sur le gamin. Il fallait que le duo se débarrasse de lui, ça allait s'avérer plus compliqué que ça. Il devait trouver une petite solution pour ne pas l'avoir dans les pattes. Oh, il n'avait pas signé pour être baby-sitter, et ce rôle ne lui irait jamais.

- Bon, gamin. Tu vas aller là-bas, y'a le poste de sécurité, ça ne te fera pas de mal.
Peut-être même que tes parents y sont.

Parce qu'ils allaient pas le garder ici avec eux, ils avaient du boulot et Kokusen espérait vite terminer cette journée afin de vaquer à des affaires bien plus importantes et intéressantes. Il lui montra rapidement le poste de sécurité du bout des doigts avant de tourner le dos, et regarder l'endive qui se trouvait à ses côtés.

- Mission à la con... Bon, l'endive, tu t'y mets ? Histoire que je puisse faire rapidement autre chose…

Il parlai sans grande conviction, la misison ne l'enchantait pas du tout. Choppant des mains la pancarte à l'endive, Kokusen la montra à quelques passants, mais ces-derniers l'ignoraient totalement. Fallait dire qu'il n'avait pas du tout la fibre commerciale, le genin !

Devant l'insistant remue-ménage des deux énergumènes, le petit sembla comprendre qu’il était préférable pour lui de ne pas traîner dans leurs pattes. Ainsi, le cœur toujours noué,  il s’éloigna d'eux, tel un chien battu, observée par les pupilles intransigeantes de l'archère. Elle aurait d’ailleurs observé sa lente retraite larmoyante dans sa totalité, si son ‘’coéquipier’’ n’avait pas commis l’audace d’ouvrir sa bouche pour proférer d’irrespectueuses paroles à son égard. Intrusif, il s’était même permis de lui arracher la pancarte des mains pour effrayer de pauvres passants avec. Ce comportement n’allait pas aider à apaiser les tensions entre les deux coéquipiers. Agressivement, l’endive lui agrippa l’épaule pour l’inviter à se retourner :

— L’endive, elle a un nom et c’est Yumiya. HA-GA-KU-RE YU-MI-YA. Déclara-t-elle pugnace, en articulant chaque syllabe caractérisant son identité.

À la suite de cet aparté musclé, Yumiya retira sa main de cette épaule et sut se reconcentrer instantanément sur cette corvée qui polluait leur quotidien respectif. Voyant les piètres performances de son partenaire, elle avait entrepris de partir elle-aussi à la conquête des passants.  Dans son costume bouffi d’endive, son attitude prétentieuse était un trompe-l’œil pouvant faire croire qu’elle avait un total contrôle de la situation. La vérité était malheureusement peu reluisante, cette dernière ne se débrouillant pas mieux que son partenaire. Certains ne la calculèrent pas. Pire, D'autres soufflèrent des gloussements moqueurs, en cause, l'absurde déguisement dans lequel elle tentait ces infructueux accostages. Ses yeux acerbes qu’elle leur adressait en réponse, les frigorifiaient et mettaient en évidence son manque flagrant de répartie ainsi que sa faible patience. Globalement, il était aisé d'affirmer qu'elle n'était pas faite pour appâter une clientèle...

— Quel travail désespérant…  s’agaça-t-elle, les dents grinçant subtilement. Elle se tourna alors vers Kokusen pour le pousser à faire mieux Mets-y du tiens, toi aussi d'ailleurs ! Tu m’as l’air doué pour aboyer en plus... ajouta-t-elle, l'honnêteté beaucoup trop gratuite.

Encore une fois, une tension inutile s’amassait dans l’air. A croire que ces deux-là étaient voués à se cracher éternellement du venin... A défaut d’attirer du monde dans le restaurant du vieil homme enveloppé, leurs querelles avaient l’air d’intéresser l’œil de quelques passants, adeptes de ragots en tout genre. Dans ce lot, se démarqua d’ailleurs un homme à la tenue militaire, qui ne resta pas bien longtemps à l’écart. Avec une démarche rigide, typique des ninjas formés à l’académie militaire, l’homme s’était approché du duo. Puis, si au premier abord, il n’avait pas l’air d’avoir de raison particulière de les interpeler, le pleurnichard qui noyait ses larmes dans le pantalon du gendarme extirpa quelques traits de dégoûts sur le visage de la femme... Voilà un problème qui ne se résolvait toujours pas et qui pouvait même empirer.

Kokusen n’était pas du genre à se laisser faire, et la femme devait s’estimer heureux qu’il n’ait pas réagi alors qu’elle venait de lui agripper l’épaule, désormais les deux se faisant face. Au moins, désormais, il connaissait l’identité de l’endive : Yumiya. Pour son nom, ça ne l’importait clairement pas. Lui n’avait pas de nom, il s’en portait plus que bien.

En tout cas…

- Ouais, tu resteras l’endive.

Kokusen ne comptait pas se montrer sympathique envers la petite femme. Tournant le dos à sa partenaire de mission ennuyante, pancarte en main, Kokusen la montrait à quelques passants mais personne ne semblait s’y intéressé vraiment. Il décida qu’il avait fait son job, n’accostant plus personne et montrant tout simplement la pancarte indiquant les plats et prix du restaurant pour qui il faisait de la publicité. Mauvaise publicité.

- Visiblement celle qui aboie le plus est juste à côté de moi… Endive.

Une pique de plus, mais Kokusen était toujours loin d’être le plus cool et sympathique du village. Et alors qu’ils continuaient de se brouiller, un homme s’était approché d’eux, porteur de l’uniforme de l’armée impériale, il était accompagné du gamin que Kokusen avait renvoyé.

- Un soucis ?

Demanda alors Kokusen, il s’agissait là que d’un homme de l’armée, non porteur de chakra, il n’était rien aux yeux de celui qui manipulait les sceaux. De la broutille, la chair à canons que l’on envoyait en premier sur un champ de bataille. Le regard de Kokusen était froid, pouvant faire apeuré n’importe quel faible d’esprit mais visiblement cet homme avait déjà côtoyé des shinobis.

- Vous allez trouver ses parents.

Disait-il à l’attention des deux ninjas, visiblement décidé à ne pas leur laisser le choix. Kokusen soupira.

- Deja occupés. T’as l’air de n’avoir rien à faire, occupe-t-en.

Les problèmes, oui. Même un devin de pacotille les aurait perçus à travers cet enchevêtrement grotesque d’évènements. À croire que le karma voulait avoir raison de cette archère, si peu impliquée pour son village. Le soldat impérial qui avait fait irruption dans sa journée illustrait justement cet implacable jugement divin. Accompagnée du gamin qu’elle avait tout à l’heure menacé de ses pupilles glaçantes, il la mettait en face de ses crimes et notamment de son comportement inapproprié. Néanmoins, malgré cette machination céleste, les réticences de Yumiya ne faiblirent guère. Cette tâche ne lui ayant pas été affectée directement par ses véritables supérieures, elle n’envisagea pas un instant d’y allouer du temps. Ainsi donc, une ferme réponse jaillit de ses lèvres.

— Ce travail ne me concerne pas. Tu vois bien que j’ai à faire. Son long soupir anima toute la carcasse tissée qu’elle se trimballait.

Pour une fois, son avis convergeait vers celui de Kokusen, mais elle ficha complètement de cette anomalie. Sa détestation des gosses n’était pas le nœud du problème. En effet, ses yeux n’avaient en ligne de mire, rien d’autre que la fin de cette corvée militaire et sa simple existence mettait fin à toute négociation possible. Campée sur sa position, Yumiya concéda toutefois d’étayer son refus. L’envie de converser davantage manquait cruellement. Seulement, il semblait que seul ce moyen fonctionnerait pour chasser ce soldat persistent…

— Pour ma part, je n’aime pas les gosses.  Haussa-t-elle les épaules, en toute normalité. Elle eut ensuite quelques mots pour justifier ô combien son homologue ninja était à son tour inapte à la gestion d’un enfant. Quant à lui, je ne pense pas qu’il soit raisonnable de donner quelque chose de vivant à cet homme…  le pointa-t-elle alors avec son pouce, tout en le dévisageant.

L’endive était honnête et c’était là son plus grand défaut. Elle ne mesurait pas l’ampleur de ses mots, les considérant tous avec égalité. De toute façon, ces paroles étaient principalement destinées au soldat impérial, qui esquissa une mine dubitative. Il n’avait pas l’air complètement convaincu pour autant. Un nouvel effort s’ajouta à la journée de la demoiselle qui déterra soudainement un argument décisif. Elle s’exaspéra d’ailleurs de ne pas y avoir pensé plus tôt…

— Cela étant, tu es libre d’enfiler ce costume d’endive et de t’acquitter de notre corvée si tu veux… joua-t-elle carte sur table, en lui faisant miroiter ce costume fantasque de légumes.

Qui sait, peut-être était-il aveuglé par la beauté de ce costume et qu’il souhaitait se pavaner avec dans le village. Yumiya n’en avait la certitude, mais ne perdait rien à espérer cette éventualité.

Il n'avait tout simplement aucune envie d'être ici, clairement. Kokusen avait tellement d'autres choses à faire, visiblement ce n'était pas suffisant. Le soldat impérial s'était approché du duo nouvellement crée en cette journée avec le gamin que Kokusen avait rembarré du certaine manière. Peut-être pas si poli que cela, mais bon. De son côté, le tatoué envoya bouler le soldat d'une manière peu poli. Il s'en fichait totalement, ç'aurait été du pareil au même avec un gradé de toute les façons. Kokusen ne faisait pas dans la dentelle, et visiblement, la Hagakure était du même acabit que lui.

D'ailleurs, elle en profita pour lancer une pique au tatoué et ça, il ne pouvait décidemment pas le laisser passer. Loin d'être le genre à se laisser faire, Kokusen répondit rapidement.

- Je pense que ce sont les gosses qui t'apprécient pas, n'est-ce-pas ?

Il n'y avait rien à apprécier, d'ailleurs chez elle. Elle avait même une coupe ringarde, que Kokusen voulait se moquer encore et encore. Mais, il allait faire preuve d'un peu plus de maturité. En tout cas, le duo nouvellement crée pour la journée avait fait comprendre au militaire qu'il ne l'aiderait pas.

Le militaire leur disait qu'ils allaient entendre parler de lui, tournant le dos pour quitter les lieux alors que le gamin leur tirait la langue pour suivre le militaire. Quant à Kokusen, il soupira une énième fois et balança la pancarte qu'il tenait en direction de Yumiya.

- Bon, j'ai mieux à faire, salut.

Ouais, il n'avait vraiment pas envie et préférait donc vaquer à d'autres occupations bien plus intéressantes. Il repensait aussi à ce que Shishio lui avait demandé : trouver un autre membre pour l'escouade, néanmoins Kokusen n'était pas un recruteur et il n'allait pas écouter les ordres du Jônin. Pas du tout, il avait juste envie de lui dire : démerde toi, tout seul.